Comment réduire votre ISF ?

Si vous déteniez au 1er janvier 2017 un patrimoine d’une valeur supérieure à 1,3 million d’euros[1], vous êtes redevable de l’Impôt de solidarité sur la Fortune (ISF) et devez à ce titre le déclarer en mai ou en juin 2017 selon l’importance de votre patrimoine (cf. notre article “Calendrier fiscal 2017).

En 2015, cet impôt concernait 342.942 Français et a rapporté 5,224 milliards d’euros à l’État[2]. La loi de finances pour 2017[3] prévoit qu’il devrait rapporter 5,4 milliards d’euros cette année, soit 1,3% des recettes fiscales totales.

Depuis sa création en 1982, sa suppression en 1987 puis son rétablissement sous son nom actuel en 1989, l’ISF ne laisse aucun Français indifférent. Ses partisans y voient un impôt juste et légitimé par la solidarité nationale, tandis que ses opposants considèrent qu’il est confiscatoire, peu rentable pour l’Etat et source de fuite des investisseurs français puisqu’il taxe le capital même si ce dernier ne génère aucun revenu. Cet impôt est d’ailleurs devenu une particularité française puisque l’imposition de l’ensemble du patrimoine a plutôt tendance à disparaître dans les Etats de l’Union européenne depuis les années 1990.

Malgré des promesses électorales récentes tendant à sa suppression (cf. notre article « 2017 : vers une possible suppression de l’ISF ? »), deux tiers des Français[4] restent favorables au maintien de cet impôt taxant la détention du patrimoine.

Le vainqueur de l’élection présidentielle Emmanuel Macron a son idée sur le sujet. Il souhaite transformer l’ISF en « Impôt sur la fortune immobilière » (ISFI) afin de taxer uniquement le patrimoine immobilier. Le patrimoine financier serait donc exclu de ce nouvel impôt. Les taux et les barèmes de l’impôt resteraient inchangés par rapport à la version actuelle de l’ISF, de même que l’abattement de 30% sur la résidence principale. L’objectif du nouveau Président de la République est d’inciter les Français à investir leur épargne dans l’économie réelle : actions, parts sociales, titres d’entreprises, lesquels deviendraient exonérés d’ISF. Cette proposition de supprimer « la part de l’ISF qui finance l’économie » pour que cet impôt taxe « la rente immobilière » est approuvée par une majorité de Français (53%) selon le sondage Odoxa précité.

Si cette réforme doit être mise en œuvre « vraisemblablement en 2019 », d’après l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron, il n’en demeure pas moins que l’ISF dû au titre du patrimoine imposable au 1er janvier 2017 sera bel et bien recouvré.

Rappelons à ce titre que l’ISF est un impôt progressif. Si votre patrimoine doit être supérieur à 1,3 million pour être assujetti à l’ISF, celui-ci est perçu dès 800.000 euros, ce qui équivaut au seuil de la première tranche d’imposition. Au-delà de ce seuil de 800.000 euros, il y a cinq tranches d’impositions dont le taux applicable varie entre 0,5% et 1,5%. En outre, la règle du plafonnement de l’ISF, instaurée en 2013[5], permet d’éviter que la somme des impôts dus[6] par les redevables excède 75% de leurs revenus. En cas d’excédant, celui-ci vient en diminution de l’ISF à payer (dans la limite de l’ISF dû).

Au-delà de cette règle, nous tenons à vous rappeler les deux moyens permettant de réduire votre ISF : minorer votre assiette imposable, en remplaçant des biens imposables par des biens exonérés, ou obtenir des réductions d’impôts grâce à certains investissements.

Minorer votre assiette imposable grâce aux exonérations

Pour rappel, tous les biens, droits et valeurs rentrent par principe dans l’assiette imposable à l’ISF : les immeubles, titres de sociétés, fonds de commerce ou clientèle, actifs financiers (notamment contrats d’assurance-vie rachetables), créances, véhicules de toute nature (voitures, bateaux, avions, etc.), chevaux de course, meubles meublant, l’or, les bijoux et métaux précieux, etc. Les dettes se rapportant à un bien imposable sont déductibles de la valeur de votre patrimoine, sauf dans certains cas[7].

Toutefois, certains biens sont partiellement ou totalement exonérés. La liste est limitative et compte notamment les biens professionnels, parts ou actions de sociétés détenues par les associés dirigeants, objets d’antiquité (plus de 100 ans) d’art ou de collection[8], bois, forêts et parts de groupement forestier, biens loués en meublé à titre professionnel (LMP)[9]. Pour réduire votre ISF, vous pouvez donc céder des biens imposables et réinvestir le prix de cession dans des biens exonérés.

Vous pouvez également procéder à une acquisition immobilière en nue-propriété. En effet, en cas de démembrement de propriété[10], le bien est soumis à l’ISF pour sa valeur en pleine propriété entre les mains de l’usufruitier[11]. Le nu-propriétaire est donc totalement exonéré. Une alternative est d’effectuer une donation temporaire d’usufruit d’un de vos biens à votre enfant par exemple, afin de faire sortir la valeur du bien de votre patrimoine soumis à l’ISF. C’est alors votre enfant qui devra déclarer la valeur du bien en pleine propriété, ce qui sera sans incidence fiscale pour lui s’il a un patrimoine inférieur à 1,3 million d’euros et n’est ainsi pas redevable de l’ISF.

Une autre astuce est d’épargner pour sa retraite via un contrat Madelin, un plan d’épargne retraite populaire (PERP) ou un plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO). La valeur de capitalisation de ces contrats est exonérée d’ISF, pendant la phase de constitution de l’épargne avant la retraite (sauf pour les primes versées après les 70 ans de l’assuré), mais aussi pendant la phase de restitution durant la retraite, sous conditions (retraite constituée dans le cadre d’une activité professionnelle ; primes versées de manière régulière pendant au moins quinze ans, liquidation des droits au plus tôt à l’âge de départ à la retraite).

Vous pouvez également opter pour un contrat de capitalisation en lieu et place d’un contrat d’assurance-vie. Une tolérance de l’administration fiscale autorise à ne déclarer le contrat de capitalisation que pour sa valeur de rachat nominale (et non pas pour sa valeur totale de rachat), c’est-à-dire pour le montant des primes versées : les produits capitalisés sont exonérés de taxation à l’ISF.

Toutefois, il convient de noter que ces stratégies de diminution de l’assiette imposable ne sont pas efficaces pour diminuer l’ISF acquitté cette année puisque la valeur retenue de votre patrimoine est celle du 1er janvier 2017. Toute modification durant l’année d’imposition n’a pas d’effet sur le montant dû de l’impôt. Elles seront en revanche efficaces pour diminuer l’ISF des années suivantes.

Diminuer le montant de votre ISF grâce aux réductions d’impôt

Pour réduire votre ISF dès 2017, vous pouvez investir avant la date limite de déclaration de votre ISF dans un des dispositifs de défiscalisation prévues par la loi.

La souscription (directe ou via une holding-ISF) au capital de Petites et Moyennes Entreprises (PME) non cotées ouvre droit à une réduction d’ISF égale à 50 % de vos versements, plafonnée à 45.000 € par an (ce qui correspond donc à un versement maximum de 90.000 €), à condition notamment de conserver les titres pendant 5 ans[12] (cf. notre article « Investir au capital de PME non cotées pour réduire son ISF »).

Si vous souhaitez investir dans des PME non cotées, mais pour des montants moins élevés et en diversifiant votre placement sur un plus grand nombre de sociétés, vous pouvez aussi choisir de souscrire des parts de Fonds Communs de Placement dans l’Innovation (FCPI) et/ou de Fonds d’Investissement de Proximité (FIP). Ces fonds sont des placements collectifs, gérés par une société de gestion sous le contrôle de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), qui investissent dans des PME non cotées respectant certains critères imposés par le Code Monétaire et Financier (des PME innovantes pour les FCPI, des PME situées dans la zone géographique choisie par le fonds et limitée à 4 régions limitrophes pour les FIP). Les FCPI et les FIP ouvrent droit à une réduction d‘impôt de 50%[13], dans les limites annuelles de 18.000€, toutes réductions de FIP et FCPI confondues, et de 45.000€, toutes réductions confondues pour investissements dans les PME, FIP, FCPI et dons en faveur de certains organismes.

Vous pouvez enfin vous lancer dans le mécénat et imputer sur le montant de votre ISF, dans la limite annuelle de 50 000 €, 75% des dons effectués au profit de certains organismes, notamment des fondations reconnues d’utilité publique et des établissements de recherche ou d’enseignement supérieur ou d’enseignement artistique publics ou privés, d’intérêt général, à but non lucratif[14].

Dans tous les cas, qu’il s’agisse de minorer votre assiette imposable grâce aux exonérations ou de bénéficier de réductions d’impôt, l’opération permettant de réduire votre ISF devra être intégrée dans votre stratégie patrimoniale globale.

[1] Article 885 A du Code Général des Impôts (CGI).

[2] https://www.impots.gouv.fr/portail/statistiques.

[3] Loi n°2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

[4] 65% des Français veulent que l’ISF soit maintenu : sondage réalisé par Odoxa pour Les Échos et Radio Classique, en mars 2017, disponible sur http://www.odoxa.fr/les-sondages/.

[5] Article 885 V bis du Code général des impôts.

[6] Au titre de la somme de l’impôt sur le revenu et prélèvements sociaux de l’année N-1 et de l’ISF de l’année N.

[7] Article 885 Z du CGI.

[8] Article 885I du CGI.

[9] 885R du CGI, sous réserve de respecter les conditions du loueur meublé professionnel (LMP) : être inscrit au Registre du Commerce et des Sociétés, avoir plus de 23 000 euros de recettes annuelles, lesquels doivent en outre représenter plus de 50% des revenus professionnels du foyer fiscal.

[10] Le démembrement de propriété est une situation juridique où une personne (l’usufruitier) jouit d’un bien qui est la propriété d’une autre personne (le nu-propriétaire). La naissance de tels démembrements de propriété résulte généralement d’un décès ou d’une donation d’un droit d’usufruit ou de nue-propriété (C.civ. art. 578 et suivants).

[11] Article 885 G du CGI

[12] Article 885-0 V bis du CGI.

[13] Ce taux s’applique sur le montant des versements nets de frais de souscription retenus à hauteur du pourcentage investi par le fonds dans des titres de PME éligibles à la réduction. Par exemple, pour un investissement de 15 000 € dans un FIP composé à 70 % de société éligibles, la réduction d’ISF est de 5 250 € (50 % x 70 % x 15 000 €).

[14] Article 885-0 V bis A du CGI et Instruction de l’administration fiscale en date du 9 juin 2008.