Bien choisir sa solution de capital-investissement (Holding ISF, FCPI, FIP)

Le secteur de l’investissement au capital de sociétés non cotées se porte très bien en France, comme le révèle la dernière étude de l’AFIC[1] sur l’activité des acteurs français du capital-investissement en 2016[2]. Avec des levées de capitaux record de 14,7 milliards d’euros (+51% par rapport à 2015), l’année 2016 montre une grande attractivité du marché français du private equity. Autres chiffres records : 12,4 milliards d’euros ont été investis dans près de 1.900 start-up, PME et ETI françaises[3], faisant ainsi de 2016 la 4ème année consécutive de hausse des montants investis. Ce sont enfin 1400 entreprises qui ont fait évoluer leur actionnariat, signe de la liquidité de ce secteur et de l’attractivité des start-up, PME et ETI françaises.

Force est de constater que les personnes physiques et les family offices, avec plus de de 2,2 milliards d’euros souscrits (15 % des capitaux levés), figurent parmi les premiers contributeurs de cette collecte dans le non coté, derrière les compagnies d’assurances, les mutuelles et les fonds de fonds, mais devant les caisses de retraite, les fonds souverains, les banques et le secteur public.

Cet appétit des investisseurs particuliers pour le non coté s’explique notamment par les incitations fiscales accordées par la loi Dutreil[4] de 2003 et la loi TEPA de 2007[5]. Le capital investissement peut en effet être utilisé comme une solution de diversification patrimoniale et de défiscalisation présentant de multiples points forts, comme nous vous l’avons rappelé en détail dans nos articles précédents (cf. nos articles « Investir au capital de PME non cotées pour réduire son ISF » et « Comment réduire vote IR »).

L’investissement dans cet actif alternatif nécessite un vrai travail de sélection en amont, puis d’intégration dans la stratégie patrimoniale, et enfin de suivi jusqu’à son terme. A ce titre, nous souhaitons vous indiquer les points à surveiller lorsque vous investissez dans le non coté.

Anticiper la date limite de souscription

Pour obtenir une réduction sur votre Impôt sur le Revenu (IR), vous avez jusqu’au 31 décembre de l’année concernée pour souscrire. En revanche, s’agissant de la réduction de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF), vous devez souscrire avant la date limite de déclaration, au plus tard le 15 juin de l’année au titre de laquelle vous souhaitez défiscaliser (cf. notre Calendrier fiscal). Cependant, la plupart des sociétés de gestion fixent une date limite de souscription plus avancée (entre le 1er et le 10 juin) afin de s’assurer que le contribuable ISF sera investi à temps pour bénéficier de la réduction d’impôt.

Vérifier l’expertise et les références de la société de gestion

Plusieurs sociétés de gestion spécialistes du capital-investissement et de la sélection de PME non cotées offrent leurs solutions à des investisseurs particuliers. Il convient de vérifier leurs années d’expérience, leur montant d’actifs sous gestion, le nombre de sociétés déjà financées et accompagnées, l’expertise des professionnels composant l’équipe de gestion. Il est également intéressant de regarder où se situe la société de gestion sur le marché, en étudiant les différents classements et indicateurs : quelles sont les sociétés de capital-investissement françaises les plus actives (en nombre de sociétés financées et en montant investi) ? Quelles sont les fonds classés parmi les meilleurs « farmers » (fonds qui ont apporté des capitaux à des sociétés déjà financées) et « hunters » (fonds qui ont apportés des capitaux à des sociétés non déjà financées) ?

Analyser la stratégie d’investissement et les performances de la société de gestion

La performance de votre investissement dépendra du succès des sociétés détenues en portefeuille par la holding ISF ou par le Fonds Commun de Placement de l’Innovation (FCPI) et/ou Fonds d’Investissement de Proximité (FIP). Il est donc primordial de s’attacher à étudier le processus de sélection des sociétés cibles et la stratégie d’investissement mise en œuvre par la société de gestion : diversification (nombre de sociétés en portefeuille), zones géographiques et secteurs d’activités privilégiés.

Les FCPI, qui doivent être investies à hauteur de 70% de leur actif dans des sociétés innovantes, ainsi que certains FIP et holding ISF ont une politique d’investissement axée sur les technologies innovantes : économie numérique, digital, santé, cybersécurité, technologie environnementale (greentech et cleantech). Au contraire, d’autres fonds privilégieront des secteurs traditionnels sans composante technologique ou scientifique trop prononcée, et dont la croissance s’appuie sur un savoir-faire et un avantage concurrentiel établi, tels que le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, les biens de consommation et le luxe, la distribution spécialisée, les commerces de détail et franchises, ou encore les résidences séniors.

Outre le secteur d’activité, les spécificités de chacun des segments de financement auront une influence sur le choix du produit de private equity. L’activité du capital-investissement est en effet constituée de quatre segments, chacun correspondant à une étape clé de la vie des entreprises non cotées : le capital-risque (ou capital-innovation) pour la création d’entreprises et le financement de nouvelles technologies, le capital-développement pour les entreprises de croissance et à fort potentiel de développement, le capital-transmission pour l’acquisition, la transmission ou la cession d’entreprises, le capital-retournement pour le rachat d’entreprises en difficulté. Les plus belles perspectives de gain sont présentes au stade de la création d’entreprises et du financement de nouvelles technologies. C’est aussi l‘intervention la plus risquée, en raison des incertitudes qui pèsent sur la technologie développée, son marché potentiel, et la capacité de l’équipe dirigeante à structurer une entreprise autour d’une idée novatrice.

Au-delà de la stratégie d’investissement annoncée, il convient également de se procurer le track-record de la société de gestion, qui retrace les performances réalisées par le passé dans le cadre des fonds qu’elle a commercialisés.

Mesurer l’impact du plafonnement de la performance et du carried-interest

Pour accéder au capital de sociétés attractives et faciliter la cession ultérieure de ses participations, une holding ISF co-investit aux côtés des dirigeants et des actionnaires historiques des PME cibles en leur accordant une option d’achat des titres souscrits pour un prix prédéterminé, souvent fixé entre 110 et 150% de l’investissement initial. Par exemple, si lors de la revente de la PME, celle-ci a réalisé une performance de 200% mais que ses dirigeants exercent leur option d’achat fixée à 120% du prix initial, la performance perçue par l’investisseur reste certes positive (+20%) mais le mécanisme d’option aura induit une sous-performance de 80% : il ne permet donc pas de profiter pleinement de la hausse. Ce mécanisme limite la plus-value potentielle réalisée par la holding ISF en cas de scénario optimiste alors que cette dernière reste exposée à un risque de perte en capital si l’investissement évoluait défavorablement (scénario pessimiste).

Ce plafonnement de la performance n’est pas prévue par toutes les sociétés de gestion, certaines préférant privilégier des sociétés moins prisées mais situées sur des secteurs de niche, moins concurrentielles, et à fort potentiel de croissance.

Par ailleurs, lors de la liquidation du fonds, la société de gestion peut s’être réservée un intéressement à la performance (dit carried-interest). Concrètement, il s’agit de la part (généralement fixée à 20%) des produits et des plus-values (nettes de frais) du fonds qui reviendra à l’équipe de gestion, sous condition que soit atteinte une performance minimale (le hurdle). Le solde de 80% est alors partagé entre les investisseurs. Cette règle permet un alignement d’intérêts entre le souscripteur particulier et l’équipe de gestion, laquelle souscrira elle-aussi des parts et aura donc intérêt à la réussite de ses investissements.

Surveiller le montant des frais et commissions

Pour juger de l’opportunité de votre investissement, il convient également de surveiller les frais prélevés par la société de gestion et le distributeur du fonds sur la durée totale de l’investissement.

Un particulier choisissant d’investir via une holding ISF n’aura en principe pas de droits d’entrée à acquitter puisque la holding prélèvera les frais aux sociétés financées, à hauteur de 5% maximum de son investissement. En revanche, un souscripteur de parts de FCPI ou de FIP devra généralement payer des frais d’entrée représentant entre 2% et 5% des montants investis.

Quant aux frais de gestion, le bon indicateur est le taux de frais annuels moyens (TFAM) maximaux sur la durée de l’investissement, qui peut varier de 3,2% à 4,8% selon la société de gestion.

Un décret du 21 décembre 2016[6] est d’ailleurs venu plafonner les frais des produits ISF-PME en disposant que le montant des frais et commissions directs et indirects imputés au titre d’un même versement (hors droits d’entrée) ne peut pas représenter plus de 30% (toutes taxes comprises) au total des montants souscrits, quelle que soit la durée de l’investissement.

Calibrer le montant de l’investissement en fonction de l’impôt dû

L’investisseur particulier doit décider du montant qu’il investit dans le non coté en fonction de la réduction d’impôt qu’il recherche.

S’agissant de l’ISF, les souscriptions au capital de PME non cotées françaises et européennes ouvrent droit à une réduction d’ISF égale à 50% du montant investi[7]. Cette réduction est plafonnée à 45.000€ (ce qui correspond à un versement maximal de 90.000€) dans le cas des souscriptions directes au capital de PME et des souscriptions indirectes via une holding ISF, et à 18.000 € (ce qui correspond à un versement maximal de 36.000€) dans le cas des souscriptions de parts de FCPI et FIP.

Quant à l’IR, ces souscriptions dans le non coté font bénéficier d’une réduction d’impôt fixée à 18% du montant des versements[8], plafonnée à 9.000€ (célibataire, veuf ou divorcé) ou 18.000€ (couple marié ou lié par un PACS soumis à une imposition commune) dans le cas des souscriptions directes au capital de PME, et à 2.160€ (célibataire) ou 4.320€ (couple) dans le cas des souscriptions de parts de FCPI et FIP. Cette réduction est en outre plafonnée à 10.000 € par an au titre de la règle générale du plafonnement global des niches fiscales[9].

Un contribuable fortement imposé à l’ISF devra donc se tourner vers les souscriptions de parts de holding ISF, lesquelles permettent la réduction d’impôt la plus importante. Au contraire, un contribuable peu ou pas imposé à l’ISF, ou cherchant à diminuer son IR, pourra choisir d’investir dans les FCPI ou FIP.

Limiter l’investissement à 10% du montant de votre patrimoine

L’analyse préalable de la valeur et de la composition de votre patrimoine permet de déterminer le poids de l’investissement recherché par rapport à votre patrimoine global.

Le capital investissement étant un actif alternatif de diversification présentant des contraintes (durée de détention longue, faible liquidité) et même un risque de perte partielle voire totale du capital, les sommes investies ne peuvent représenter qu’une part minoritaire de votre patrimoine : 10% aux maximum. De manière exceptionnelle, certains profils tels que les chefs d’entreprise ayant revendu leur société et ayant une connaissance approfondie d’un marché spécifique, pourront consacrer jusqu’à 20 à 30 % de leur patrimoine à l’investissement dans les sociétés non cotées.

Etaler l’investissement dans la durée

La performance du placement n’est pas garantie et dépendra du succès des entreprises financées. Les écarts de performance, parfois considérables, peuvent exister entre des fonds de capital-investissement, en fonction des années. C’est ce qu’on appelle l’effet millésime. De tous les facteurs de réussite d’une stratégie d’investissement en private equity, cet effet millésime est sans doute le plus fondamental : mieux vaut investir un peu chaque année qu’une seule fois massivement. Cette logique d’engagements réguliers dans la durée est primordiale afin de maintenir une exposition réelle constante et de traverser les cycles économiques, notamment ceux qui seraient défavorables.

Un investissement sur le long terme

Le bénéfice de la réduction d’impôt est subordonné à la conservation par l’investisseur de ses titres de sociétés jusqu’au 31 décembre de la 5ème année suivant sa souscription. Pour une holding ISF, une autre obligation est faite au souscripteur de ne pas demander le remboursement de ses apports avant la 7ème année. Toute sortie anticipée entraine la remise en cause de l’avantage fiscal, sauf quelques cas légaux de déblocage anticipé[10]. De plus, l’investisseur doit être pleinement conscient de la faible liquidité des titres et du marché secondaire réduit (les titres n’étant pas cotés sur un marché d’instruments financiers), ce qui peut engendrer une conservation des titres au-delà du terme de la période fiscale de détention obligatoire. L’horizon de placement peut donc être retardé en cas de difficulté pour le fonds d’investissement à céder les titres, et peut aller de 7 à 9 ans. L’investisseur doit donc s’assurer de ne pas avoir besoin des sommes investies avant la clôture du fonds.

Le capital-investissement convient donc à des personnes ayant déjà par ailleurs des actifs peu risqués ou des actifs risqués mais fortement liquides, c’est-à-dire facilement cessibles, tels qu’un portefeuille de valeurs mobilières, un contrat d’assurance-vie ou de capitalisation permettant d’effectuer des rachats, etc.

Ne pas inscrire les titres sur un autre support défiscalisant (PEA, PEA-PME, PEE, PEI, PERCO)

Il n’est en effet pas possible de cumuler les avantages fiscaux accordés au titre des souscriptions au capital de PME non cotées ou de parts de FCPI et FIP avec les avantages fiscaux prévus par un support défiscalisant.

Afin de réussir votre investissement dans cet actif défiscalisant, au potentiel de rendement élevé, décorrélé des marchés boursiers, et tenant un rôle économique et social essentiel, faites-vous accompagner par un professionnel du conseil en gestion de patrimoine ayant réalisé une analyse comparative des acteurs du private equity.

[1] L’AFIC (Association Française des Investisseurs pour la Croissance) est une association professionnelle reconnue par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) et qui regroupe la quasi-totalité des équipes de capital-investissement actives en France.

[2] Etude AFIC/Grant Thornton du 28 mars 2017 disponible sur le site officiel de l’AFIC : http://www.afic.asso.fr.

[3] Petites et Moyennes Entreprises (PME) et Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI).

[4] Loi n°2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique, dite loi Dutreil.

[5] Loi n°2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA.

[6] Décret n° 2016-1794 du 21 décembre 2016 pris en application du deuxième alinéa du VII de l’article 885-0 V bis du code général des impôts.

[7] Article 885-0 V bis du Code général des impôts (CGI).

[8] Article 199 terdecies-0 A du CGI.

[9] Article 200-0 A du CGI.

[10] Décès, invalidité, ou licenciement du contribuable ou de l’un des époux ou partenaire de PACS soumis à imposition commune.