Eric Simonnet (Triodos IM) : « Les labels doivent renforcer leurs exclusions sectorielles »

Dans le cadre de la gestion de fonds étiquetés « investissement socialement responsable », les gérants procèdent, le plus souvent, à l’exclusion de certains secteurs ou activités controversés. Ces derniers refusant ainsi d’investir dans des sociétés liées, par exemple, aux armes (armes à sous-munitions, mines antipersonnel, armes chimiques), au tabac ou encore à l’alcool. Mais quelles sont les exclusions les plus couramment appliquées ? Que recouvrent les labels durables ? Qu’en est-il des énergies fossiles ? Eric Simonnet, responsable des relations investisseurs chez Triodos Investment Management, se penchent pour nous sur les politiques d’exclusions sectorielles des gérants d’actifs.

Scala Patrimoine. Quelles sont les principales exclusions prévues par les grandes initiatives internationales (UNPRI …) ?

Les grandes initiatives internationales telles que les UNPRI, le Global Compact, le GIIN mettent en œuvre des exclusions que l’on pourrait qualifier de traditionnelles et qui sont principalement liées aux énergies fossiles, conventionnelles ou non-conventionnelles. Des exclusions qui concernent également l’armement. Soulignons également que depuis les années 70, aux États-Unis, la finance dite « éthique » intègre l’exclusion de certains secteurs comme le tabac, l’alcool, la pornographie, le charbon.

Scala Patrimoine. Quelles exclusions Triodos applique-t-il ? Qu’en est-il des énergies fossiles ?

En dehors des grandes exclusions traditionnelles précédemment citées, Triodos va exclure toutes les énergies fossiles, que cela soit l’exploration, la production ou la distribution. Sont donc écartés le gaz, le gaz de schiste, le pétrole, les énergies conventionnelles et non conventionnelles. À cela vont notamment s’ajouter des exclusions sur l’armement, sur les polluants organiques persistants, les pesticides et les OGM.

« On se doit d’avoir une grille d’exclusion importante, quitte à avoir des disparités sectorielles fortes dans les portefeuilles »

Scala Patrimoine. Les labels dédiés à l’investissement responsable doivent-ils renforcer leurs politiques dans ce domaine ?

Oui, et ils doivent renforcer ces exclusions sectorielles, notamment à cause d’une disparité entre les labels au niveau européen. L’un des labels les plus avancés sur les exclusions est le label belge Towards Sustainability. Or, celui-ci est lui-même en train de se réformer pour être encore plus strict. Le label allemand FNG ou le Swan Ecolabel dans les pays nordiques sont également très stricts sur les exclusions appliquées.

En France, nous avons une variété de labels (Label GreenFin, Le Label Finansol sur la finance solidaire ou encore le label ISR). Le Label ISR fait d’ailleurs aussi l’Object d’une réforme d’envergure. Mais jusqu’à présent, nous dirons poliment que nous ne sommes pas au niveau des attentes européennes concernant les exclusions, notamment sur les énergies fossiles. Ces derniers mois, ce débat a d’ailleurs pris beaucoup d’énergie et de temps lors des discussions autour de la réforme de ce label.

Scala Patrimoine. Ces différentes exclusions s’opposent-elles aux approches reposant sur l’inclusion, autrement dit la progression des entreprises se trouvant dans des secteurs peu vertueux par nature ?

L’inclusion des sociétés les moins vertueuses est un vrai débat, notamment en France. Et je pense que c’est lié à la perception que nous avons de l’investissement responsable. Le respect des critères ESG, souvent mis en avant dans le cadre de l’investissement responsable, et l’investissement à impact sont pourtant deux choses différentes. Lorsqu’un gérant adopte des critères environnementaux, sociaux ou de gouvernance, il peut être en mesure d’inclure des sociétés peu vertueuses au sein de son portefeuille, tout simplement parce qu’elles remplissent un certain nombre de critères, adoptent une approche ou implémentent des changements considérés comme pertinents.

Mais si les investisseurs veulent vraiment avoir un impact positif sur la société, sur l’environnement, il ne me semble guère possible de faire l’impasse sur ces exclusions, notamment sur les énergies fossiles. Prenons l’exemple d’une grande société comme Total Énergies. Certes, le groupe français est en train d’essayer de changer, en investissant dans les énergies renouvelables. Mais le problème, c’est qu’en parallèle ils continuent de mettre en œuvre des activités et des projets portant une atteinte très importante à l’environnement. C’est notamment le cas avec projet EACOP en Afrique de l’Est. Cela soulève de nombreuses interrogations sur la dimension responsable d’un investissement. Et c’est sur ces points que Triodos IM n’est pas d’accord. On se doit d’avoir une grille d’exclusion importante, quitte à avoir des disparités sectorielles fortes dans les portefeuilles.