Private equity : quelles opportunités ?
Incertitudes économiques, hausse massive des taux d’intérêt, baisse substantielle des levées de fond … les nuages s’amoncellent au-dessus du marché du private equity. Pourtant, les opportunités n’ont – semble-t-il – jamais été aussi nombreuses. Pierre-Olivier Desplanches, Directeur général chez Archinvest, se confie, sans langue de bois, sur l’état de santé du marché du capital-investissement.
Scala Patrimoine. Le second semestre 2022 témoignait d’un ralentissement du marché du capital investissement, tant sur les transactions que sur les levées de fonds. Qu’en est-il pour le premier semestre 2023 ?
Pierre-Olivier Desplanches. Nous anticipons une situation assez similaire à celle du deuxième semestre 2022. Le marché du capital investissement est, en effet, très impacté par la baisse des indices boursiers, notamment aux États-Unis. Les institutionnels subissent de ce fait une réduction très importante de leur dénominateur, et présentent une exposition au private equity trop élevée par rapport à leur allocation initiale. C’est pour cette raison que les levées de fonds ralentissent.
Sur le plan transactionnel, avec l’augmentation des taux d’intérêt, les acheteurs ne sont plus en capacité de payer les prix attendus par les vendeurs. Vendeurs et acquéreurs se regardent donc en chiens de faïence. Les vendeurs s’attendent à des prix en ligne avec ce qu’ils ont connu dans les années où les taux d’intérêt étaient extrêmement faibles. Or, nous sommes dans un nouveau paradigme. Ces prix ne peuvent plus être atteints. Ces problèmes se résorberont toutefois d’eux-mêmes, dans le courant de l’année 2024.
Scala Patrimoine. Les conditions macroéconomiques plus difficiles et l’augmentation du coût du capital peuvent-il fragiliser les fonds de private equity ?
C’est une très bonne question, mais je pense qu’il faut séparer plusieurs types de fonds.
Vous avez au cours des dernières années des fonds qui ont acheté des sociétés relativement moyennes à des valorisations très importantes, car il y avait beaucoup d’argent sur le marché. Les taux d’intérêt étaient aussi extrêmement bas et les banques prêtaient avec beaucoup de facilité. Ces fonds vont se retrouver dans une situation un peu plus compliquée parce que les conditions de sortie ne sont plus les mêmes. Ils vont en conséquence devoir attendre plusieurs années pour créer de la valeur et peut-être atteindre une valorisation satisfaisante.
C’est pour cela que l’on considère qu’il y a une fenêtre d’opportunité extrêmement intéressante pour des investisseurs qui se positionneraient sur des fonds en cours de levée. C’est une situation qui est très différente parce qu’ils n’ont pas encore acheté de sociétés. Et quand ils ont commencé à déployer cet argent, ils l’ont fait quand les marchés de LBO avaient déjà corrigé.
Ces investisseurs sont positionnés dans des portefeuilles à des valorisations beaucoup plus attractives. Ils vont ainsi pouvoir déployer leur liquidité dans des conditions intéressantes. Sur une très longue période, c’est toujours dans ces moments un peu plus compliqués, où la visibilité est moins bonne, que les fonds réalisent leur meilleur retour.
« C’est toujours dans les moments un peu plus compliqués, où la visibilité est moins bonne, que les fonds réalisent leur meilleur retour »
Scala Patrimoine. Quelles sont vos perspectives pour les prochains mois ? À quelles évolutions faut-il s’attendre ?
Le première stratégie qui nous semble pertinente concerne les grands fonds de LBO.
La deuxième stratégie vise la dette privée. Nous assistons à une remontée très fort des taux d’intérêt. Et ces acteurs-là se rémunèrent notamment sur un business model : marge + Euribor ou + Libor. Donc avec la remontée des taux d’intérêt, ces fonds de dettes privés vous permettent de bénéficier d’une rémunération beaucoup plus attractive qu’au cours des dix dernières années, quand les taux d’intérêt étaient négatifs, voire nuls.
Et la troisième stratégie à regarder de près est le secondaire. Comme je vous l’avais précisé en début d’entretien, certains investisseurs institutionnels pourraient avoir besoin de liquidité. Or, pour en trouver, ils vont devoir céder leur participation sur le marché secondaire, et pourraient même être prêts à accepter des décotes intéressantes. Un fonds de secondaire expérimenté et disposant de capitaux à déployer aura ainsi la possibilité d’acheter de très belles sociétés, à des conditions de marché extrêmement attractives.
Scala Patrimoine. Faut-il anticiper une baisse des performances au cours des prochaines années ?
De notre point de vue absolument pas. Les fonds qui déploient l’argent aujourd’hui le font dans un marché extrêmement attractif. Dès lors que l’économie offrira un peu plus de visibilité, les banques reviendront sur le marché, ce qui fera de facto remonter le niveau des valorisations. C’est à ce moment-là que les investisseurs seront prêts à prendre des positions sur des valorisations un peu plus élevées.
Pour toutes ces raisons, les fonds qui ont investi dans les périodes de troubles peuvent sortir dans de très bonnes conditions.
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