Le Label ISR va exclure les énergies fossiles
Lancé en 2016 par le ministère de l’Économie et des Finances, le Label ISR a été l’un des premiers labels d’État européens à garantir aux épargnants le caractère socialement responsable d’un investissement. Et le succès fut très vite au rendez-vous. À tel point qu’aujourd’hui, 1170 fonds bénéficient de ce label, pour un encours de 773 Md€.
Malheureusement, le Label ISR n’a pas vraiment su s’adapter aux attentes grandissantes des épargnants et aux enjeux climatiques de plus en plus prégnants. En janvier 2021, l’Inspection générale des finances (IGF) tirait d’ailleurs à boulets rouges, soulignant que le Label français s’exposait « à une perte inéluctable de crédibilité et de pertinence » et adressait « une promesse confuse » à l’épargnant.
Une réforme d’envergure était donc devenue inéluctable.
L’exclusion des énergies fossiles du Label ISR
Mené par un comité constitué d’une dizaine de professionnels, le projet de réforme du Label ISR a été transmis à Bruno Le Maire, au début de l’été. Depuis, sa position était particulièrement attendue, car il devait notamment statuer sur le sort des entreprises pétrolières et gazières.
Le ministre de l’Économie et des Finances vient (enfin) de rendre son verdict. Celui-ci a validé les principales propositions adressées par le comité. Il est même allé au-delà du projet initial en excluant de cette nouvelle mouture les entreprises qui exploitent du charbon ou des hydrocarbures non conventionnels (gaz de schiste), ainsi que celles qui lancent de nouveaux projets d’exploration, d’exploitation ou de raffinage d’hydrocarbures (pétrole ou gaz).
Pour justifier sa décision, Bruno Le Maire confiait au micro de BFM TV que « rien n’était pire que de donner le sentiment aux épargnants que l’on met une estampille verte et qu’en fait, derrière ce sont des activités brunes ». Le ministre estimant qu’il était aussi important de durcir les conditions d’obtention du label.
Les principaux changements apportés au label ISR
La nouvelle version du Label ISR répond aux deux principales exigences du ministère de l’Économie et des Finances : « que le climat devienne le socle incontournable du label et que les fonds aient l’obligation de vérifier que les entreprises limitent leurs impacts négatifs sur les critères ESG ».
Outre l’exclusion des sociétés pétrolières et gazières, la réforme impose désormais un plan de transition aligné avec l’Accord de Paris.
À côté de ce principe climatique, le label ISR conservera son caractère généraliste. Il renforce, d’une part, la sélectivité sur les autres critères environnementaux, sociaux et sociétaux, ainsi que de gouvernance. Et consolide, d’autre part, la définition de l’univers d’investissement initial. Le taux de sélectivité passera, par ailleurs, de 20% à 30%. Autrement dit, les gérants devront exclure de leurs univers d’investissement les 30 % des entreprises les moins bien notées, par secteur d’activité.
Autre changement appréciable, le label intègre notamment des exclusions sur le tabac, la violation des droits humains et les armes controversées.
Le concept de double matérialité est également mis en avant dans la gestion des fonds labellisés. Une exigence qui permettra de s’assurer que l’incidence des investissements sur les dimensions ESG soit bien analysée par les fonds labellisés.
Enfin, les dispositions concernant la gestion des controverses, la politique d’engagement actionnarial et de vote seront plus précises et contraignantes.
Pour Bruno Le Maire, cette réforme répond donc au cahier des charges initialement fixé par le gouvernent : « Nous devons offrir un label simple et efficace pour permettre aux Français de donner du sens à leur épargne. C’est ce que nous faisons avec ce nouveau label ISR, dont la lutte contre le réchauffement climatique devient un incontournable. »
Quelles conséquences pour les sociétés de gestion ?
Une telle réforme pourrait-elle fragiliser l’univers de l’investissement responsable ? Cela semble peu probable. Même si de nombreuses sociétés de gestion abandonneront probablement la labélisation de leurs fonds. Ce mouvement est assumé par le ministère de l’Économie qui anticipe une réduction significative du champ « investissable » de l’ISR.
Selon une étude réalisée par Morningstar : 45 % des fonds labélisés ISR ont une exposition au secteur de l’énergie traditionnelle.
Les nouvelles règles devraient d’ailleurs amener les gérants à exclure de leurs portefeuilles de grands groupes européens. Sont notamment visés TotalEnergies, OMV Neste Worldwide, Eni, Repsol, Galp Energia, BP ou encore Shell. Le fleuron français TotalEnergies, au centre de tous les débats, est actuellement détenu par 161 fonds labellisés ISR.
Un choix fort salué par Antoine Laurent, responsable plaidoyer pour Reclaim Finance, une ONG dédiée aux enjeux de la finance responsable et de la transition climatique : « c’est une avancée majeure pour ce label en quête de crédibilité et un signal clair et bienvenu envoyé en amont de la COP28 sur l’urgence à sortir les financements des énergies fossiles pour les rediriger vers les énergies soutenables. »
Une entrée en vigueur le 1er mars 2024
La suite est entre les mains du comité du label ISR. Il lui appartient désormais de finaliser le nouveau référentiel, d’ici fin novembre.
La réforme du Label ISR entrera ensuite en vigueur, vraisemblablement le 1er mars 2024. Un délai qui laisse ainsi le temps aux gérants de fonds labélisés de sortir les valeurs problématiques de leurs portefeuilles. Ou de renoncer au label !
Communiqué de Presse, Ministère de l’Economie et des Finances
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