Romane Azzopardi : « Les tensions au Moyen-Orient ont eu un impact limité sur les marchés financiers »
Malgré la résurgence des tensions au Moyen-Orient et les incertitudes pesant sur les économies européenne et chinoise, les marchés financiers ont montré une belle résilience ces dernières semaines, soutenus par la dynamique favorable des États-Unis et un assouplissement des politiques monétaires. Romane Azzopardi, responsable de la gestion financière chez Scala Patrimoine, partage son éclairage sur les récentes décisions des banques centrales américaine et européenne, avant de détailler les principaux facteurs de risque à surveiller d’ici la fin de l’année.
Scala Patrimoine. Les tensions au Moyen-Orient impactent-elles les marchés financiers ?
Romane Azzopardi. Les tensions au Moyen-Orient ont, jusqu’ici, exercé un impact limité sur les marchés financiers au troisième trimestre, touchant principalement le secteur pétrolier. Si le prix du brut a brièvement rebondi, il reste sous une pression baissière, freinée par une demande mondiale modeste, la forte production américaine et les avancées de la transition énergétique. Actions et obligations ont maintenu leur progression, avec une surperformance notable des marchés émergents et un rebond des obligations, soutenus par les anticipations d’assouplissement monétaire.
À l’avenir, tant que ces tensions ne menaceront pas sérieusement les approvisionnements énergétiques, leur impact devrait demeurer restreint. Le pétrole pourrait connaître des épisodes de volatilité, mais sa tendance baissière semble devoir persister, tandis que les marchés d’actions et d’obligations devraient continuer de réagir davantage aux politiques monétaires et aux perspectives de croissance des bénéfices des entreprises.
Scala Patrimoine. La bonne tenue de l’économie américaine profite-t-elle à la zone euro ?
Romane Azzopardi. Le fossé entre la dynamique économique de la zone euro et celle des États-Unis s’est accentué au cours du troisième trimestre. En Europe, la reprise de la consommation et de l’investissement reste timide, notamment en France, où les niveaux de déficit public et de dette deviennent préoccupants. L’Allemagne, de son côté, est confrontée à une stagnation économique, avec des prévisions de croissance nulle pour 2024, et un secteur industriel en perte de vitesse.
Aux États-Unis, l’économie montre une robustesse notable, soutenue par une consommation vigoureuse, bien que certaines fragilités persistent chez les ménages les plus précaires.
Les nouvelles orientations budgétaires du futur gouvernement pourraient stimuler la croissance à court terme, mais elles risquent d’aggraver l’endettement public déjà élevé, posant ainsi un risque structurel pour le moyen terme.
Ce fossé se traduit aussi dans les projections de croissance des bénéfices : les perspectives restent plus optimistes pour les entreprises américaines que pour leurs homologues européennes. Cette différence de trajectoire en termes de productivité et d’investissement entre les deux continents a d’ailleurs été soulignée dans le dernier rapport de Mario Draghi.
« Les récentes annonces des responsables politiques chinois, encore floues, n’ont pas réussi à convaincre les marchés financiers d’un retour durable de la demande chinoise. »
Scala Patrimoine. Que nous réservent les banques centrales ?
Romane Azzopardi. Au troisième trimestre, la BCE et la Fed ont ajusté leurs politiques monétaires face au ralentissement de l’inflation. En Europe, la BCE a réduit ses taux à trois reprises depuis juillet, portant le taux de dépôt à 3,25 %, et l’inflation a reculé à 1,8 % en septembre, en deçà de l’objectif de la Banque centrale.
Aux États-Unis, une première baisse de taux de 50 points de base a marqué une réponse plus prononcée au fléchissement du marché de l’emploi. Bien que le chômage reste relativement bas, il est en légère hausse tandis que la croissance salariale ralentit, ce qui influence directement la politique de la Fed. De nouvelles baisses de taux sont attendues d’ici la fin de l’année, bien que l’évolution du marché de l’emploi demeure un facteur déterminant. Par ailleurs, les futures orientations budgétaires du prochain gouvernement joueront également un rôle crucial dans la trajectoire monétaire à venir.
Scala Patrimoine. Que faut-il attendre du Politburo chinois ?
Romane Azzopardi. Malgré la crise persistante du secteur immobilier et la faiblesse de la consommation des ménages, le gouvernement chinois s’efforce de maintenir son objectif de croissance de 5 % pour 2024. Consciente des défis, la Banque centrale a annoncé une série de mesures, telles qu’une baisse du taux directeur, une réduction des réserves obligatoires des banques, et une injection de 1 000 milliards de yens dans l’économie.
Cependant, les investisseurs attendent davantage de clarté, notamment en matière de politique budgétaire. Les récentes annonces des ministères des Finances et du Logement, encore floues, n’ont pas réussi à convaincre les marchés d’un retour durable de la demande chinoise.
Scala Patrimoine. Quels sont les principaux points de vigilance pour cette fin d’année ?
Romane Azzopardi. Le risque géopolitique reste élevé. Un emballement des tensions, notamment au Moyen-Orient, pourrait générer de la volatilité via des fluctuations des prix du pétrole. Sur le plan des résultats des entreprises, la prudence est de mise : les attentes, particulièrement pour 2025, pourraient s’avérer optimistes, et des déceptions ne sont pas à exclure, surtout en Europe et aux États-Unis.
Par ailleurs, les trajectoires de baisse des taux et les faibles marges budgétaires en Europe continueront d’entretenir l’incertitude. Enfin, le manque de visibilité sur la demande chinoise alimente le scepticisme quant à un redressement durable des valeurs chinoises sur les marchés mondiaux.
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