HyPrSpace, La fusée française qui veut rivaliser avec les géants lève 21 M€
La jeune pousse bordelaise spécialisée dans la mise en orbite de petits satellites vient de boucler une levée de fonds de 21 millions d’euros, franchissant ainsi une étape décisive dans la course européenne à l’espace.
L’espace, nouvel enjeu stratégique pour l’Europe
Dans un contexte international marqué par le retour des tensions géopolitiques et de la rivalité entre grandes puissances, l’accès autonome à l’espace est redevenu un impératif stratégique. L’Europe en a d’ailleurs pleinement conscience. L’Agence spatiale européenne (ESA) a obtenu un budget record de 22,1 milliards d’euros auprès de ses 23 États membres pour financer ses programmes sur trois ans.
Dans ce sillage, les entreprises françaises du “New Space” se multiplient et gagnent en maturité. Parmi elles, HyPrSpace incarne l’une des ambitions les plus prometteuses.

HyPrSpace, une jeune pousse à propulsion rapide
Fondée en 2019 par Alexandre Mangeot, Sylvain Bataillard et Vincent Rocher, Hybrid Propulsion for Space (HyPrSpace) développe une nouvelle génération de lanceurs destinés à envoyer en orbite basse de petits satellites.
L’objectif : offrir une solution intermédiaire entre les gros lanceurs comme Ariane 6 et les géants américains tels que SpaceX. Le tout en misant sur une plus grande réactivité et sur la mise en orbite de charges plus légères.
« Notre ambition est de proposer une offre complémentaire aux lanceurs lourds, plus flexible, plus rapide et adaptée aux petits satellites », explique ainsi Sylvain Bataillard au site 20 Minutes.
Dans le contexte du renforcement des investissements européens dans la défense, HyPrSpace explore d’ailleurs des applications duales — civiles et militaires — de ses technologies.
La Gironde, nouvel eldorado du spatial
La région bordelaise est devenue l’un des principaux pôles français du secteur spatial. De nombreuses start-up gravitent, en effet, autour des trois sites d’ArianeGroup, acteur historique de l’industrie, et bénéficient d’un écosystème unique. Deux sites d’essais au sol en périphérie de Bordeaux et un site landais autorisant les essais de vol en vue du premier lancement suborbital.
Les débouchés sont vastes : opérateurs télécoms, institutions publiques, ONG… Les applications vont de l’observation terrestre à la surveillance maritime, notamment pour lutter contre le dégazage illégal ou la pêche clandestine.
Un positionnement unique : la propulsion hybride
La start-up bordelaise mise sur une technologie encore rarement maîtrisée : la propulsion hybride. Celle-ci combine un carburant solide — ici du polyéthylène, potentiellement issu du recyclage — et un comburant liquide, de l’oxygène.
Ce type de moteur présente donc plusieurs avantages :
– plus sûr qu’un moteur entièrement liquide,
– plus simple à stocker qu’un moteur solide,
– moins coûteux à produire,
– plus flexible et plus respectueux de l’environnement.
La start-up affirme, à ce titre, avoir franchi un verrou technologique majeur qui freinait jusque-là la compétitivité de cette propulsion.
Alexandre Mangeot résume l’ambition. « Nous voulons faire de la propulsion hybride une référence mondiale. Simple, sûre et performante, cette technologie permettra à la France de conforter son statut de puissance spatiale tout en garantissant un accès souverain à l’espace, au service du civil comme de la défense. »
OB-1 : le microlanceur réutilisable made in France
Le premier lanceur développé par HyPrSpace se nomme OB-1 — pour Orbital Baguette One. Un clin d’œil assumé à la culture française comme à l’univers de Star Wars.
Réutilisable et équipé d’un moteur hybride, OB-1 vise à diviser par deux le coût d’accès à l’orbite. Dépourvu de turbopompes et de systèmes mécaniques complexes, il promet ainsi une fiabilité accrue et une industrialisation plus rapide.
Côté tarifs, HyPrSpace ambitionne un prix d’environ 20 000 dollars le kilo, soit environ 5 millions de dollars pour placer un satellite de 250 kg en orbite. À titre de comparaison : RocketLab facture environ 50 000 dollars le kilo. Ariane 6 est certes moins cher au kilo, mais elle n’est pas adaptée aux petits satellites. Enfin, SpaceX descend jusqu’à 6 500 dollars le kilo, grâce à ses lancements massifs de dizaines de satellites.
« C’est un peu la différence entre le bus et le taxi », illustre Sylvain Bataillard : « le taxi coûte plus cher, mais il part quand vous le souhaitez et ne transporte que vous. »
HyPrSpace, elle, vise une quinzaine de lancements par an, en cohérence avec son marché de niche.
Une levée de fonds réussie pour un décollage imminent
Après une première levée de 1,1 million d’euros en 2022, la start-up passe à la vitesse supérieure avec cette série A de 21 millions d’euros.
Ce tour de table, mené par Red River West et le fonds DeepTech 2030 (Bpifrance, France 2030), réunit également Expansion Ventures, SPI, French Tech Seed et NACO.
Cette injection de capital doit notamment permettre la qualification à grande échelle du moteur hybride et le premier vol suborbital du démonstrateur Baguette One. Une fois ces étapes passées, l’entreprise doit préparer le lancement de la production industrielle du microlanceur.
Derrière le nom OB-1, prononcé « Obi-Wan », se cache un hommage amusé au célèbre Jedi de Star Wars.
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