Qwant et Ecosia : l’alternative européenne aux géants américains
Face à l’hégémonie de Google et Microsoft, deux acteurs européens – Qwant et Ecosia – ont décidé d’unir leurs forces. Leur ambition ? Donner naissance à une alternative crédible et indépendante dans le domaine des technologies de recherche, à travers une société commune.
Une initiative de Qwant et d’Ecosia pour contrer la domination américaine
L’Europe, aujourd’hui, ploie sous une dépendance technologique préoccupante. En particulier dans le domaine des moteurs de recherche, phagocyté par les grandes plateformes américaines. Une réalité qui freine l’émergence de solutions locales et laisse peu de place à l’innovation européenne.
Cependant, une récente initiative pourrait changer la donne. Qwant, entreprise française, et Ecosia, son équivalent allemand, ont scellé un partenariat ambitieux : la création d’une société commune visant à bâtir une infrastructure de recherche indépendante. Baptisée European Search Perspective, cette entité est le fruit d’une stratégie accélérée par le rachat de Qwant par Synfonium, fonds dirigé par Octave Klaba, qui a redressé l’entreprise alors au bord de la faillite.
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Une union dictée par des enjeux économiques
Le contexte économique a également pesé dans cette décision. Microsoft vient d’augmenter drastiquement le coût d’utilisation des API de Bing, mettant en difficulté les moteurs de recherche alternatifs qui en dépendent. Pour Qwant, une part importante des résultats affichés provenait de Bing. Ecosia, de son côté, s’appuyait à la fois sur Bing et Google pour fournir ses réponses.
Olivier Abecassis, directeur général de Qwant et d’European Search Perspective, confie à Clubic : « Aujourd’hui, les capacités de calcul ont considérablement évolué par rapport à quelques années en arrière, permettant une automatisation complète de la chaîne. Ce projet, discuté depuis un moment, a enfin pu se concrétiser grâce aux moyens financiers débloqués lors de la relance de Qwant en 2023. »
Basée à Paris, la nouvelle entité sera détenue à parts égales par les deux entreprises. Selon le magazine Wired, Ecosia apportera des ressources financières et ses précieuses données utilisateurs, tandis que Qwant mobilisera ses équipes d’ingénieurs et de data scientists, déjà engagées dans le développement d’un nouvel index de recherche.
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Une ambition mesurée, mais prometteuse
Sous la houlette d’Olivier Abecassis, European Search Perspective promet d’offrir un environnement de recherche plus éthique, avec un accent particulier sur la protection de la vie privée.
Avec 26 millions d’utilisateurs cumulés, Qwant et Ecosia posent les premières pierres d’un socle prometteur, bien que leur part de marché reste modeste face à l’écrasante domination de Google.
Loin de prétendre rivaliser avec le géant de Mountain View, Olivier Abecassis nuance : « Notre objectif n’est pas de concurrencer Google, qui détient 90% des parts de marché et a su construire un modèle redoutablement efficace. En revanche, nous croyons fermement en la nécessité de diversifier l’offre pour les utilisateurs. Nous sommes persuadés que nous pouvons leur proposer une alternative fiable et respectueuse de leurs attentes. »
Une question de souveraineté
Les institutions européennes observent naturellement avec bienveillance le projet ambitieux mené conjointement par Qwant et Ecosia.
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Une volonté politique forte
La nouvelle coalition s’inscrit dans une stratégie cruciale visant à renforcer la souveraineté technologique de l’Europe, un enjeu d’autant plus vital face aux défis géopolitiques que suscite la dépendance aux infrastructures américaines.
« Notre mission est limpide : concevoir une technologie démocratique et souveraine, ancrée en Europe, à un moment où l’intelligence artificielle générative s’apprête à transformer radicalement l’expérience de la recherche en ligne. Nous devons bâtir une solution capable de prévenir toute ingérence extérieure – qu’il s’agisse, par exemple, de la décision de Microsoft d’augmenter les coûts d’accès à son API de recherche – afin de garantir la pérennité de notre activité », déclare Olivier Abecassis, directeur général de Qwant.
Dans le contexte de l’essor fulgurant de l’intelligence artificielle générative, l’accès aux contenus du web revêt une importance croissante. Assurer la sécurisation de cet accès devient impératif pour ces entreprises, qui ambitionnent de proposer une alternative novatrice et indépendante aux utilisateurs.
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Un contexte réglementaire favorable
Le contexte européen offre aujourd’hui un terrain particulièrement propice au développement du projet « ESP », notamment grâce à l’entrée en vigueur cette année du Digital Markets Act. Ce règlement, dédié aux marchés numériques, impose notamment à Google de rendre son écosystème plus accessible aux acteurs concurrents, en partageant une partie de ses données de recherche. La firme est également tenue de proposer un écran de sélection permettant aux utilisateurs de choisir leur moteur de recherche par défaut dans son navigateur Chrome.
En réduisant les barrières financières et techniques imposées par les géants technologiques américains, cette législation ouvre ainsi la voie à un rééquilibrage des forces sur le marché numérique.
Un lancement en 2025 ?
La nouvelle société pourrait, dans un avenir proche, lever des fonds auprès d’investisseurs extérieurs afin d’asseoir son projet. Une première version du moteur de recherche européen devrait, par ailleurs, voir le jour d’ici la fin de l’année.
Et bonne nouvelle : cet outil sera également accessible via une API (ou « interface de programmation d’application »), permettant ainsi à d’autres entreprises européennes de l’exploiter. Cette ouverture pourrait favoriser la création d’un écosystème numérique plus riche et diversifié, autour de cette initiative pleine de promesses.
Olivier Abecassis, à ce sujet, souligne : « D’autres moteurs pourraient se joindre à l’initiative. Celle-ci pourrait devenir une ressource essentielle pour l’industrie européenne. » L’index, de surcroît, sera conçu pour alimenter les technologies émergentes d’intelligence artificielle générative, un atout stratégique dans un secteur en pleine effervescence.
Dans un premier temps, le moteur ne proposera des résultats qu’en français et en allemand. L’ajout de l’anglais est prévu pour une phase ultérieure, avant, peut-être, l’intégration d’autres langues.
Il reste toutefois un long chemin à parcourir pour les deux groupes européens. Ecosia ne détient qu’une part de marché modeste, de 0,3 %, en Europe, et Qwant se trouve encore dans une position marginale. Mais le moteur sud-coréen Naver a tracé la voie, en réussissant à détrôner Google dans le pays du matin frais. Une preuve éclatante que l’impossible peut parfois devenir réalité.
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