Mistral AI : 1,7 milliard d’euros pour bâtir un champion européen de l’intelligence artificielle

La pépite française de l’IA, Mistral AI, vient de conclure une levée de fonds historique de 1,7 milliard d’euros, portant sa valorisation à 11,7 milliards. Une ascension fulgurante pour une entreprise fondée il y a à peine deux ans.

Une trajectoire fulgurante

Créée en 2023 par Arthur Mensch, Guillaume Lample et Timothée Lacroix – trois chercheurs passés par les prestigieux laboratoires de Meta et Google DeepMind – Mistral AI s’est rapidement imposée comme l’alternative européenne crédible face aux géants américains de l’intelligence artificielle.

La start-up s’est distinguée par ses modèles de langage à la fois performants, économes en énergie et proposés en open source. Auprès du grand public, elle s’est fait connaître grâce à Le Chat, son chatbot maison, concurrent direct de ChatGPT.

Plus récemment, elle a dévoilé une offre d’infrastructures européennes destinées à accompagner le déploiement de modèles d’IA à grande échelle.

En seulement deux ans, Mistral AI compte déjà 350 collaborateurs répartis dans six bureaux à travers le monde.

Les chiffres clés de Mistral AI
Les chiffres clés de Mistral AI

Une levée de fonds hors norme

Dès sa première année d’existence, la jeune pousse avait frappé fort : 105 millions d’euros levés en juin 2023, suivis de 385 millions en décembre. L’année suivante, une série B à 600 millions confirmait l’appétit des investisseurs.

Avec ce nouveau tour de table – une série C record à 1,7 milliard d’euros – Mistral entre désormais dans la cour des grands : celle des décacornes, ces entreprises valorisées entre 10 et 50 milliards de dollars. Une première pour une start-up française.

L’opération a été menée par ASML Holding NV, le géant néerlandais des équipements pour semi-conducteurs, rejoint par DST Global ainsi que les investisseurs historiques : Andreessen Horowitz, Bpifrance, General Catalyst, Index Ventures, Lightspeed et Nvidia.

Ces capitaux doivent permettre à Mistral de poursuivre ses recherches de pointe et de relever les défis technologiques majeurs des prochaines décennies.

Une alliance stratégique avec ASML

L’entrée d’ASML au capital marque un tournant. Le groupe néerlandais, acteur incontournable de la lithographie pour semi-conducteurs, a investi à lui seul 1,3 milliard d’euros.

« Cette alliance vise à générer une forte valeur ajoutée pour nos clients grâce à des solutions innovantes dopées à l’IA et ouvrira la voie à de nouveaux axes de recherche », a souligné Christophe Fouquet, CEO d’ASML.

À l’issue de l’opération, le groupe détient environ 11 % du capital et siège désormais au conseil d’administration de Mistral. Arthur Mensch salue de son côté un partenariat de cinq ans qui doit permettre de « sortir l’intelligence artificielle des laboratoires pour l’appliquer aux technologies les plus avancées ».

Cette collaboration s’inscrit ainsi dans une stratégie plus large : Mistral avait déjà noué quelques mois plus tôt un partenariat avec Nvidia pour développer une plateforme de cloud et un projet de data center géant en Île-de-France, en association avec le fonds d’investissement émirati MGX. L’objectif : proposer aux entreprises et administrations une infrastructure IA complète, de la puissance de calcul aux API en passant par les services managés.

Des ambitions colossales, mais un chemin ardu

Pour la première fois, Mistral a dévoilé ses chiffres financiers : des revenus annualisés de 300 millions d’euros, dont 20 % réalisés aux États-Unis, et un carnet de commandes atteignant 1,4 milliard.

Mais la route vers la rentabilité reste longue. « Il faut que la société atteigne 500 millions de chiffre d’affaires en 2025 », a rappelé Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance. « Le sujet, ce sont les revenus : tout le monde doit travailler avec Mistral. »

En parallèle, la concurrence s’intensifie. Anthropic, créateur du modèle Claude, vient de lever 11 milliards d’euros, portant sa valorisation à près de 156 milliards – dix fois plus que Mistral. Même constat du côté d’OpenAI, leader incontesté du secteur, qui malgré sa position dominante affiche encore plusieurs milliards de pertes annuelles (5 milliards en 2024).

Autrement dit, même pour les géants américains, la rentabilité demeure un mirage. Pour Mistral, la partie ne fait – en réalité – que commencer.