Prélèvement à la source et année blanche, quels impacts pour le contribuable?
Annoncé en 2015, le dispositif du prélèvement à la source (PAS), est en passe d’être débattu à l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017. Il vient d’être présenté en Conseil des ministres ce 28 septembre 2016. Le texte est donc loin d’être définitif mais les contours les plus importants de la réforme se dessinent progressivement. Le premier PAS devant intervenir en 2018.
La question d’un prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu a fait son apparition dans l’hexagone dans les années 1930, et a même été mis en œuvre en 1939 et en 1948. L’Etat français a, à l’époque, recours au PAS pour la perception des prélèvements sociaux, des charges salariales ou encore les prélèvements libératoires forfaitaires sur les revenus du capital. Il s’agit ici « d’un mode de recouvrement de l’impôt consistant à faire prélever son montant par un tiers payeur, le plus souvent employeur ou banquier, au moment du versement au contribuable des revenus sur lesquels porte l’impôt »[1].
Ce système de recouvrement a été adopté par bon nombre de pays occidentaux (Canada, Etats-Unis, Royaume-Uni, Belgique, Allemagne, Danemark, Pays-Bas) pour des besoins différents : simplification de l’imposition, amélioration du recouvrement ou encore augmentation des gains de productivité de l’administration fiscale. L’Etat français souhaite aujourd’hui franchir le pas. Quels sont les principaux changements attendus pour le contribuable?
L’apport principal sera bien entendu une taxation contemporaine des revenus, avec une taxation des revenus n, l’année n. Le système français actuel, impose les revenus obtenus l’année n, l’année n+1. La retenue à la source permettra au contribuable de voir son imposition adaptée à la variation de son revenu. De même cela évitera, un blocage l’année n+1 lorsqu’une baisse de revenu s’ajoute à une forte imposition sur les revenus élevés de l’année n.
1/ Les revenus concernés par la réforme sont les traitements et salaires, les pensions, les revenus de remplacement, les rentes viagères. Ceux-ci seront retenus à la source par l’organisme versant le revenu (employeur, organismes de retraites,…) selon un taux que l’administration fiscale aura préalablement communiqué.
Les revenus des indépendants (BIC, BNC et BA), ainsi que les revenus fonciers sont eux aussi concernés par la réforme. Ces revenus seront également taxés de manière contemporaine mais sous forme d’acomptes sur 12 mois, toujours en application d’un taux communiqué par l’administration fiscale.
Le taux de PAS sera transmis par l’administration à partir du second semestre 2017, et sera actualisé tous les ans en fonction des revenus perçus par le contribuable. Ce dernier devra donc continuer à déclarer ses revenus chaque année.
Pour les autres types de revenus, les modalités ne seront pas modifiées : revenus de capitaux mobiliers (prélèvement à la source) ; plus-values immobilières (prélèvement forfaitaire libératoire).
Il faut préciser que seul le dispositif de prélèvement de l’impôt est modifié et non pas les méthodes de calcul de celui-ci, lesquelles resteront inchangées.
2/ Sur option, les couples mariés ou pacsés (effectuant une déclaration commune) pourront opter pour un taux d’imposition individualisé en fonction de leur revenu respectif. Ceci aura pour effet de ne pas faire supporter à l’époux ayant le salaire le plus bas, la pression fiscale engendrée par les gains de son conjoint.
3/ Plusieurs questions se posent quant à la confidentialité des informations personnelles des contribuables, communiquées notamment aux employeurs pour qu’ils procèdent à la déclaration auprès de l’administration. Le Conseil d’Etat a demandé au gouvernement de prévoir plusieurs garanties à même d’éviter les discriminations à l’embauche ou encore les discriminations dans la détermination des salaires.
Pour ce faire, le projet de loi prévoit notamment qu’un contribuable pourra opter pour un taux neutre ou un « taux par défaut ». Le contribuable n’aura plus à communiquer l’étendue de sa situation patrimoniale à son employeur (lequel appliquera simplement le taux neutre). En contrepartie, le salarié devra régler directement à l’administration fiscale, le solde de l’impôt réellement dû.
4/ Comment l’année de transition sera-t-elle organisée ? En 2017, l’impôt exigible sera calculé sur les revenus 2016 et sera soumis au système que nous connaissons actuellement, puisque c’est le contribuable qui payera directement l’impôt auprès de l’administration fiscale. Les revenus 2018 seront soumis au PAS en 2018. En conséquence il n’y aura aucune année sans impôt.
Pour autant quid des revenus 2017 ? Les revenus 2017 devront néanmoins être déclarés au printemps 2018, d’une part pour établir le taux de prélèvement mais également pour calculer le CRM ou Crédit d’impôt Modernisation Recouvrement.
Ce que l’on sait aujourd’hui, c’est que ces revenus 2017 devraient échapper à l’impôt. Oui mais pas à 100%. Afin d’éviter tout abus, Bercy a initié une série de dispositions visant à limiter une « optimisation » des revenus sur l’année 2017. Ainsi, professionnels libéraux ou chefs d’entreprises sont dans l’œil du viseur, professions pouvant décaler une rémunération d’une année sur l’autre. Pour ce faire, Bercy prévoit une série de dispositifs visant à exclure tout risque de fraude.
Les revenus exceptionnels seront notamment exclus du dispositif. Cette liste, particulièrement longue, entend par là les indemnités de rupture du contrat de travail, le dédommagement d’un changement de lieu de travail, les sommes perçues pour la participation et l’intéressement, indemnités de cessation des fonctions des mandataires sociaux et dirigeants, indemnités de clientèle de cessation d’activité, ventes d’actions gratuites et gains de stock-options…
Concernant les dividendes, plus-values mobilières et immobilières, ces revenus n’entrent pas dans le champ de la réforme et devront être payés au titre de l’impôt sur le revenu 2017.
Pour les indépendants, l’administration fiscale retiendra le revenu maximal sur les trois dernières années et de l’année suivante pour déterminer le taux de prélèvement.
Les grands « perdants » de cette réforme sont les jeunes professionnels débutants dans la vie active en 2018, puisqu’ils seront imposés dès la première année et non plus en n+1. A l’inverse, les professionnels, jeunes retraités dès 2018, seront imposés sur le montant de leurs pensions de retraite et non pas sur leurs revenus d’activité réalisés en 2017.
[1] Conseil des prélèvements obligatoires, Prélèvements à la source et impôt sur le revenu, Synthèse, Février 2012
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