Luisa Florez (Ofi Invest) : « le Say On Climate est un outil de gouvernance »

Le « Say On Climate » rencontre un succès grandissant auprès des grandes entreprises. Preuve en est : Schneider Electric, Vallourec, TotalEnergies, Covivio, EDF ou encore Amundi ont récemment fait voter leurs résolutions climatiques aux Assemblées générales d’actionnaires. Une dynamique qui avait d’ailleurs poussé certains parlementaires à intégrer – dans le projet de loi sur l’industrie verte – la généralisation d’un vote consultatif des actionnaires sur le plan climatique des entreprises cotées. Malheureusement, cet amendement a été retiré en dernière minute. Dans ce contexte particulier, Luisa Florez, Directrice des recherches en finance responsable d’Ofi Invest Asset Management, fait le point sur les atouts du « Say On Climate » et les dispositions à prendre pour garantir leur crédibilité.

Scala Patrimoine. Qu’est-ce que le « Say On Climate » ? Quels sont ses avantages ?

Luisa Florez. Le “Say on climate” est une résolution que l’on va soumettre lors d’une assemblée générale. Cette résolution peut être déposée soit par l’entreprise, soit par les actionnaires. L’objectif étant de présenter un plan climatique ou des projets visant des questions environnementales, d’une manière fréquente. Quels sont ses avantages ? C’est avant tout un outil de gouvernance, qui permet aux actionnaires d’apprécier la stratégie climatique d’une entreprise sur la durée et ses avancées. Cet outil offre aussi une plus grande transparence, aux actionnaires et aux investisseurs, sur la politique climat mise en œuvre par la société.

Scala Patrimoine. Ofi Invest AM a participé l’année dernière à 22 « Say on Climate ». Mais vous vous êtes opposés à 13 d’entre eux. Pour quelles raisons ? Existent-ils des risques de « greenwashing » ?

Luisa Florez. Nous avons considéré que ces résolutions n’étaient pas en ligne avec notre politique de vote, nos standards. Pour pouvoir analyser ces différents plans climatiques, nous n’avons pas fait de distinction entre les résolutions déposées par les actionnaires et ceux déposées par les entreprises. La question que nous nous posons : est-ce que ces plans climatiques nous donnent des indications précises sur les transformations du groupe concernant leurs émissions de CO2, qu’elles soient directes ou indirectes. Il nous parait, à ce titre, essentiel d’avoir à disposition l’ensemble du périmètre des émissions de l’entreprise. Ensuite, il faut que ces plans soient basés sur un scénario scientifique de référence. Et enfin, nous regardons si le plan proposé par l’entreprise est assez ambitieux, va assez loin.

Scala Patrimoine. Comment garantir sa crédibilité ? Le législateur doit-il mettre en place un cadre juridique plus contraignant ?

Luisa Florez. Pour que l’on puisse s’assurer d’avoir de bons standards, les règles du jeu doivent être claires pour les entreprises et pour les investisseurs. Je m’explique : aujourd’hui, chaque entreprise fait l’exercice de choisir un scénario climatique. Elle fait donc le choix de prendre différents types d’émission dans son plan. Nous souhaitons que les règles du jeu soient plus claires à l’avenir. Nous aimerions également revoir le cadre des dépôts de résolutions en France pour alléger et permettre plus d’interactions entre investisseurs et entreprises.

Scala Patrimoine. Quel regard portez vous sur l’abandon de l’amendement « Say On Climate » dans le cadre du projet de loi sur l’industrie verte ?

Luisa Florez. Nous ne pouvons que déplorer l’abandon de l’amendement du say on climate. Un retrait qui met, en effet, en relief les injonctions contradictoires permanentes auxquelles font face les investisseurs. D’un côté, ils ont l’obligation de mettre en place une politique d’engagement et d’agir face aux enjeux climatiques. Et de l’autre, ils n’y sont clairement pas aidés. C’est pour cette raison que nous attendions un soutien législatif.

L’amendement visait, dans le cadre de la future loi « industrie verte » à soumettre à un vote consultatif des actionnaires la politique climatique des grandes entreprises cotées. Cet outil de dialogue avait vocation à favoriser les discussions entre actionnaires et management des entreprises sur des enjeux essentiels qui doivent être compris de part et d’autre. Nous avons soutenu et défendu cet amendement, car nous avons la conviction qu’il allait dans le bon sens. Son abandon constitue un obstacle, mais ne nous limitera pas dans nos ambitions de poursuivre le dialogue et nos actions d’engagement auprès des entreprises.