Yann Louin (Pictet AM) : « Les forêts jouent un rôle central dans la transition énergétique »
La filière bois joue un rôle clé dans l’économie mondiale. Chaque être humain sur Terre consommant près 400 kilos de bois par an ! Cette richesse naturelle et renouvelable est également essentielle à la transition climatique et énergétique qui se dessine. Autant d’enjeux qui en font une thématique d’investissement regardée de près par les épargnants. Pour mieux en mesurer les risques et les opportunités, nous sommes donc allés à la rencontre de Yann Louin, Senior Sales Manager chez Pictet Asset Management, dont la société de gestion gère le fonds spécialisé sur la filière bois, Pictet-Timber.
Scala Patrimoine. Pourquoi investir dans la filière bois ?
Yann Louin. Le XXIᵉ siècle sera dédié à la transition énergétique. Et au cœur de cette transition énergétique vont se trouver, d’une part, le combat contre l’érosion de la biodiversité et, d’autre part, cette volonté – à la fois des grandes puissances, mais aussi des entreprises – de réduire leur impact carbone.
On constate aujourd’hui que 80 % de la biodiversité, à la fois animale et végétale, réside dans les forêts. Or, les forêts sont le seul moyen que nous avons aujourd’hui d’absorber et d’emprisonner le carbone de manière naturelle. Les forêts vont donc jouer un rôle central dans la transition énergétique.
Scala Patrimoine. Est-ce le bon moment pour investir dans la filière du bois ?
Il n’y a pas forcément de bons ou de mauvais moments pour investir sur un thème qui va participer activement à l’un des plus grands défis qui se pose à l’humanité. Cela étant dit, nous constatons aujourd’hui qu’il y a une tension assez forte sur l’offre et la demande de bois.
Sur l’offre, parce qu’il y a un tarissement progressif des superficies forestières à travers le monde. Nous estimons qu’en 2022, c’est à peu près l’équivalent de la superficie de la Suisse qui a disparu en matière d’exploitation forestière.
Et sur la demande, nous avons une population mondiale qui ne cesse d’augmenter. Nous estimons que d’ici 2050, nous aurons près de 2 milliards d’êtres humains supplémentaires sur Terre.
Or, chaque être humain sur Terre consomme près 400 kilos de bois par an et que les besoins ne cessent d’augmenter (emballage pour le e-commerce, hygiène, logement). Cette augmentation de la demande, conjuguée à une baisse de l’offre, devrait continuer à créer une tension sur le marché.
Sur le sujet de l’inflation, il faut rappeler que le bois a une croissance naturelle d’environ 2 à 3 % par an. C’est un actif qui protège naturellement l’investisseur du contexte inflationniste que nous connaissons actuellement.
« 80 % de la biodiversité, à la fois animale et végétale, réside dans les forêts »
Scala Patrimoine. La filière pourrait-elle souffrir d’un essoufflement du secteur de la construction aux États-Unis ?
Il est vrai qu’à court terme, le marché du bois est particulièrement impacté par le marché immobilier américain puisque 50 % du bois d’œuvre y est destiné. Une hausse des taux sur le marché américain a donc des conséquences négatives directes sur les cours du bois.
En revanche, on remarque que le marché américain évolue rapidement. Aujourd’hui, la population des 25-39 ans représente 60 millions de personnes, en âge de réaliser leur premier achat. Autre élément positif : le marché secondaire est à sec. Il manque entre 1,5 million et 2 millions de constructions dans le pays. À moyen et long terme, ces éléments-là devraient doper la construction.
Et puis il y a une utilisation du bois qui est toujours plus grande, toujours plus technique. Tout ce qui est fabriqué à partir de pétrole peut l’être également à partir de bois, que ce soit dans l’habillement, avec les textiles en viscose ou pour produire des anodes de batterie dans l’automobile.
De plus en plus de constructions utilisent également le bois pour répondre favorablement aux réglementations environnementales. Aujourd’hui, il est d’ailleurs interdit dans les supermarchés d’emballer des fruits et légumes avec des solutions plastiques. Et ce sont nécessairement des solutions papier ou bois qui sont utilisées.
La transition énergétique va à coup sûr participer à une plus forte consommation du bois et à des besoins beaucoup plus spécifiques, beaucoup plus identifiés, qui vont également contribuer à la plus grande valeur ajoutée apportée par les sociétés. Et qui dit valeur ajoutée, dit pouvoir de fixation des prix. Et là aussi, c’est un moyen de se protéger contre l’inflation en augmentant ses prix, en phase inflationniste.
Scala Patrimoine. Le fonds Pictet Timber est positionné sur l’ensemble de la filière bois. Quelles typologies d’entreprises couvre-t-elle ?
Le fonds travaille sur toute la chaîne de valeur du bois, depuis l’exploitation durable des forêts jusqu’à la production de produits finis. Nous travaillons par ailleurs dans un environnement global, mondial sur tout type d’entreprises, de la plus petite à la plus grande. Nous avons pour cela sélectionné un univers investissable d’environ 200 valeurs.
« Svenska Cellulosa est l’un des plus grands exploitants européens de bois d’œuvre »
Scala Patrimoine. Comment les entreprises sont-elles sélectionnées au sein de votre fonds ?
Nous avons constitué un portefeuille d’environ 50 valeurs. Le premier filtre que nous utilisons est un filtre de pureté, c’est-à-dire que chaque valeur qui va intégrer le portefeuille réalise au minimum 60 % à 70 % de son chiffre d’affaires en lien avec des activités sylvicoles.
Nous allons ensuite appliquer d’autres critères plus financiers, liés également à la gouvernance de l’entreprise, à la pérennité de la croissance sous-jacente, au potentiel du secteur ou du segment d’activité. Et puis, nous allons également étudier les métriques de valorisation, à savoir ne pas acheter l’entreprise trop chère et avoir un prix de revente à horizon quatre ou cinq ans.
Parmi les entreprises du portefeuille figure le plus grand exploitant forestier nord-américain, Rayonier. Nous pouvons également citer Svenska Cellulosa, qui est l’un des plus grands exploitants européens de bois d’œuvre. Celle-ci est particulièrement intéressante, car elle travaille sur toute la chaîne de valeur du bois. Cette société détient les marques d’hygiène, Okay, Lotus ou encore Nana.
Scala Patrimoine. Pictet Timber est un fonds à impact carbone positif. Qu’est-ce que cela signifie ?
Pictet Timber est le seul fonds d’actifs coté à avoir un impact carbone positif sur l’environnement. Ce qui veut dire qu’en moyenne, les entreprises qui sont détenues par le portefeuille absorbent plus de carbone qu’elles ne rejettent dans l’atmosphère. Ceci est principalement dû au fait que 30 % du portefeuille est composé d’exploitations forestières qui sont gérées durablement.
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