Sportif de haut niveau : le régime fiscal français de l’impatriation

La France va accueillir le monde entier lors des jeux olympiques de Paris. À cette occasion des débats fleurissent dans les médias pour savoir si la France est un grand pays de sport. La réponse n’est pas tranchée. On peut à ce titre également s’interroger sur l’attractivité de la France en matière fiscale. Les sportifs de haut niveau bénéficient ils d’un environnement attractif pour s’installer dans notre pays ? La question est ouverte.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la France a quelques atouts à faire valoir. L’un d’entre eux repose sur le régime d’impatriation. Pour les sportifs comme pour les autres talents qui sont appelés à venir en France y exercer un emploi dans le cadre d’un contrat français, la France bénéficie, en effet, d’un dispositif de faveur permettant à ces personnes dites impatriées, d’être exonérées à raison d’une partie de leur rémunération.

Impatriation : un dispositif pour attirer les talents

  • Un régime destiné aux nouveaux résidents fiscaux

Ce régime s’adresse à des personnes précédemment domiciliées hors de France puisque l’une des conditions posées à l’accès à ce régime est de n’avoir pas été domicilié en France au cours des 5 années précédant celle de la prise de fonction dans l’entreprise ou l’organisme établi(e) en France qui les recrute.

Deux types de schémas peuvent être rencontrés :

– Soit le salarié est appelé par une entreprise établie en France dans le cadre d’une mobilité internationale à l’intérieur d’un même groupe de sociétés (sociétés ayant des liens entre elles)

– Soit il s’agit d’une embauche externe, dans le sens où le salarié est appelé directement de l’étranger à venir s’installer en France pour y occuper un poste nouveau qui est sans aucun lien avec son éventuel précédent poste qu’il occupait à l’étranger.

A contrario, les personnes venues exercer un emploi en France de leur propre initiative ou qui ont déjà établi leur domicile en France lors du recrutement ne peuvent pas bénéficier de ce régime d’impatriation.

  • L’application pour le championnat de France de football

Dans le monde professionnel, les sportifs de haut niveau tels notamment que les joueurs professionnels de football ne sont pas en reste car ils sont tout à fait éligibles à ce dispositif fiscal d’impatriation. Les enjeux en termes d’attractivité pour le territoire français prennent sur ce secteur là une dimension toute particulière. Ce régime fut notamment utilisé par le club de football du Paris-Saint Germain pour attirer le brésilien Neymar ou le portugais Vitinha qui évoluaient respectivement en Espagne et au Portugal.

Ils donnent également lieu à des jurisprudences intéressantes dans le sens où la rémunération des joueurs doit en principe faire notamment l’objet, comme pour les autres personnes dans des situations similaires, d’analyses de comparables. Or l’on peut s’interroger sur les critères de comparaison, s’agissant d’un milieu très particulier parmi lesquels figurent de véritables stars… par définition incomparables pour le commun des mortels !

Les mécanismes fiscaux du régime de l’impatriation

Mais ne brûlons pas les étapes et reprenons plus en détail les mécanismes qui sont en jeu dans le régime de l’impatriation, notamment sur le terrain des comparables.

Car les avantages fiscaux liés au régime de faveur de l’article 155 B du CGI sont nombreux, mais encadrés toutefois de sorte de ne pas dépasser certaines limites.

– Quid des avantages ? durée d’application et type d’impôt concernés

– Quid de l’encadrement ? Limite des 30 %

  • La durée d’application

Le régime de l’impatriation concerne l’année de la prise de fonction en France ainsi que les 8 années suivantes.

Ce régime de faveur cesse de s’appliquer si le professionnel quitte son entreprise ou son club d’accueil quand bien même il resterait domicilié en France.

  • Les types d’impôts concernés

L’impôt sur le revenu

Le régime de l’impatriation permet d’exonérer d’impôt sur le revenu le supplément de rémunération directement lié à l’exercice d’une activité professionnelle en France, appelé généralement « prime d’impatriation ».

En outre, l’exonération d’impôt sur le revenu peut également porter sur l’éventuelle rémunération se rapportant à l’activité exercée à l’étranger (si effectuée dans l’intérêt de l’employeur ou du club français).

De plus, certains produits de source étrangère (revenus de capitaux mobiliers, gains de cession de valeurs mobilières, produits de la propriété intellectuelles ou industrielle) bénéficient d’une exonération d’impôt français à hauteur de 50 % sous certaines conditions.

Enfin, les cotisations versées aux régimes de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire auxquels l’impatrié était affilié avant son arrivée en France peuvent faire l’objet d’une déduction du revenu imposable.

L’impôt sur la fortune immobilière (IFI)

L’avantage d’IFI pour les impatriés consiste à ce qu’ils conservent, pour une certaine durée, le même régime IFI que celui qu’ils avaient lorsqu’ils étaient non-résidents français, à savoir une imposition à l’IFI en France uniquement à raison de leurs biens situés en France, et non sur une base mondiale.

L’imposition normale sur une base mondiale (incluant également les biens immobiliers situés hors de France) interviendra à partir de la 6ème année suivant l’installation en France.

Entre temps, le système de faveur pourra s’appliquer. Or l’accès au système de faveur pour l’IFI n’est dépendant d’aucune condition d’emploi contrairement au régime de faveur en IR.

La Jurisprudence dans le domaine du sport

Le monde du sport, et en particulier du football, dans une affaire tranchée par le Conseil d’Etat en date du 4 octobre 2023 (n° 466714) et qui porte sur l’année 2013, nous renseigne sur ce qui peut être compris dans la prime d’impatriation.

Toujours dans le domaine footballistique, la Cour Administrative d’Appel de Paris vient quant à elle se pencher sur la notion de comparable, pour les besoins du dispositif d’impatriation, dans cet univers atypique qui comporte dans les faits, sur le terrain financier, pour les joueurs, une large part d’individualisation (CAA Paris du 16 mars 2021, n° 19PA00956).

  • Le champ d’application de la prime d’impatriation

Tout d’abord, il faut savoir que le régime de l’impatriation pose comme condition, pour l’exonération partielle de la rémunération de source française, que cette exonération ne puisse porter que sur la fraction excédant le « salaire de référence », et seulement à l’intérieur de certaines limites.

Le salaire de référence constitue la rémunération perçue pour des fonctions analogues au sein de la même structure ou d’une structure similaire.

Les limites sont les suivantes :

L’exonération est égale tout au plus :

  • Soit aux primes liées à la situation de mobilité et prévues au contrat ou à l’avenant à ce contrat (tout ou partie des loyers, indemnités d’éloignement, de déménagement, de différentiel de coût ou qualité de la vie …) ;
  • Soit, de manière forfaitaire, à 30 % de la rémunération.

Les indemnités relatives à la rupture du contrat de travail

Dans la décision du 4 octobre 2023, le Conseil d’Etat valide l’application du régime des impatriés pour la détermination de l’impôt sur le revenu dû au titre du versement d’une prime de fin de contrat (prime de résiliation) d’un footballeur professionnel.

Le point en l’occurrence était de savoir si la prime de 2 300 000 € versée à ce joueur de foot par son club, le PSG, au titre de l’indemnisation de la perte du contrat de travail et en supplément de son solde de tout compte, pouvait ou non être analysée comme une prime reçue au titre de la rémunération imposable à prendre en compte dans le cadre du dispositif de l’article 155 B du CGI (au cas particulier, le joueur avait opté pour l’évaluation forfaitaire à raison de 30 % de l’exonération, sur une base imposable intégrant la prime de fin de contrat).

Le Conseil d’Etat a tranché favorablement. Il a rappelé que l’article 80 duodecies du CGI prévoit que toute indemnité versée à l’occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sauf exception (notamment fraction des indemnités de licenciement n’excédant pas les seuils déterminés par la loi ou les conventions collectives et accords professionnels).

Étude de la notion de « fonctions analogues »

Dans une affaire portant sur les années 2009 à 2011, un joueur de foot avait fait l’objet d’un arrêt de la Cour Administrative d’Appel en 2021.

Il s’agissait d’un joueur expérimenté qui, après avoir passé la quasi-totalité de sa carrière dans des clubs prestigieux d’Europe, avait signé un contrat avec le PSG.

Le sujet dont la Cour a eu à traiter a trait à des questions de comparables puisque l’administration fiscale, dans le cadre du contrôle, avait considéré que la rémunération du joueur n’était pas supérieure à celles d’autres joueurs exerçant des fonctions analogues au sein du Club, en refusant par là-même les comparables mis en avant par le joueur.

Pour cela, l’administration s’était basée sur la notion de « fonctions analogues » qui selon elle ne pouvait pas s’apprécier en fonction de la seule qualité de joueur de football professionnel, comme le soutenait le contribuable, mais devait également prendre en compte des critères plus subjectifs et liés à l’individu tels que la notoriété et l’expérience.

La Cour Administrative d’Appel suit en cela le raisonnement du Tribunal Administratif. Elle donne tort à l’administration fiscale, considérant que celle-ci ajoutait au texte légal une exigence de « prise en compte de caractéristiques propres aux individus exerçant les fonctions » qui n’avait pas lieu d’être.

Que ce soit l’arrêt de la Cour de 2021 ou la décision du Conseil d’Etat de 2023, il se trouve donc que les deux jurisprudences ont été favorables au joueur.

Force est de constater, à travers ces jurisprudences, que le régime des impatriés est d’application complexe et que les calculs ainsi que le respect d’un formalisme approprié sont à réitérer chaque année de façon extrêmement précise.

L’œil de Scala Patrimoine

Par ailleurs, d’autres limitations s’appliquent qui n’ont pas encore été abordées dans le présent article ; à savoir, lorsque la personne bénéficie, en plus de sa rémunération en France, d’une rémunération de source étrangère entrant dans le cadre du dispositif de faveur, la somme des deux exonérations est plafonnée à 50 % de la rémunération totale d’activité (sous réserve que l’autre formule de plafonnement, basée uniquement sur la part de rémunération de source étrangère, s’applique, si cette formule se révèle être plus favorable au contribuable, mais nous n’entrerons pas davantage dans les détails).

Des plafonds et limitations s’appliquent donc en cascade sur ce type de dispositif qu’il n’est pas forcément très aisé de manipuler.

La plus grande vigilance est donc de rigueur lors de la mise en musique du régime de faveur des impatriés, afin d’éviter tout écueil et toute contestation ultérieure par l’administration fiscale. En particulier, s’agissant des sportifs professionnels, une analyse détaillée et approfondie de la source ainsi que de la nature des revenus perçus dans le cadre de leur mobilité internationale est indispensable avant de poser le cadre fiscal.