L’Union pour l’épargne et l’investissement (UEI) : cap sur une Europe financièrement souveraine

Le 19 mars dernier, la Commission européenne a levé le voile sur sa nouvelle stratégie pour l’Union pour l’épargne et l’investissement (UEI). Cette initiative ambitieuse vise à élargir l’accès des citoyens de l’Union aux marchés de capitaux, tout en facilitant le financement des entreprises à l’échelle continentale.

Dans les semaines à venir, des propositions législatives concrètes seront soumises au Parlement européen et au Conseil. Après leur adoption, elles devront être transposées dans les législations nationales, ouvrant ainsi la voie à une adaptation des réglementations en vigueur.

Voici les grandes lignes de cette réforme d’ampleur.

Encourager les épargnants à investir dans les entreprises européennes

L’un des piliers de cette stratégie consiste à orienter plus efficacement l’épargne vers les marchés financiers.

  • Une prudence structurelle des épargnants

L’Europe se distingue par un taux d’épargne historiquement élevé, atteignant en moyenne 14 % du revenu brut disponible — un chiffre nettement supérieur à celui des États-Unis, qui oscille autour de 8 %.

Mais cette abondance d’épargne reste peu mobilisée. Les Européens demeurent frileux lorsqu’il s’agit d’investir dans l’économie réelle, perçue comme plus risquée, même si elle est potentiellement plus rémunératrice. Seuls 17 % des actifs détenus par les ménages européens sont investis en instruments financiers. Contre près de 43 % pour leurs homologues américains.

Or, les enjeux sont colossaux. L’Union européenne doit relever des défis majeurs : assurer son autonomie stratégique, réussir les transitions écologique et numérique, renforcer sa souveraineté financière, améliorer sa compétitivité et, désormais, financer sa défense.

Selon le rapport de Mario Draghi, les besoins supplémentaires de financement s’élèvent à 800 milliards d’euros par an pour accompagner les transitions énergétique et numérique. Si l’on y ajoute les impératifs de défense, ce montant grimpe à 1 000 milliards d’euros par an.

  • Mobiliser plus efficacement l’épargne des ménages

Pour répondre à ces besoins, la Commission européenne ambitionne de faciliter le parcours de l’investisseur. Elle prévoit notamment d’améliorer la culture financière des citoyens tout en garantissant l’accès à des conseils professionnels de qualité.

Une stratégie européenne d’éducation financière devrait ainsi être présentée à l’été 2025. Aujourd’hui, le niveau de littératie financière est jugé insuffisant dans de nombreux États membres. L’objectif est double : inciter les épargnants à investir et stimuler le développement de produits financiers attractifs.

La Commission envisage de créer un modèle européen d’épargne pour les petits investisseurs. Elle souhaite s’inspirer des meilleures pratiques nationales déjà existantes.

Dès octobre, elle réexaminera les règles encadrant les Institutions de prévoyance professionnelle (IORPs). Elle étudiera aussi le produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle (PEPP).

Bruno Le Maire a confié une mission à Christian Noyer sur l’union des marchés de capitaux. Selon lui, une autre voie est préférable au PEPP. « Plutôt qu’un produit unifié comme le PEPP, pénalisé par les disparités fiscales et tarifaires entre les États membres, il conviendrait de privilégier un label commun. Celui-ci pourrait être décliné par les pays, soit via la création de nouveaux produits d’épargne, soit en adaptant certains dispositifs existants. »

La Commission souligne aussi l’importance des incitations fiscales. Elles sont essentielles pour orienter l’épargne vers des produits à long terme. Les dispositifs de retraite sont notamment concernés.

Réduire les obstacles réglementaires

Autre axe central de l’Union pour l’épargne et l’investissement (UEI) : faciliter l’émergence d’une véritable offre d’épargne transfrontalière. Pour ce faire, la Commission souhaite lever les freins réglementaires, notamment dans le secteur de la gestion d’actifs et de la distribution de fonds.

Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l’Autorité des marchés financiers, rappelait récemment devant l’Académie des sciences morales et politiques que : « Les marchés restent encore très liés à des lieux, notamment en raison de la réglementation. L’activité financière est l’une des plus encadrées, et la régulation, mission régalienne par essence, demeure largement nationale. »

Pourtant, l’enjeu est stratégique. « Il est devenu crucial de sécuriser nos circuits de financement pour garantir notre indépendance et renforcer notre autonomie stratégique », conclut-elle.

Bâtir une Europe de l’investissement

Au niveau européen, l’enjeu majeur est le développement d’un véritable marché unique des capitaux, pour répondre aux besoins de financement considérables.

Cela passe par la mobilisation du secteur bancaire, bien entendu, mais surtout des marchés de capitaux, pour mieux transformer le gisement trop sous-exploité de l’épargne européenne et l’orienter vers des investissements de plus long terme.

Cette stratégie marque une étape décisive dans la construction d’un espace financier européen intégré. La commission ambitionne de changer des règles de l’UE en matière de titrisation « en mettant l’accent sur la diligence raisonnable, la transparence et les exigences prudentielles pour les banques et les assureurs, ce qui permettra de libérer des ressources des banques et de mieux soutenir les entreprises ».

Sachant qu’une une révision du Règlement sur les fonds de capital-risque européens (EuVECA) est aussi annoncée pour l’été 2026.

L’avis de Scala Patrimoine sur “l’Union pour l’épargne et l’investissement” (UEI)

Nous partageons pleinement la position exprimée par Christian Noyer. L’ancien gouverneur de la banque de France souligne à juste titre qu’il est essentiel d’éviter la création de nouveaux produits financiers. Mieux vaut, en effet, s’appuyer sur les dispositifs existants. Les établissements financiers ne souhaitent d’ailleurs pas l’apparition de nouvelles offres. Ces derniers tendent même à rationaliser leur gamme actuelle. Or, une distribution à grande échelle ne saurait se faire sans leur concours.

D’autant qu’en France, l’éventail des solutions d’épargne est déjà riche et diversifié. Assurance-vie française ou luxembourgeoise, contrats de capitalisation, ou encore plan d’épargne en actions (PEA), autant de véhicules répondant déjà aux principaux besoins des investisseurs.

Nous suivons également avec attention la volonté affichée par la Commission européenne de faciliter le développement des fonds de pension en tant que produits d’épargne à part entière.

Projet, Union de l’épargne et des investissements (UEI), Commission européenne