Romane Azzopardi (Scala Patrimoine) : « Les États-Unis devraient échapper à la récession »
Les marchés financiers ont fini 2023 en boulet de canon. Le S&P 500, l’indice regroupant les 500 plus grandes entreprises américaines, a ainsi terminé l’année sur 9 semaines de hausse ininterrompue pour signer un gain de + 26 % ! 2024 s’annonce-t-elle aussi prolifique ? On peut logiquement en douter. Les investisseurs intègrent un scénario très optimiste, notamment concernant l’économie américaine. Romane Azzopardi, responsable de la gestion financière du cabinet Scala Patrimoine, dresse un état des lieux complet des marchés financiers, avant de se concentrer sur la situation macroéconomique et d’énoncer les principaux risques qui pèsent sur l’économie mondiale.
Scala Patrimoine. Comment se sont comportées les principales économies mondiales en 2023, et notamment l’économie américaine ?
Romane Azzopardi. À la surprise générale, les économies réelles ont su rester stables et éviter la récession, à l’exception de l’Allemagne. Nous avons assisté à ce que certains appellent « une désinflation immaculée », illustrée par l’économie américaine qui a su rester résiliente, soutenue par une consommation robuste, elle-même alimentée par une croissance forte des salaires.
Scala Patrimoine. Quel bilan peut-on faire des marchés financiers en 2023 ?
Les marchés actions ont été particulièrement chahutés l’année dernière, mais ont terminé sur une note très positive. Ils ont même enregistré des performances exceptionnelles, à l’instar des actions américaines qui ont touché à nouveau un point haut, tirées très largement par les sept magnifiques, ces fameuses stars de la tech américaine.
Sur les marchés émergents, le bilan est beaucoup plus mitigé. Les indices « actions émergentes » ont pâti de la faiblesse de l’activité chinoise.
Cette performance a été globalement générée sur les deux derniers mois de l’année. Les marchés ayant anticipé un changement de politique monétaire à mesure que le processus de désinflation semblait de plus en plus ancré des deux côtés de l’Atlantique.
Évidemment, la baisse des taux longs a profité aussi au marché obligataire. Les indices obligataires en zone euro ont enregistré une performance de + 7 %, l’année dernière.
Sur les matières premières, le pétrole a chuté de près de 9 %. Une baisse essentiellement alimentée par un contexte macroéconomique dégradé, et une production américaine particulièrement élevée.
À l’inverse, l’or a fait un parcours assez exceptionnel. + 13 % sur l’année 2023, alimentée par la demande soutenue du côté des banques centrales et des ménages chinois.
« Les marchés obligataires se montrent très performants, lorsque les banques centrales font pivoter leurs politiques monétaires »
Scala Patrimoine. Quelles sont les projections macroéconomiques pour 2024 ?
Les États-Unis devraient échapper à la récession. Le consensus privilégie un atterrissage en douceur de l’économie américaine, bien qu’on observe une détente sur le marché de l’emploi. La croissance des salaires réels devrait se maintenir et soutenir la consommation. Les conditions de financement se sont assouplies sur la fin de l’année, et devraient également se poursuivre sur l’année 2024.
En zone euro, les analystes sont un peu moins optimistes. Le ralentissement y est plus important. Le consensus écarte tout de même le risque d’une récession et table sur une croissance de 0,8 % en 2024. Le stock d’épargne est globalement élevé et la croissance des salaires réels devrait se maintenir face à un processus de désinflation qui paraît déjà bien ancré.
Du côté des marchés émergents, les perspectives de croissance du côté de l’Inde sont toujours positives. Le FMI table sur une croissance d’un peu plus de 6 % en 2024.
La Chine ne sera, quant à elle, pas un relais de croissance pour l’économie mondiale. Les difficultés du marché immobilier, le chômage des jeunes actifs, mais aussi l’absence d’un stimulus significatif du côté du gouvernement chinois pèseront significativement sur la croissance domestique.
« L’économie américaine pourrait face à un ralentissement plus prononcé que celui anticipé »
Scala Patrimoine. Quelles seraient les principales incidences de la réalisation du scénario central sur les marchés boursiers ?
Le scénario envisagé par le consensus est assez clair : la poursuite de la baisse de l’inflation instaurerait un cercle vertueux qui impliquerait une baisse des taux d’intérêt et donc un soutien à la croissance économique. L’assouplissement rapide des politiques monétaires par la baisse des taux directeurs, largement anticipé par le marché, viendrait soutenir les actifs obligataires. Historiquement, ces derniers se montrent très performants, lorsque les banques centrales font pivoter leurs politiques monétaires.
Si cette baisse des taux soutient les marchés actions, le facteur clé demeure la capacité des entreprises à maintenir les marges bénéficiaires dans un environnement déflationniste.
Scala Patrimoine. Quels sont les principaux points de vigilance pour l’économie mondiale et les marchés financiers ?
L’optimisme prévaut sur les marchés financiers. Mais celui-ci doit à notre sens être nuancé. De nombreux points de vigilance sont à mettre en lumière. Le premier : les risques géopolitiques. Les conflits restent intenses sur une bonne partie du globe, comme en témoigne les récents événements en mer Rouge. Deuxième point de vigilance : le dérapage du scénario de croissance.
Les derniers indicateurs avancés publiés pour l’économie américaine pointent un scénario qui ne serait pas celui d’un atterrissage en douceur, mais plutôt d’un ralentissement plus prononcé. Le troisième point de vigilance porte sur la complaisance à l’égard de l’inflation. Les marchés anticipent 6 baisses de taux en 2024, aux États-Unis comme en Europe. 6 baisses de taux, c’est aussi le signe potentiel d’un ralentissement plus prononcé qu’attendu, qui serait évidemment négatif pour l’activité économique, et les marchés actions.
Enfin, quatrième point, l’année 2024 est une année électorale. Et ces événements pourraient générer de la volatilité à court terme.
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