Crédit, prix, baisses des taux : faut-il investir dans l’immobilier ?

Guillaume Lucchini, associé fondateur du multi family office indépendant Scala Patrimoine, et Ludovic Huzieux, cofondateur d’Artémis Courtage, étaient les invités de Pauline Gratelle dans l’émission SMART Patrimoine sur B Smart TV pour évoquer le marché immobilier.

Après plusieurs années de turbulences, celui-ci semble amorcer une phase de normalisation. L’offre de crédit s’est sensiblement accrue, les banques adoptant une stratégie offensive de conquête commerciale. Résultat : le volume des prêts accordés est en nette progression, une évolution salutaire pour l’ensemble du secteur. Les taux, quant à eux, demeurent globalement stables.

Pauline Gratelle. Comment analysez-vous la situation actuelle du marché immobilier. Comment s’inscrit-elle dans le cadre d’une stratégie patrimoniale ?

Guillaume Lucchini. Le marché immobilier reste intrinsèquement lié à celui du crédit. Depuis 2022, la forte remontée des taux d’intérêt a mécaniquement réduit le pouvoir d’achat des acquéreurs. Dans le même temps, nombre de vendeurs refusaient d’ajuster leurs prix aux nouvelles conditions du marché. Ce double mouvement a provoqué une véritable paralysie des transactions, tant sur le résidentiel que sur l’immobilier tertiaire — en particulier le bureau, qui a enregistré une contraction marquée.

Mais 2025 a constitué un véritable tournant. La Banque centrale européenne a initié une baisse des taux, rapidement répercutée par les établissements bancaires auprès des investisseurs. Concrètement, cela représente une diminution de l’ordre de 1,5 point sur les crédits à 20 ans.

Deux facteurs nourrissent aujourd’hui ce rebond.

D’abord, les vendeurs acceptent désormais de revoir leurs prétentions et consentent à céder leurs biens à des prix plus en phase avec la réalité du marché. De l’autre côté, les acquéreurs, conscients des opportunités, se positionnent à nouveau.

S’ajoute une dimension environnementale cruciale : les diagnostics de performance énergétique (DPE). Les biens classés comme « passoires thermiques » sont progressivement exclus du marché locatif. Or, la mise aux normes entraîne des coûts de rénovation souvent prohibitifs, incitant certains propriétaires à céder plutôt qu’à réhabiliter.

Pauline Gratelle. Faut-il attendre une nouvelle détente des taux ou saisir dès maintenant les opportunités ?

Guillaume Lucchini. Les périodes de crise ouvrent généralement des fenêtres d’investissement privilégiées. Elles offrent aux acheteurs une marge de négociation accrue et une position de force. Nous l’observons notamment à Paris intramuros, où de beaux actifs — par exemple dans le très prisé 6ᵉ arrondissement — se négocient aujourd’hui avec des décotes avoisinant 20 % par rapport aux niveaux d’il y a deux ans.

Pour des investisseurs capables de mobiliser le levier du crédit, le moment est particulièrement propice. D’autant plus que, si les taux venaient à reculer encore, il resterait toujours possible de renégocier ses conditions d’emprunt.

Beaucoup se réfèrent encore aux taux exceptionnellement bas observés avant la crise sanitaire. Mais la situation actuelle, marquée par une correction des prix, ouvre des perspectives d’acquisition plus intéressantes qu’une hypothétique baisse future des taux — laquelle pourrait mécaniquement entraîner un rebond des prix.

À cela s’ajoute un facteur d’incertitude : la conjoncture politique française. Une hausse de la fiscalité immobilière n’est pas à exclure, et une telle mesure risquerait de figer à nouveau le marché. C’est pourquoi nous recommandons à nos clients d’agir dès maintenant, en profitant de la liquidité retrouvée du marché et des conditions de négociation favorables.