Réforme de l’ISF : quels arbitrages réaliser sur votre patrimoine ?

« Récompenser ceux qui prennent des risques »[1]. Telle est la philosophie du gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2018 qui sera présenté le 27 septembre, et notamment de la réforme de l’ISF voulue par Emmanuel Macron. Dès le 1er janvier 2018, l’ISF ne serait pas supprimé mais serait transformé en Impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui taxerait uniquement les patrimoines immobiliers nets supérieurs à 1,3 million d’euros. Les conséquences de cette réforme ne seront pas les mêmes selon le montant et la composition de votre patrimoine. Par ailleurs, une question se pose : est-il judicieux de vendre vos biens immobiliers pour échapper au futur IFI ?

Quelles sont les implications de cette réforme pour votre patrimoine ?

Alors que l’assiette imposable de l’actuel ISF comprend tous les biens (meubles et immeubles), droits (usufruit, droit d’usage, etc.) et valeurs (actions, titres, etc.), celle du futur Impôt sur la fortune immobilière (IFI) serait circonscrite aux seuls biens immobiliers. Le patrimoine financier étant ainsi exclu de ce nouvel impôt sur la fortune, tous vos contrats d’assurance-vie, contrats de capitalisation, comptes-titres, PEA, comptes sur livret et autres liquidités seraient donc entièrement exonérés. L’objectif du Président de la République est d’orienter l’épargne des Français vers l’économie réelle et productive, et ainsi favoriser l’investissement en actions et parts sociales permettant de financer les entreprises, contrairement à la « rente immobilière ».

Le seuil d’assujettissement (valeur nette du patrimoine d’au moins 1,3 million d’euros), les taux et les barèmes de la version actuelle de l’ISF devraient rester inchangés, de même que l’abattement de 30% sur la résidence principale, ainsi que l’exonération des biens immobiliers professionnels. La règle du plafonnement, selon laquelle la somme de l’IFI et de l’impôt sur le revenu ne pourra pas excéder 75% des revenus, devrait aussi être maintenue. Pour le reste, les contours de la réforme sont encore à préciser, notamment le sort de certains actifs financiers ayant pour sous-jacent l’immobilier, tels que les OPCI et SCPI.

Une chose est claire : a priori, cette réforme de l’ISF profitera à tous puisqu’elle n’induira aucune augmentation d’impôt, y compris pour les contribuables détenant majoritairement de l’immobilier, et aboutira au contraire à faire baisser voire à supprimer l’impôt sur la fortune des contribuables dont le patrimoine est essentiellement composé d’actifs financiers.

Toutefois, sur les 342.942 foyers fiscaux[2] concernés pas l’ISF, certains seront plus gagnants que d’autres : les plus fortunés des contribuables ISF, c’est-à-dire ceux dont le patrimoine a une valeur supérieure à 2,4 millions d’euros, lequel est composé à 80% d’actifs financiers, contrairement aux « petits contribuables » ISF, dont le patrimoine est compris entre 1,3 et 2,4 millions d’euros et composé à 80% d’immobilier[3].

Faut-il vendre vos biens immobiliers pour investir dans les actifs financiers ?

Pour échapper à l’IFI, certains contribuables envisagent d’ores et déjà de se débarrasser de leurs biens locatifs pour investir dans des actifs financiers. Mais cette décision est plus complexe qu’elle n’y parait.

Force est de constater qu’à partir de 2018, l’immobilier sera sûrement l’actif le plus taxé en France : tout d’abord lors de la perception des revenus fonciers, lesquels sont soumis à l’impôt sur le revenu à votre tranche marginale d’imposition (pouvant aller jusqu’à 45%) ainsi qu’aux prélèvements sociaux au taux de 15,5% (bientôt porté à 17,2% avec la future augmentation d’1,7 points de la CSG), soit une imposition totale de 60,5% au maximum ; ensuite, tous les ans, le simple fait de détenir au 1er janvier un patrimoine immobilier dont la valeur est supérieure à 1,3 million d’euros entraînera l’assujettissement à l’IFI, ce qui ne sera plus le cas des actifs financiers. Sans oublier les impôts locaux tels que la taxe foncière et la taxe d’habitation. L’accumulation de ces impôts directs et indirects vient donc amputer la rentabilité brute de votre investissement immobilier. Or, c’est bien la rentabilité nette après impôt qui est déterminante pour mesurer la performance de votre investissement locatif. A l’approche de cette réforme de l’ISF, il est donc judicieux de faire le point sur la rentabilité de vos biens locatifs, afin de vous séparer des moins rentables d’entre eux. C’est également l’occasion de faire réévaluer vos biens, afin de déterminer l’éventuelle plus-value latente, et d’analyser l’état et la dynamique du marché immobilier dans votre ville.

Toutefois, n’oubliez pas que lors de la cession d’un bien immobilier (autre que la résidence principale), l’éventuelle plus-value réalisée (après avoir été diminuée d’un abattement au-delà de 5 ans de détention, progressif avec le temps) est taxée à l’impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 19 % ainsi qu’aux prélèvements sociaux au taux de 15,5 %, soit une imposition totale de 34,5%. Les plus-values de cession ne sont totalement exonérées qu’après 22 ans de détention au titre de l’impôt sur le revenu et qu’après 30 ans de détention au titre des prélèvements sociaux. Attention donc à ne pas prendre de décisions trop hâtives dans l’unique but d’échapper à un IFI annuel de quelques milliers d’euros, au risque de devoir acquitter en une seule fois une fiscalité sur les plus-values immobilières de plusieurs dizaines de milliers d’euros.

De plus, la fiscalité ne doit pas être l’unique paramètre à prendre en compte lors de votre décision de désinvestissement et de réinvestissement. En effet, céder un bien immobilier pour réinvestir le produit de cession sur les marchés financiers, c’est aussi s’exposer à un autre couple rendement/risque. Quels risques êtes-vous prêt à prendre ? Quel est votre horizon d’investissement ? Quelle proportion de votre patrimoine représente le montant ainsi investi ? Quelle enveloppe choisir : assurance-vie, contrat de capitalisation, PEA ? Autant de questions à se poser avant de se lancer sur le marché actions.

Quelles sont les stratégies alternatives permettant d’éviter le futur IFI ? 

Sans vous séparer définitivement de vos biens immobiliers, il est également possible de recourir à des stratégies patrimoniales permettant de faire sortir temporairement un bien immobilier de votre patrimoine, par exemple en procédant à une donation temporaire d’usufruit à vos enfants, ou de créer une dette déductible en face de votre actif imposable notamment grâce au refinancement d’un immeuble via un prêt hypothécaire (cf notre article Crédit Hypothécaire).

Il sera également toujours possible d’obtenir la réduction d’impôt de 75% pour les dons à des associations caritatives ou des fondations. En revanche, le Ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire vient d’annoncer[4] que la réduction d’ISF de 50% en cas d’investissement au capital des PME sera supprimée, mesure sonnant ainsi le glas d’un dispositif pourtant très efficace depuis sa création puisqu’il permettait à lui seul d’injecter chaque année 1 milliard d’euros dans l’économie réelle.

Face à tous ces changements fiscaux, il est donc primordial d’actualiser votre stratégie patrimoniale.

[1] Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie et des Finances, dans l’entretien paru aux Echos le 12 septembre 2017 : https://www.challenges.fr/economie/fiscalite/ifi-pel-assurance-vie-le-maire-precise-les-mesures-fiscales-du-gouvernement-dans-les-echos_498746

[2] Chiffres de la Direction Générale des Finances Publiques pour l’année 2015.

[3] Pour plus de précisions, cf l’article de Frédéric Douet « Réforme de l’ISF : tout changer pour que rien ne change ? » paru au Monde le 5 juillet 2017 : http://www.lemonde.fr/argent/article/2017/07/05/reforme-de-l-isf-tout-changer-pour-que-rien-ne-change_5156274_1657007.html

[4] Cf note 1.