Loi PACTE et BREXIT, les cadeaux du gouvernement pour conquérir la City
Deux dispositions du projet de loi Pacte[1] (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) emboîtent le pas aux revenants du Brexit. A sept mois de la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union Européenne le 29 mars prochain, le « Brexode » a débuté !
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 1 000 postes prévus chez HSBC, 200 chez JP Morgan, 180 chez Morgan Stanley, 150 chez Citigroup, 100 chez Goldman Sachs… Au total, près de 4 000 personnes attendues, avec un effet multiplicateur portant à 20 000 le nombre d’emplois induits. Bank of America a signé le bail d’un immeuble Art Déco en rénovation rue de la Boétie, dans le VIIIe pour accueillir dans un premier temps, 200 cadres financiers.
L’article 23 destiné à renforcer l’attractivité de la place financière de Paris dans la perspective notamment du Brexit a été adopté en seconde séance du vendredi 28 septembre par la commission spéciale de l’Assemblée nationale chargée de l’examen du texte et en attente d’adoption définitive par le Sénat.
Cet article de la loi PACTE prévoit la mise en place d’une mesure de dispense temporaire d’affiliation au régime obligatoire de retraite pour les salariés qui seraient relocalisés à l’avenir en France, pour faciliter les mobilités professionnelles. Ce nouveau régime social se conjuguera avec le régime fiscal de l’impatriation d’ores et déjà en vigueur pour renforcer encore davantage l’attractivité de la France.
L’article vise également à rendre possible la récupération des bonus des preneurs de risques travaillant au sein des établissements de crédit, sociétés de gestion de portefeuille et entreprises d’investissement, et à exclure les bonus récupérables du calcul de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité accordé par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul. En effet, les primes et bonus récupérables, qui varient fortement chaque année, ne font pas partie du salaire dû chaque mois par l’employeur pour les « preneurs de risques » au sens de la réglementation financière européenne.
Des dispositions favorisant l’attractivité de la place financière de Paris, mais pas seulement.
La première renforce le régime des « impatriés » en exonérant de cotisations retraite du régime général et complémentaire les salariés qui seraient relocalisés en France. Cette dispense pourrait être accordée pour une durée de 3 ans renouvelable une fois, soit 6 ans au maximum. En effet, « ces cadres à hauts salaires », n’ayant souvent pas vocation à bénéficier en France de prestations retraite, la suppression de ces « cotisations non productives » apparaît à la fois justifiée par un contexte micro-économique et macro-économique.
Par ailleurs, pour limiter le risque de « fausse expatriation », cette mesure ne s’appliquera qu’aux salariés qui n’ont pas été affiliés à un régime de sécurité sociale en France sur les cinq années précédentes, ce qui souligne en plus le cadre restrictif du législateur.
La contrepartie de cette mesure serait qu’aucun droit à la retraite ne pourrait être acquis pendant la durée de l’exonération des charges. En effet, exonération, est souvent synonyme d’absence d’acquisition de droits. Pour pallier à cet inconvénient, seul un supplément de retraite par capitalisation pourrait être envisagé.
Autre conséquence probable de cette mesure : les 3 ans d’exonération de charges retraite ne permettraient pas de valider l’équivalent de 12 trimestres pour la retraite de base.
Cette première disposition est présentée comme favorisant l’attractivité de la place financière de Paris, et notamment des cadres de la finance mais elle vise en réalité la population des cadres impatriés et notamment :
- les français partis travailler à l’étranger et qui reviennent en France après un séjour plus ou moins long ; et
- les cadres étrangers désireux de venir travailler en France, quelle que soit leur nationalité.
Cette disposition peut également aussi attirer des sportifs de hauts niveaux français partis à l’étranger comme des jeunes sportifs étrangers désireux de venir exercer leurs sports en France. La ligue 1 de football rayonne depuis quelques années et attire de plus en plus de jeunes talents qui souhaitent s’inscrire dans la durée. L’économie de charges patronales de retraite pour le club et le gain en pouvoir d’achat pour le joueur sont deux éléments pouvant faire pâlir certains de nos voisins européens.
La seconde disposition porte sur l’exclusion du bonus récupérable de l’assiette de calcul de certaines indemnités. Les bonus peuvent varier fortement selon les années. Compte tenu de leur importance dans la rémunération des preneurs de risques, ils ont pour conséquence d’augmenter substantiellement le coût des ruptures de contrat. Pour les mêmes raisons, le texte adopté en commission exclut les bonus récupérables du calcul des indemnités de licenciement des « salariés preneurs de risque », afin d’en limiter le coût
Votées à l’origine dans le cadre du projet de la loi de ratification des ordonnances Macron, les dispositions proposées par le gouvernement avaient été annulées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 mars 2018, pour des raisons de procédure parlementaire (« cavalier législatif ») (c. constit., décision 2018-761 DC du 21 mars 2018, JO du 31).
Ces dispositions de la loi PACTE mettent un peu plus en exergue le rôle que veut prendre la France pour faire de Paris une place financière stratégique. Ces dispositions pourraient ainsi inciter un peu plus les décideurs à retenir Paris comme ville de repli en Europe.
Malek Ziane, Responsable corporate & épargne collective Scala Patrimoine
[1] Projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, PACTE, art.23
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