Apport cession : comment optimiser sa cession d’entreprise en 2020 ?

Ce contenu a été mis à jour à la suite des nouveautés introduites par la Loi de Finances pour 2020.

Lorsqu’un chef d’entreprise voit sa société prendre de la valeur, la cession de ses titres est soumise à l’imposition de la plus-value au prélèvement forfaitaire unique de 30% ou au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Pour éviter cette taxation, la stratégie de l’apport cession peut être opportune.

Les équipes de Scala Patrimoine vous aident à inscrire votre projet professionnel dans une stratégie globale d’optimisation patrimoniale.

 

 

Qu’est-ce que l’apport-cession ?

 

L’apport-cession consiste pour une personne physique à apporter, dans un premier temps, les titres d’une société X à une autre société holding Y contrôlée par le contribuable ou son groupe familial afin de bénéficier du régime de report d’imposition. [1]  En échange de l’apport de titres X au bénéfice de la société Y, celle-ci remet à la personne physique des titres représentatifs de Y.

Ce dispositif prévu par le Code général des impôts permet de reporter la plus-value de titres lors d’une opération d’apport de valeurs mobilières, de droits sociaux ou de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés et contrôlée par l’apporteur.

Pour illustrer cette stratégie :

Monsieur Z souhaite céder les parts d’une startup qu’il a créée en 2014 avec un capital de 10 000 €. Son entreprise, florissante, est évaluée à 3 000 000 € en 2019. La plus-value des titres s’élèverait à 2 990 000 €, soit le delta représentatif de l’augmentation de la valeur de la société.

Monsieur Z, las de son activité, désire céder ses titres pour réemployer les fonds de la vente dans une autre activité. Il serait redevable en cas de cession directe, en appliquant le prélèvement forfaitaire unique, d’une fiscalité sur la plus-value s’élevant à : 2 990 000 € * 30% soit 897 000 €.

En revanche, s’il crée une holding soumise à l’impôt sur les sociétés en apportant les titres de sa société, la plus-value liée à cet apport sera mise en report automatiquement et pourra offrir à Monsieur Z des liquidités non imposées à réinvestir dans une autre activité (voir infra).

La mise en report consiste à figer l’assiette taxable de la plus-value au jour de l’apport, en prenant en considération les taux d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en vigueur, et à en reporter l’imposition.

 

Une stratégie soumise à plusieurs conditions

 

La stratégie décrite est soumise à plusieurs conditions cumulatives :

  • L’apport de titres doit être réalisé en France ou dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ;
  • la société bénéficiaire de l’apport doit être contrôlée par le contribuable, comme indiqué précédemment ;
  • la société qui reçoit les titres apportés doit être imposée à l’impôt sur les sociétés ;
  • en contrepartie de l’apport fait à la société holding, le contribuable ne peut recevoir plus de 10% de la valeur nominale des titres sous forme d’argent (soulte).

Une société est contrôlée si au moins l’une des conditions suivantes est respectée :

  • Le contribuable et son groupe familial détiennent la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéficies sociaux ;
  • le contribuable seul détient la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société en vertu d’un accord avec d’autres associés ou actionnaires ;
  • le contribuable exerce dans les faits le pouvoir de décision.

 

L’apport-cession : une possibilité de réemploi des titres apportés puis cédés

 

Dans notre exemple, Monsieur Z souhaite céder les titres de sa startup pour changer d’activité. La stratégie de l’apport-cession rend possible l’opération de cession des titres nouvellement apportés, sans fiscalité, après 3 ans. Toutefois si la cession est réalisée avant les 3 ans imposés, le contribuable a l’obligation de réinvestir dans les 2 ans – selon un taux fixé par la loi – une partie du produit de la cession dans le financement d’une activité économique (commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière). Quelques aménagements à ce propos ont été apportés par les lois de finances 2019 et 2020.

Des conditions plus souples en matière de possibilités de réinvestissement :

Depuis le vote de la loi de finances 2019, si la cession des titres apportés est réalisée après le 1er janvier 2019, le réinvestissement peut être réalisé dans des FCPR (fonds communs de placement à risque), des FPCI (fonds professionnels de capital investissement), des SCR (société de capital-risque) et des SLP (société de libre partenariat) à condition que les fonds respectent certaines conditions prévues dans la loi, assouplies avec la loi de finances 2020. [2]

Le report est maintenu si la société contrôlée par le contribuable conserve les parts de fonds jusqu’à l’expiration d’un délai de 5 ans suivant la souscription.

La loi de finances pour 2020 dissocie un premier délai de 2 ans correspondant à la prise d’un engagement de souscription par la société cédante, puis un second délai de 5 ans pour la libération effective des capitaux, ce qui porte le délai maximal global à 7 ans.

Cet amendement inscrit dans la loi de finances 2019, ainsi que l’assouplissement des conditions avec la loi de finances 2020, sont une aubaine pour les contribuables, qui jusqu’alors, pouvaient rencontrer des difficultés à réinvestir dans une activité économique au sens du législateur.

Une condition plus stricte s’agissant du taux de réinvestissement :

En revanche, si la cession est réalisée avant les 3 ans imposés, le contribuable a l’obligation de réinvestir dans les 2 ans, au moins 60% du produit de la cession (contre 50% avant la loi de finances 2019) dans le financement d’une activité éligible.

Ainsi, la stratégie de l’apport-cession permettrait à Monsieur Z de réinvestir les capitaux issus de la vente des titres dans une autre activité, y compris dans les fonds précités (FCPR, FPCI, SCR, SLP), en n’étant redevable d’aucune imposition sur la plus-value, sans attendre le délai de 3 ans.

Les activités civiles restent exclues du champ de réinvestissement :

Les remplois effectués dans des activités civiles telles que la gestion de portefeuilles financiers ou immobiliers ne peuvent entrer dans le champ d’application du report d’imposition. En cas de non-respect des conditions, le report d’imposition est levé et l’assiette de la plus-value calculée au moment de l’apport sera fiscalisée selon les taux de prélèvements sociaux et d’impôt sur le revenu qui étaient applicables au jour de l’apport.

Le report d’imposition peut aussi prendre fin dans les cas suivants :

  • Le domicile du contribuable est transféré hors de France ;
  • Les titres reçus en échange de l’apport sont cédés, rachetés, remboursés ou annulés ;
  • Les titres apportés dans la holding ont été cédés avant les 3 ans requis, sans les réinvestir à hauteur de 60% dans une activité économique.

 

Une stratégie complémentaire : mêler apport-cession et donation 

 

Dans la continuité de notre exemple, Monsieur Z, possédant des titres de la société holding en échange de l’apport réalisé, envisage de les donner à son fils. Dans un tel cas, la donation réalisée transfère la charge du report d’imposition sur la tête du donataire (celui qui reçoit).

Pour favoriser les transmissions intergénérationnelles, le législateur exonère définitivement de fiscalité toute plus-value réalisée sur les titres apportés par Monsieur Z si le donataire conserve les titres qu’il reçoit de son père pendant une certaine durée. Jusqu’au 31 décembre 2019, la durée de conservation minimale était de 18 mois.

Pour les dons et donations réalisées à compter du 1er janvier 2020, l’obligation de conservation par le donataire est portée à 5 ans par principe, voire 10 ans dans le cas d’un réinvestissement dans une structure de capital investissement.

Par exception, le non-respect de l’obligation de conservation n’entrainera pas d’imposition de la plus-value en report si l’un des événements survient : un licenciement, un décès, une invalidité de 2e ou 3e catégorie prévue par l’article L 341-4 du Code de la sécurité sociale.

Si un engagement de réinvestissement du produit de la cession de titres apportés a été pris par Monsieur Z avant la donation, ou que le donataire prend un tel engagement avant la période de 5 ou 10 ans qu’il doit respecter, le fils de Monsieur Z devra réinvestir le produit de cession dans une activité économique pour que le report d’imposition ne soit pas levé.

Ainsi, sous réserve de respecter ces conditions, le report d’imposition est définitivement éteint en cas de transmission à titre gratuit.

En revanche, resteront dus les droits de mutation à titre gratuit relatifs à la donation suivant le barème en vigueur. [3]

Au regard de la complexité de l’opération, nos experts se tiennent à votre disposition pour vous accompagner dans la structuration d’une telle stratégie.

 

 

[1] article 150-0 B ter du CGI

[2] article 115 de la loi de finances 2019, conditions assouplies par l’article 106 de la loi de finances 2020

[3] article 777 du CGI