Ajustement carbone aux frontières : l’Europe pilote la transition climatique

Transition climatique : carte d’identité du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF)

Pourquoi ?

La transition climatique est un objectif majeur pour l’Union Européenne (UE). Conformément à cette ambition, des normes environnementales plus strictes sont imposées aux entreprises du vieux continent. Cela a une incidence directe sur leurs coûts de fabrication, et par ricochet le prix de leurs produits. L’ambition de l’UE est donc de rétablir la compétitivité des entreprises européennes, contre les entreprises étrangères venant de pays dont les normes environnementales sont insuffisantes ou manquantes.

Qui ?

La Commission Européenne porte le projet.

Quoi ?

Le dispositif doit permettre de contrer les émissions de CO2 ayant été nécessaire à la fabrication des marchandises importées.

Quand ?

Présenté le 14 juillet, le projet pourrait être mis en place progressivement à partir de 2023. Son application intégrale s’opérerait dès 2026.

But ?

La Commission Européenne souhaite fixer un prix du carbone pour les importations de certains produits. Avec ce mécanisme, l’Institution entend effectivement encourager les partenaires non européens à accélérer leur transition énergétique. L’idée est aussi d’éviter une « fuite carbone », autrement dit une délocalisation des unités de production vers des états moins regardants.

Combien ?

La Commission Européenne évalue les recettes fiscales entre 5 à 14 milliards d’euros.

Secteurs concernés ?

L’Institution cible les secteurs intensifs en émissions de dioxyde de carbone. Le projet concerne donc l’industrie sidérurgique, le ciment, les engrais, l’aluminium et l’électricité.

Quelle contrainte ?

Il convient de respecter les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC)

Comment ?

3 étapes doivent être respectées :

– Les importateurs s’enregistrent auprès des autorités nationales ;

– Inspiré par le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (SEQE), le modèle se fonde sur l’acquisition de certificats. Chaque année, les importateurs de l’UE achèteront des « certificats carbone » correspondant au prix du carbone qui aurait été payé si les marchandises avaient été produites conformément aux règles de l’Union Européenne ;

– Les importateurs peuvent apporter la preuve qu’un prix du carbone a déjà été payé lors de la production du produit importé dans leur pays d’origine. Ce montant peut alors être déduit de leur facture finale.

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Pour de nombreux français, la protection de l’environnement est une priorité politique. Bien que des efforts notables aient été entrepris ces dernières années, le chemin s’annonce encore long pour parvenir à la neutralité carbone.

Une exportation de la production de CO2

Un rapport du haut conseil pour le climat qui inquiète

Dans son dernier apport, le Haut Conseil pour le Climat estime les efforts de la France encore insuffisants. L’empreinte carbone des Français représente 11,5 tonnes équivalent CO2 par habitant en 2018. Plus en détail, on remarque que depuis 1995 les émissions CO2 produites en France ont baissé de 30 %. Une bonne nouvelle qui masque cependant une autre réalité : les émissions importées se sont envolées de 78 % sur la même période.

Cette situation met ainsi en lumière la principale difficulté des politiques initiées en faveur de la transition climatique. Pour être pleinement efficientes, celles-ci doivent avoir un double impact : d’une part sur la production de CO2 au sein de notre territoire et d’autre part sur ceux de nos partenaires commerciaux.

L’Europe prend les choses en main en matière de transition climatique

La Commission Européenne tente d’y remédier à travers le plan climat « Fit for 55 ». Présenté le 14 juillet dernier, ce green deal pourrait permettre à l’UE d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Et parmi les mesures phares figure l’instauration du « mécanisme d’ajustement carbone aux frontières » (Carbon Border Adjustement Mecanism).

La règle du “pollueur-payeur”

Des politiques environnementales inégales

Les cinq plus importants émetteurs de CO2 au Monde sont la Chine (28 %), les États-Unis (15 %), l’Union Européenne (10 %), l’Inde (7 %) et la Russie (5 %). Ces zones économiques appliquent malheureusement des politiques de lutte contre le réchauffement climatique très différentes.

L’UE s’est, par exemple, engagée à une réduction nette d’au moins 55% de ses émissions carbones d’ici 2030. Elle vise, en outre, une neutralité en 2050. Portés par l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche, les États-Unis ont revu leurs ambitions à la hausse. Le pays souhaite ainsi réduire les émissions de gaz à effet de serre de près de 50% d’ici 2030. En parallèle, l’Inde met en œuvre, avec succès, une politique de transition énergétique volontariste. La Chine – dont les actes ne sont pas toujours à la hauteur des promesses – et surtout la Russie ont, quant à eux, un temps de retard.

Préserver la compétitivité économique des entreprises vertueuses

Pour réussir sa transition climatique, l’UE impose aux industriels des normes environnementales importantes. Dans ce contexte, l’enjeu est de sauvegarder leur compétitivité. La voie choisie par la Commission Européenne repose sur le principe du « Pollueur-Payeur ». Mais en affichant sa volonté de faire payer aux principaux émetteurs de dioxyde de carbone les coûts associés à la lutte contre la pollution, elle s’est lancée dans un exercice particulièrement complexe.

L’application d’une « taxe carbone » aux frontières serait, en effet, incompatible avec les règles édictées par l’OMC. Elle reviendrait à créer de nouvelles barrières à l’entrée et serait perçue comme une mesure de protection déguisée en faveur des industries européennes. Pour valoriser les entreprises réalisant des investissements lourds en faveur de la transition climatique, l’UE a dû faire preuve de créativité. De ce travail est né le projet de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF).

L’acquisition de certificats pour accélérer la transition climatique

Le MACF doit appliquer un « ajustement à la frontière » et ainsi corriger la différence d’investissement réalisée par les industriels pour limiter leur émission de gaz à effet de serre. Cette disposition obligerait ainsi les importateurs à s’acquitter du même coût carbone que celui supporté par les entreprises européennes. Avec cet outil, la Commission Européenne veut donc faire d’une pierre deux coups : éviter un déplacement des émissions de CO2 hors d’Europe et encourager les partenaires internationaux à prendre des mesures comparables.

Si ce projet se concrétise, l’UE ajustera la politique de tarification carbone qu’elle applique déjà, via son système d’échange de quotas d’émission (SEQE). Dans le cadre de ce « marché du carbone », les importateurs seront tenus d’acheter des certificats représentant des tonnes d’émissions de CO2 pour compenser l’écart entre l’impact écologique de la production des produits achetés et les normes européennes.

Marché du carbone : l’Europe est déjà bien organisée

Un contrôle exercé depuis 2005

Mis en place en 2005, le marché européen du carbone est plus communément appelé « système d’échange de quotas d’émissions ». Grâce à lui, l’Union Européenne peut contrôler directement la quantité de gaz à effet de serre émise par certains secteurs d’activité ! Comment ? L’institution fixe un seuil d’émission de CO2 à partir duquel une activité est considérée comme trop polluante. Les entreprises affichant une production de carbone supérieure à cette limite seront alors sanctionnées financièrement.

Un “droit à polluer”

Avec l’application du MACF, l’UE devrait émettre une quantité de quotas limitée, à charge pour les industriels de lui remettre – après une période déterminée – la même quantité de quotas. Ces quotas pouvant être comparés à un « droit à polluer ».

Leur prix serait indexé sur celui de la tonne de CO2, pratiqué au sein du marché européen du carbone.

Comme dans un marché classique, les entreprises auront la capacité d’acheter ET de vendre librement ces quotas entre elles. Leur intérêt sera ainsi de réduire les émissions de gaz à effet de serre dont le coût est inférieur au prix du quota.

Le prix du carbone, un élément sensible

Pour cette raison, la variation du prix de la tonne de CO2 est un élément très sensible. Plus le prix du carbone sera important, plus le mécanisme incitera les industriels à investir pour réduire leurs émissions.

Pour se conformer aux règles de l’OMC, l’Europe doit cependant éviter toute discrimination envers les entreprises dont le pays d’origine applique une politique environnementale équivalente. C’est pourquoi, les importateurs pourront déduire de leurs factures finales, les coûts relatifs à l’éventuel marché carbone de leurs pays d’origine.

Les ambitions européennes pour favoriser la transition climatique

Eviter “une fuite de carbone”

Le projet présenté par la Commission Européenne le 14 juillet dernier répond à plusieurs objectifs :

– Favoriser une industrie plus propre en Europe et au sein de ses partenaires commerciaux ;

– Faire pression sur les pays les plus polluants, pour les contraindre à adopter des normes environnementales comparables à celles appliquées au sein de l’UE ;

– Protéger les entreprises européennes et ainsi éviter une « fuite de carbone », autrement dit un transfert des productions polluantes vers des pays moins regardants sur le plan environnemental ;

– Générer des revenus supplémentaires pour financer la transition climatique des pays de l’UE. La Commission Européenne espère percevoir de 5 à 14 milliards d’euros de recettes par an.

Des discussions qui s’annoncent animées

Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) pourrait être pleinement opérationnel à partir de 2026. Mais les négociations promettent d’être âpres. Les facteurs de risques étant en effet multiples.

Sur le plan politique, les dispositions pourraient, heurter les principaux partenaires de l’Union Européenne. La Chine est d’ailleurs déjà montée au créneau. Elle estime que le projet « viole les principes de l’OMC et compromet gravement les perspectives de croissance économique ».

Sur le plan économique, on constate que les pays les plus moins regardant sur le plan environnemental sont les pays émergents ou en développement. Or pour ces derniers, la transition énergétique représente un coût encore trop élevé.