N. Gastaldo (Pan-Européenne) : “Plus de 50 % des films d’initiatives françaises bénéficient de l’apport d’une Sofica”
Crée en 1985, les Sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel – les Sofica – permettent aux épargnants d’investir dans le cinéma français tout en bénéficiant d’une réduction d’impôt sur le revenu. Mais quel rôle jouent-elles exactement dans le paysage audiovisuel français ? Comment finance-t-on un film ? La crise a-t-elle fragilisé l’industrie du cinéma ? Nathalie Gastaldo, productrice associée au sein de la société Pan-Européenne, lève le voile sur nos interrogations.
Scala Patrimoine. Pouvez-vous nous présenter en quelques mots la société de production audiovisuelle Pan-Européenne ?
Nathalie Gastaldo. Pan Européenne est une société de production et de distribution cinématographique et audiovisuelle, créée par Philippe Godeau. Dans la première partie de sa carrière, Philippe Godeau a été distributeur de films. Il agissait donc comme un intermédiaire entre les sociétés de production de films et les exploitants de salles. Philippe Godeau s’est notamment fait connaitre en distribuant des œuvres comme « Les nuits fauves » de Cyril Collard, « Regarde les hommes tomber » de Jacques Audiard, « Usual suspects » de Brian Singer ou encore « 4 mariages et 1 enterrement » de Mike Newell.
Scala Patrimoine. Ces différents succès lui ont ensuite permis de lancer en 1990 sa propre société de production.
Effectivement. Il compte aujourd’hui près de 50 films produits à son actif. Parmi ses principaux succès on notera « Le Garçu » de Maurice Pialat, « Le 8ème jour » de Jaco Van Dormael, « Les 3 frères » des Inconnus et dernièrement Raoul Taburin de Pierre Godeau. Il a également réalisé 3 films : « Le Dernier pour la Route », « 11,6 » et « Yao » avec Omar Sy.
Scala Patrimoine. Vous êtes arrivés en 2003 comme productrice associée. Quelle typologie de films accompagnez-vous ?
Nathalie Gastaldo. Nous avons pour objectif permanent de produire des contenus d’auteur de qualité, pour autant populaires. Mon arrivée au sein de la société s’inscrivait à l’époque pleinement dans une logique d’expansion du pôle production. J’ai notamment travaillé sur des œuvres comme « Les Emotifs Anonymes » de Jean-Pierre Améris ou « Largo Winch 1 & 2 » et » L’Odyssée » de Jérôme Salle. En parallèle je participe également au développement des activités TV et animation de la société. J’interviens actuellement sur le prochain opus de « Largo Winch » ainsi que le long métrage d’animation « Les légendaires », adaptation de la bande dessinée à succès.
Scala Patrimoine. Comment se structure généralement le financement d’un film français ?
Nathalie Gastaldo. Le financement d’un film français se structure autour de préachats télévisuels, d’avances appelées minima garantis des différents distributeurs (salles, ventes internationales, VOD, TV…), et d’investissements en equity dont les Sofica font partie.
Scala Patrimoine. Pouvez-vous nous expliquer comme se structure le financement du prochain opus de « Largo Winch » sur lequel vous travaillez ? Quelles seront les sources de revenus de cette œuvre ?
Nathalie Gastaldo. Le prochain Largo Winch, toujours avec Tomer Sisley, a été préacheté par Canal + et TF1. Il est également coproduit par la Belgique et la Bulgarie où auront lieu une partie du tournage. Celui-ci est aussi prévu en Thaïlande, mais il a été décalé à cause de la crise sanitaire. Pan Européenne assurera sa distribution en salles en France et, concernant les ventes internationales, nous sommes en discussion avec différents partenaires possibles, qui pourraient d’ailleurs se combiner avec un pool de Sofica.
Scala Patrimoine. L’industrie du cinéma a-t-elle été fragilisée par la crise du covid ?
Nathalie Gastaldo. L’exploitation des films a été effectivement affectée par la crise sanitaire avec la fermeture des salles mais aussi l’interruption des festivals internationaux en 2020. Les ventes internationales ont également été menacées par la fragilisation des distributeurs locaux. Mais l’heure est aujourd’hui à l’optimisme. Les salles de cinéma sont de nouveau ouvertes. Les chiffres de fréquentation sont d’ailleurs plus qu’encourageants. 14 millions de spectateurs se sont ainsi rendus dans les salles obscures au cours du mois de juillet. Plus de 11 millions d’entrées ont aussi été enregistrées durant les mois d’août et de septembre, malgré la mise en place du pass sanitaire dans les lieux culturels depuis le 21 juillet. Avec la crise sanitaire, le marché s’est contracté de près de 15%. Heureusement, les festivals se sont poursuivis en ligne. Cette année, ils ont même eu lieu en physique, comme à Cannes et à Venise.
Scala Patrimoine. Malgré le chaos sanitaire, de jolis succès ont tout de même été enregistrés.
Nathalie Gastaldo. Tout à fait. Ce sont de très beaux rayons de soleil pour le cinéma français. Le premier film « Gagarine » de Fanny Liatard s’est vendu partout dans le monde lors du festival de Cannes 2020 en ligne. « Boite noire » de Yann Gozlan, connaît, quant à lui, un franc succès actuellement dans les salles. Autre bonne nouvelle, les films sont commercialisés auprès des diffuseurs TV et des plateformes de VOD par abonnement, à qui la crise sanitaire a profité (+35%) et qui offrent un énorme relais de croissance à moyen terme.
Scala Patrimoine. Le développement des plateformes de streaming vidéo par abonnement (Netflix, Amazon Prime Vidéo, Disney +, Salto …) est-il vu comme un risque ou une opportunité pour l’industrie du cinéma français ?
Nathalie Gastaldo. Les deux ! Mais je pense qu’avec la Directive SMAD*, les plateformes internationales vont davantage être intégrées au financement des films français ce qui offrent de nouvelles opportunités de production et de diffusion…
Scala Patrimoine. Quelle place occupent les Sofica dans le financement de l’industrie du cinéma ? Que financent-elles concrètement ?
Nathalie Gastaldo. Les Sofica occupent une place essentielle dans le financement du cinéma. À la fois outil de politique culturelle et vecteur de rentabilité, elles se placent à la croisée d’une communauté d’intérêts : les souscripteurs, les producteurs et distributeurs de films ainsi que le public. Plus d’un film d’initiative française sur deux bénéficie de l’apport financier d’une Sofica. En pratique, elles financent une part du budget du film, en général entre 5 et 15% en contrepartie de droits à recettes sur les différents supports d’exploitation. C’est un outil qui a désormais fait ses preuves. Le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales (IGF) de juin 2011 lui a d’ailleurs attribué la note maximale (3/3). Enfin, l’avantage fiscal a été réévalué à la hausse il y a quelques années pour être porté à 48%, ce qui en fait le produit avec le plus fort avantage.
Scala Patrimoine. Quelle relation votre société de production a-t-elle avec les Sofica ?
Nathalie Gastaldo. Nous faisons très régulièrement appel aux sofica pour participer aux financements de nos films. Nous collaborons également avec elles sur leur développement, ce qui semble être cercle vertueux de part et d’autre.
* Directive européenne Services de médias audiovisuels
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