Claudia Ruzza (Positive Planet) : « Il ne faut plus attendre pour changer notre société »

Positive Planet s’investit pour l’insertion professionnelle par l’entrepreneuriat positif. Dans le cadre du Prix de la Finance Verte, Sa Présidente du directoire, Claudia Ruzza, nous explique les actions de la Fondation et la formidable énergie entrepreneuriale qui se déploie dans les quartiers populaires.

Scala Patrimoine. Comment a été créée votre fondation et quelles sont ses missions ?

Claudia Ruzza. Positive Planet a été créée en 1998 par Jacques Attali. Notre mission est d’accompagner les personnes les plus éloignées de l’emploi, et ne disposant pas des ressources financières nécessaires, à créer leur entreprise. En France, la fondation agit au cœur des « quartiers prioritaires de la politique de la ville ». Autrement dit, dans les zones les plus pauvres.

Pour mettre en œuvre cette action, nous proposons un accompagnement et des formations aux bénéficiaires dans le cadre de leur projet de création d’entreprise. En parallèle, nous portons notre message auprès des pouvoirs publics, du grand public et de toutes les parties prenantes. L’idée étant de leur démontrer que l’entrepreneuriat positif est une solution d’insertion durable. Enfin, et plus généralement, nous souhaitons fédérer l’ensemble des acteurs économiques sur tous les sujets en lien avec l’inclusion économique positive.

Scala Patrimoine. Vous participez à la création, mais aussi au développement d’entreprises dites « positives ». À quels critères ces structures doivent-elles répondre ?

Une entreprise positive répond à 4 critères.

Le premier pilier est social. L’entreprise doit être utile à la lutte contre la paupérisation des quartiers et à son créateur en lui permettant de sortir de la précarité.

Le second pilier est écologique. La structure doit agir sur la réduction des déchets et avoir un minimum d’impact négatif sur la planète, en privilégiant notamment les circuits courts.

Le troisième pilier est démocratique. Ces principes doivent être appliqués au sein des entreprises. Elles sont donc tenues de favoriser la mixité et la diversité. Leur politique de gouvernance doit également respecter toutes les parties prenantes.

Enfin, le quatrième pilier est économique. Une entreprise qui ne survit pas économiquement ne peut pas être considérée comme positive.

 

« Depuis 2006, 10 000 entreprises ont été créées grâce à l’accompagnement de Positive Planet »

 

Scala Patrimoine. Pouvez-vous nous donner un exemple d’une entreprise « positive » qui a été accompagnée par Positive Planet ?

J’ai notamment à l’esprit l’entreprise de conciergerie privée ouverte 7 jours sur 7 « Les MajordHome », fondée par un jeune issu des quartiers Nord de Marseille, Raheem Attoumane. Elle livre tous les habitants de la cité phocéenne, y compris dans les quartiers les plus sensibles. Cette entreprise emploie des habitants du quartier et participe donc à l’insertion des jeunes au chômage. La société utilise également des scooters écologiques pour avoir un impact le plus bas possible sur l’environnement.

Scala Patrimoine. Quel accompagnement proposez-vous aux entreprises ?

Notre soutien se matérialise avant tout par un « coaching », car nous n’avons pas vocation à les financer directement. Nous allons, en effet, sensibiliser les populations au cœur des territoires. Ensuite, les futurs entrepreneurs entrent dans un parcours d’accompagnement et de formation. Les thèmes abordés sont très vastes. Nous proposons par exemple des sessions consacrées à « la gestion de la trésorerie », « au statut juridique à choisir » ou à « la création d’un business plan » ainsi que des ateliers collectifs favorisant les échanges entre les entrepreneurs. En parallèle, nous avons lancé des programmes renforcés comme « Ose créer ton job » dans lesquels nous avons implémentés des méthodologies de start-up ainsi qu’une immersion dans ces start-up. L’accompagnement est bien évidemment totalement gratuit pour les demandeurs d’emploi. Dès que les entrepreneurs positifs ont atteint une certaine viabilité économique, ils peuvent adhérer au club « des Positiveurs » pour développer leur entreprise et leur réseau

Scala Patrimoine. Avez-vous déjà mesuré l’impact de vos actions ?

Bien sûr. Depuis 2006, 10 000 entreprises ont été créées grâce à notre accompagnement. Après trois ans, le taux de pérennité de ces structures est proche de 60 %. Nos services permettent également à la moitié des personnes soutenues de quitter les minima sociaux. Enfin, les secteurs les plus représentés sont ceux des services à la personne, du commerce, de la restauration, du BTP, mais aussi un peu de la Tech.

 

« Nous travaillons à la création d’un OPC de partage »

 

Scala Patrimoine. Comment les entreprises et les particuliers peuvent-ils soutenir votre fondation ?

Le soutien financier est l’élément le plus important pour mettre en œuvre nos actions car c’est ce qui nous permet d’agir au jour le jour et de garantir tout à la fois un impact concret sur les territoires et une tribune à tous nos partenaires engagés. Nous bénéficions également de mécénats de compétence de la part de grandes entreprises dont certains salariés sont mis à notre disposition gratuitement, et ce pendant plusieurs années. Des grands Cabinets de Conseil nous accompagnent aussi sur des missions plus ponctuelles.

Positive Planet apporte la garantie à ces entreprises d’avoir un impact territorial concret, dont les bénéfices sont mesurés. Elles profitent également de notre activité pour mobiliser leurs collaborateurs dans le cadre de leurs actions de bénévolat, au sein de notre fondation. L’idée pour elles est de fédérer leurs équipes sur les sujets d’inclusion.

Nous avons aussi pour vocation à mettre en lumière nos partenaires pour qu’ils puissent prendre la parole et influer sur l’écosystème, via notamment des événements ou des publications. Ces outils doivent aussi encourager l’engagement d’autres entreprises. Plus on sera nombreux, plus notre impact sera important.

Les particuliers apportent aussi une contribution financière à notre fondation, par leurs dons. Ils peuvent notamment nous soutenir lors de nos programmes ou événements exceptionnels. Cela sera le cas dans le cadre de la Soirée de la Solidarité Positive le 25 novembre prochain au Musée des Invalides.

Scala Patrimoine. Les associations et fondations font preuve d’une grande ingéniosité pour se financer. C’est aussi votre cas avec le lancement d’un produit structuré « solidaire », entre autres.

Nous souhaitons diversifier nos sources de financement. Nous avons, par exemple, lancé une chaine de vidéos à la demande (VOD) sur le thème de l’inspiration positive. Positive Planet développe, en parallèle, des outils financiers responsables et solidaires. Un produit structuré émis sur une durée de 2 mois a ainsi été proposé, en partenariat avec la MAIF et Zenith Capital. Une partie des revenus de ce placement étant reversée à notre fondation. En parallèle, nous travaillons à la création d’un OPC de partage. Ces différents projets montrent notre volonté de travailler avec l’ensemble de l’écosystème et de multiplier les interactions entre les fonds d’investissement, les associations, les entreprises privées, les personnes issues quartier ou encore les grands donateurs. C’est ensemble qu’on pourra profondément changer la société. Et il ne faut pas attendre pour le faire.