Interview de Guillaume Lucchini sur la chaine TV 4Change

Le journaliste Nicolas Pagniez a reçu, sur le plateau de l’émission 4Change, Guillaume Lucchini, président fondateur du multi family office Scala Patrimoine pour évoquer les sujets liés à la gouvernance et à la transmission d’entreprise

4Change. L’arrivée de la nouvelle génération bouscule-t-elle les codes établis dans le cadre d’une transmission d’une entreprise familiale ?

Guillaume Lucchini. Nous assistons actuellement à une transition générationnelle. Les anciens entrepreneurs ont édifié leur projet au fil du temps, avec patience et souvent une détermination sans faille. Beaucoup d’entre eux ont sacrifié une partie de leur vie personnelle pour y parvenir. Aujourd’hui, ils récoltent les fruits de leurs efforts, car ces entreprises sont souvent solides et prospères. En revanche, la nouvelle génération éprouve une soif insatiable de liberté et de changement. Pour explorer de nouveaux horizons et concrétiser leurs propres projets, les jeunes entrepreneurs choisissent souvent de céder leur entreprise avant d’en voir l’aboutissement.

Les attentes des différentes générations semblent donc diverger profondément. Bien qu’elles partagent un héritage familial, des racines communes, des envies et une éthique, ces entrepreneurs novateurs souhaitent avant tout partager des valeurs et des visions inédites.

Au-delà de leur réussite, les entrepreneurs sont-ils prêts à imposer à leurs enfants le poids qu’ils ont eux-mêmes porté pendant de nombreuses années ? Leurs enfants ont-ils envie de reprendre l’entreprise familiale ? Toutes ces questions doivent être posées, et les réponses seront apportées au cas par cas.

L’organisation de la gouvernance doit permettre de réunir ces deux générations, ces membres d’une même famille, autour d’un projet commun. Quant à notre rôle en tant que family office, il est de trouver un terrain d’entente entre les différentes parties prenantes.

4Change. Ce changement de paradigme entraîne-t-il des modifications dans la manière de diriger une entreprise aujourd’hui ?

Guillaume Lucchini. La réponse ne peut être uniforme, car cette notion de gouvernance soulève des questions fondamentales. Faut-il impliquer la jeune génération dans la gestion de l’entreprise ou, au contraire, leur laisser la liberté de s’accomplir par eux-mêmes ? Et si cette nouvelle génération souhaite s’investir dans la destinée de l’entreprise familiale, à quel moment et de quelle manière convient-il d’organiser ce passage de témoin ?

4Change. Comment faut-il opérer pour rapprocher ces différentes générations ?

Guillaume Lucchini. Il est primordial d’atteindre un consensus afin que les frustrations des uns et des autres ne viennent pas ternir l’harmonie familiale. Cela est d’autant plus crucial lorsqu’un des enfants prend la relève. Ce dernier se voit alors lesté d’une lourde responsabilité morale envers ses frères, ses sœurs, et même ses parents. Les conseillers ont alors pour mission de prévenir les conflits futurs et de rassembler les membres de la famille autour d’un nom, d’une histoire, d’une éthique et d’un ancrage territorial.

Pour y parvenir, il est essentiel de libérer la parole, de permettre à chacun de s’exprimer, de bien saisir les enjeux, mais aussi de trouver une structuration qui permette à ceux éloignés du projet entrepreneurial de se rapprocher de leur famille à travers d’autres initiatives. Les projets philanthropiques, notamment via une fondation actionnaire, constituent à ce titre une solution pertinente. L’idée est de rassembler des intérêts divergents autour d’un objectif commun. La gouvernance joue alors un rôle central en travaillant à ce projet collectif et en fédérant les générations, parfois très éloignées sur le plan humain.