M. Rosset (avocate) : « Le régime matrimonial de la séparation de biens n’est pas toujours le plus adapté aux entrepreneurs »

Le choix d’un régime matrimonial par un chef d’entreprise requiert une attention particulière. Des outils comme la SCI ou la SARL de famille, bien que présentant des avantages, peuvent à ce titre receler des risques, notamment en cas de divorce ou de succession. Et notamment dans les familles recomposées. Pour nous éclairer sur ces enjeux, nous avons interrogé Migueline Rosset, avocate spécialiste en droit de la famille.

Scala Patrimoine. Quel régime matrimonial choisir pour un chef d’entreprise ?

Migueline Rosset. Il n’existe pas de réponse unique à cette question. Le choix du contrat de mariage est intrinsèquement lié à une pluralité de facteurs spécifiques à chaque situation. Il convient notamment de déterminer si l’entreprise a été constituée antérieurement à la célébration du mariage. De même, il est pertinent d’envisager si l’entrepreneur projette la création de nouvelles entreprises à l’avenir. La situation familiale, notamment la présence d’enfants actuels ou le désir d’en avoir, constitue également un élément déterminant.

Il est crucial de rectifier une idée reçue largement répandue : le régime matrimonial de la séparation de biens n’est pas systématiquement le régime le plus adapté au chef d’entreprise. En réalité, une analyse approfondie de chaque situation particulière s’avère indispensable. Il est impératif de considérer la dimension internationale des patrimoines. Un contrat de mariage conclu en France, tel qu’un régime de séparation de biens, pourrait ne pas être interprété de la même manière à l’étranger, notamment aux États-Unis. Un juge américain pourrait ainsi écarter l’application du contrat tel qu’il avait été initialement envisagé par les époux, et le considérer selon une qualification juridique différente.

Scala Patrimoine. Quelles sont les spécificités pour une famille recomposée ?

Migueline Rosset. Dans le contexte d’une famille recomposée, le chef d’entreprise est naturellement amené à considérer la protection de son conjoint survivant, de ses enfants, ainsi que l’optimisation de la transmission de son patrimoine professionnel. L’ensemble de ces préoccupations peut être abordé stratégiquement à travers le choix du régime matrimonial et la mise en place de dispositions testamentaires adaptées.

Une fois encore, une analyse individualisée de la situation s’avère indispensable. Il est nécessaire de déterminer précisément quelle est la ou les personnes que l’entrepreneur souhaite prioritairement protéger. L’objectif est de concilier la transmission du patrimoine entrepreneurial avec la sécurité du conjoint survivant, des enfants, ou des deux, en tenant compte des particularités de la structure familiale recomposée.

« Les SCI et les SARL de famille peuvent engendrer des difficultés spécifiques, notamment lors d’un divorce ou d’une succession »

Scala Patrimoine. Quels sont les risques associés à la SCI et à la SARL de famille ?

Migueline Rosset. Les Sociétés Civiles Immobilières (SCI) et les Sociétés à Responsabilité Limitée (SARL) de famille peuvent engendrer des difficultés spécifiques, notamment lors d’un divorce ou d’une succession. La question cruciale se pose alors de la gestion du partage ou de la transmission de ces structures. Une complexité particulière émerge en cas de divorce, lorsqu’un désaccord entre les époux rend le règlement des intérêts patrimoniaux délicat.

Cette mésentente peut également survenir au moment de la succession, spécialement dans le contexte de familles recomposées. La présence d’enfants issus de différentes unions au sein de la SCI ou de la SARL de famille peut exacerber les tensions. Des enfants non impliqués dans la gestion de la société peuvent contester l’attribution de droits à d’autres héritiers.

Une difficulté juridique notable réside dans le fait que le juge compétent pour statuer sur un divorce ou une succession n’est pas nécessairement celui qui sera chargé de résoudre les litiges liés au fonctionnement ou à la dissolution de la SCI ou de la SARL de famille. Cette séparation des compétences juridictionnelles constitue un facteur de complexité significatif.

En conséquence, une extrême prudence est recommandée lors du recours à ces outils de gestion patrimoniale. Une analyse approfondie des implications potentielles, notamment en cas d’évolution de la situation familiale, est indispensable. Et ce afin d’anticiper et de prévenir d’éventuels contentieux.