Investir au capital de PME non cotées pour réduire son ISF

Si les dates limites de déclaration et de paiement de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) approchent à grands pas, il est encore temps pour les contribuables qui y sont assujettis de réduire l’imposition à acquitter au titre de l’année 2017, notamment grâce au dispositif ISF-PME. En effet, sont pris en compte les versements effectués au capital de certaines Petites et Moyennes Entreprises (PME) entre la date limite de dépôt de la déclaration ISF de l’année précédente (15 juin 2016) et la date limite de dépôt de la déclaration de l’année d’imposition (15 juin 2017).

Rappelons que l’ISF est un impôt annuel dû par toute personne physique dont le foyer fiscal détient un patrimoine d’une valeur nette, appréciée au 1er janvier de chaque année, supérieure à 1,3 million d’euros[1]. Rentrent dans l’assiette imposable tous les biens (meubles et immeubles), droits (usufruit, droit d’usage, etc.) et valeurs (actions, titres, etc.). Toutefois, certains biens sont partiellement ou totalement exonérés et certaines dettes peuvent être déduites de la valeur de votre patrimoine.

Si vous déteniez un patrimoine d’une valeur supérieure à 1,3 million d’euros au 1er janvier 2017, vous êtes alors redevable de l’ISF au titre de l’année 2017. Dans un tel cas, la date limite de sa déclaration et de son paiement dépend de l’importance de votre patrimoine.

Si votre patrimoine est compris entre 1,3 million et 2,57 millions d’euros, vous bénéficiez de conditions de déclaration simplifiées : vous êtes dispensés de fournir une déclaration spécifique d’ISF et vous reportez le montant de votre patrimoine sur votre déclaration de revenus de 2016, en ligne ou sur papier (déclaration 2042-C), sans fournir de justificatifs, en respectant la même date limite de dépôt que celle de votre déclaration de revenus. Cette date limite dépend du mode déclaratif de vos revenus (papier ou en ligne) et de votre département de domicile (dates différentes selon les zones). Vous aurez ensuite jusqu’au 15 septembre pour acquitter le paiement de votre ISF.

En revanche, si votre patrimoine est supérieur ou égal à 2,57 millions d’euros, vous êtes tenu de déposer avant le 15 juin 2017 une déclaration particulière d’ISF, sur papier uniquement (déclaration 2725), accompagnée des annexes et de justificatifs, dans lesquels vous détaillez précisément la composition de votre patrimoine. Vous devez alors calculer le montant de l’ISF dû et joindre directement son paiement.

Grâce au capital-investissement (également connu sous sa dénomination anglo-saxonne « private equity »), qui consiste à investir au capital de sociétés non cotées, les redevables de l’ISF peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt en décidant de financer l’économie réelle. Le développement du capital-investissement auprès des investisseurs particuliers a été nourri ces dernières années par le législateur au travers d’incitations fiscales. Afin d’encourager l’investissement dans les PME non cotées françaises et européennes, la loi TEPA de 2007[2] accorde aux contribuables assujettis à l’ISF qui investissent dans de telles sociétés une réduction d’ISF pouvant aller jusqu’à 45.000 €, en contrepartie du risque de perte en capital et sous réserve de la conservation des titres de PME pendant au moins 5 ans.

Ainsi devenu accessible à l’investisseur particulier, le capital-investissement rencontre un succès certain, comme en témoigne les derniers chiffres connus et publiés par l’étude AFIC[3]/Grant Thornton[4]: en 2015, le montant investi en France dans des entreprises non cotées a franchi la barre des 10 milliards d’euros. Parmi les premiers contributeurs de cette collecte, nous retrouvons les personnes physiques et les family offices avec près de 1,8 milliards d’euros. Le ministère de l’Économie estime d’ailleurs que depuis sa création, le dispositif ISF-PME permet à lui seul d’injecter chaque année 1 milliard d’euros dans l’économie réelle.

Le capital-investissement constitue en effet pour le particulier une solution de diversification patrimoniale présentant de multiples points forts.

Un potentiel de performance élevée

Selon une étude menée par le cabinet d’audit financier EY pour l’AFIC[5] en 2016, la performance annualisée du capital-investissement sur 10 ans est de 10 %.

Cette performance est à comparer avec les performances sur la même période des classes d’actifs traditionnels (actions cotées, obligations, immobilier). Ainsi, s’agissant du marché actions français, la performance annualisée sur 10 ans est de 4 % pour le CAC 40[6] et de 5,3 % pour le CAC All-Tradable (ex SBF 250)[7]. Pour ce qui est du marché obligataire, la performance annualisée sur 10 ans est de 5,1 %. Quant au marché immobilier, elle est de 6 %.

Le capital-investissement français réalise donc une surperformance vis-à-vis des autres grandes classes d’actifs sur le long terme. Dans le contexte actuel de taux bas, cet actif alternatif constitue donc une nouvelle source de rendement.

Toutefois, les fortes performances potentielles dans la durée du capital investissement ont une double contrepartie : d’une part, l’illiquidité de l’investissement puisque les sommes investies sont bloquées sur une longue période pouvant aller de cinq à dix ans ; d’autre part, le risque de perte en capital car il n’y a aucune garantie sur la rentabilité du placement, ni même sur la certitude de récupérer le capital investi initialement.

Cette indisponibilité des sommes investies sur le long terme est d’autant plus importante que les titres de PME doivent être conservés pendant au moins 5 ans pour bénéficier de l’avantage fiscal. Dès lors, toute sortie anticipée doit absolument être évitée si elle intervient pendant les cinq premières années de l’investissement, et ce pour plusieurs raisons. Sur le plan financier, en sortant trop tôt ou à un mauvais moment, l’investisseur peut être privé de la plus-value réalisée par la société au terme, voire s’expose à réaliser une moins-value. Sur le plan fiscal, toute cession avant le 31 décembre de la 5ème année suivant celle de la souscription entraine l’annulation des avantages fiscaux.

Une classe d’actifs décorrélée des marchés boursiers

Le capital-investissement est une classe d’actif à part entière qui peut être intégrée dans votre allocation d’actifs en tant que produit alternatif, à côté des produits actions cotées, obligations ou monétaires. Il s’agit là d’une solution de diversification de vos placements.

L’horizon de placement de long terme du capital-investissement permet de décorréler la performance des cycles économiques à court terme. En effet, contrairement au marché des actions cotées, qui affiche des performances immédiates incitant aux arbitrages fréquents, le capital-investissement construit sa performance dans la durée. Cette décorrélation des cycles économiques et des marchés financiers cotés se traduit notamment en termes de volatilité.

Une réflexion devra alors être menée pour déterminer la fraction de votre patrimoine à allouer à cette classe d’actifs, en fonction de vos objectifs, de votre profil de risque, et plus globalement de votre stratégie patrimoniale.

Un rôle économique et social essentiel

Désireux de « donner du sens » à leurs placements et à la recherche d’un « investissement citoyen », les particuliers montrent de plus en plus d’appétit pour accompagner le financement de jeunes entreprises françaises et européennes. Le capital-investissement leur donne ainsi accès à l’univers des entreprises non cotées, ancré dans l’économie réelle et porteur d’une forte dimension responsable. Le dispositif ISF-PME tient donc un rôle socio-économique essentiel, en aidant des dirigeants et des créateurs d’entreprises.

De plus, le capital-investissement permet d’investir dans tous types d’entreprises (start-up, PME régionale), dans des domaines pouvant être variés ou ciblés, et à tous les stades de leur vie (de la création à la transmission en passant par le développement).

En choisissant d’investir au capital de sociétés non cotées à certaines étapes clés de leur vie, le particulier donne ainsi un esprit entrepreneurial à ses placements.

Un cadre fiscal avantageux

La souscription au capital de certaines PME non cotées permet aux contribuables assujettis à l’ISF de bénéficier d’un avantage fiscal à deux points de vue, non seulement l’année de la souscription mais aussi tout au long de la vie de l’investissement.

En effet, en 2017, la souscription au capital de PME ouvre droit à une réduction d’ISF égale à 50 % de vos versements, plafonnée à 45.000 € par an et par foyer fiscal (ce qui correspond donc à un versement maximum de 90.000 €), à condition notamment de conserver les titres au minimum jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la souscription[8].

Puis, à partir de 2018, le souscripteur bénéficie d’une exonération d’ISF des titres détenus dans les PME éligibles : la totalité de la valeur des titres des PME dans lesquelles vous avez investies sort de l’assiette taxable à l’ISF[9].

Pour bénéficier de ce cadre fiscal avantageux, l’investisseur particulier peut utiliser deux méthodes d’investissement différentes : une souscription directe au capital des PME, ou de manière indirecte par l’intermédiaire de ce qu’on appelle une « holding-ISF ».

Dans les deux cas, l’éligibilité au dispositif ISF-PME suppose le respect de plusieurs conditions, certaines étant relatives aux souscriptions, d’autres tenant aux PME sélectionnées.

Il doit s’agir de souscriptions en numéraire (versement d’une somme d’argent ou incorporation de comptes courant d’associés) de titres nouvellement émis (à l’exclusion des acquisitions de titres déjà émis), lors de la constitution de la société ou à l’occasion d’une augmentation de capital.

Il convient de noter qu’un associé ne peut souscrire à une augmentation de capital de sa propre société dans le but de bénéficier de la réduction d’ISF, sauf si des conditions particulières sont respectées (avoir bénéficié de la réduction d’ISF au titre du premier investissement, des investissements de suivi sont prévus, la société n’est pas devenue liée à une autre entreprise).

Pour bénéficier de la réduction d’impôt, les PME sélectionnées doivent répondre aux conditions d’éligibilité prévues par les dispositions de l’article 885-0 V bis du Code Général des Impôts[10]. Ainsi, la société bénéficiaire des versements doit notamment répondre à la définition européenne de PME[11], avoir son siège de direction effective dans un Etat membre de l’Union Européenne[12], ne pas être cotée en bourse[13], exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale[14], être soumise à l’impôt sur les bénéfices dans les conditions de droit commun. La PME doit en outre avoir moins de 7 ans ou avoir besoin d’un investissement  important (supérieur à 50 % de son chiffre d’affaires annuel moyen des cinq années précédentes) lui permettant de conquérir un nouveau marché.

Concernant l’investisseur, celui-ci doit être fiscalement domicilié en France, s’engager à conserver les titres pendant 5 ans et ne pas en demander le remboursement avant la 7ème année.

Afin de faciliter l’accessibilité du capital-investissement aux particuliers, la loi prévoit qu’ouvrent également droit à la réduction d’ISF les souscriptions indirectes au capital de PME. Il est en effet possible de souscrire au capital d’une société interposée (dite « holding-ISF ») ayant pour objet la détention exclusive de titres de PME éligibles, sous certaines conditions. Dans ce cas, la réduction d’impôt est calculée sur la fraction représentative des souscriptions en numéraire réalisées par la holding dans des PME éligibles.

En investissant de manière intermédiée, le particulier profite de l’expertise d’une société de gestion spécialiste du capital-investissement et de la sélection de PME non cotées. Investir dans le cadre d’une holding-ISF permet également de diluer le risque puisque la holding va constituer un portefeuille diversifié de participations au capital de sociétés éligibles, tant au regard du nombre (en général de 4 à 10 PME différentes) que du secteur d’activité.

Si le capital-investissement est un domaine désormais accessible aux investisseurs particuliers, et s’il offre des avantages majeurs (surperformance par rapport aux autres classes d’actifs, diversification, fiscalité très avantageuse), il ne faut pas oublier qu’il présente également des contraintes (illiquidité, durée de détention longue), et même un risque de perte total ou partiel du capital investi. Cet actif alternatif nécessite un vrai travail de sélection en amont, puis d’intégration dans la stratégie patrimoniale de l’investisseur, et enfin de suivi jusqu’à la sortie de l’investissement. Un accompagnement est donc nécessaire afin d’utiliser au mieux cet outil de diversification patrimoniale et d’optimisation fiscale.

[1] Article 885 A du Code Général des Impôts (CGI).

[2] Loi n°2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA.

[3] L’AFIC (Association Française des Investisseurs pour la Croissance) est une association professionnelle reconnue par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) et qui regroupe la quasi-totalité des équipes de capital-investissement actives en France.

[4] Etude AFIC/Grant Thornton disponible sur le site officiel de l’AFIC : http://www.afic.asso.fr.

[5] Etude AFIC/EY en date du 29 juin 2016 disponible sur le site officiel de l’AFIC précité. Période prise en compte : de 2006 à 2015.

[6] CAC 40 : principal indice boursier de la place de Paris, composé des 40 plus grandes capitalisations de la bourse de Paris.

[7] CAC All-Tradable : remplace, depuis le 21 mars 2011, l’indice SBF 250, regroupant les 250 sociétés cotées les plus importantes de la bourse de Paris.

[8] Article 885-0 V bis du CGI.

[9] Article 885 I ter du CGI

[10] Conditions partiellement modifiées par la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, applicable pour les souscriptions intervenues à compter du 1er janvier 2016.

[11] La définition de PME au sens de l’annexe I du règlement UE n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014, qui pose deux critères : un effectif inférieur à 250 personnes et un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros ou un bilan inférieur à 43 millions d’euros.

[12] Ou dans un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale.

[13] Les titres de la PME ne doivent pas être admis aux négociations sur un marché réglementé français ou étranger (sauf si les titres sont négociés sur le marché Enternext, dédié aux PME).

[14] à l’exclusion des activités procurant des revenus garantis, des activités financières, des activités de gestion de patrimoine mobilier, des activités de construction d’immeubles en vue de leur vente ou de leur location et des activités immobilières.