2019, entrée en vigueur des nouveaux règlements en matière de régimes matrimoniaux

Dans un contexte de mobilité internationale croissant, le droit international est un sujet à prendre en considération dans la construction d’une stratégie patrimoniale globale.
Le règlement européen n°2016-1103 (relatif aux régimes matrimoniaux) et le règlement européen n°2016-1104 (relatif aux partenariats enregistrés) sont entrés en application le 29 janvier 2019. Ils unifient les règles de conflits de loi au niveau européen et remplacent la convention de La Haye qui était applicable aux régimes matrimoniaux. Quelques éclaircissements sur ce changement important.

Des règlements attendus
Après une dizaine d’années de réflexion à l’échelle européenne, les régimes matrimoniaux voient leurs règles de droit international privé modifiées par deux règlements européens cités ci-dessus.
Ils ne portent pas atteinte aux compétences des autorités des États membres en matière de régimes matrimoniaux ou de partenariats, les règlements permettent de déterminer la loi applicable lorsqu’il existe un élément d’extranéité. Pour illustrer l’intérêt de choisir une loi, prenons l’exemple de deux époux mariés en Espagne, de nationalité française, qui résident en Allemagne. Sont-ils mariés selon la loi espagnole, la loi française ou la loi allemande ? Les règlements cités ont vocation à répondre à ce type de questions.

Champ d’application
Les mariages réalisés à compter du 30 janvier 2019 relèvent des règles du règlement n°2016/1103.
L’article 20 du règlement dispose que la loi désignée par le règlement s’applique y compris lorsqu’il s’agit de la loi d’un Etat non signataire.
Il n’est néanmoins opposable qu’aux Etats signataires suivants :
Belgique, la Bulgarie, Chypre, la République tchèque, l’Allemagne, la Grèce, l’Espagne, la France, la Croatie, l’Italie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, l’Autriche, le Portugal, la Slovénie, la Finlande et la Suède.

Les mariages conclus avant le 30 janvier 2019 relèvent :
– lorsqu’ils ont été conclus à compter du 1er septembre 1992 de la Convention de La Haye du 14 mars 1979,
– du nouveau règlement en cas de changement volontaire de la loi applicable réalisé à compter du 30 janvier 2019.

Détermination de la loi applicable
A défaut de choix, la loi applicable est celle du pays de la première résidence habituelle commune après la célébration du mariage.
Toutefois, il est possible pour un époux de saisir l’autorité judiciaire afin de retenir la loi de la dernière résidence habituelle commune avant le mariage à condition que la période de cette précédente résidence soit plus longue et que les époux se soient rapportés à la loi de ce domicile pour organiser ou planifier leurs rapports patrimoniaux (article 26-3 du règlement).
A défaut de pouvoir déterminer l’Etat de la première résidence habituelle commune, c’est la loi de la nationalité commune des époux qui sera retenue.
A défaut de nationalité commune, l’article 26-c du règlement prévoit de retenir la loi de l’Etat avec lequel compte tenu de toutes les circonstances, il présente les liens les plus étroits (notamment lieu de situation de biens, de célébration du mariage, du domicile, de la nationalité d’un époux).

Pour éviter une insécurité juridique sur la détermination de loi s’appliquant au régime matrimonial, il est conseillé de désigner volontairement sa loi applicable, initialement ou postérieurement au mariage.
En effet, les époux peuvent choisir comme loi applicable à leur union :
– la loi de l’Etat dans lequel au moins un des époux ou futurs époux a sa résidence habituelle lors de la conclusion de la convention
– la loi de l’Etat dont l’un des époux ou futurs époux possède la nationalité (article 22, a du règlement).
Le nouveau règlement sur les régimes matrimoniaux retient le principe d’unité de la loi applicable. Autrement dit, le régime matrimonial des époux suit la loi d’un seul Etat.
A contrario, la convention de La Haye ne prévoit pas une telle unité de la loi. Ainsi, sous l’empire de cette convention, il n’est pas rare qu’un couple puisse voir deux régimes matrimoniaux s’appliquer (par exemple, un régime matrimonial espagnol s’agissant des immeubles et un régime français pour les autres biens).
En pratique, cette unité de la loi sera toutefois limitée dans les nouveaux règlements européens en cas de conflit de loi avec un Etat non signataire et lorsqu’une loi de police s’appliquera (disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics).

Fin de la mutabilité automatique de la loi applicable
Le règlement exclut le changement automatique de régime matrimonial prévu dans la convention de La Haye en son article 7.
En effet, un changement automatique peut se produire lorsque les époux sont mariés après le 1er septembre 1992 et avant le 30 janvier 2019, sous l’empire de la convention de la Haye.
Ce changement automatique s’applique lorsque les époux résident :
– dans un Etat depuis plus de dix ans,
– dans l’Etat dont ils ont tous les deux la nationalité,
– dans un Etat après une absence de première résidence habituelle.
Cette mutabilité est effective pour les époux n’ayant pas réalisé de contrat de mariage ou n’ayant pas désigné de loi applicable à leur convention.
Ainsi, prenons l’exemple d’un couple de nationalité française marié après le 30 janvier 2019 en France, n’ayant pas désigné de loi applicable ni réalisé de contrat de mariage. Ils décident de choisir la France comme premier domicile après leur mariage. Les époux s’expatrient au Luxembourg pendant 15 ans pour des raisons professionnelles quelques années après leur mariage. Ils reviennent par la suite en France pour profiter de leur retraite.
Dans ce cas précis, si les époux se sont mariés avant le 30 janvier 2019, ils seront soumis à la loi luxembourgeoise s’agissant de leur régime matrimonial, de la date d’arrivée à la date de départ du Luxembourg. La loi française s’appliquera pour les autres périodes.
Toutefois, s’ils se sont mariés après le 30 janvier 2019, seule la loi française s’appliquera, y compris pour la période d’expatriation au Luxembourg.

Enfin, il convient de rappeler qu’il reste pertinent pour des époux de fixer la loi applicable en réalisant un contrat de mariage devant le notaire, même s’ils sont mariés après le 30 janvier 2019, afin de se protéger d’une mutabilité en cas de départ vers un Etat non signataire des nouveaux règlements (en Afrique, ou encore en Asie par exemple).