La société civile soumise à l’impôt sur les sociétés : véhicule d’investissement immobilier, véritable « pare-feu fiscal » et outil de transmission du patrimoine

Les contribuables concernés par un « fort taux marginal d’imposition » et souhaitant anticiper un complément de retraite ou percevoir une « rente différée » sont lourdement fiscalisés sur la phase de capitalisation de leur patrimoine.

En effet, les revenus immobiliers qu’ils peuvent percevoir au titre de la location de leurs biens immobiliers sont imposés dès le premier euro à l’impôt sur le revenu au taux marginal d’imposition (TMI) de leur foyer fiscal, qui est le taux le plus élevé qui s’applique à leurs revenus, ainsi qu’aux prélèvements sociaux (PS) au taux de 17,2%, soit une imposition totale pouvant aller jusqu’à 62,2%.

Par exemple, si vous êtes assujetti à une tranche marginale d’imposition (TMI) de 30% et que vous percevez des revenus locatifs de 20.000€ par an, vous acquittez actuellement une fiscalité de 9.440€, de sorte que votre revenu locatif net d’impôt est seulement de 10.560€.

La constitution d’une société civile, comme véhicule pour l’investissement immobilier ou financier, est une solution pertinente dans le cadre de la planification patrimoniale.

Les particuliers auront tout intérêt à utiliser la société civile comme un « pare-feu fiscal » afin de geler l’impact de leur fiscalité personnelle sur la constitution d’un complément de retraite durant leur vie active et préparer plus sereinement leur transmission.

 

Un outil patrimonial permettant de répondre à de nombreux objectifs sur le plan civil

 

La société civile peut permettre la mise en commun des moyens nécessaires à l’élaboration d’un projet d’investissement immobilier locatif, (au comptant ou à crédit) et d’éviter les inconvénients de l’indivision notamment concernant les règles relatives aux incapables (les décisions collectives sont en principe considérées comme des actes d’administration et ne nécessitent pas l’autorisation du juge des tutelles) et à la durée (la durée de la société civile peut être de 99 ans alors que l’indivision est un état précaire).

Par ailleurs, la société civile permet d’isoler un bien par rapport à l’exercice d’une activité professionnelle, lorsque le professionnel souhaite séparer les biens utilisés pour l’exercice de son activité des locaux dans lesquels il exerce ;

Enfin, c’est un formidable outil pour planifier la transmission de son patrimoine à ses enfants en prenant en consideration les objectifs à la fois des parents et des enfants (retraite des parents, études des enfants, financement d’un projet immobilier…) et tout en limitant la pression fiscale de l’impôt sur le revenu et des droits de successions.

A cet égard, plusieurs solutions peuvent être envisagées :

  • transmettre les parts sociales de manière échelonnée tout en conservant le contrôle de la société;
  • consentir une donation-partage des parts sociales et de lotir tous les présomptifs héritiers;
  • démembrer les parts sociales et de les transmettre en conservant les revenus

 

Une stratégie fiscale intéressante en phase de constitution de patrimoine

 

Sur le plan fiscal, la société civile offre également la possibilité d’opter, lors de la constitution ou en cours de vie sociale, pour l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés[1].

Ainsi si la société civile opte, dès sa création, pour l’impôt sur les sociétés, elle bénéfice, chaque année, d’un taux réduit d’imposition à l’impôt sur les sociétés, actuellement fixé à 15% jusqu’à 38.120 euros de bénéfices.

Au-delà, l’impôt sur les sociétés s’élève à 28% jusqu’à 500 000€ de bénéfices (25% à horizon 2022) puis 31% au-delà de 500 000€ (25% à horizon 2022).

Ce taux d’imposition réduit de 15% se compare favorablement au taux marginal d’imposition des contribuables les plus fortement imposés pouvant atteindre  62.2%.

Ainsi, cette différence d’imposition permet de mettre en place une stratégie de capitalisation à des conditions financières particulièrement avantageuses puisque chaque année le contribuable capitalisera l’économie d’impôt pouvant atteindre jusqu’à 47.2% (62.2% – 15%).

En effet, en l’état actuel du droit fiscal et social, aucun autre prélèvement obligatoire n’est dû par la société, qui n’exerce pas d’activité professionnelle, mais assure la gestion d’un patrimoine privé (holding patrimonial à objet strictement civil) : pas de contribution économique territoriale, pas de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, non assujettissement aux charges sociales (gérance bénévole), pas de TVA, pas de taxe sur les salaires (en l’absence de salarié et de gérance rémunérée).

Après le paiement de l’impôt par la société, les associés peuvent décider ou non de distribuer tout ou partie des bénéfices.

Les associés ont donc la maîtrise de leur revenu fiscal de référence (RFR) et des revenus à prendre en compte pour le plafonnement de l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI), seule une distribution est génératrice d’impôt sur le revenu chez l’associé.

L’option pour l’IS[2] permet d’amortir le bien immobilier. L’amortissement consiste à calculer une charge puis à la répartir sur une durée d’usage”. Les durées d’amortissement varient selon le type d’ouvrage (gros oeuvre, agencements, aménagements…) et le terrain n’est pas amortissable.

La contrepartie de cet amortissement est que la plus-value en cas de cession du bien se calcule en retenant la différence entre le prix de vente et le prix d’acquisition de l’ensemble immobilier, déduction faite des amortissements comptabilisés, qui n’entrent pas dans le calcul lorsque l’on relève des plus-values des particuliers.

C’est cette plus-value qui est imposable à l’impôt sur les sociétés (à 15% si taux réduit) , ce qui revient à dire que l’amortissement pratiqué au fil des années est d’une certaine façon compensée par la plus-value lors de la revente.

Pour une imposition à l’impôt sur le revenu, l’imposition se fera au taux de 36.2% (19% + prélèvements sociaux) après abattement pour durée de détention.

L’option à l’IS permet généralement de neutraliser l’impôt pendant la durée d’amortissement et engendre une imposition plus importante lors de la cession.

Alors que le régime de droit commun à l’impôt sur le revenu ne permet pas l’amortissement du bien, est donc fiscalement et financièrement plus lourd, mais une exonération totale au bout de trente ans est applicable.

Une analyse avec de multiples simulations permet d’orienter le choix d’imposition (impôt sur le revenu ou sur les sociétés) mais on pourrait envisager que :

  • pour des investissements locatifs, qui ont, à la fois, une espérance de plus-value à terme et qui produisent des revenus dont la fiscalité est financièrement supportable, il est préférable de ne pas opter pour l’impôt sur les sociétés ;
  • pour des projets plus importants ou liés à une activité professionnelle, il est préférable d’opter pour l’impôt sur les sociétés afin de minimiser les coûts lors de l’exploitation tout en acceptant de payer l’impôt lors de la cession.

 

L’acquisition de parts de SCPI par le biais d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés

 

Comme nous l’avons déjà évoqué dans un précédent article[3], les SCPI offrent une grande souplesse pour se constituer progressivement un capital dans l’immobilier locatif et disposer à terme d’un complément de ressources, pour la retraite par exemple, dans un contexte d’essoufflement du régime par répartition.

En effet, chaque euro emprunté doit rapporter plus qu’il ne coûte, et le surplus doit être mis à profit pour rembourser tout ou partie du capital de l’emprunt souscrit. La conjoncture actuelle des taux, qui n’ont jamais été aussi bas depuis 60 ans, permet de réaliser des opérations à effet de levier, à des conditions intéressantes.

En constituant une société civile à l’impôt sur les sociétés, nous développons une sorte de « fonds de retraite » qui va avoir pour finalité de verser  à terme  à la retraite, un complément de retraite à partir d’un patrimoine développé à des conditions particulièrement avantageuses. L’efficacité de ce montage sera d’autant plus grande que la phase de capitalisation sera longue et que les parts de SCPI seront conservées longtemps, y compris pendant toute la retraite.

L’objectif poursuivi est clairement de constituer des revenus complémentaires pour la retraite et non d’assurer la constitution d’un capital pour soutenir un projet personnel tel que l’achat d’une résidence principale ou secondaire. En effet, la liquidation « ex abrupto » de cette société civile, pour servir un tel projet, serait coûteuse au plan fiscal, car elle entraînerait la perception d’un important boni de liquidation imposable à l’impôt sur le revenu (barème progressif) ainsi qu’aux prélèvements sociaux, sans faveur particulière.

Il est toutefois possible de récupérer, sans impôts, une partie du capital constitué sous forme de remboursement de compte courant d’associé, ce qui donne, quand même, une certaine flexibilité à ce montage.

 

 

[1] Article 206-3 et 239 du Code Général des Impôts

[2] IS : impôt sur les sociétés

[3] En 2019, comment dynamiser son épargne dans un contexte de taux d’emprunt historiquement au plus bas ?