Prélèvement à la source : application au 1er janvier 2018 ou report ?

Le Prélèvement à la Source (ou P.A.S) de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) mis en place par l’article 60 de la loi de finances pour 2017[1], a été adopté par l’Assemblée Nationale le 20 décembre 2016.

Nous noterons que la retenue à la source est un dispositif d’ores et déjà opérationnel dans la quasi-totalité des pays du continent européen à l’exception de la Suisse et de la France. Notre voisin allemand est d’ailleurs l’un des premiers à avoir instauré ce mode de recouvrement de l’impôt en 1920.

Cette réforme phare portée durant le quinquennat de François Hollande a pour but de moderniser le mode de recouvrement de l’IRPP et de permettre ainsi aux contribuables de ne plus subir le décalage d’une année entre la perception des revenus et son paiement de l’impôt. Cette « révolution » ne remet cependant pas en cause les règles de calcul.

En janvier dernier, nous vous avions proposé une analyse en cinq temps afin d’appréhender ce nouveau mode de prélèvement de votre IRPP (cf. notre article intitulé Prélèvement à la source : mode d’emploi 1/5) et plus particulièrement ses différentes étapes de mise en place (cf. notre article intitulé Modalités de recouvrement de l’impôt au titre de 2017, une année transitoire 2/5) en fonction de votre statut professionnel (cf. notre article intitulé Professions libérales, dirigeants de sociétés et année blanche 3/5) et de votre situation patrimoniale (cf. notre article intitulé Crédit d’impôt, réductions d’impôts, charges déductibles, impact de la réforme du PAS 4/5).

Ainsi, l’année 2017 devait être une année de transition avant l’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif au 1er janvier 2018.

Lors de la campagne présidentielle qui vient de s’achever par l’élection d’Emmanuel Macron, ce dernier était le seul candidat favorable au maintien du P.A.S. (cf. notre article intitulé Elections présidentielles, dernières mises à jour). Cependant, du fait de la complexité et des difficultés techniques que cela engendre, le nouveau Président de la République avait nuancé ses propos en indiquant qu’il opterait dans un premier temps pour une période « test » d’un an sur un échantillon de la population afin de s’assurer du bon fonctionnement de ce nouveau dispositif avant d’en généraliser la pratique d’ici 2019 à l’ensemble du territoire (cf. notre article intitulé Marine Le Pen Vs Emmanuel Macron : les dispositions qui risquent d’impacter votre situation patrimoniale).

Le report est motivé par sa volonté d’éviter « d’immanquables loupés techniques qui plongeraient le pays dans l’incertitude totale ». Afin d’accélérer son entrée en vigueur, le gouvernement sortant a cependant fait publier au Journal Officiel le mardi 10 mai 2017, un décret[2] et deux arrêtés[3] relatif aux modalités d’application de la retenue à la source.

Ces textes viennent préciser les dispositions de la réforme portée entre autres par Christian Eckert et détaillent les démarches que devront suivre les « collecteurs » ainsi que les administrations publiques et ce, à compter du 1er janvier 2018. L’actuel secrétaire d’Etat au Budget souhaite ainsi prouver au nouveau président de la République que l’administration fiscale est belle et bien « prête » en présentant officiellement le calendrier de la mise en place de la réforme de la collecte de l’impôt sur le revenu.

Ce calendrier énumère notamment les informations que les entreprises ou « tiers collecteurs » devront transmettre à l’administration fiscale, également les délais dans lesquels ces éléments devront être transmis au fisc, et ceux dans lesquels les versements devront être réalisés.

Le texte prévoit la forme que ces déclarations devront prendre ainsi que les modalités de régularisation des paiements. Le décret apporte également des précisions sur les conditions dans lesquelles la Direction générale des Finances publiques transmettra au collecteur les taux d’imposition applicables à chaque contribuable. Enfin, ce texte prévoit dans le cas où le collecteur de l’impôt ne serait pas domicilié en France, les conditions de désignation des représentants fiscaux.

La publication de ces textes in extremis semblerait ainsi lancer la mécanique du prélèvement à la source au 1er janvier 2018 et contraint les entreprises à l’appliquer avec des obligations et des délais à respecter d’ici cet automne.

Le 12 mai 2017, Benjamin Griveaux, porte-parole de la République en marche a annoncé sur LCI que le nouveau gouvernement procéderait au mois de juin à un audit du dispositif afin d’évaluer si une expérimentation préalable à la mise en place du prélèvement à la source est possible. En cas de mauvais résultats de ce dernier, le lancement de la phase « test » du P.A.S sera reportée.

A défaut de la promulgation rapide d’un texte de loi qui abrogerait ou modifierait ces textes réglementaires afin de reporter la mise en œuvre du P.A.S, nous pourrions vivre les derniers jours d’un système de recouvrement centenaire qui faisait encore l’exception de la France au sein de l’Union européenne.

[1] Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

[2] Décret n° 2017-866 du 9 mai 2017 relatif aux modalités d’application de la retenue à la source de l’impôt prévue au 1° du 2 de l’article 204 A du code général des impôts

[3] Arrêté du 25 avril 2017 portant création à la direction générale des finances publiques d’un traitement automatisé de gestion du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu dénommé T-Taux et Arrêté du 9 mai 2017 relatif aux modalités déclaratives du prélèvement à la source