Airbnb, la justice s’en mêle
Mise à jour La Cour de justice de l’Union européenne, saisie d’un litige à Paris, a estimé ce mardi 22 septembre 2020 que la législation française soumettant à autorisation la location de résidences secondaires sur la plate-forme AirBnb était conforme à la réglementation européenne. Mais elle a renvoyé aux juridictions françaises le soin d’examiner plus en détails les mécanismes de compensation mis en place par les villes. |
Le 2 mai 2016, nous consacrions au article au « casse tête Airbnb ». A cette date, Berlin venait de décider de limiter la location des appartements ou maisons à quelques pièces seulement. Au sud de l’Europe, Barcelone elle taxait déjà les nuitées et limitait la location à 2 chambres du logement, et ce en présence du propriétaire. Depuis deux ans, le gouvernement et les communes ont essayé de limiter l’offre saisonnière pour maintenir une offre longue durée nécessaire aux résidents. Désormais c’est au tour de la justice d’apporter sa pierre à l’édifice dans l’arsenal juridique.
Une location saisonnière réglementée
Depuis 2016, les pays ont souhaité ralentir le développement de la plateforme Airbnb pour de multiples raisons. Outre le fait qu’ils se positionnent désormais comme de sérieux concurrents de l’offre hôtelière sans en subir la règlementation concernant l’accueil des personnes, ils déstabilisent aujourd’hui l’offre locative dans les grandes villes, ces dernières constatant une recrudescence de l’offre locative saisonnière au détriment de l’offre « longue durée ».
Les raisons de ce développement fulgurant sont assez simples :
- Avec l’augmentation des prix de l’immobilier ces dernières années dans les grandes villes, la rentabilité locative de ces biens s’est réduite comme neige au soleil. Le basculement vers l’offre saisonnière est donc pour beaucoup la solution parfaite pour maintenir un équilibre financier. Par ailleurs, la France séduisant de nombreux touristes, cette formule de location ne s’arrête pas aux grandes villes mais peut trouver échos sur tout le territoire Français.
- En parallèle, les offres de service entourant ce mode de location ont explosé. Désormais cette location saisonnière ne nécessite plus une gestion personnelle, celle-ci pouvant être déléguée à de nouvelles agences spécialisées dans la location et la gestion des courts séjours. La plateforme a donc engendré de nouveaux métiers de services qui sont venus accompagner cette croissance.
Désormais, pour limiter l’expansion de cette offre et maintenir au sein des grandes villes une offre de logement à destination des résidents, de nombreuses villes commencent à règlementer de leur propre chef l’utilisation à cette plateforme. Dans le pays basque, à partir du 1er janvier 2020, il faudra désormais posséder une autorisation délivrée par l’agglomération du Pays Basque pour utiliser son logement d’habitation permanent en location saisonnière. L’objectif visé : lutter contre l’expansion d’Airbnb dans un secteur où l’on dénombre désormais plus de 8 000 meublés touristiques.
Une sous location saisonnière interdite, sauf accord de son bailleur.
Si Airbnb a su séduire les propriétaires de logement, il a pu également compter sur les particuliers, locataires de leur appartement pour développer son offre.
Dans ce cadre-là, l’objectif poursuivi par les locataires étant de bénéficier d’un revenu lorsqu’ils n’utilisaient pas leur location. Pour beaucoup la raison est assez simple : éviter de payer un loyer lorsqu’ils sont absents de ce logement.
Pour cela, le locataire doit prendre la précaution d’informer son bailleur de sa volonté d’offrir son logement à la location sur une plateforme dédiée. En effet, la loi impose l’accord du propriétaire pour toute mise en sous-location d’un logement.
C’est ce principe qu’est venu confirmer la Cour de cassation dans un arrêt attendu et publié en date du 12 septembre 2019 n°18-20727. Pour la première fois, la Cour de cassation a condamné un locataire indélicat suite à la mise en location de son appartement sur la plateforme Airbnb, et ce sans en avoir informé au préalable son Bailleur.
Le considérant de la Cour de Cassation est limpide : « Attendu que, sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire ; qu’ayant relevé que les locataires avaient sous-loué l’appartement pendant plusieurs années sans l’accord du bailleur, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, nonobstant l’inopposabilité de la sous-location au bailleur, que les sommes perçues à ce titre devaient lui être remboursées ».
La sanction est particulièrement sévère car à défaut d’avoir pu obtenir l’autorisation de celui-ci, le locataire doit rembourser intégralement les loyers sur le fondement des articles 546 et 547 du Code civil.
Cette décision, si elle ne traite que le droit, montre le traitement particulièrement sévère que l’Etat et la justice entendent désormais appliquer à la plateforme de location Airbnb. Pour autant, il est toujours possible de concilier les intérêts entre locataire et bailleur.
Une nouvelle offre de location, Airbnb compatible.
Après une expérimentation réussie à Paris, l’agence Century 21 a proposé dès 2018 un contrat de location Airbnb compatible. Désormais, pour éviter tout conflit, et ce dans l’intérêt des 2 parties, un locataire va pouvoir sous louer son appartement en toute transparence avec son bailleur. En contrepartie de cette sous location, le propriétaire bénéficiera d’une partie du nouveau loyer.
Ce nouveau dispositif permettra d’offrir un complément de revenu aux habitants qui en ont le plus besoin, comme les étudiants notamment.
Dès que le propriétaire a donné son accord, c’est l’agence qui assurera la gestion locative et les démarches administratives afférentes. Le locataire aura juste besoin d’informer cette dernière de son calendrier pour que cette location saisonnière soit efficiente.
Cette nouvelle offre de location combinant longue durée et saisonnière bénéficiera à tous les intervenants. Le locataire verra son loyer diminuer par l’encaissement des courtes durées, le bailleur bénéficiera d’une meilleure rentabilité sur son bien immobilier sans en assurer la gestion, et l’agence augmentera ses frais de gestion sans gagner de nouveaux clients.
Airbnb fait désormais partie intégrante du paysage touristique international. Comme a pu le rappeler Jean Baptiste Lemoyne, ministre du tourisme, dans une interview donnée pour le magazine capital « Les plateformes peuvent être un outil précieux pour favoriser la diffusion des flux touristiques sur l’ensemble du pays, car on constate qu’en zone rurale, l’offre d’hébergement s’est renouvelée grâce à AirBnb. Ces logements viennent désormais pallier la disparition de lits de l’hôtellerie traditionnelle ». Fort de ce constat et dans un secteur en pleine mutation ces dernières années (faillite récente de Thomas Cook), le gouvernement souhaite désormais trouver un juste équilibre entre location saisonnière et longue durée, et ce dans l’intérêt des différents protagonistes.
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