Les robo-advisors, avenir de la gestion de patrimoine ?

La digitalisation et l’automatisation croissante du conseil financier ont conduit les autorités de tutelle européennes et nationales à s’intéresser au robo-advisoring. Ces nouveaux modes d’accès au conseil permettent aux investisseurs, par l’intermédiaire d’applications digitales ou de sites Internet, de bénéficier d’une gestion de leur épargne générée par des outils automatisés.
Au plan européen, le Comité mixte des Autorités Européenne de Surveillance a publié le 16 décembre 2016 son rapport définitif sur l’automatisation du conseil financier en Europe, après avoir recueilli les avis des places financières européennes.

La principale conclusion du rapport est que le cadre juridique européen reste contrasté. La notion de conseil est, certes, effectivement définie par les différentes directives sectorielles (distribution d’assurance, contrat de crédit immobilier, marchés d’instruments financiers 2). Néanmoins, l’automatisation du conseil n’est que très peu appréhendée par ces textes européens.

Ce rapport dégage trois caractéristiques propres aux outils d’automatisation du conseil financier : (i) une utilisation directe par l’investisseur sans intervention humaine (ou presque) ; (ii) un arbre de décision ou un algorithme utilisant les informations fournies par l’épargnant pour produire un conseil personnalisé ; (iii) le conseil ainsi généré est considéré comme un conseil financier.

A l’heure actuelle, il existe sur le marché deux types de robo-advisors : d’une part, des outils hybrides, principalement utilisés dans les secteurs assurantiels et bancaires, recourant aux outils automatisés tout en conservant une certaine intervention humaine ; d’autre part, des outils algorithmiques ou par arbres de décision entièrement automatisés, essentiellement présents dans le secteur financier.
Ces outils pourraient comporter certains risques. Les conseils fournis pourraient être inadaptés aux investisseurs en dépit des informations préalablement communiquées. Par ailleurs, des dysfonctionnements informatiques pourraient intervenir, sans nécessairement de présence ou de contrôle humain pour les identifier. Enfin, la généralisation du recours à ces outils par un grand nombre d’investisseurs pourrait conduire à une certaine volatilité des marchés et d’éventuels risques systématiques.

Les robo-advisors présentent néanmoins certains avantages tels que la réduction des coûts, la récupération de toutes les informations liées aux opérations passées et la possibilité pour les institutions financières d’offrir aux investisseurs un accès à une plus large gamme de produits et services.

Au plan national, pour délivrer des conseils assurantiels, bancaires et financiers, ils convient de posséder respectivement les statuts réglementés de courtier d’assurance ou de réassurance (COA), de courtier en opérations de banque et de services de paiement (COBSP) et de conseiller en investissements financiers (CIF). L’obtention et l’exercice de ces activités réglementées répondent à des conditions minimales de compétence professionnelle, d’honorabilité et de respect de règles de bonne conduite, ou parfois de garantie financière.

A cet égard, une grande majorité de fournisseurs d’outils automatisés sur le marché français possèdent l’un ou les statuts obligatoires de CIF et/ou COA afin de délivrer leurs conseils en investissements et/ou conseils en assurance vie. D’autres solutions hybrides émergent également sur le marché en combinant l’automatisation du conseil financier dans un univers géré et/ou conseillé par des acteurs classiques (compagnies d’assurance, sociétés de gestion de portefeuilles, COA et CIF).
Au-delà des interrogations posées par l’automatisation du conseil financier et afin d’éviter toute distorsion concurrentielle et réglementaire entre les statuts réglementés précités, les régulateurs nationaux ont actualisé leur doctrine pour appréhender au mieux ce phénomène. Le 14 novembre 2016, l’ACPR a ainsi intégré une annexe spécifique applicable aux interfaces numériques à sa recommandation sur les recueils des informations relatives à la connaissance du client dans le cadre du devoir de conseil en assurance-vie. Par ailleurs, l’AMF a aussi lancé une consultation sur les simulateurs de performance qui s’est achevée le 20 janvier 2017 et dont les résultats ont été publiés le 04 avril dernier. Chaque autorité cherche à son échelle à éviter toute distorsion concurrentielle et réglementaire entre les acteurs réglementés traditionnels et les acteurs recourant aux outils automatisés.

En conclusion, le bilan des robo-advisors reste contrasté. La démocratisation de l’acte de conseil est devenue une réalité grâce aux outils automatisés et l’encadrement réglementaire a été anticipé par les autorités de tutelle. Néanmoins, le big-bang des fintech françaises reste encore attendu, notamment en termes de collectes auprès des épargnants français et internationaux.

Robert Devin – Directeur juridique Scala Patrimoine