Assurance emprunteur: résiliation et prise en compte du droit à l’oubli

Le dernier rebondissement dans le dossier du droit de résiliation annuelle de l’assurance emprunteur était intervenu avec la décision du Conseil Constitutionnel du 8 décembre 2016 (cf. Notre article du 16 janvier 2017).

Désormais le nouveau texte qui devrait être promulgué avant le 28 février 2017, semble mieux armé contre les obstacles connus dans le passé : pressions du lobby bancaire, débats parlementaires, Conseil Constitutionnel. Les parlementaires ont pris le soin, par l’intermédiaire de la Commission Mixte Paritaire[1] (CMP), de trouver un consensus alliant protection du consommateur et respect de la Constitution.

En effet, même si la décision du 8 décembre 2016 mettait seulement en avant un vice de procédure dans l’adoption de la loi SAPIN 2, des difficultés sur le fond existaient, notamment au regard de la rétroactivité de la loi au stock de contrats déjà souscrits.

De plus, il ressort de l’amendement portait par le Sénateur M. Martial BOURQUIN, que le nouveau dispositif s’ajoute à celui mis en place par la loi HAMON[2], lequel prévoit la possibilité de résilier l’assurance emprunteur de groupe pendant les 12 premiers mois suivant la signature de l’offre de prêt.

Il ressort des débats de la CMP que les députés et les sénateurs ont souhaité insister sur l’intérêt général défendu par application de la nouvelle loi aux contrats en cours afin d’éviter toute censure du Conseil Constitutionnel. A ce titre, pour certains parlementaires la mise en place d’un droit de résiliation annuel suffisait à justifier la présence d’un intérêt général justifiant la rétroactivité dans la mesure où la concurrence entre les fournisseurs d’assurance emprunteur va s’accroitre et que des économies substantielles vont être réalisées par les assurés.

Pour d’autres parlementaires, en revanche, il était nécessaire d’aller plus loin et de se prémunir contre une censure éventuelle du Conseil en permettant aux établissements bancaires de s’adapter à cette modification du régime applicable à l’assurance emprunteur. En conséquence, le texte prévoit une application différente de la loi dans le temps.

En conséquence, l’application du texte dans le temps s’effectuera comme suit :

  • Pour les contrats souscrits à partir du 1er mars 2017, les assurés bénéficient de la possibilité de résilier le contrat à tout moment pendant une durée de 12 mois suivant la souscription. Si ce délai est dépassé, les assurés bénéficieront en vertu du nouveau dispositif de la possibilité de résilier annuellement le contrat à date d’anniversaire.
  • Pour les contrats souscrits avant le 1er mars 2017, les assurés bénéficieront de la possibilité de résilier annuellement le contrat à date d’anniversaire seulement à partir du 1er janvier 2018 (ce décalage correspond au délai estimé nécessaire pour que les banques puissent se préparer à appliquer les nouvelles dispositions).
  • Pour les contrats souscrits entre le 26 juillet 2014 (date d’application de la loi HAMON) et le 28 février 2017, les assurés bénéficient de la possibilité de résilier dans les 12 premiers mois suivant la souscription (si le délai n’est pas épuisé) mais ne bénéficieront du droit annuel de résiliation qu’à compter du 1er janvier 2018.

L’application du droit annuel de résiliation aux contrats déjà souscrits présente un autre atout celui de rendre un peu plus effectif le droit à l’oubli mis en place par la loi du 26 janvier 2016[3] et dont l’objectif est de faciliter l’accès à l’assurance et au crédit aux personnes présentant un risque aggravé de santé (cf. Notre article du 28 novembre 2016).

Ce droit a été d’autant plus renforcé, par la publication au Journal officiel du décret n°2017-173 le 14 février dernier, qui précise les conditions d’information des candidats à l’assurance-emprunteur trop souvent découragés par les contraintes imposées par les assureurs.

Ainsi, les personnes ayant souffert de pathologies graves ont le droit de ne pas déclarer certains types de cancers (sein, utérus, testicule, thyroïde, mélanome de la peau) ou une hépatite C lors de la  souscription à un contrat d’assurance-emprunteur. Ce droit s’applique aux anciens patients à l’issue d’un délai de dix ans après la fin de leur traitement et sans rechute constatée. Ce délai est abaissé à cinq ans pour les cancers diagnostiqués avant l’âge de 18 ans.

Le décret apporte également une précision sur l’obligation pour les assureurs de communiquer systématiquement à leurs clients souhaitant contracter une assurance-emprunteur, un document d’ information relatif au dispositif de droit à l’oubli ainsi que la grille de référence fixant en fonction de chaque pathologie (cancéreuse ou chronique), le délai au terme duquel les anciens malades peuvent souscrire un contrat d’assurance-emprunteur sans subir de surprime ni d’exclusion de garantie. Cette grille fait d’ailleurs l’objet d’une révision annuelle menée entre autres en collaboration avec l’Institut National du Cancer (INCA) afin que les conditions imposées par l’assureur soient conformes avec les progrès thérapeutiques et les données épidémiologiques.

Malgré une volonté manifeste du gouvernement de vouloir apporter des solutions à un nombre de plus en plus important de personnes victimes de maladies graves, ce dispositif reste très limité car il ne concerne qu’une petite partie des cancers et pathologies graves référencées. De plus, seuls les crédits immobiliers et professionnels (acquisition de locaux et matériels) d’un montant maximum de 320 000€ sont concernés. A noter que le contrat d’assurance doit arriver à échéance avant le 71ème anniversaire du souscripteur.

Un second décret en date du 7 février 2017 apporte des précisions sur les sanctions applicables aux assureurs dans le cas où ils ne respecteraient pas leur obligation d’information. Ainsi, l’autorité de régulation des secteurs de la banque et de l’assurance, l’ACPR, se voit ajouter une nouvelle mission, celle de veiller au respect du « droit à l’oubli ».

Nous espérons que l’adoption du droit de résiliation annuelle de l’assurance emprunteur aura pour effet de renforcer l’application du droit à l’oubli. Mais dans tous les cas, le 1er janvier 2018 marquera un tournant important dans l’effectivité du droit des consommateurs, sous réserve toutefois que les banques n’augmentent par leurs taux à moyen terme pour compenser la perte occasionnée.

[1] Commission composée de sept députés et de sept sénateurs pouvant être réunie à l’occasion d’un désaccord persistant entre l’Assemblée Nationale et le Sénat à propos d’un projet ou d’une proposition de loi. L’objectif principal de cette commission est d’aboutir à une conciliation sur un seul et même texte.

[2] Loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

[3] Loi du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé, permettant l’application de la Convention s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé, dite Convention AREAS.