Baisse des taux, la spirale infernale
La situation est inédite: les taux n’ont jamais été aussi bas. Le plus déroutant est que ce phénomène dure maintenant depuis de nombreux mois et qu’à chaque baisse enregistrée, on a l’impression de repousser les limites du possible et du raisonnable. A titre d'exemple, c'est comme si à chaque départ du 100m pris par Usain Bolt le record du monde de la discipline était pulvérisé. Déstabilisant non ?
Pourtant la menace d’une hausse des taux existe et elle serait sans nul doute salvatrice pour notre économie réelle à moyen/long terme. On attendait début septembre une action dans ce sens de la FED, il n’en fût rien. On comprend la difficulté des présidents des banques centrales américaines et européenne à prendre une décision dont on sait d’avance qu’elle entraînera des conséquences notables sur l’économie à l’échelle mondiale.
Si cette baisse des taux présente un intérêt évident pour l’investisseur, il n’en est rien pour l’épargnant. Baisse de la rentabilité des fonds en euros et du livret A, limitation de l’accès à ces supports garantis par l’assureur au profit d’un arbitrage vers des supports en unités de compte, et dernier épisode en date, vote à l’assemblée nationale du projet de loi Sapin 2 permettant dans son article 21 le gel des actifs pour une période reconductible de 3 mois en cas de crise systémique faisant suite à une remontée des taux importante.
Pour l’investisseur le bilan est plutôt rose, ou du moins on essaye de le lui faire croire. Les taux d’emprunt sont désormais sous la barre des 1% à 15 ans et le fixe au détriment du variable est toujours d’actualité. La création de richesse est désormais dans l’emprunt, la baisse des taux ayant gonflé le pouvoir d’achat des investisseurs. Pour autant, en cas de forte remontée des taux, le marché immobilier pourrait en être fortement impacté. Certaines études tablent depuis quelques temps sur une baisse importante du prix de l’immobilier, les taux bas de ces dernières années en limiteraient aujourd’hui l’impact.
Si l’achat de la résidence principale est une vraie question au regard du contexte actuel, l’épargnant/investisseur a tout intérêt aujourd’hui à utiliser son levier d’emprunt dans l’immobilier locatif. En effet, le contexte de taux bas limite son apport dans le cadre de ce type d’investissement, et par la même occasion, via le jeu des loyers, limite son impact en cas de baisse de l’immobilier. Pour autant la bonne affaire n’est pas automatique et il faut rester vigilant à l’effet pervers que peut susciter un tel contexte. La faiblesse des taux pourrait en effet pousser certains investisseurs à être moins regardant sur leur placement.
La baisse des taux invite donc l’investisseur à financer mais également refinancer son immobilier. Créer de la dette sur un actif déjà payé a un effet bénéfique notamment en cas de forte imposition. Par ailleurs, dans un objectif de transmission, le financement permettra à l’investisseur de récupérer des liquidités, d’optimiser les plafonds des contrats d’assurance vie, et de transmettre à ses héritiers un actif diminué du passif.
L’investisseur a également intérêt à renégocier ses crédits, et cela même si la dernière renégociation date il y a à peine d’un an. A chaque crédit son assurance emprunteur, il sera également judicieux de mettre en pratique la loi Hamon permettant de faire jouer la concurrence et éviter ainsi les contrats « groupe », contrats d’assurance très souvent dans la fourchette haute du marché. Avant toute renégociation ou de rachat de crédit, une étude sera indispensable notamment en cas d’Indemnité de Remboursement Anticipé (IRA). Selon la durée de l’emprunt et vos objectifs personnels, il sera quelque fois plus coûteux de baisser le taux de vos emprunts que de conserver l’existant, même si celui-ci s’avère plus élevé.
Prélèvement à la source et année blanche, quels impacts pour le contribuable?
Annoncé en 2015, le dispositif du prélèvement à la source (PAS), est en passe d’être débattu à l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017. Il vient d’être présenté en Conseil des ministres ce 28 septembre 2016. Le texte est donc loin d’être définitif mais les contours les plus importants de la réforme se dessinent progressivement. Le premier PAS devant intervenir en 2018.
La question d’un prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu a fait son apparition dans l’hexagone dans les années 1930, et a même été mis en œuvre en 1939 et en 1948. L’Etat français a, à l’époque, recours au PAS pour la perception des prélèvements sociaux, des charges salariales ou encore les prélèvements libératoires forfaitaires sur les revenus du capital. Il s’agit ici « d’un mode de recouvrement de l’impôt consistant à faire prélever son montant par un tiers payeur, le plus souvent employeur ou banquier, au moment du versement au contribuable des revenus sur lesquels porte l’impôt »[1].
Ce système de recouvrement a été adopté par bon nombre de pays occidentaux (Canada, Etats-Unis, Royaume-Uni, Belgique, Allemagne, Danemark, Pays-Bas) pour des besoins différents : simplification de l’imposition, amélioration du recouvrement ou encore augmentation des gains de productivité de l’administration fiscale. L’Etat français souhaite aujourd’hui franchir le pas. Quels sont les principaux changements attendus pour le contribuable?
L’apport principal sera bien entendu une taxation contemporaine des revenus, avec une taxation des revenus n, l’année n. Le système français actuel, impose les revenus obtenus l’année n, l’année n+1. La retenue à la source permettra au contribuable de voir son imposition adaptée à la variation de son revenu. De même cela évitera, un blocage l’année n+1 lorsqu’une baisse de revenu s’ajoute à une forte imposition sur les revenus élevés de l’année n.
1/ Les revenus concernés par la réforme sont les traitements et salaires, les pensions, les revenus de remplacement, les rentes viagères. Ceux-ci seront retenus à la source par l’organisme versant le revenu (employeur, organismes de retraites,…) selon un taux que l’administration fiscale aura préalablement communiqué.
Les revenus des indépendants (BIC, BNC et BA), ainsi que les revenus fonciers sont eux aussi concernés par la réforme. Ces revenus seront également taxés de manière contemporaine mais sous forme d’acomptes sur 12 mois, toujours en application d’un taux communiqué par l’administration fiscale.
Le taux de PAS sera transmis par l’administration à partir du second semestre 2017, et sera actualisé tous les ans en fonction des revenus perçus par le contribuable. Ce dernier devra donc continuer à déclarer ses revenus chaque année.
Pour les autres types de revenus, les modalités ne seront pas modifiées : revenus de capitaux mobiliers (prélèvement à la source) ; plus-values immobilières (prélèvement forfaitaire libératoire).
Il faut préciser que seul le dispositif de prélèvement de l’impôt est modifié et non pas les méthodes de calcul de celui-ci, lesquelles resteront inchangées.
2/ Sur option, les couples mariés ou pacsés (effectuant une déclaration commune) pourront opter pour un taux d’imposition individualisé en fonction de leur revenu respectif. Ceci aura pour effet de ne pas faire supporter à l’époux ayant le salaire le plus bas, la pression fiscale engendrée par les gains de son conjoint.
3/ Plusieurs questions se posent quant à la confidentialité des informations personnelles des contribuables, communiquées notamment aux employeurs pour qu’ils procèdent à la déclaration auprès de l’administration. Le Conseil d’Etat a demandé au gouvernement de prévoir plusieurs garanties à même d’éviter les discriminations à l’embauche ou encore les discriminations dans la détermination des salaires.
Pour ce faire, le projet de loi prévoit notamment qu’un contribuable pourra opter pour un taux neutre ou un « taux par défaut ». Le contribuable n’aura plus à communiquer l’étendue de sa situation patrimoniale à son employeur (lequel appliquera simplement le taux neutre). En contrepartie, le salarié devra régler directement à l’administration fiscale, le solde de l’impôt réellement dû.
4/ Comment l’année de transition sera-t-elle organisée ? En 2017, l’impôt exigible sera calculé sur les revenus 2016 et sera soumis au système que nous connaissons actuellement, puisque c’est le contribuable qui payera directement l’impôt auprès de l’administration fiscale. Les revenus 2018 seront soumis au PAS en 2018. En conséquence il n’y aura aucune année sans impôt.
Pour autant quid des revenus 2017 ? Les revenus 2017 devront néanmoins être déclarés au printemps 2018, d’une part pour établir le taux de prélèvement mais également pour calculer le CRM ou Crédit d’impôt Modernisation Recouvrement.
Ce que l’on sait aujourd’hui, c’est que ces revenus 2017 devraient échapper à l’impôt. Oui mais pas à 100%. Afin d’éviter tout abus, Bercy a initié une série de dispositions visant à limiter une « optimisation » des revenus sur l’année 2017. Ainsi, professionnels libéraux ou chefs d’entreprises sont dans l’œil du viseur, professions pouvant décaler une rémunération d’une année sur l’autre. Pour ce faire, Bercy prévoit une série de dispositifs visant à exclure tout risque de fraude.
Les revenus exceptionnels seront notamment exclus du dispositif. Cette liste, particulièrement longue, entend par là les indemnités de rupture du contrat de travail, le dédommagement d'un changement de lieu de travail, les sommes perçues pour la participation et l'intéressement, indemnités de cessation des fonctions des mandataires sociaux et dirigeants, indemnités de clientèle de cessation d'activité, ventes d'actions gratuites et gains de stock-options...
Concernant les dividendes, plus-values mobilières et immobilières, ces revenus n’entrent pas dans le champ de la réforme et devront être payés au titre de l’impôt sur le revenu 2017.
Pour les indépendants, l’administration fiscale retiendra le revenu maximal sur les trois dernières années et de l’année suivante pour déterminer le taux de prélèvement.
Les grands « perdants » de cette réforme sont les jeunes professionnels débutants dans la vie active en 2018, puisqu’ils seront imposés dès la première année et non plus en n+1. A l’inverse, les professionnels, jeunes retraités dès 2018, seront imposés sur le montant de leurs pensions de retraite et non pas sur leurs revenus d’activité réalisés en 2017.
[1] Conseil des prélèvements obligatoires, Prélèvements à la source et impôt sur le revenu, Synthèse, Février 2012
Interprofessionnalité, quelles perspectives?
L'interprofessionnalité introduite cette année par le gouvernement offre de nouvelles perspectives pour les professionnels du chiffre et du droit, tout en garantissant les intérêts de leurs clients.
Prise en application de la loi Macron[1], l'Ordonnance n°2016-394 du 31 mars 2016[2] et ses différents décrets récents d’application[3] ont pour objectif affiché de faciliter la création de sociétés ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs professions réglementées.
L'Ordonnance autorise en effet la constitution de société pluri-professionnelle d’exercice (SPE) ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs professions : avocat, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, commissaire-priseur judiciaire, huissier de justice, notaire, administrateur judiciaire, mandataire judiciaire, conseil en propriété industrielle et expert-comptable.
Les SPE peuvent revêtir toute forme sociale, à l'exception de celles conférant à leurs associés la qualité de commerçant (notamment la société en nom collectif).
La loi offre également de nouvelles opportunités commerciales : les SPE sont en mesure de « proposer des gammes complètes de prestations à des prix rendus plus attractifs par la mutalisation des charges »[4]. Elles peuvent en outre exercer toute activité commerciale à titre accessoire (le caractère accessoire ne devant pas s'entendre en termes de parts de chiffre d'affaires mais en termes de lien avec l'activité principale d'une ou des professionels du chiffre et du droit composant la SPE). A titre d'exemple les avocats seront donc en mesure de créer des Family office2.
S'agissant des clients de SPE, leurs intérêts seront également respectés de différentes manières.
Les SPE sont classiquement tenus au respect des obligations de loyauté, de confidentialité ou de secret professionnel à leur égard. Toutefois, ces obligations ne font pas obstacle à ce que les professionnels du chiffre et du droit puissent communiquer entre eux toute information nécessaire à l'accomplissement des actes professionnels et à l'organisation du travail au sein de la SPE. Cette transmission est autorisée dès lors que les clients ont été préalablement avertis et qu'ils ont donné leur accord.
Ils bénéficient par ailleurs de l'application de procédures de conflict check obligatoires puisque chaque professionnel devra informer la SPE et les autres professionnels la composant de l'existence de tout conflit d'intérêt susceptible de naitre. Sont également concernés les conflits d'intérêts pouvant naitre entre l'exercice de son activité professionnelle et l'exercice par les autres professionnels.
Enfin, les SPE doivent souscrire à une assurance couvrant les risques liés à la responsabilité civile professionnelle comme toute autre société.
Au sein de Scala Patrimoine, nous avons d’ores et déjà entamé ce processus en recrutant cette année deux avocats et une notaire de formation pour satisfaire au mieux les exigences de nos clients. Dans ce contexte d’interprofessionnalité, le client final appréciera une telle révolution anticipée en bénéficiant de conseils à haute valeur ajoutée, aux plus près de ses besoins et exigences personnelles.
Robert Devin – Directeur juridique Scala Patrimoine
[1] Article 65 de la Loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
[2] Ordonnance n°2016-394 du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l’exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.
[3] Les 9 Décrets n°2016-874 à 2016-883 du 29 juin 2016.
[4] Rapport au Président de la République relative à l'Ordonnance n°2016-394 du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l'exercice en commun de pusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.