Réforme des retraites du gouvernement Macron : ce qui se prépare à la suite du rapport Delevoye

La grande réforme des retraites 2019 se prépare. Emmanuel Macron veut créer un régime universel dans lequel la retraite serait calculée par points, de la même manière que l’on soit salarié, fonctionnaire ou encore travailleur non salarié (TNS). Jeudi 18 juillet 2019, Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire à la réforme des retraites, a remis son rapport au Premier ministre. Un projet de loi est attendu d’ici la fin de l’année.

Régime de retraite unique, taux plein à 64 ans : Scala Patrimoine fait le point sur les modifications à venir et vous accompagne dans la préparation de votre retraite.

 

Jean-Paul Delevoye avait lancé le 31 mai 2018 dernier un dispositif de participation citoyenne organisé avec le concours de la délégation interministérielle à la transformation publique (DITP).

Cette consultation publique portait sur la réflexion de la mise en œuvre d’un système universel de retraite à horizon 2025 et a fait l’objet d’une synthèse qui a été rendue publique le 29 novembre 2018.

Jean-Paul Delevoye a été auditionné ce mercredi 24 juillet par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale et a expliqué que le gouvernement devrait très prochainement communiquer sur la prochaine phase de préparation du projet de réforme des retraites.

Le régime universel devrait concerner les générations nées à partir de 1963 et il ne concernera que les périodes à compter du 1er janvier 2025. Les droits acquis avant cette date seront régis par un système de conversion prévu par le Haut-commissaire : « les droits acquis seront garantis, la photographie des droits sociaux sera réalisée juste avant l’entrée en vigueur comme si les assurés partaient en retraite. La pension fictive ainsi calculée sera transformée en points pour le montant équivalent, sans surcote et sans décote. »

Le projet de loi doit être présenté d’ici la fin de l’année 2019 et comprendra les grands principes que Jean-Paul DELEVOYE a présenté dans son rapport à savoir :

  • Un régime universel : fusion des 42 régimes existants
  • Un taux de cotisation retraite unique à 28,12 % jusqu’à 120 000 €
  • Un régime en points avec un taux de rendement à 5,5 %
  • Un minimum de retraite à 85 % du SMIC
  • La mise en place d’un âge à taux plein à 64 ans
  • Le dispositif cumul emploi retraite plus attractif
  • La création d’une caisse nationale de retraite universelle

 

Un régime retraite universel avec un système par points

Les préconisations de Jean-Paul DELEVOYE ne remettent pas en cause un cadre : celui d’un système par répartition, dans lequel ce sont les actifs d’aujourd’hui qui financent la retraite des actifs d’hier.

Le bouleversement se situe dans les modalités de fonctionnement du futur régime, puisque l’on bascule d’un système par répartition « en annuités » à un système par points.

Ce nouveau système fusionnera les 42 régimes de retraite actuels en un régime universel dans lequel chaque euro cotisé donnera les mêmes droits à retraite. Il met donc fin aux anciens calculs qui tenaient compte des 25 meilleures années de salaires ou des 6 derniers mois de traitements.

Il pourra entrer en vigueur en 2025 et concernera les générations nées à partir de 1963.

Tous les salariés, fonctionnaires, travailleurs indépendants, agriculteurs et régimes spéciaux sont concernés. Ces derniers seront logés à la même enseigne dans le régime universel, selon une convergence variable.

 

« Régime universel ne signifie pas régime unique »

Il va y avoir une convergence des taux de cotisation retraite pour qu’« à carrière égale et revenu égal, chacun ait la même retraite », a assuré Jean-Paul Delevoye.

Pour les salariés et les fonctionnaires, un taux de cotisation retraite unique dans le nouveau régime serait de 28,12 %, partagé entre l’employeur (60 %) et le salarié (40 %).

Ce dernier se décomposera ainsi :

  • 25,31 % qui génère des droits à la retraite et qui s’applique sur les salaires de 0€ à 120 000€
  • 2,81 % qui ne génère aucun droit et qui correspond à une cotisation déplafonnée et non-contributive

Rémunération

Part salariale Part patronale Total

Entre 0 et 120 000 €

11,25% 16,87% 28,12 % 

(25,31 % + 2,81 %)

Au-delà de 120 000 € 1,12% 1,69%

2,81%

Pour les indépendants (TNS), le rapport propose un taux de cotisation à 28,12 % jusqu’à 40 000 € de revenus par an, et de 12,94 % pour les 80 000 € suivants, soit jusqu'à 120 000 € par an.

Ces taux représentent une hausse par rapport à leur contribution actuelle, c’est pourquoi ils seront compensés par une baisse de la CSG, sans coût supplémentaire.

Rémunération Taux de cotisation plafonnée Taux de cotisation déplafonnée Taux de cotisation globale
0 à 40 000 € 25,31% 2,81% 28,12%
40 000€ à 120 000 € 10,13% 2,81% 12,94%
Au-delà de 120 000 € 0,00% 2,81% 2,81%

Ainsi, au-delà de 120 000€ de rémunération, (soit 3 PASS) seule la cotisation déplafonnée continue de s’appliquer rendant ainsi les cotisations versées non productives de droit à la retraite. Encore une taxe qui va venir s’ajouter pour les salariés et les travailleurs non-salariés (TNS).

Des spécificités sont toutefois maintenues.

Pour compenser la disparition de la règle de calcul des six derniers mois pour les fonctionnaires, les primes devraient être prises en compte dans le calcul des droits aux points retraites. Par ailleurs, les régimes spéciaux des « uniformes » (militaires, policiers…) seront maintenus.

Jean-Paul DELEVOYE ne s’en était pas caché, lors des discussions avec les partenaires sociaux : « Régime universel ne signifie pas régime unique. »

 

Des pensions calculées avec un taux de rendement unique

Le cotisant (salarié, travailleur non salarié) accumulera des points qui seront stockés sur un compte unique. La valeur accordée au point de retraite déterminera le montant de la pension.

Le système voulu dans le rapport présenté par Jean-Paul Delevoye prévoit que pour 100 € cotisés le futur retraité percevra 5,5 euros par an en se basant sur un taux de rendement unique à 5.5% par an sachant que 10 € cotisés donne 1 point de retraite.

La valeur du point servant au calcul de la retraite serait donc fixée à 0,55 € au démarrage du système universel. Jean-Paul Delevoye a précisé qu’elle ne pourra pas baisser dans le temps.

Le Haut-commissaire opte pour une revalorisation des pensions de retraite sur les salaires et non sur l’inflation ce qui va mécaniquement encore grever la pension de retraite en période inflationniste.

En revanche, une fois les points transformés en retraite, les pensions resteraient revalorisées en fonction de l’inflation comme actuellement.

En pratique :

 

-  Un salarié percevant un salaire brut de 60 000€ acquiert des droits à retraite uniquement sur la cotisation plafonnée au taux de 25,31 %.

-  Ainsi sur son salaire brut mensuel de 5 000 €, le montant de sa cotisation retraite (part patronale et salariale) s’élèvera à 1 265.50€ (5 000 X 25,31 %) par mois.

-  10 € de cotisations donne un point, 1 265.50 € de cotisations donneront environ 126 points par mois, soit 1 512 points par an.

-  Sur 43 années de carrière, le salarié accumulera donc 65 016 points (1 512 X 43).

-  Si le rendement du futur régime est de 5,5 %, (donc valeur d’un point à 0,55€) et que le salarié part à la retraite avec un taux plein, sa pension s’élèvera à 35 759 € (28 896 X 0,55) par an, soit 2 980 € par mois.

 

Un minimum de retraite porté à 85 % du Smic net

Comme le prévoyait l'annonce du Président de la République le 25 avril dernier, le système porte le minimum de retraite à 85% du SMIC net, soit 1 000 €, contre 81% pour les salariés et 75% pour les agriculteurs actuellement. Rappelons que le minimum vieillesse est, lui, de 868,20 € par mois et atteindra 900 € par mois en janvier 2020.

Par ailleurs, il est proposé d’accorder le bénéfice du minimum de retraite dès l’âge du taux plein de sa génération (soit 64 ans pour la génération 1963 selon les préconisations du rapport). Il ne serait donc plus nécessaire d’atteindre l’âge d’annulation de la décote (67 ans aujourd’hui) pour bénéficier de cette solidarité.

 

La mise en place d’un âge « d’équilibre » à 64 ans

L'âge légal de départ restera fixé à 62 ans. Toutefois dans le but d’inciter les Français à continuer de travailler au-delà, Jean-Paul Delevoye préconise l'instauration d'un âge « d'équilibre » à 64 ans au taux plein.

Ainsi, un assuré partant à la retraite entre 62 et 64 ans subira une décote de 5 % sur la valeur de ses points par année d’écart. Au-delà de cet âge pivot, une surcote, de 5 % par année supplémentaire, viendra majorer le montant de la pension.

Cet âge d’équilibre évoluera en fonction de l’espérance de vie afin de piloter sereinement les finances du nouveau régime.

 

Un dispositif cumul emploi-retraite plus attractif

Le rapport prévoit que les personnes ayant fait liquider leur retraite pourraient reprendre une activité sans être soumises à un plafond ou à une limite à compter de l’âge du taux plein.

Il est aussi préconisé que cette reprise d’activité leur permette à l’avenir de se constituer de nouveaux droits à retraite comme le dispositif de la retraite progressive, ce qui n’est pas possible dans le système actuel.

 

La gouvernance du futur système de retraite

Afin de piloter ce futur système de retraite, le rapport envisage la création d’une caisse nationale de retraite universelle, créée dès l’adoption de la loi. Cet établissement public aura deux missions :

  • Préparer la mise en place du système universel,
  • Assurer l’unification de la gouvernance et du pilotage des régimes de retraite actuels.

La caisse nationale sera ensuite chargée de la gestion opérationnelle du système.

La gouvernance de cette caisse pourrait être attribuée à un conseil d’administration composé de 26 administrateurs : 13 représentants des assurés désignés par les organisations syndicales et 13 représentants des employeurs désignés par les organisations professionnelles représentatives.

Toutefois, le pilotage du système universel de retraite sera défini dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale par le gouvernement. Le conseil d’administration pourra donner son avis sur les choix de l’Exécutif et formuler des modifications, mais c’est le gouvernement qui décidera des suites qu’il entend donner à ces propositions.