Taux Bas sur l'immobilier commercial par Jean-Pierre Pinart
Taux bas – Effets et conséquences sur l’immobilier commercial
L’immobilier commercial regroupe un certain nombre d’actifs dont les propriétaires en retirent un revenu à titre habituel, sous forme de loyer commercial.
Il s’agit des bureaux, locaux d’activité et de logistique, locaux commerciaux en pied d’immeuble et centres commerciaux, hôtels, établissements de santé, de loisirs et de retraite, et parkings.
Cette classe d’actifs est sensible d’une part à la conjoncture économique (évolution des loyers, taux de vacance, mesures d’accompagnement des locataires) mais aussi à des logiques purement financières qui affectent l’attractivité de ce type de placements vis à vis d’autres classes d’actifs financiers (actions, obligations).
La baisse continue des taux a fortement favorisé l’investissement dans l’immobilier commercial depuis plusieurs années et le montant des investissements s’est accéléré depuis 2014 du fait (i) de la recherche par les investisseurs de rendement plus élevé que celui offert par les obligations (par exemple avec la sortie des fonds en euros) et (ii) de leur capacité à s’endetter à des taux attractifs : l’environnement de taux très bas soutenant le rendement relatif des actifs immobiliers, une liquidité abondante et un contexte persistant d’incertitude sur les marchés boursiers et obligataires expliquent le regain d’intérêt récent pour cette classe d’actifs jugée défensive (cf. rapport du Haut Commissariat de Stabilité Financière).
La France constitue le 3ème marché européen derrière le Royaume Uni et l’Allemagne avec 29 Mds€ d’investissements en 2015 soit quasiment le même niveau qu’en 2007, 76% des investissements sont effectués en Ile de France et principalement en bureaux (61%).
La baisse continue et marquée des taux a conduit au fait que les prix sont repartis à la hausse depuis 2010 après avoir reculé entre 2007 et 2009, dépassant en 2015 leur niveau de 2007. A noter que la baisse des rendements locatifs est continue depuis 2000 mais qu’elle s’est accélérée récemment sous le double effet de la progression des prix et de la modération des loyers économiques (globalement on constate même que la France est devenu le pays le moins rentable en 2014 !)
Dans ce contexte la poursuite de la progression des prix peut sembler paradoxale mais s’explique notamment par la baisse continue des taux d’intérêt qui est plus rapide que celle des rendements locatifs, ce qui a permis à l’immobilier commercial d’avoir un statut de valeur refuge.
Cette situation d’intérêt marqué par un nombre croissant d’acteurs pour cette classe d’actifs alimente parfois une surévaluation des prix entre 15% et 20% : dans ce contexte, il importe donc d’être très vigilant sur le choix des investissements.
Opérations d'apport: l'abus est dans la soulte
L’administration fiscale a récemment mis à jour la liste des montages qu’elle considère abusifs en y ajoutant une fiche intitulée « Echange de titres avec soulte - Cas d'abus de droit fiscal ».
Sont visées les opérations d’apport rémunérées à la fois par la remise de titres de la société bénéficiaire et par l’attribution à l’apporteur d’une somme d’argent (soulte) prélevée directement sur les liquidités de la société ou inscrite en compte courant d’associé.
Conformément aux dispositions des articles 150-0 B et 150-0 B ter du Code Général des Impôts, ces opérations bénéficient d’un différé d’imposition pour autant que certaines conditions soient remplies, notamment le fait que la soulte n’excède pas 10% de la valeur nominale des titres reçus à l’occasion de l’apport.
En pratique, de nombreux contribuables se sont placés dans le champ de ces textes afin de réaliser, à l’occasion d’un apport à une société holding, une opération de cash-out en franchise d’impôt immédiate (le plus souvent dans un contexte d’apport-cession ou d’OBO).
L’ajout de cette opération à la liste des montages abusifs ne surprend pas dans la mesure où une récente doctrine administrative publiée au BOFiP (BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60-20150702 n°170) révélait déjà l’intention de l’administration d’attaquer ce genre de schéma. La fiche publiée fournit cependant des indications sur les situations spécifiquement visées par l’administration, comme celle d’un contribuable réalisant un apport à une société qu’il constitue, avec une soulte (inférieure à 10%) inscrite au crédit du compte-courant de l’apporteur et remboursée par une distribution de dividendes de la société bénéficiaire.
L’administration fiscale estime ainsi pouvoir mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit[1] dès lors que le schéma envisagé révèle (i) la volonté de l'apporteur d'appréhender des liquidités en franchise d'impôt et (ii) l’absence d'intérêt économique pour la société bénéficiaire de l'apport. Ceci devrait avoir pour conséquence de rendre la soulte imposable à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, avec éventuellement application de majorations de 80%. Par contre, il semble que la perception d’une soulte ne remette pas en cause l’application du différé d’imposition obtenu lors de l’apport.
L’administration fiscale invite par ailleurs les contribuables concernés par de telles opérations à se rapprocher de leur centre des impôts afin de « mettre en conformité leur situation », sans préciser si cette démarche volontaire serait de nature à éviter automatiquement les pénalités encourues.
Cette annonce intervient dans un cadre plus général de remise en cause des apports avec soulte et doit inciter les contribuables réalisant de telles opérations à la prudence. Nous avons en effet connaissance de plusieurs contentieux dans lesquels l’administration – en dehors de toute procédure d’abus de droit – conteste les valorisations retenues lors d’opérations d’apports afin de pouvoir prétendre que le montant de la soulte est supérieur à 10%. L’effet de ce type de redressement est d’autant plus redoutable qu’il conduit à priver l’apporteur du bénéfice du différé d’imposition sur l’ensemble de la plus-value d’apport (et non seulement à hauteur de la soulte).
La position de l’administration peut être contestée et devra être confirmée par les tribunaux, aucune jurisprudence significative n’existant en la matière. Il sera alors nécessaire de démontrer le fait que l’opération répond à une motivation exclusivement fiscale et qu’il a été fait une application littérale des textes, contraire à l’intention du législateur. Les travaux parlementaires des textes précités, comme l’étude de la directive fusion qui prévoit la notion de soulte, ne permettent pourtant pas de déterminer si la soulte doit nécessairement répondre à une finalité particulière.
Toute opération d’apport avec soulte n’est pas pour autant condamnée. Dans de nombreux cas, elle répond en effet à des motifs juridiques ou économiques et présente un intérêt réel pour la société bénéficiaire, qu’il s’agisse de résoudre la problématique des rompus ou qu’elle permette de rééquilibrer des participations dans le cadre d’opérations d’apports conjoints. C’est la raison d’être du mécanisme de la soulte mais cela ne devrait pas être la seule.
[1] Art. L. 64 du Livre des Procédures Fiscales
Le casse-tête Airbnb
Depuis le dimanche 1er Mai 2016, la ville de Berlin a particulièrement durci les possibilités pour les propriétaires de mettre en location leur appartement sur le site de mise en relation entre particuliers.
En effet, la municipalité berlinoise a décidé de limiter la location des appartements ou maisons, via le site Airbnb, à quelques pièces seulement. La location du logement entier ne sera plus possible sauf à obtenir une autorisation des autorités. La location d’une maison ou d’un appartement complet sans autorisation expose le propriétaire à une amende pouvant aller jusqu’à 100 000€.
Barcelone a connu les mêmes déboires de saturation du marché locatif dans le quartier populaire de La Barceloneta. En pleine métamorphose, le lieu est quasi exclusivement dédié aux locations Airbnb. Pour y remédier, le gouvernement régional de Catalogne impose aux propriétaires souhaitant louer leur logement de s’acquitter d’une taxe de 65cts € par nuitée à Barcelone et de 45cts € en dehors de la citée méditerranéenne. De plus, la location n’est possible que quatre mois maximum par an. Et cela ne peut concerner que deux chambres du logement maximum et cela en présence du propriétaire.
Les grandes villes mondiales doivent faire face à plusieurs problématiques avec le phénomène Airbnb.
D’une part, les propriétaires de logement ont tendance à faire de la location touristique plutôt que de la location traditionnelle. D’évidents problèmes de pénuries dans les marchés de l’immobilier locatif particulièrement tendus, peuvent alors apparaître.
D’autre part, la location touristique de biens destinés au logement longue durée constitue une concurrence parfois déloyale à l’égard du secteur de l’hôtellerie, lequel connait un régime fiscal plus contraignant.
La ville de Paris est aussi exposée aux nouveaux services proposés par les plateformes en ligne, avec ses 60 000 logements proposés en 2016 (contre 4 000 en 2012). Au mois de mars dernier, la municipalité et Airbnb ont d’ailleurs négocié un accord visant à favoriser le respect par les propriétaires, des règles en vigueur.
Plusieurs cas sont à distinguer :
- Si vous êtes propriétaire, la location de votre logement sur Airbnb est considérée comme une location saisonnière et non pas comme une simple location vide ou meublée.
- A ce titre, s’il s’agit de votre résidence principale, vous ne pouvez pas louer votre maison ou appartement plus de quatre mois par an, puisque votre logement est considéré comme principal dès lors que vous y résidez au moins huit mois par an. Si ce quota de quatre mois est dépassé, Airbnb s’est engagé à envoyer une information par email aux propriétaires indélicats. Et un changement de statut du bien devra être opéré.
- S’il s’agit d’une résidence secondaire, les contraintes administratives sont plus importantes. Dans tous les cas il vous faudra déclarer le logement auprès de la mairie. Plus encore, s’il est situé dans une ville de plus de 200 000 habitants, la mairie devra vous délivrer une autorisation municipale de mise en location saisonnière du bien. Votre bien devra être déclaré en tant que bien commercial auprès du fisc.
En cas de changement de statut de la résidence principale en bien commercial (plus de quatre mois de location saisonnière), la loi fait obligation au propriétaire de proposer à la location traditionnelle un logement de même superficie, dans le même arrondissement.
Sachez que dans les lieux les plus touristiques, la législation prévoit une obligation pour le bailleur de collecter une taxe de séjour au profit de la municipalité. Grâce au décret du 31 juillet 2015 relatif à la taxe de séjour, Airbnb a la possibilité de collecter, à votre place, le montant de la taxe de séjour en fonction du nombre de nuitées (83cts € par nuitée). Le site américain s’est proposé dès la publication du texte de collecter au profit de la ville de Paris l’ensemble des taxes de séjour afin de ne pas devenir un mauvais élève dans la révolution numérique que connait notre économie.
Enfin si vous êtes locataire de votre logement, prenez la précaution d’informer votre bailleur de votre volonté d’offrir votre logement à la location sur une plateforme dédiée. En effet, la loi impose l’accord du propriétaire pour toute mise en sous-location d’un logement.
Interdire la location complète du logement permet assurément de lutter contre la saturation du marché locatif traditionnel. En complément, le prélèvement de la taxe de séjour directement par Airbnb permet de rapprocher l’activité des propriétaires Airbnb de celle de l’hotellerie traditionnelle. D’ailleurs, l’entreprise californienne collecte la fameuse taxe dans plusieurs pays au profit de plusieurs autorités publiques (les villes d’Amsterdam, Chamonix, Phoenix, ou encore certains Etats américains).
D’ailleurs un nouveau bras de fer s’est engagé sur ce point à l’approche de l’Euro 2016, du 10 juin au 10 juillet 2016. En effet, les élus locaux insistent pour qu’Airbnb prélève, au profit des villes hôtes de la compétition, le montant de la taxe de séjour (comme elle peut le faire à Paris). Eu égard à la proximité de l’évènement l’entreprise considère que l’organisation de cette mesure est beaucoup trop complexe dans la mesure où le montant de cette taxe dépend de chaque commune mais surtout parce que les contrats de locations sont pour la plupart déjà conclus et ne peuvent plus être modifiés.
Enfin, nous avons appris le 2 mai 2016, que le Sénat a inclus un amendement dans le projet de loi pour une République numérique, visant à permettre aux villes de plus de 200 000 habitants de rendre obligatoire, au nom de la transparence, l’enregistrement des baux occasionnels de courtes durées sur une structure internet dédiée.