Capital investissement : une nouvelle dynamique ?
L’association France Invest a récemment dévoilé son baromètre annuel sur l’activité du capital investissement en France, en collaboration avec le cabinet d’audit Grant Thornton. Malgré un climat économique et politique incertain, le secteur du capital investissement amorce un redressement. La concrétisation des ventes par les fonds d’investissement se fait cependant attendre, laissant présager un marché encore partiellement figé.
Une hausse des levées de fonds
Les derniers mois ont été éprouvants pour les investisseurs. En France, la dissolution de l'Assemblée nationale a jeté un froid sur la confiance des acteurs économiques. Parallèlement, les nombreuses tensions géopolitiques et les menaces pesant sur le commerce international — notamment en raison de la politique de Donald Trump et de la hausse drastique des droits de douane — fragilisent l'activité économique mondiale.
Dans ce contexte incertain, le rebond des fonds de capital investissement en France constitue une nouvelle encourageante.
Si l'on exclut les fonds d'infrastructures, l'ensemble des sociétés de gestion opérant en France ont levé près de 25,2 milliards d'euros de capitaux en 2024, enregistrant une hausse de près de 1,5 milliard d'euros par rapport à l'année précédente (23,8 milliards d'euros en 2023).

Un second semestre 2024 plus favorable
Bertrand Rambaud, Président de France Invest, estime que ce rebond est un signal positif pour l’économie française : « On a une des incertitudes en France et à l’international, mais malgré cela notre industrie continue d’attirer les capitaux et investisseurs en priorité dans l’économie française. Et nous le savons bien c’est important pour le financement des grandes transitions économiques et stratégiques notamment pour la souveraineté du pays, et notamment le secteur de la défense »
Cette dynamique s'explique en grande partie par la progression significative des levées de fonds de taille intermédiaire, comprises entre 100 millions et 1 milliard d'euros. Ces dernières affichent une croissance de 36 % en volume et de 40 % en nombre sur un an.
Comme les années précédentes (exception faite de 2022), le second semestre 2024 s'est avéré plus dynamique que le premier, avec 15 milliards d'euros levés contre 10,2 milliards d'euros au premier semestre.
Enfin, les deals primaires - qui témoignent de la santé du secteur du capital investissement - représentent 34 % des investissements, tandis que les opérations secondaires demeurent largement majoritaires, avec une part de 66 %.
Un soutien à la transition énergétique
Les montants investis poursuivent leur progression en 2024, atteignant 26 milliards d'euros contre 22,4 milliards en 2023. Parallèlement, le nombre d'entreprises accompagnées suit cette tendance haussière, passant de 2 581 en 2023 à 2 692 en 2024.
Toutefois, plutôt que de se tourner vers de nouvelles opportunités, les gérants de fonds ont privilégié le soutien aux entreprises déjà présentes dans leur portefeuille. Ainsi, avec deux tiers des investissements consacrés au réinvestissement, l'année 2024 se distingue par un renforcement de l'accompagnement des entreprises dans leur croissance, notamment externe, et par une augmentation des opérations secondaires.

Parmi les différents secteurs d'activité, l'industrie demeure le premier domaine d'investissement, représentant 26 % des montants alloués et 24 % des opérations réalisées. Le secteur du numérique s'impose en seconde position avec 21 % des investissements, suivi par les biens et services de consommation (18 %) et le secteur médical et pharmaceutique (16 %).
En parallèle, les investissements des fonds d’infrastructures connaissent une légère progression, totalisant 10,9 milliards d'euros investis dans 189 projets. Les énergies renouvelables confirment leur prédominance, avec 4,3 milliards d'euros injectés dans 120 projets, illustrant la place grandissante des investissements verts dans les portefeuilles des investisseurs.
Une dynamique qui ne surprend pas Adrien Tourbet, responsable des investissements non cotés chez Scala Patrimoine : « cette évolution traduit une véritable lame de fond. Elle illustre la volonté des investisseurs d’orienter leurs capitaux vers des projets plus durables et de contribuer activement à la transition énergétique, un enjeu désormais majeur tant pour les États que pour les entreprises privées. »
Capital innovation : un rebond durable ?
Les différents segments du private equity présentent des dynamiques bien différentes.
Le « growth » est soutenu par quelques levées de fonds atypiques, mais ne parvient pas à dissimuler un ralentissement général de l'activité.
Le capital transmission affiche, de son côté, une progression significative, avec une hausse de 20 % en montants et de 17 % en nombre d'opérations. En revanche, le capital développement subit, lui aussi, un ralentissement, principalement en raison de la diminution des transactions primaires.
Enfin, les levées de fonds de capital innovation rebondissent par rapport à 2023, et ce, malgré une contraction du nombre de fonds actifs. Ainsi, 2,847 milliards d'euros ont été levés , contre moins de 2,5 milliards en 2023.
Toutefois, le climat demeure incertain pour les start-ups françaises. Jean-David Chamboredon, cofondateur et président d'ISAI, s'est exprimé à ce sujet pour Bpifrance, reconnaissant les difficultés actuelles du secteur. « Les levées de fonds sont devenues particulièrement ardues pour le capital-risque. Les souscripteurs cherchent d'abord à récupérer des liquidités avant d'envisager de nouveaux investissements. Depuis 2022, le nombre d'exits est resté limité, restreignant ainsi les flux de retour vers les souscripteurs et, par conséquent, la capacité des fonds à lever de nouveaux capitaux. »
Dans un environnement économique moins porteur, les investisseurs adoptent donc une posture plus sélective. Ils préfèrent engager leurs capitaux sur des montants plus réduits et concentrer leurs efforts sur des secteurs jugés stratégiques. Il faudra encore patienter avant d'assister à un retour du marché à son rythme de croisière.
Un marché toujours gelé ?
Selon le dernier communiqué de l'association France Invest, « le marché reste en deçà des attentes au regard de la croissance des investissements observée ces dernières années ».
L'élargissement des durées de détention des entreprises dans les portefeuilles des gérants d'actifs a entraîné une réduction du volume des cessions. En 2024, on recense ainsi 1 281 cessions, contre 1 276 en 2023 et 1 416 en 2022.
Nicolas Tixier, Partner et Head of Deal Advisory chez Grant Thornton, reconnait d'ailleurs que « le ralentissement de la vitesse d'exécution des sorties constitue un enjeu majeur en termes de retour aux LPs et de fluidité du cycle d'investissement ».
Toutefois, en intégrant le segment des infrastructures, les cessions ont généré près de 12,8 milliards d'euros pour les fonds en 2024, soit une hausse de 42 % par rapport à 2023. Cette augmentation en valeur, largement soutenue par de grandes opérations, est un signal encourageant. Cependant, la stabilité du nombre d'entreprises cédées traduit une stratégie où les investisseurs préfèrent accompagner la croissance des entreprises en portefeuille plutôt que de céder sous la pression des liquidités.
Après la pluie vient le beau temps ?
Un autre facteur d'incertitude pèse sur le marché : l'allongement des durées de levées de fonds.
Le temps écoulé entre le premier et le dernier closing est aujourd'hui nettement supérieur à celui observé en 2021-2022. En 2024, il fallait en moyenne 20,9 mois pour finaliser une levée de fonds, contre 14,9 mois en 2022. Néanmoins, l'analyse du rythme semestriel laisse entrevoir une légère amélioration, avec une baisse du temps nécessaire : 23,7 mois au second semestre 2023, contre 20,5 mois au second semestre 2024.
Une embellie qui a semble t-il été favorisée par une amélioration des conditions de financement pour les entreprises.
Bertrand Rambaud exprime ainsi l'espoir d'un retour à la normale dans les mois à venir : « L'enjeu pour l'industrie du capital investissement est désormais de maintenir sa dynamique et de confirmer la reprise des opérations de cession amorcée au second semestre. Ce levier est essentiel pour assurer le bon renouvellement du cycle d'investissement et garantir un retour de liquidités plus important pour nos investisseurs ».
Une attractivité renforcée à l’international
Le capital investissement français, incluant les fonds d’infrastructure, confirme son rayonnement sur la scène mondiale. En 2024, cette attractivité ne cesse de croître, comme en témoigne la part significative des capitaux levés à l’étranger, qui représente 56 % du total.
La répartition des fonds levés illustre cette tendance :
- 20 %, soit 7 892 M€, ont été investis par des acteurs internationaux hors d’Europe.
- 36 %, soit 13 850 M€, proviennent d’investisseurs européens.
- 44 %, soit 17 146 M€, ont été apportés par des souscripteurs français.
La place centrale des family offices
Les fonds de fonds demeurent les principaux investisseurs de cette classe d’actifs. En 2024, leur contribution s’élève à 7 milliards d’euros, soutenant ainsi de manière significative les activités des gestionnaires d’actifs.
Juste derrière eux, les entrepreneurs et les grandes fortunes, à travers leurs family offices, confirment leur rôle de second pilier du capital-investissement (hors infrastructure). Avec un engagement total de 4,4 milliards d’euros, ils représentent 17 % des souscriptions, devançant ainsi les compagnies d’assurance et les mutuelles, dont les investissements atteignent 3,31 milliards d’euros.

L’avis de Scala Patrimoine
Les nuages qui planent au-dessus du marché du capital investissement restent nombreux. Pour espérer un redémarrage durable, il faudra patienter jusqu’à une nette accélération des cessions. Toutefois, plusieurs signaux encourageants laissent entrevoir une reprise tant attendue : une dynamique de levée de fonds plus soutenue, le retour des investisseurs corporate et, bien sûr, la baisse des taux d’intérêt…
Ces incertitudes n’atteignent pas nos convictions. Nous demeurons confiants quant au potentiel du private equity sur le long terme, à condition d’adopter une approche diversifiée et de sélectionner les meilleurs fonds.
Dans l’univers du non coté, le choix des gérants s’impose comme un facteur déterminant. Les écarts de performance entre les fonds situés dans le premier et le dernier quartile sont considérables, rendant la sélection d’autant plus cruciale pour optimiser les rendements.
Alice & Bob : 100 millions d'euros pour conquérir l'informatique quantique
Dans l'arène de l'informatique quantique, où s'affrontent les titans tels que Google, Amazon et IBM, une jeune pousse francilienne, Alice & Bob, veut se tailler la part du lion. Son ambition ? Concevoir un ordinateur quantique universel ! Un Graal technologique, dont le marché, en pleine effervescence, pourrait atteindre 65 milliards de dollars d'ici 2030, selon la BPI.

L'essor de la French Tech quantique
L'écosystème français de l'informatique quantique regorge de pépites. En tête de file, Pasqal, qui a levé 100 millions d’euros en 2023 avec le soutien du fonds singapourien Temasek. À ses côtés, d’autres acteurs émergents, tels que Quobly, Quandela, C12 Quantum Electronics et, désormais, Alice & Bob.
Fondée en 2020 par Théau Peronnin et Raphaël Lescanne, docteurs en physique quantique, Alice & Bob s'attaque à un défi colossal : concevoir un ordinateur quantique capable de résoudre en un éclair des problèmes qui exigeraient des millénaires, voire des milliards d'années, aux ordinateurs classiques. Leur vision ? Un ordinateur quantique dix fois moins coûteux à produire et prêt à conquérir le marché avec trois ans d'avance.
S'inspirant de la célèbre expérience de pensée d'Erwin Schrödinger, le « chat de Schrödinger », ils ont conçu une technologie révolutionnaire, basée sur l'utilisation de « qubits de chat », des bits quantiques conçus nativement pour corriger leurs propres erreurs. « Notre objectif est de créer une machine exponentiellement plus puissante », explique Théau Peronnin sur BFM Business. « À chaque qubit quantique ajouté, la puissance de calcul double. Les applications sont infinies, de la conception de nouveaux médicaments à la finance, en passant par l'ingénierie. »
Financement : briser (enfin) le plafond de verre
L'obstacle majeur de l'informatique quantique réside dans l'instabilité des qubits, qui génère des erreurs de calcul. Le défi scientifique est de dompter ces erreurs pour libérer la puissance promise par cette technologie.
« L'informatique quantique consomme bien moins que les supercalculateurs qu'elle ambitionne de remplacer », souligne Théau Peronnin. « Mais ces derniers conservent pour l'instant une légère avance. Toutefois, le jour où le quantique surpassera les technologies actuelles approche à grands pas. »
La France, avec son élite scientifique et mathématique, est idéalement positionnée dans cette course. « Il ne manque que le financement », déplore Théau Peronnin. « Les pouvoirs publics sont mobilisés, mais les investisseurs privés doivent aussi prendre part à l'aventure. La France excelle dans le financement de l'amorçage et la formation des talents, mais nous faisons face à un plafond de verre. Les financements supérieurs à 100 millions d'euros, nécessaires à la croissance, sont encore trop rares. »
Une levée de fonds à neuf chiffres
Après une série A prometteuse de 27 millions d'euros en 2022, Alice & Bob franchit un cap décisif avec une série B de 100 millions d'euros. Ses actionnaires historiques, Elaia Partners, Breega, Supernova Invest et Bpifrance, rempilent, rejoints par de nouveaux acteurs de poids : Future French Champions, la coentreprise entre Bpifrance et le fonds souverain qatari (Qatar Investment Authority), Axa Venture Partners et Bpifrance via son fonds DeepTech 2030.
L'EIC (Conseil européen de l'innovation) et la Région Île-de-France apportent également leur soutien.
« Après avoir établi des records de performance avec nos qubits de chat, nous entrons dans une nouvelle phase : construire un ordinateur quantique capable de produire des résultats concrets », déclare Théau Peronnin. « Nos qubits de chat sont uniques. Ils permettent d'envisager des ordinateurs quantiques évolutifs avec seulement quelques milliers de qubits, là où les approches classiques en nécessiteraient des millions. »
Un ordinateur quantique d'ici 2030 ?
L'objectif est clair : développer un ordinateur quantique universel sans erreur d'ici 2030 et créer une puce révolutionnaire.
« Nous voulons donner aux ingénieurs les outils pour résoudre les grands défis de notre société », affirme Théau Peronnin.
Cette levée de fonds permettra à Alice & Bob de financer un laboratoire de 3 000 m² en région parisienne. Celui-ci sera équipé pour travailler la matière à l'échelle micro et nanométrique. Autre projet, celui de construire un parc de prototypes pour des tests en temps réel.
L'entreprise, basée à Paris et Boston, prévoit de doubler ses effectifs, composés pour moitié de docteurs, pour atteindre 200 personnes d'ici la fin de l'année.
L'espoir est grand : faire de la France un champion de la technologie quantique.
Marc Batty (FEVE) : « 50 % des agriculteurs partiront à la retraite d’ici 10 ans »
Le modèle agricole français est-il en péril ?
43 % des exploitants agricoles ont plus de 55 ans. La moitié des fermes feront l'objet d'une cession dans les dix prochaines années. Pourtant, aujourd’hui, une ferme sur deux seulement trouve preneur.
Pour insuffler un nouvel élan à l’agriculture hexagonale, certains acteurs, tels que FEVE, se mobilisent activement. Leur objectif : soutenir l'installation des agriculteurs en créant des fermes agroécologiques. À ce jour, cette organisation a facilité l'acquisition de 29 fermes à travers la France, permettant à 48 agriculteurs et agricultrices de s’établir. Ce sont ainsi 1 830 hectares qui ont été convertis à l'agroécologie.
Nous revenons sur les projets menés par FEVE, en compagnie de l’un de ses fondateurs, Marc Batty, ingénieur agronome de formation, diplômé de l’École AgroParisTech.
Scala Patrimoine. Pouvez-vous nous présenter Fève en quelques mots ?
Marc Batty. FEVE est une entreprise fondée il y a quatre ans, dans le but d’accompagner la nouvelle génération d’agriculteurs et d’agricultrices désireuse de s’installer en agriculture biologique. Pour soutenir cette noble démarche, nous levons des fonds auprès des citoyens ainsi que des investisseurs institutionnels. À ce jour, 35 millions d'euros ont été collectés, ce qui nous a permis d’acquérir des fermes à vendre et de les transmettre à travers le territoire français, facilitant ainsi l’installation de jeunes agriculteurs en agriculture biologique.
Notre ambition est de contribuer au renouvellement du modèle agricole en encourageant l’installation de jeunes porteurs de projets qui adoptent des pratiques agronomiques et environnementales parmi les plus vertueuses.
Scala Patrimoine. Pourquoi les jeunes générations rencontrent-elles tant de difficultés pour s’installer comme agriculteurs ?
Marc Batty. Le contexte est particulièrement inédit, puisque 50 % des agriculteurs, soit environ 200 000 personnes, sont en train de partir à la retraite, ou le feront dans les dix prochaines années.
Cependant, les jeunes ne s’inscrivent plus dans le schéma traditionnel où ils reprennent la ferme familiale. Aujourd’hui, près de deux tiers d’entre eux s’installent sans être issus du monde agricole. Ce phénomène crée un parcours d’installation semé d’embûches, qui peut durer plusieurs années, entre la formation et la recherche d’un lieu pour s’établir. De plus, ces jeunes sont fréquemment confrontés à des difficultés de financement, notamment pour l’acquisition de la ferme.
C’est face à ce défi que FEVE a décidé d’agir. En effet, imaginez-vous à la place d’un jeune qui se rend dans une banque pour demander un prêt de 400 000, 500 000 ou même 1 million d’euros afin de s’installer sur une ferme. La plupart du temps, cette demande est vouée à l’échec. C’est pourquoi nous avons choisi de financer l’installation de cette nouvelle génération grâce à un mécanisme de location avec option d’achat.
« Nous mettons les fermes en location avec option d'achat, exclusivement à des porteurs de projets engagés »
Scala Patrimoine. Quels sont les critères de sélection des projets portés par les agriculteurs que vous accompagnez ?
Marc Batty. Notre foncière acquiert des fermes dans leur totalité, c’est-à-dire les terres agricoles, qui sont au cœur de notre activité, mais aussi les maisons d'habitation et les bâtiments d’exploitation nécessaires aux cultures ou à l’élevage.
Les fermes que nous achetons, avec l’argent collecté auprès des citoyens et des investisseurs institutionnels, sont de taille intermédiaire, c’est-à-dire entre 30 et 150 ou 200 hectares, loin des petites exploitations de quelques hectares ou des grandes exploitations industrielles.
Nous mettons ces fermes en location avec option d'achat, exclusivement à des porteurs de projets engagés, qui œuvrent pour un modèle agricole plus respectueux du vivant, et notamment pour la transition vers l’agriculture biologique. Ces projets doivent également être porteurs d’une vision forte en matière de pratiques agronomiques et environnementales respectueuses du vivant.
Scala Patrimoine. Comment soutenez-vous la transition agroécologique des fermes ?
Marc Batty. En finançant l’acquisition de fermes et en les mettant à disposition des jeunes porteurs de projets, nous participons activement à la transition agricole.
D’une part, nous empêchons la concentration des terres agricoles. Lorsqu’une ferme n’est pas transmise, elle risque, en effet, de disparaître ou, plus probablement, d’être rachetée par un voisin qui agrandira son exploitation, consolidant ainsi le modèle agro-industriel qui prévaut depuis des décennies.
D’autre part, en soutenant la jeune génération avec une charte agro-écologique ambitieuse, nous orientons les fonds des citoyens et des investisseurs institutionnels vers ceux qui souhaitent bousculer le modèle agricole pour le réorienter vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement.
Scala Patrimoine. Quels sont vos objectifs pour les prochaines années ?
Marc Batty. Depuis sa création, FEVE a collecté 35 millions d’euros et installé 50 agriculteurs et agricultrices sur des fermes agroécologiques. L’objectif pour 2025 est de lever 30 millions d'euros supplémentaires, portant ainsi le montant total à 65 millions d'euros, et de soutenir 30 à 40 nouveaux projets de fermes.
Pour 2027, notre ambition est encore plus grande. Nous visons une collecte de 100 millions d’euros, ce qui nous permettrait de participer à la conversion en agriculture biologique de près de 10 000 hectares. Un chiffre qui n’est autre que l’équivalent de la surface d’une ville comme Paris.
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Le rendez-vous des marchés financiers - Mars 2025
Marchés financiers & économie : les points clés
- Les marchés financiers européens mènent la danse, sous l'impulsion du secteur de la défense.
- Une récession pourrait prochainement toucher les États-Unis, notamment en raison d’une hausse significative des droits de douane sur les importations américaines.
- La BCE abaisse une nouvelle fois ses taux directeurs de 25 points de base. Cette décision attendue ramène le taux de dépôt à 2,50 %.
- L’Allemagne relance son économie en mettant en œuvre un fonds d’infrastructures de 500 milliards d’euros sur dix ans.
Quelles performances sur les marchés financiers ?
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Guerre entre l’Ukraine et la Russie : Donald Trump impose sa loi
Donald Trump affiche sa volonté de mettre un terme à la guerre opposant l’Ukraine à la Russie. Pour ce faire, il a suspendu le soutien financier et matériel jusqu’ici accordé à l’armée ukrainienne.
Fin février, une rencontre tendue s’est tenue dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche entre le président américain, son vice-président et Volodymyr Zelensky. Devant les caméras du monde entier, l’échange a rapidement tourné à l’affrontement.
Alors que le président ukrainien tentait de sensibiliser Donald Trump en déclarant : « Tout le monde a des problèmes, même vous, mais vous avez un bel océan. Vous ne le ressentez pas encore, mais vous le sentirez à l’avenir », le président républicain s’est aussitôt lancé dans une diatribe cinglante, fidèle à son style habituel. S’adressant sans ménagement à son interlocuteur, il répliqua : « Vous n’êtes pas en position de dicter ce que nous allons ressentir. Nous allons nous sentir très bien et très forts. Vous, en revanche, vous êtes laissé enfermer dans une situation désastreuse. Vous n’avez pas les cartes en main. »
Quelques jours plus tard, Donald Trump affirmait, sans ambages, qu’un accord sur l’exploitation des minerais constituait la seule garantie sécuritaire dont l’Ukraine avait besoin face à la Russie. La position américaine demeure donc inchangée : aucune discussion sur une force de maintien de la paix ne sera engagée avant la signature d’un accord entre Moscou et Kiev.
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Bitcoin : la fin des Trump Trades ?
Les investisseurs se détourneraient-ils déjà des valeurs prisées par le président américain ? Parmi elles, les cryptoactifs semblent particulièrement affectés.
Le Bitcoin, souvent qualifié de reine des cryptomonnaies, a ainsi chuté de plus de 25 % depuis son record post-électoral. Ce plongeon s’explique notamment par le piratage massif de la plateforme d’échange Bybit, victime d’un vol de 1,46 milliard de dollars orchestré par le groupe de hackers nord-coréen Lazarus, ainsi que par des inquiétudes économiques grandissantes. Face à ces incertitudes, les investisseurs prennent leurs distances avec les cryptoactifs. Le Bitcoin évolue désormais autour de 74 000 €, bien loin de son sommet de 101 976 €. Témoignant de cette fébrilité, l’indice Crypto Fear and Greed s’effondre à 10/100 (signalant une peur extrême), contre 55/100 une semaine auparavant.
C’est dans ce climat d’instabilité que Donald Trump, lui-même investisseur en cryptomonnaies, a choisi d’annoncer la création d’une Réserve Stratégique Crypto, incluant Bitcoin, Ethereum, Solana, XRP et Cardano. Une initiative inscrite dans une logique résolument "America First", qui précède un sommet sur les cryptomonnaies à la Maison-Blanche, destiné à renforcer les liens entre le gouvernement et le secteur privé.
Aussitôt après cette déclaration, l’écosystème crypto a connu un sursaut spectaculaire, gagnant 300 milliards de dollars en capitalisation !
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Marchés financiers actions : l’Europe retrouve des couleurs
Les valeurs de la tech américaine, et notamment les « Sept Magnifiques », traversent une période plus difficile. Sur les trente derniers jours, le Nasdaq 100 accuse un repli de plus de 6 %. Dans le même temps, Nvidia, la coqueluche des marchés financiers, abandonne près de 15 %.
Selon les calculs de Bloomberg, les « Sept Magnifiques » affichent néanmoins un ratio cours/bénéfice toujours élevé de 32,9, soit environ 40 % de plus que la moyenne des autres actions à grande capitalisation.
À l’inverse, les places boursières européennes se montrent particulièrement dynamiques.
Le DAX 30 s’adjuge ainsi une progression de 6 % sur un mois glissant. Le CAC 40, quant à lui, gagne 2 % sur la même période et atteint un nouveau record historique à 8 216 points, porté par l’essor des entreprises du secteur de la défense.
Cette envolée intervient alors que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a dévoilé un plan d’investissement de 800 milliards d'euros destiné à renforcer la défense européenne et à soutenir l'Ukraine, tandis que l’administration Trump a brutalement suspendu l’aide militaire américaine à Kiev. Dans ce contexte, les valeurs de l’armement s’envolent : l’action Thales bondit de 53 % en un mois, suivie de Dassault Aviation (+ 36 %) et de Rheinmetall (+ 61 %).
Comme le souligne avec son mordant habituel le spécialiste des marchés financiers, Thomas Veillet, : « L’armement européen vit sa meilleure vie ! »
En Asie, la tendance est contrastée : l’indice Shanghai Composite progresse de 2 %, tandis qu’au Japon, le Nikkei 225 recule de 5 %.

Les États-Unis : une prophétie autoréalisatrice ?
En économie, les prophéties peuvent, elles aussi, se révéler autoréalisatrices. Lors de la campagne présidentielle, Donald Trump n’a eu de cesse d’affirmer que l’économie américaine était en péril, bien que nul indicateur macroéconomique majeur — qu’il s’agisse de l’emploi, de la consommation ou de l’investissement — ne vînt étayer cette thèse. Or, par ses mesures drastiques en matière de politique commerciale et son recours accru aux barrières douanières, « The Donald » pourrait bien fragiliser l’économie de la première puissance mondiale.
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Le spectre d’une « Trumpcession » ?
Le spectre d’une récession aux États-Unis, conséquence des politiques économiques de Donald Trump, semble se préciser. Le modèle GDPNow de la Fed d’Atlanta, réputé pour sa fiabilité, vient d’être fortement révisé à la baisse. La prévision de croissance pour le premier trimestre s’effondre, passant de +4,0 % à -2,8 %. Une dégringolade vertigineuse, que les analystes attribuent à un déficit commercial record et à une industrie manufacturière en déclin.
- Des signes avant-coureurs
Ces inquiétudes trouvent un écho chez Wilfrid Galand, directeur stratégiste de Montpensier Finance : « Plusieurs signaux d’alerte se sont allumés ces dernières semaines. Les publications des différentes Fed régionales témoignent d’une détérioration du climat des affaires. Ainsi, l’indice manufacturier de la Fed de Dallas, publié le 24 février, chute brutalement à - 8,3, contre + 14,1 en janvier. Celui de la Fed de Philadelphie, bien que toujours positif à +18,1, a perdu plus de 26 points en un mois. »
Puis, tel un inventaire à la Prévert, il énumère les nuages noirs s’amoncelant au-dessus de l’économie américaine : « Les premiers signes de ralentissement de l’activité, la montée des inquiétudes des ménages et des entreprises dans les derniers indicateurs, les craintes liées à l’augmentation généralisée des coûts sous l’effet des hausses de taxes douanières initiées par la nouvelle administration américaine, ainsi que les ripostes commerciales des partenaires des États-Unis, sont autant de facteurs rendant l’avenir particulièrement incertain. »
La récente baisse de la confiance des consommateurs constitue d’ailleurs un signal d’alarme à ne pas négliger. L’indice de confiance du Conference Board s’établit à 98,3 en février, contre 105,3 en janvier (révisé de 104,1), alors qu’il était attendu à 102,7. Il s’agit de la plus forte contraction mensuelle depuis août 2021. Les ménages, anticipant une nette dégradation du marché de l’emploi, réduisent d’ores et déjà leurs dépenses, en recul de -0,5 % en volume en janvier.
Autre mauvaise nouvelle, les derniers chiffres de créations d’emploi sont en deçà des attentes. 141 000 nouveaux emplois étaient anticipés. Le chiffre est sorti à seulement 77 000.
- La peur de l'inflation
Les PME ne sont guère plus optimistes : l’indice NFIB chutant de 105,1 à 102,8. Une lueur d’espoir demeure néanmoins : la production industrielle a surpris à la hausse, progressant de +0,5 % sur un mois, tandis que la croissance s’accélère dans le secteur des services. L'indice ISM est, en effet, ressorti à 53,5 le mois dernier contre 52,8 en janvier, alors que les économistes l'attendaient autour de 53.
Mais pour Eric Vanraes, de la Banque Eric Sturdza, c’est ailleurs que réside la véritable menace : « Ce qui est le plus préoccupant, ce n’est pas tant l’état actuel du marché de l’emploi que la raison profonde qui pousse les consommateurs à restreindre leurs achats et à envisager de les réduire davantage. Ce n’est pas une simple prudence, mais la peur palpable d’un retour de l’inflation, alimentée par les Trumponomics, dont l’emblème demeure la politique protectionniste des droits de douane. »
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Droits de douane : l’arme fatale
L'une des principales promesses de campagne de Donald Trump était sans équivoque : l’instauration de droits de douane réciproques. Autrement dit, le président souhaitait imposer aux produits étrangers entrant sur le sol américain les mêmes taxes que celles appliquées aux exportations américaines vers ces pays.
- Art of the deal
Dès le début de son mandat, Donald Trump a mis ses menaces à exécution. Le nouvel occupant de la Maison-Blanche a relevé les droits de douane sur les importations en provenance des partenaires économiques des États-Unis.
La première mesure emblématique fut l’augmentation des taxes à 25 % sur l’acier et l’aluminium importés aux États-Unis, sans distinction d’origine. Même des pays naguère exemptés, comme le Canada et le Mexique, ont été concernés par cette décision.
Dans les coulisses de négociations intenses, Donald Trump a néanmoins suspendu l’essentiel des droits de douane qu’il avait annoncés à l’encontre du Mexique et du Canada, au moins jusqu’au 2 avril.
Pierre-Alexis Dumont, directeur des investissements chez Sycomore AM, souligne d’ailleurs : « L’objectif de l’administration Trump n’est pas tant d’imposer des taxes massives et généralisées que de négocier, au cas par cas, avec ses partenaires commerciaux sur des dossiers variés : les questions migratoires avec le Mexique, ou encore la technologie et la défense avec la Chine. Les annonces de barrières douanières servent ainsi de levier pour obtenir des accords avantageux pour les intérêts américains. »
- L’Europe et la Chine dans le viseur
Les négociations avec Pékin pourraient également s’intensifier dans les semaines à venir, la Chine représentant le plus important déficit commercial des États-Unis. Début mars, le président américain avait signé décret portant à 20 % les droits de douane supplémentaires sur l'ensemble des produits chinois entrant aux Etats-Unis.
Autre cible privilégiée : l’Union européenne, qui pèse pour 18,6 % des importations américaines. Donald Trump avait ainsi annoncé une hausse de 25 % des droits de douane sur les importations européennes, sans toutefois les avoir encore mis en œuvre.
La Commission européenne n’a pas tardé à réagir, affirmant qu’elle répondrait « fermement et immédiatement » à toute nouvelle hausse des droits de douane. Il faut dire que Donald Trump n’a jamais caché son hostilité envers Bruxelles, qu’il accuse d’avoir été « conçue pour emmerder les États-Unis ». Un message au moins aussi tranchant que sa politique commerciale.

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La prudence de la FED
L’inflation américaine marque un ralentissement. Selon le ministère du Commerce des États-Unis, elle s’est établie à 2,5 % sur un an en janvier, contre 2,6 % le mois précédent, après plusieurs accélérations consécutives. L’indice Core PCE, particulièrement scruté par la Réserve fédérale, a été publié en parfaite conformité avec les attentes, reculant de 2,9 % à 2,6 %.
Cela suffira-t-il à convaincre la banque centrale américaine de poursuivre la baisse de ses taux d’intérêt ? Rien n’est moins sûr.
La menace croissante de nouveaux droits de douane, brandie par l’administration Trump, pourrait raviver les tensions inflationnistes. Une récente enquête de la Fed révèle en effet que de nombreuses entreprises prévoient d’augmenter leurs prix en réaction à ces mesures protectionnistes. « Les acteurs du secteur industriel, qu’il s’agisse de la pétrochimie ou des fournitures de bureau, ont exprimé leurs inquiétudes face aux bouleversements à venir en matière de politique commerciale », souligne la banque centrale.
Donald Trump, de son côté, a reconnu qu’il pourrait y avoir « quelques perturbations, mais nous sommes prêts à les accepter. Ce ne sera pas grand-chose ».
Raphael Bostic, président de la Réserve fédérale d'Atlanta, a donc annoncé que la Fed pourrait devoir maintenir sa politique actuelle encore quelque temps : « il faudra peut-être patienter jusqu’à l’été avant d’envisager une nouvelle baisse des taux. »
Zone euro : une économie de guerre ?
Le spectre de la stagflation, redouté par les dirigeants européens, pourrait bien se matérialiser. Cette année, la Zone Euro risque ainsi de conjuguer une inflation élevée et une croissance anémique. La société de gestion Schroders anticipe pour 2025 une croissance limitée à 1,1 % et une inflation globale de 2,4 %.
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Des indicateurs économiques en berne
Les indicateurs économiques de la Zone Euro n'affichent pas de signes encourageants. Certes, la confiance des investisseurs mesurée par l'indice Sentix a rebondi davantage qu'attendu en février, passant de -17,7 à -12,7. Toutefois, ce regain demeure fragile. Même constat pour l'indice de confiance des consommateurs, qui s'est établi à -13,6 en février, conformément aux prévisions.
Par ailleurs, la production industrielle a reculé plus qu'escompté en décembre, enregistrant une baisse de 1,1 % en rythme mensuel.
La Banque centrale européenne est encore plus pessimiste que les équipes Schroders pour la croissance de la zone euro, en anticipant un tout petit de + 0,9 %.
Au cours des prochaines semaines, une attention particulière devra également être portée aux négociations commerciales entre les pays européens et les États-Unis. Donald Trump a laissé entendre que les droits de douane pourraient être relevés de 25 %. Heureusement, l'histoire récente avec le Mexique et le Canada l'a montré : le pire n'est jamais certain.
Selon des estimations du cabinet Oxford Economics, de telles augmentations tarifaires pénaliseraient particulièrement le Danemark et l'Irlande, très exposés au secteur pharmaceutique, ainsi que l'Allemagne et la Slovaquie, fortement dépendantes de l'industrie automobile
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La BCE à la manœuvre
En zone euro, l’inflation devrait ressortir à 2,2% en février sous l’effet de la baisse des prix de l’électricité en France.
La Banque centrale européenne (BCE) a donc profité de l’occasion pour annoncer une nouvelle réduction de 25 points de base de ses taux directeurs, une décision attendue qui ramène le taux de dépôt à 2,50 %. Il s’agit du sixième assouplissement depuis juin 2024, un rythme inédit depuis les années 2010.
Aux yeux de Christine Lagarde, cette mesure vise à stimuler une économie européenne moribonde et à stabiliser l’inflation autour de 2 % à moyen terme.
Dans son communiqué, la BCE se félicite du fait que « le processus de désinflation est en bonne voie ». Toutefois, l’institution reconnaît que les prix de l’énergie continuent de peser lourdement sur l’indice des prix. Plus encore, elle se trouve contrainte de composer avec une situation économique et géopolitique qui évolue de manière radicale d’un jour à l’autre. Christine Lagarde, la présidente de la BCE, n’a d’ailleurs pas dissimulé que les membres de l’institution naviguaient actuellement à vue lorsqu’il s’agissait de dessiner la politique monétaire du continent.
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Des investissements massifs dans le secteur de l’armement
En l’espace de quelques jours, les dirigeants européens ont radicalement modifié leur discours. La volonté des États-Unis de se retirer du bourbier ukrainien, tout en conservant le contrôle sur les minerais stratégiques, pousse l’Europe à renforcer considérablement ses investissements dans le secteur de la défense.
- Le plan de relance allemand
Le discours d’Emmanuel Macron illustre cette atmosphère générale : « Notre génération ne touchera plus les dividendes de la paix. Il ne tient qu’à nous que nos enfants récoltent demain les fruits de nos engagements. »
Dans ce contexte morose, c’est l’Allemagne qui a marqué les esprits. Forte de ses finances publiques gérées d’une main de maitre, les conservateurs allemands (CDU), arrivés en tête aux dernières élections, se sont alliés avec les sociaux-démocrates (SPD) pour créer un fonds d’infrastructures de 500 milliards d’euros sur dix ans et réformer le frein à l’endettement, afin de permettre une hausse significative des dépenses militaires. L’accord stipule ainsi que les États fédéraux pourront enregistrer des déficits allant jusqu’à 0,35 % du PIB, une possibilité qui était impensable jusque-là. Les dépenses militaires pourraient ainsi atteindre, selon les prévisions, au moins 100 milliards d’euros par an, soit le double de leur niveau actuel.
- Un impact sur les taux
À cela s’ajoute la proposition de la Commission européenne de suspendre les règles de stabilité budgétaire, afin d’allouer 150 milliards d’euros au secteur de la défense. Vous comprendrez alors que les vannes sont désormais grand ouvertes.
Wilfried Galand voit en ses annonces un véritable game changer pour l’économie européenne : « Plombée par l’Allemagne et la France, l’économie européenne peine à décoller et stagne à des niveaux proches de la récession, malgré le dynamisme de l’Espagne. C’est bien la déflation qui menaçait, avec des prix à la production en Allemagne en baisse continue, mais l’annonce de vastes programmes européens de souveraineté change profondément la donne. »
Ces annonces ont toutefois entraîné une forte remontée des taux longs en Europe : le rendement des obligations à 10 ans de l’Allemagne a grimpé de 35 points de base, atteignant 2,83 %, son équivalent français a grimpé dans les mêmes proportions pour atteint 3,54 %.
Le casse-tête économique chinois
Xi Jinping s’apprête à intensifier la politique de relance économique du pays, révélant en filigrane des difficultés plus profondes que ne le suggèrent les chiffres officiels du Parti communiste chinois.
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Les exportations : un moteur économique menacé
C'est une bien mauvaise nouvelle pour le gouvernement chinois : les exportations connaissent un net ralentissement. Selon les données publiées ce vendredi par les douanes chinoises, elles n'ont progressé que de 2,3 % en janvier et février par rapport à la même période l'an passé. Un chiffre bien en deçà des attentes, qui tablaient sur une hausse de 5,9 %, et très loin de la progression de 10,7 % enregistrée en décembre.
Ce ralentissement s'inscrit dans un contexte de tensions croissantes avec Washington. Donald Trump s'est lancé dans une véritable "guerre commerciale" contre Pékin, imposant une augmentation de 20 % des droits de douane sur les produits chinois importés aux États-Unis. En représailles, les autorités chinoises prévoient d'appliquer des taxes allant jusqu'à 15 % sur une série de produits agricoles américains, notamment le soja, le porc et le blé.
Ces turbulences pourraient porter un coup sévère aux exportations chinoises, qui ont longtemps été l'un des moteurs de la croissance du pays, alors que la consommation des ménages peine à se redresser et que le secteur immobilier traverse une crise profonde.
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Le gouvernement desserre la bride
Le Parti communiste chinois tient actuellement à Pékin sa plus grande réunion politique annuelle, connue sous le nom des "Deux Sessions". À cette occasion, le gouvernement a affiché des ambitions économiques qui paraissent, pour certains observateurs, relever davantage du vœu pieux que d'une réelle projection. L'objectif officiel d'une croissance du PIB "d'environ 5 %" pour cette année semble difficilement atteignable, les analystes internationaux anticipant plutôt un taux proche de 4 % en 2025.
Pourtant, Xi Jinping s'est donné les moyens de croire en cet objectif. Il a ainsi validé une augmentation des dépenses publiques en portant l'objectif de déficit public de 3 % à 4 %. Ce sont ainsi 155 milliards d'euros de dépenses supplémentaires qui seront engagées, financées par un recours accru aux emprunts d'État, qui atteindront 233 milliards d'euros au total.
Ces mesures visent à soutenir la consommation et à « stimuler autant que possible la demande intérieure ».
Mel Siew, gérant de portefeuille chez Muzinich & Co, souligne l'importance de ce changement de cap de l'exécutif chinois : « Pour la première fois en 14 ans, l'orientation de la politique monétaire de la Chine est devenue 'modérément souple', en rupture avec l'approche 'prudente' de 2017-2018. C'est un signal fort indiquant que les autorités privilégient désormais la croissance, ce qui devrait logiquement renforcer la capacité du pays à atténuer l'impact négatif des droits de douane. »
Reste à voir si ces efforts suffiront à inverser la tendance.
Les convictions de Scala Patrimoine sur les marchés financiers
Février 2025 marque un tournant décisif dans l'évaluation de la politique économique américaine, mettant un terme à une période de complaisance envers les effets supposément bénéfiques de la stratégie menée sous Trump. Aux États-Unis, les indicateurs avancés traduisent un net affaiblissement des perspectives économiques : la confiance des ménages et des entreprises s'érode, les intentions d'investissement fléchissent, et l'activité dans les services ralentit, révélant une inquiétude grandissante quant à la trajectoire économique du pays.
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Les marchés financiers actions américains reculent
Dans ce contexte incertain, la Fed se voit contrainte d'adopter une posture prudente face aux risques inflationnistes, en partie exacerbés par une politique tarifaire agressive. Toutefois, des doutes subsistent quant à la mise en œuvre effective de ces mesures. S'agit-il d'un véritable levier de régulation ou simplement d'un outil de négociation dont l'impact sur la croissance resterait limité ? En effet, si le ralentissement économique se confirmait, il pourrait, dans une certaine mesure, atténuer la hausse des prix engendrée par l'augmentation des droits de douane sur les importations.
Sur le plan microéconomique, les petites et moyennes entreprises, qui avaient bénéficié du "Trump trade" en fin d'année, sont particulièrement affectées par l'incertitude qui pèse sur l'économie mondiale. La rotation sectorielle s'intensifie, les investisseurs délaissant les segments les plus risqués au profit de valeurs plus défensives. Quant au secteur technologique, il continue d'ajuster ses valorisations, fragilisé par des résultats mitigés et des interrogations croissantes sur la politique monétaire future, accentuées par une concurrence féroce en provenance de Chine. Ces incertitudes, conjuguées aux effets directs des droits de douane sur les marges, se traduisent par une baisse marquée des actions américaines en ce début d'année. La Fed d'Atlanta anticipe déjà un premier trimestre de croissance négative aux États-Unis, notamment en raison de la détérioration de la balance commerciale, alors même que la plupart des hausses de tarifs annoncées n'ont pas encore été appliquées.
- Un rebond des marchés financiers européens
À l'opposé, les marchés européens affichent une résilience inattendue, enregistrant une progression de plus de 3 % en dépit de fondamentaux encore fragiles. L'optimisme des investisseurs est porté par l'espoir d'un cessez-le-feu en Ukraine et par des discussions croissantes autour d'un plan budgétaire renforcé pour la défense, illustrant un réajustement stratégique en Europe face au désengagement de Trump dans ce domaine. Ce regain de confiance profite notamment au secteur bancaire et aux valeurs de la défense européenne, malgré des divergences persistantes entre les dynamiques économiques de part et d'autre de l'Atlantique.
Dans le même temps, la Chine poursuit sur une trajectoire positive, portée par son secteur technologique et par des perspectives de réformes réglementaires favorisant un climat d'affaires plus souple. Toutefois, cette dynamique reste concentrée sur les entreprises tournées vers l'exportation. De son côté, le Japon peine à retrouver son souffle, affecté par l'appréciation du yen qui pèse sur ses marchés sensibles aux variations de change.
Face à ces évolutions, nous avons rééquilibré notre exposition entre actifs européens et américains. Si les fondamentaux aux États-Unis demeurent solides, les incertitudes qui pèsent sur l'économie ne permettent pas d'assurer la poursuite de cette robustesse observée ces dernières années. La consommation et l'investissement pourraient subir des pressions significatives, sans que l'ampleur de cette dégradation ne soit encore pleinement mesurable.
- Une forte demande sur le secteur de la défense
En Europe, les investisseurs espèrent une amélioration des perspectives économiques, bien que les écarts de valorisation entre les marchés européens et américains se soient quelque peu réduits en ce début d'année. La valorisation moyenne des entreprises européennes a ainsi légèrement dépassé sa moyenne historique des dix dernières années, atteignant 14,4 fois les bénéfices, bien que la décote reste marquée, notamment dans le secteur financier. Les banques européennes, en particulier, offrent des perspectives rassurantes, affichant une décote de plus de 40 % par rapport à leurs homologues américaines.
Par ailleurs, si le secteur de la défense présente un point d'entrée moins attractif après des performances record de plus de 9 % en février, il demeure un investissement stratégique de long terme. L'annonce surprise du "bazooka allemand" et le soutien massif de l'Europe, avec plus de 800 milliards d'euros consacrés à la relance des investissements, devraient favoriser un réagencement profond des priorités économiques sur le continent.
- Des opportunités sur les marchés financiers chinois et indiens ?
Les récentes annonces du gouvernement chinois témoignent d'une volonté affirmée de stimuler la consommation domestique, avec pour objectif d'atteindre une croissance de 5 % en 2025. Dans un contexte de prudence persistante de la part des investisseurs étrangers, cette relance apparaît comme un facteur clé de l'évolution économique chinoise, bien que son ampleur demeure incertaine.
Malgré de solides performances en fin d'année, les valorisations du marché chinois restent parmi les plus attractives au sein des grandes économies, offrant ainsi des opportunités intéressantes en cas de concrétisation de la relance.
Sur un autre front, le marché indien affiche également un potentiel de redressement. La correction d'environ 20 % de l'indice au cours des cinq derniers mois a créé un contexte d'investissement plus favorable, soutenu par une reprise de l'investissement public et des perspectives macroéconomiques rassurantes.
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Les marchés financiers obligataires
En février, les principaux segments du marché obligataire ont affiché des performances positives. La baisse des rendements américains s'est propagée à l'ensemble des classes d'actifs, les bons du Trésor américain se distinguant avec un rendement de 2,2 %.
- Des marchés bien orientés
La faiblesse du dollar a soutenu la dette des marchés émergents, qui a généré un rendement de 1,6 %. Ces gains ont confirmé le rôle des obligations mondiales comme instrument de diversification face aux pertes subies par les actions américaines, dans un climat d'incertitude quant aux perspectives économiques des États-Unis.
Par ailleurs, la robustesse des fondamentaux des entreprises a permis aux spreads sur le crédit investment grade de demeurer contenus, contribuant ainsi à une progression de 1,6 % des marchés mondiaux du crédit sur le mois. En revanche, le segment du haut rendement américain a légèrement souffert d'un élargissement des spreads, limitant sa performance à 0,6 %. En Europe, l'optimisme suscité par les espoirs de cessez-le-feu en Ukraine a tempéré la baisse des rendements souverains. Ainsi, les obligations d'État ont enregistré un rendement de 0,7 %, tandis que les spreads sont restés relativement stables.
Le début du mois de mars a toutefois marqué un tournant avec une nette remontée des taux européens, qui ont grimpé d'environ 40 points de base, sans pour autant provoquer un élargissement des spreads français. Cette volatilité a été alimentée par l'annonce d'un plan d'investissement européen d'une ampleur inattendue, impliquant une augmentation significative du financement par endettement. Dans ce contexte, la réaction de la Banque centrale européenne sera déterminante : les coûts de financement actuels en Europe paraissent difficilement soutenables à long terme.
Après deux baisses de taux en début d'année, la BCE semble marquer une pause, maintenant son taux de dépôt autour de 2,50 %. La hausse marquée des taux en mars, bien qu'elle pèse sur la valorisation des obligations, pourrait offrir un point d'entrée intéressant pour les investisseurs orientés vers le crédit, notamment dans un environnement où le soutien institutionnel pourrait favoriser une normalisation progressive des conditions de financement.
- Une position prudente des investisseurs
Suite à la flambée des taux des obligations souveraines européennes, la prudence est de mise sur ce segment. Des clarifications sur le financement des vastes projets d'investissement européens seront nécessaires pour appréhender pleinement les enjeux à venir. Aux États-Unis, l'incertitude entourant la croissance et l'inflation devrait continuer à nourrir une volatilité persistante des taux souverains. De plus, l'impact des politiques économiques sur la résilience des entreprises américaines nous incite à la prudence. Le retournement de l'eurodollar observé lors de la première semaine de mars souligne, par ailleurs, l'importance d'intégrer le risque de change dans les stratégies d'investissement en obligations américaines non couvertes, une exposition qui pourrait s'avérer coûteuse.
Nous maintenons notre préférence pour le portage sur le crédit européen, dont les rendements réels se sont nettement améliorés avec la hausse des taux d'intérêt. Le crédit investment grade (IG) prévaut sur les obligations souveraines, offrant un rendement plus attractif, avec des spreads, bien que resserrés, supérieurs à leur moyenne historique.
- Le segment de qualité privilégié
Face à la faiblesse de l'activité économique en Europe, nous privilégions l'IG plutôt que le high yield (HY), même si ce dernier peut jouer un rôle de diversification et optimiser le rendement attendu. Nous mettons l'accent sur les entreprises aux bilans solides, capables d'inspirer confiance aux investisseurs. Cette approche nous conduit à favoriser des maturités courtes (inférieures à deux ans) et les émetteurs les mieux notés. L'absence de perspective de récession en 2025 soutient ce segment, bien que sa sensibilité à une éventuelle détérioration économique en Europe reste élevée.
Par ailleurs, les obligations financières ont continué de se distinguer, comme en 2024, en offrant des rendements supérieurs à l'ensemble du segment IG. La dette subordonnée des grandes banques investment grade apparaît particulièrement attrayante : bien qu'une prime de risque subsiste en raison de la hiérarchie des remboursements, le risque est bien maîtrisé grâce à la solidité des émetteurs, renforcée par le durcissement progressif des réglementations bancaires.
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Les marchés financiers Alternatifs
Dans le cadre de notre approche de gestion prudente, nous continuons de privilégier les stratégies alternatives long/short actions, particulièrement adaptées aux marchés financiers volatils et incertains, où la dispersion est marquée. Les rotations sectorielles s’opèrent à un rythme effréné, tandis que les indices réagissent avec acuité aux annonces des instances politiques, économiques et monétaires.
Dans un tel contexte, ces stratégies se révèlent précieuses, offrant à la fois une protection contre les replis des marchés financiers et un potentiel de surperformance dans des conditions complexes. En exploitant les inefficiences des marchés financiers, elles permettent aux gérants d’adopter des positions longues sur les actions sous-évaluées et des positions courtes sur celles jugées excessivement valorisées. Cette souplesse s'avère essentielle en période de forte volatilité, assurant une précieuse décorrélation vis-à-vis des indices traditionnels.
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Les Produits structurés
Nous demeurons confiants quant au potentiel des produits structurés, qui offrent une opportunité d’exposition à divers marchés financiers tout en permettant d’ajuster finement le niveau de risque et le rendement cible. La brusque envolée des taux d’intérêt au cours de la première semaine de mars a renforcé l’attrait de certains produits, en particulier ceux adossés aux taux européens. Par ailleurs, la correction observée dans certains secteurs de l’économie américaine pourrait représenter un point d’entrée intéressant pour des structures liées à ces valeurs.
Une fois encore, les produits structurés s’imposent comme une alternative pertinente pour les investisseurs désireux d’accéder au marché actions tout en atténuant la volatilité inhérente à cette classe d’actifs. Leur souplesse en fait une solution stratégique, à la fois pour diversifier et optimiser un portefeuille dans le contexte actuel.
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Les Actifs non cotés (Private Assets)
L’intérêt des investisseurs institutionnels pour les actifs non cotés ne cesse de croître, malgré un contexte économique marqué par de nombreuses incertitudes. Cette dynamique, portée par la baisse progressive des taux d’intérêt en 2024, favorise également un afflux de capitaux vers des fonds plus accessibles au grand public. Bien que le marché témoigne d’une certaine prudence, notamment face aux incertitudes politiques et économiques, nous demeurons confiants quant au potentiel du private equity.
Les stratégies secondaires se révèlent particulièrement attractives, offrant d’intéressantes perspectives de valorisation. Parallèlement, les fonds de co-investissement occupent une place centrale dans nos priorités, conjuguant optimisation des rendements et contrôle des coûts.
Les stratégies de dette privée, à l’image de la dette mezzanine et du growth buyout, suscitent un intérêt croissant en accompagnant les entreprises en phase de développement. Par ailleurs, le capital-risque connaît un nouvel essor, notamment dans les secteurs technologiques et ceux liés à la transition énergétique, ouvrant ainsi des horizons prometteurs pour les startups les plus innovantes.
- Allocation conseillée
Pour exploiter pleinement le potentiel des investissements non cotés tout en limitant les risques, nous préconisons une stratégie diversifiée et résolument orientée sur le long terme.
Cette approche se décline ainsi :
- Des stratégies secondaires, choisies pour leur stabilité et la robustesse de leurs rendements.
- Une exposition au capital-risque, dans le but de saisir des opportunités à haut rendement au sein de secteurs innovants.
- Des investissements dans le LBO (Leveraged Buyout), afin de tirer parti de l'effet de levier.
- Le growth equity, qui offre l’opportunité de participer à la croissance d’entreprises matures et prometteuses.
- La dette mezzanine, un instrument clé de diversification, grâce à ses rendements attractifs.
Face aux mutations constantes de l’environnement économique, cette allocation vise à allier performance et gestion proactive des risques. Nous demeurons particulièrement vigilants à l’évolution du marché, tout en saisissant les opportunités qu’il présente, notamment dans des secteurs stratégiques tels que la santé et la transition énergétique.

Faut-il investir sur la dette privée en 2025 ?
Depuis la crise financière de 2007, la dette privée est devenue une classe d’actifs incontournable. Profitant de la réticence des banques traditionnelles à octroyer des crédits aux entreprises, notamment sur le segment du mid-market, en raison des contraintes réglementaires strictes imposées par Bâle III, elle s'est affirmée comme une alternative robuste et séduisante.
L'ascension fulgurante de ce marché est incontestable. En l'espace d'une décennie, les encours de la dette privée ont été multipliés par trois, avec un marché aujourd'hui évalué à 1 500 milliards de dollars. Selon les prévisions, l'année 2024 marquera la cinquième année consécutive où les engagements des investisseurs institutionnels dépasseront les 200 milliards de dollars pour la dette privée, consolidant ainsi sa position prééminente dans le paysage financier mondial.
En outre, les projections de Preqin laissent entrevoir un cap symbolique : celui des 2 600 milliards de dollars d'ici 2029.
Mais pourquoi cet engouement croissant pour la dette privée ? Quelles sont les opportunités qu'elle offre et les risques qu'elle comporte ? Si la promesse de rendements supérieurs aux actifs traditionnels attire, la complexité de ce marché et les risques inhérents, tels que le manque de liquidité et la concentration sectorielle, ne doivent pas être sous-estimés.
Plongez dans les coulisses de cette classe d’actifs.
La définition de la dette privée
La dette privée constitue un levier de financement privilégié pour les entreprises en quête de capitaux. Plutôt que de solliciter un prêt bancaire ou d’émettre des obligations sur les marchés financiers, certaines sociétés optent pour un emprunt direct auprès d’investisseurs institutionnels – tels que les compagnies d’assurance ou les fonds de pension – ainsi qu’auprès d’investisseurs privés.
Par extension, la dette privée s’impose également comme une classe d’actifs particulièrement pertinente. Elle offre aux investisseurs une diversification appréciable, tout en leur permettant de bénéficier de rendements attractifs, souvent supérieurs à ceux des instruments financiers traditionnels.
Les différents segments de la dette privée
L’essor de la dette privée a favorisé l’émergence de diverses typologies de financement, chacune se distinguant par des caractéristiques spécifiques. Celles-ci varient en fonction du niveau de risque, des garanties associées et de la durée du financement, offrant ainsi un large éventail d’options adaptées aux besoins des emprunteurs et des investisseurs.
De manière générale, la dette privée englobe plusieurs catégories, allant de la dette senior, qui bénéficie du plus haut degré de protection grâce à des garanties solides, jusqu’aux dettes subordonnées. Ces dernières, bien que plus risquées en raison de leur rang inférieur en cas de défaut, offrent en contrepartie une rémunération plus attractive aux investisseurs.
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La dette senior
La dette senior s'apparente aux emprunts bancaires classiques. Elle bénéficie de garanties spécifiques qui la placent au premier rang des créances à rembourser en cas de difficulté financière de l’emprunteur. Sa priorité de remboursement en fait une dette relativement sécurisée, ce qui se traduit par un coût d’emprunt plus modéré.
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L’unitranche
Forme hybride de financement, la dette unitranche est spécifiquement conçue pour les opérations de Leverage Buy-Out (LBO). Elle se substitue à la fois à la dette senior et à la dette subordonnée, simplifiant ainsi la structure du financement. Remboursable in fine, elle est généralement souscrite par des fonds d’investissement spécialisés et affiche un coût intermédiaire entre celui de la dette senior et celui de la dette mezzanine. Son attractivité réside dans la flexibilité qu’elle offre aux emprunteurs, tout en présentant un rendement plus élevé pour les prêteurs.
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La dette mezannine
La dette mezzanine constitue une forme de dette subordonnée, son remboursement intervenant après celui de la dette senior. Son positionnement intermédiaire entre la dette classique et les fonds propres en fait un instrument de financement prisé dans le cadre de montages financiers sophistiqués. En raison du risque accru qu’elle comporte, elle offre un rendement supérieur et peut, dans certains cas, inclure une rémunération complémentaire sous forme d’intéressement au capital de l’entreprise financée (sous forme de bons de souscription d’actions, par exemple).
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Les autres dettes subordonnées
Les dettes subordonnées regroupent l’ensemble des créances dont le remboursement est conditionné au règlement préalable de la dette senior. Hormis la dette mezzanine, elles comprennent divers instruments financiers assortis de sûretés de second rang. Leur niveau de risque plus élevé, dû à leur rang de remboursement inférieur, se traduit par une rémunération plus attractive pour les prêteurs. Les fonds les utilisent pour compléter les financements existants ou pour accroître l’effet de levier d’une opération.
Les motivations des entreprises et des investisseurs
La dette privée offre de multiples avantages, tant pour les entreprises que pour les investisseurs. En effet, elle constitue une source de financement alternative, permettant aux entreprises de diversifier leurs sources de capitaux et de se prémunir contre la volatilité des marchés financiers publics. Pour les investisseurs, elle représente une opportunité d'obtenir des rendements attractifs, souvent supérieurs à ceux des obligations cotées.
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Pour les entreprises
Bien que nettement plus onéreuse que la dette bancaire traditionnelle, la dette privée continue de susciter l’adhésion des entreprises, en particulier celles évoluant dans l’univers du private equity. Ce mode de financement, prisé des acteurs les plus avertis, présente des avantages indéniables qui expliquent son succès croissant.
En effet, il se distingue avant tout par sa rapidité de mise en place et sa capacité à être entièrement personnalisée, que ce soit en termes de conditions, de montants ou de durées. Cette flexibilité permet aux entreprises de répondre avec agilité à leurs besoins spécifiques, qu’il s’agisse de financer une croissance organique, de réaliser une acquisition stratégique, de mener à bien une opération de transmission ou encore de refinancer une dette existante dans des conditions plus favorables.
Les investisseurs privés, ou fonds d'investissement, misent notamment sur leur capacité à proposer des structures financières souples et sur mesure. Ces dernières permettent une adaptation fine aux exigences des entreprises, là où les institutions bancaires, soumises à des régulations prudentielles strictes, peinent à offrir une telle flexibilité.
Et comme le souligne un acteur familier de cette classe d’actifs : « les atouts de la dette privée sont d’autant plus marquée en période de turbulences économiques, où les entreprises ont besoin de solutions rapides et adaptées pour naviguer dans un environnement incertain ».
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Pour les particuliers
Dans un contexte de baisse des taux et de spreads moins attrayants, les grands investisseurs cherchent à apporter de leur diversification à leur patrimoine, et notamment leur poche obligataire. La dette privée propose, en effet, une très faible corrélation avec les marchés cotés traditionnels, en raison de la nature personnalisée des transactions.
- Un soutien à l’économie réelle
Les fonds de dette privée offrent un accès privilégié à l’économie réelle, permettant ainsi aux investisseurs de participer activement au financement des petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Par leur engagement financier, ces investisseurs ne se contentent pas seulement de chercher un rendement, mais contribuent également à dynamiser la croissance économique et à soutenir la création d’emplois.
« Les entreprises qui bénéficient de ce type de financement sont souvent issues de secteurs jugés résilients et peu sensibles aux fluctuations économiques, comme les logiciels, la santé, l’éducation ou encore les services financiers. » précise d’ailleurs Franck Sabbah, responsable du développement des activités de gestion d’actifs en Europe continentale au sein de la banque Berenberg, sur B smart TV.
Ces domaines, souvent porteurs d’innovation, sont au cœur des transformations sociétales. En investissant dans ces secteurs, les fonds de dette privée soutiennent ainsi des acteurs essentiels à la modernisation de l’économie.

- Une « prime d’illiquidité »
Le plus souvent, la somme prêtée est remboursée in fine, c’est-à-dire à l’échéance du terme défini, généralement compris entre cinq et dix ans. Selon Franck Sabbah, la dette privée se distingue par une liquidité moindre : « ces fonds présentent des périodes d’investissement et de "lock-up" qui s’étendent de sept à dix ans, obligeant ainsi les investisseurs à adopter une vision à long terme. En contrepartie, ces derniers bénéficient d’une prime d’illiquidité, comparativement aux obligations d’entreprises cotées, ce qui se traduit par des rendements plus élevés. En Europe, les rendements sont généralement évalués au taux de l’Euribor, auquel s’ajoutent entre trois et six points pour la portion la plus défensive du portefeuille, et jusqu’à douze points pour la partie la plus offensive. »
Les fonds de dette privée, par nature, sont des fonds distributifs. Cela signifie que les intérêts générés sont régulièrement distribués aux investisseurs, sur une base mensuelle, trimestrielle ou annuelle, selon les modalités définies au préalable. Le montant des intérêts dépend directement des risques associés à l’entreprise emprunteuse et de la qualité de la garantie fournie. Cette régularité dans les paiements génère ainsi un rendement stable, un facteur particulièrement apprécié des investisseurs à la recherche de sécurité et de rentabilité.

- Une protection contre l’inflation
Une autre caractéristique non négligeable de ces investissements est leur capacité à offrir une protection contre l’inflation. Comme le souligne Emilie Buttiaux, directrice générale d’Archinvest, « les prêts en dette privée sont souvent à taux variable, ce qui constitue un avantage indéniable face à l’inflation et aux hausses des taux d’intérêt, contrairement aux obligations à taux fixe. » Cette flexibilité des taux permet aux investisseurs de se prémunir contre l'érosion du pouvoir d'achat, offrant ainsi une couverture supplémentaire dans un environnement économique incertain.
Ainsi, bien que la dette privée présente un certain degré de complexité et d’engagement à long terme, elle offre des avantages indiscutables, tant en termes de rendement que de sécurité contre les fluctuations économiques.
Une dynamique positive pour la dette privée
Dans un environnement économique et géopolitique en constante évolution, marqué par des bouleversements multiples, l’activité des fonds de dette privée a connu un ralentissement logique en 2023, après deux années exceptionnelles en 2021 et 2022.
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L’heure du rebond
Une étude récemment publiée par PitchBook montre un marché de la dette privée en voie de normalisation. « Depuis le pic de 2021 à 86 milliards d'euros, les levées de fonds de crédit en Europe sont revenues à leur niveau pré-Covid : environ 50 milliards d'euros ont été mobilisés l’an dernier, un montant stable par rapport à 2023, et comparable à celui des années 2019-2020. »
Le durcissement des conditions de financement, combiné à une incertitude économique persistante, a logiquement conduit à un allongement des délais de réalisation des opérations et à une diminution du nombre de transactions concrétisées, notamment dans le secteur large cap, plus sensible aux fluctuations du marché.
Cependant, les observateurs notent une reprise de l’activité au second semestre 2023. Les levées de fonds et les investissements demeurent ainsi historiquement élevés, un signe d’une résilience certaine du secteur. La dette privée, en particulier, a tiré profit des récentes dislocations des marchés actions et obligataires, consolidant sa position en tant que source privilégiée de financement dans un contexte d’incertitude.
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Une classe d’actifs résiliente, mais pas sans risque
Franck Sabbah met en lumière les vertus de la dette privée face aux turbulences des marchés financiers, soulignant l’exceptionnelle résilience de cette classe d’actifs. « L’année 2022 a été marquée par un véritable krach des marchés obligataires cotés. En revanche, la dette privée, en tant que classe d’actifs illiquide et valorisée à une fréquence différente, a su offrir une stabilité relative aux investisseurs, écartant les phénomènes de panique généralement observés sur les marchés plus liquides. »
- La dette privée, plébiscitée en période d'incertitude
Grâce à ses caractéristiques intrinsèques, la dette privée a démontré sa capacité à maintenir l’équilibre dans des périodes d’instabilité économique marquées par des crises financières mondiales, des hausses de taux d’intérêt et des tensions géopolitiques croissantes.
Un point de vue partagé par Hamza Filali, Managing Director, Dette Privée Européenne chez MSIM Morgan Stanley, qui précise : « La dette privée répond particulièrement bien aux défis du contexte économique et géopolitique actuel, notamment face au conflit commercial entre la Chine et les États-Unis. Grâce à des taux d’intérêt variables, elle peut mieux amortir les chocs de volatilité et affiche une variation plus stable à travers les cycles économiques. »
- Une inquiétude sur les entreprises européennes ?
Cependant, de nombreux gestionnaires de fonds mettent en garde contre les risques inhérents à la dette privée. Bien que, jusqu’à présent, ces risques aient été relativement maîtrisés, l’augmentation des taux de défaut pourrait se précipiter dans un contexte économique de plus en plus morose, en particulier dans la zone euro. En outre, les agences de notation pourraient être amenées à ajuster leurs prévisions. Une telle évolution pourrait surprendre les investisseurs, qui se verraient alors confrontés à des ajustements brusques dans leurs portefeuilles.
Emilie Buttiaux, directrice générale d'Archinvest, note tout de meme que les investisseurs bénéficient d'une meilleure protection que l'equity. « En effet, en tant que créanciers, ils occupent une position prioritaire dans la structure de capital d'une entreprise. Cela leur garantit un remboursement prioritaire par rapport aux actionnaires en cas de défaut ou de liquidation. »
Un potentiel intact pour 2025 ?
Sur l'ensemble des marchés du Private Market, les niveaux de Dry Powder (la "poudre sèche"), qui désignent l'ensemble des fonds engagés mais non encore appelés par les sociétés de gestion, n'ont jamais atteint de tels sommets.
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Des capitaux à investir
Les GPs (General Partners) se trouvent aujourd'hui à la tête d'un véritable trésor de guerre non investi, qu'ils devront, à un moment ou à un autre, déployer.
« Si les taux d'intérêt diminuent et si les banques centrales parviennent à orchestrer un atterrissage en douceur de l'économie, avec une inflation qui se stabilise, conjuguée à l'absence de tout autre choc macroéconomique, alors la situation sur le segment du Private Market devrait se normaliser », anticipe un analyste.
Kevin Egan, gérant de portefeuille principal et co-responsable du crédit chez Invesco, présente ses perspectives sur cette classe d'actifs et se montre confiant pour les entreprises : « Pour 2025, nous prévoyons une nouvelle année où les rendements des prêts dépasseront la moyenne, grâce à un environnement de risque favorable, alimenté par une inflation et des taux d'intérêt plus faibles. La baisse des taux a pour effet de renforcer les fondamentaux des émetteurs de prêts, à mesure que les charges d'intérêt diminuent, ce qui atténue le risque de défaut et de perte de crédit. »
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Des vents favorables ?
Un optimisme que partage Ron Kantowitz, directeur de la gestion dette privée chez Invesco, qui apporte un éclairage complémentaire : « Nous demeurons optimistes quant à l'avenir des prêts directs en 2025, en raison des vents favorables attendus, tant sur le plan macroéconomique que du déploiement des capitaux. »
« La récente baisse des taux rend certes le marché plus compétitif face aux acteurs bancaires, mais cela ne modifie en rien les équilibres fondamentaux, ni la montée en puissance du financement privé », ajoute Mike Dennis, Partner et Co-Head of European Credit chez Ares Management Corporation, dans les colonnes du journal Les Echos : « Plus que l'évolution des taux, ce qui soutient la croissance de notre marché, c'est la régulation croissante des banques, notamment les règles de Bâle. Et ces contraintes, loin de disparaître, vont perdurer. »
Dans cette perspective, le dirigeant d'Ares Management anticipe une reprise mondiale de la demande pour ce type de financement. L'environnement des fusions et acquisitions (M&A) dans le segment des entreprises de taille intermédiaire (mid-market) semble particulièrement propice et devrait confirmer le rebond amorcé à la fin de l'année dernière.
Les levées de fonds moteurs
L'attrait croissant des investisseurs pour la dette privée s'est concrétisé par des levées de fonds d'une ampleur sans précédent.
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La plus grande levée de fonds de l'histoire en Europe
Le gestionnaire d'actifs Ares Management a ainsi réalisé la plus importante levée de fonds de l'histoire du crédit privé en Europe, collectant la somme colossale de 17 milliards d'euros pour financer des entreprises sur le Vieux Continent.
Cette levée de fonds arrive seulement quatre mois après celle orchestrée par la société britannique ICG, qui avait, de son côté, réuni 15,2 milliards d'euros pour son véhicule dédié à la dette privée. Ces deux événements témoignent de l'essor rapide du marché de la dette privée, qui devient un pilier incontournable des stratégies d'investissement à l'échelle mondiale.
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La France, 1er marché européen
En France, les sociétés de gestion n'ont pas tardé à emboîter le pas. Selon les données du Private Debt Deal Tracker de Deloitte, le marché français demeure particulièrement dynamique, permettant à la France de s'imposer, en 2023 (voir schéma ci-dessous), comme le premier pays européen en nombre d'opérations, devançant ainsi le Royaume-Uni. Ainsi, 170 opérations ont été comptabilisées en France, contre 158 outre-Manche, soulignant l'engouement pour les solutions de financement privées dans l’hexagone.
Au cours des 12 derniers mois, plusieurs acteurs majeurs ont contribué à cette dynamique. La Caisse d'Épargne, par exemple, a lancé un fonds de dette privée de 535 millions d'euros, dédié au financement du développement des entreprises de taille intermédiaire (ETI) en région. De son côté, CAPZA a annoncé avec succès la levée de son fonds CAPZA 6 Private Debt, doté d'une capacité d'investissement de 2,5 milliards d'euros, ciblant principalement des entreprises en croissance ou en transformation.
En outre, des acteurs comme Andera Partners ou Alcentra continuent d'afficher une dynamique solide, renforçant l'attractivité de la dette privée en France. Ces sociétés, grâce à leur expertise et à leurs fonds bien structurés, participent activement à l’expansion de ce marché, qui ne cesse de se diversifier et de se sophistiquer.
Comment bien sélectionner les gérants de dette privée ?
Dans l’univers du non coté, et plus particulièrement en matière de dette privée, le choix des gérants revêt une importance capitale. En effet, les écarts de performance entre les fonds classés dans le premier et le dernier quartile sont considérables, rendant la sélection d’autant plus déterminante.
Nous vous recommandons ainsi d’opter pour une société de gestion ayant fait preuve de solidité à travers les cycles économiques et bénéficiant du soutien d’investisseurs institutionnels de renom sur plusieurs millésimes. Il est également essentiel d’évaluer la capacité des gérants à générer de la performance aussi bien en période de forte croissance qu’en temps de récession.
Le principal risque lié à la dette privée est celui du défaut de paiement, autrement dit, la possibilité que l’emprunteur ne soit pas en mesure d’honorer ses engagements. Il convient donc de privilégier des équipes de gestion stables, affichant des performances régulières et capables de limiter le taux de défaut des entreprises en portefeuille. Une approche rigoureuse, incluant la prise de garanties adaptées, permettra par ailleurs d’optimiser le recouvrement des investissements dans les meilleures conditions.
Prenez le temps d’analyser en détail leur historique de performance. Et n’hésitez pas à challenger leur méthodologie de sélection des entreprises.
Enfin, portez une attention particulière au système de rémunération et à l’alignement des intérêts entre la société de gestion et ses investisseurs. Une répartition équilibrée du carried interest entre les équipes est également un gage d’engagement et de motivation à long terme.