Les marchés financiers prouvent une nouvelle fois leur dépendance aux décisions des banques centrales. L'économie résiste, quant à elle, trés bien.

Le rendez-vous des marchés financiers - Mai 2025

Marchés financiers & économie : les points clés

  • Après les turbulences de la première semaine d’avril, les marchés financiers semblent retrouver un peu de sérénité. La volatilité, mesurée par l’indice VIX, s’est nettement repliée, passant de 52 à 25 points depuis le 9 avril.
  • La Chine affirme sa volonté de renouer le dialogue avec l’administration américaine, dans l’espoir de parvenir à un accord commercial équilibré entre les deux superpuissances économiques.
  • Aux États-Unis, la stagflation s’impose de plus en plus comme un scénario crédible aux yeux des analystes.

Quelles performances sur les marchés financiers ?

  • Conflit entre l'Inde et le Pakistan

Les tensions entre l’Inde et le Pakistan semblent avoir franchi un seuil critique, faisant craindre une dangereuse escalade.
En réponse à l’attentat du 22 avril survenu dans la région du Cachemire indien, New Delhi a mené des frappes ciblées contre ce qu’elle qualifie d’« infrastructures terroristes ». De son côté, l’armée pakistanaise affirme avoir abattu cinq avions de chasse indiens ainsi qu’un drone de combat, marquant une intensification sans précédent du conflit.

Malgré la gravité de la situation et la volatilité potentielle qu’elle pourrait induire, les marchés financiers demeurent, pour l’heure, étonnamment impassibles face à cette montée des tensions militaires entre les deux puissances nucléaires.

  • Marchés actions : une tempête boursière brève, mais d’une rare intensité

La tempête qui a balayé les marchés boursiers début avril fut aussi brève que spectaculaire. Entre le 2 et le 9 avril, dans le sillage des annonces fracassantes de Donald Trump visant à durcir les droits de douane sur les importations américaines, pas moins de 12 000 milliards de dollars se sont évaporés des places financières américaines.

Mais à partir du 9 avril, les grands indices boursiers ont repris leur ascension, amorçant un net rebond. Ainsi, sur l’ensemble de l’année 2025, le S&P 500 affiche un recul limité de 3,1 %. En Europe, la tendance est nettement plus positive : le CAC 40 progresse de 4,5 %, tandis que le DAX 30 s’envole de 16 %. La Bourse italienne, incarnée par le FTSE MIB, grimpe quant à elle de 12 %.

En Asie, la situation est plus contrastée. L’indice chinois Shanghai Composite reste proche de l’équilibre (+0,5 %), tandis qu’en Inde, le Nifty 50 enregistre une hausse de 3 %.

Malgré ce rétablissement rapide, Pierre-Alexis Dumont, directeur des investissements chez Sycomore AM, prévient : « Le mois d’avril restera dans les annales de l’histoire boursière. Certes, l’incertitude fait partie intégrante de la vie des marchés financiers, mais la remise en cause simultanée de plusieurs piliers fondamentaux — la monnaie de réserve mondiale, le libre-échange, l’indépendance de la Réserve fédérale et le statut de valeur refuge des bons du Trésor américain — est sans précédent. »

Si les entreprises devront composer avec un nouvel ordre commercial mondial, les analystes conservent une certaine confiance. Aux États-Unis, les bénéfices des sociétés cotées devraient progresser en moyenne de 16 % en 2025 par rapport à 2024. En Europe, la croissance attendue des profits avoisine les 14 % pour l’année.

Les Performances des marchés financiers
Les Performances des marchés financiers
  • Les tensions se matérialisent aussi sur les marchés obligataires

Les tensions restent vives sur le marché des obligations d’État américaines, un colosse financier pesant près de 29 000 milliards de dollars. Dans un climat marqué par la crainte d’une inflation durable, l’explosion de la dette publique et des politiques commerciales jugées erratiques, les rendements obligataires se sont fortement tendus ces dernières semaines.

Le taux des Treasuries à dix ans s’établit désormais à 4,33 %, contre 2,50 % pour son homologue allemand, le Bund. Ce différentiel traduit non seulement les inquiétudes liées à la trajectoire budgétaire des États-Unis, mais aussi l’anticipation d’un retour des tensions inflationnistes, ravivées par les récentes hausses tarifaires américaines.

Sur le segment des obligations d’entreprises, les primes de risque — ou spreads de crédit — s’élargissent, particulièrement pour les dettes les moins bien notées. Ce mouvement reflète la nervosité des investisseurs face à un environnement devenu plus incertain et potentiellement plus volatil.

  • Coup de froid sur le baril de pétrole

Les prix du pétrole brut ont lourdement chuté, tombant à 60 dollars le baril. À l’origine de cette dégringolade : l’annonce par l’OPEP d’une nouvelle augmentation de la production attendue pour le mois de juin — la seconde en deux mois après celle de mai. Cette décision, représentant un surplus de 411 000 barils par jour, a profondément déséquilibré le marché.

Au sein même du cartel, des tensions couvaient déjà. L’Irak et le Kazakhstan ont récemment excédé leurs quotas de production, fragilisant davantage la cohésion du groupe. Cette nouvelle hausse semble donc être autant un signal politique qu’une réponse économique : une façon pour certains membres de l’OPEP d’affaiblir leurs partenaires les plus indisciplinés.

Mais cette décision est aussi interprétée comme une manœuvre diplomatique à l’égard de Washington, à la veille d’une visite de Donald Trump au Moyen-Orient. En avril, le baril américain a ainsi perdu 18,6 %, sa plus forte baisse mensuelle depuis novembre 2021.

  • L’or, un anxiolytique financier

Face au climat d’incertitude, les investisseurs cherchent à sécuriser leurs avoirs.

Valeur refuge par excellence, l’or suscite donc un engouement croissant, tant auprès des investisseurs privés que de certaines banques centrales désireuses de réduire leur dépendance au dollar. L’once d’or atteint ainsi de nouveaux sommets, franchissant brièvement la barre des 3 500 dollars l’once établi le 22 avril dernier, soit une envolée de près de 40 % en l’espace d’un an.

Le manque de visibilité sur la scène internationale incite les investisseurs à la prudence vis-à-vis des actifs risqués, favorisant les « safe haven ». Par ailleurs, les incertitudes concernant l'indépendance de la Réserve Fédérale américaine exercent une pression à la baisse sur le dollar, rendant l'or plus attractif pour les investisseurs internationaux. Enfin, les banques centrales, en particulier celles des pays émergents, continuent d'accumuler de l'or dans le cadre d'une stratégie de diversification de leurs réserves et de réduction de leur dépendance au dollar.

Donald Trump anesthésie le commerce mondial

Ce premier trimestre a été marqué par un événement majeur : les 100 premiers jours du second mandat de Donald Trump à la Maison-Blanche. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ces débuts ont été pour le moins mouvementés. Pour financer de vastes baisses d’impôts sur le revenu, il a enclenché une véritable guerre commerciale avec les principaux partenaires des États-Unis.

  • Une offensive tarifaire sans précédent

Trump avait donné rendez-vous aux Américains le 2 avril dernier pour célébrer ce qu’il a lui-même baptisé le « Jour de la Libération » (« Liberation Day »), marquée par l’instauration de nouveaux droits de douane massifs sur les importations. Objectif affiché : rééquilibrer la balance commerciale des États-Unis.

La mesure phare ? Un tarif universel de 10 % sur l’ensemble des produits importés aux États-Unis.

Dans le même temps, un système de surtaxes personnalisées a été instauré, ciblant plus durement les pays affichant les déficits commerciaux les plus importants vis-à-vis des États-Unis. Ces taxes varient entre 20 % et 49 %.

Pour l’heure, ces taux sont gelés — à l’exception notable de la Chine. Washington a en effet décidé de frapper un grand coup en imposant une surtaxe de 145 % sur tous les produits chinois entrant sur son territoire. En représailles, Pékin a riposté avec des droits atteignant désormais 125 % sur les biens américains.

  • Négociations tous azimuts : l’art du deal version Trump

Fidèle à sa philosophie exposée dans son livre "The Art of the Deal", Donald Trump semble avoir misé sur une stratégie de confrontation, afin de négocier ensuite en position de force avec ses partenaires commerciaux.

Les dirigeants japonais espèrent trouver un accord avec l’administration américaine avant fin juin sur les droits de douane. La Chine, elle-même, se dit prête à négocier.

Une approche confirmée par Scott Bessent, actuel secrétaire au Trésor, qui a déclaré s’attendre à une « désescalade imminente » du conflit commercial avec la Chine. Des pourparlers sont en préparation, et Donald Trump a d’ores et déjà esquissé une ouverture, annonçant que : « Les droits de douane sur les produits chinois baisseront considérablement… mais ne seront pas ramenés à zéro ».

Les discussions se poursuivent également avec l’Europe, tandis que Washington vient de conclure un accord stratégique avec l’Ukraine portant sur les minerais critiques.

Pour les analystes d’Altitude Investment Manager « ceci implique que la mondialisation des échanges, qui a été le leitmotiv au cours des 80 dernières années, sera continuellement freinée. »

  • Les anticipations de l’OMC

Malgré ces avancées, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) exprime une vive inquiétude face aux orientations protectionnistes de l’administration Trump. Ces mesures font craindre un net ralentissement des échanges internationaux et une fragmentation accrue de l’économie mondiale.

Selon les dernières estimations de l’OMC, le volume du commerce mondial de marchandises pourrait reculer de 0,2 % à 1,5 % en 2025, en fonction de l’ampleur des restrictions douanières effectivement mises en œuvre.

Le repli serait particulièrement marqué en Amérique du Nord, où les exportations pourraient s’effondrer de 12,6 %, tandis que les importations reculeraient de 9,6 %. À l’inverse, l’Asie devrait faire preuve de résilience, avec une croissance modérée mais positive de 1,6 % pour ses exportations comme pour ses importations. L’Europe, de son côté, enregistrerait une remontée timide, estimée à 1,0 % pour les exportations et 1,9 % pour les importations.

Face à ces turbulences, la directrice générale de l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, a rappelé le rôle central des membres de l’organisation. « Les membres doivent plus que jamais se mobiliser pour redonner de l’élan à l’OMC et garantir des conditions de concurrence équitables à l’échelle mondiale », a-t-elle souligné.

États-Unis : la fin de l’exceptionnalisme américain ?

La théorie de l’exceptionnalisme américain repose sur la place hégémonique que doit occuper les Etats-Unis à travers le monde. Pour David Ross, gérant actions internationales chez La Financière de l'Échiquier (LFDE) cette position est largement mise à mal par la politique initiée par Donald Trump : « Depuis le « Libération Day », les marchés ont commencé à évaluer le risque d’une politique erratique. L’une des forces de l’économie américaine ces 30 dernières années a été sa stabilité, exempte de grands changements de politiques. Aujourd’hui, l’exceptionnalisme américain n’est plus. »

  • L’emploi américain résiste … pour l’instant

Si certains signaux avancés vacillent, la résilience de l’économie américaine demeure. La confiance des consommateurs s’effrite, en témoigne le repli marqué de l’indice du Conference Board, qui a perdu 7,2 points en un mois pour s'établir à 92,9 — un recul plus fort qu’attendu, les analystes tablant sur 93,5.

Cependant, le marché du travail américain affiche une résilience notable. En avril, 177 000 emplois ont été créés dans le secteur non agricole, contre 185 000 en mars. Ce chiffre dépasse nettement les attentes des analystes, qui tablaient sur seulement 138 000 créations, soit un écart favorable de 42 000 postes.

Le taux de chômage, quant à lui, demeure stable à 4,2 %, signe d’une certaine solidité de l’économie malgré un environnement international tendu.

Cependant, quelques ombres viennent ternir ce tableau. La dynamique salariale ralentit, avec une hausse des rémunérations limitée à +0,2 % en avril. Surtout, les chiffres de l’emploi des mois précédents ont été révisés à la baisse : pas moins de 58 000 emplois ont été retranchés des données initialement publiées pour février et mars.

Autre signal préoccupant : le chômage de longue durée progresse. Désormais, 23,5 % des chômeurs sont sans emploi depuis plus de 27 semaines, un indicateur souvent associé à une détérioration sous-jacente du marché du travail.

  • Stagflation : le scénario prend de l’ampleur

Le risque d’un scénario de stagflation — cette combinaison redoutée de stagnation économique et d’inflation persistante — semble désormais plus tangible aux États-Unis. Les craintes des investisseurs sont doubles : d’une part, celles liées à un net ralentissement de la croissance, voire à une récession ; d’autre part, celles relatives aux tensions inflationnistes provoquées par la récente flambée des droits de douane.

En tenant compte des hausses tarifaires annoncées par l’administration Trump, la croissance du PIB américain devrait plafonner à 1,8 % cette année, bien en deçà des 2,7 % anticipés en début d’année. Ce ralentissement marque une rupture brutale dans le cycle économique, et ce, dans un contexte de désordre commercial mondial.

Sur le front des prix, les données les plus récentes offrent un répit relatif. L’inflation sous-jacente (Core CPI), indicateur privilégié de la Réserve fédérale, a fléchi de 3,3 % en janvier à 3,1 % en février, pour atteindre 2,8 % en mars. Mais ces chiffres restent provisoires, car ils ne tiennent pas encore compte des effets potentiels — et difficilement quantifiables à ce stade — de la hausse des droits de douane sur les prix à la consommation. Une incertitude soulignée par Jerome Powell, président de la Fed, qui s’est montré préoccupé par les pressions inflationnistes à venir.

Le ressenti des ménages va dans le même sens. Selon l’enquête de l’Université du Michigan, les anticipations d’inflation à long terme atteignent désormais leur plus haut niveau depuis trois décennies, illustrant une perte de confiance dans la stabilité future des prix.

  • L'inflexibilité de la FED

Pour mémoire, la Fed poursuit un double mandat : contenir l’inflation autour de sa cible de 2 %, tout en favorisant des conditions de plein emploi. Mais la conjoncture actuelle rend l’équation particulièrement délicate. Pour l’heure, le président de la Fed demeure donc inflexible sur une éventuelle baisse de taux, résistant aux pressions politiques et privilégiant une approche rigoureusement fondée sur les données économiques.

David Kohl, chef économiste de Julius Baer, ne cache pas son inquiétude : « Nous relevons à 50 % la probabilité d’une stagnation prolongée dans les mois à venir, réunissant les critères d’une récession. Le renforcement des droits de douane sur les importations américaines accroît les risques de ralentissement, mais il fait aussi grimper les anticipations d’inflation, alimentant un climat d’incertitude sans précédent. Contrairement aux récessions classiques, généralement déflationnistes, ce contexte pourrait déboucher sur une véritable stagflation, marquée par une croissance atone et des tensions inflationnistes persistantes. »

Zone euro : une économie qui résiste, malgré les vents contraires

Bien que le FMI ait revu à la baisse sa prévision de croissance pour la zone euro en 2025 — de 1 % à 0,8 % — les premiers signes conjoncturels de l’année laissent entrevoir une certaine résilience économique. Au premier trimestre, le PIB de la zone euro a progressé de 0,4 %, une performance légèrement supérieure aux anticipations.

  • Un premier trimestre encourageant

Le dynamisme reste contrasté entre les pays. L’Espagne (+0,6 %) et l’Italie (+0,3 %) endossent le rôle de locomotives. En revanche, la France (+0,1 %) et l’Allemagne (+0,2 %) peinent à redémarrer pleinement.

Parmi les principaux indicateurs économiques publiés ces dernières semaines, on peut citer l’indice composite de l’activité globale publié par la Hambourg Commercial Bank (HCOB). Celui-ci s’est replié à 50,1 en avril, son plus bas niveau depuis quatre mois, après 50,9 en mars. Rappelons qu’un indice supérieur à 50 signale une expansion de l’activité, tandis qu’un chiffre inférieur suggère une contraction.

Si l’indice des services est passé en zone de repli (49,7), la surprise est venue du secteur manufacturier : son indice s’est redressé à 51,2, signe d’une reprise modeste mais réelle dans l’industrie.

Par ailleurs, le moral des investisseurs, mesuré par l’indice Sentix, s’est redressé plus vite que prévu. Après une chute brutale en avril à -19,5, consécutive à l’annonce de nouveaux droits de douane américains, il est remonté à -8,1 en mai, bien au-delà des attentes des analystes (-12,5).

Sur le front de l’emploi, le taux de chômage a été révisé à la hausse de 0,1 point en février, à 6,2 %. Toutefois, sur un an glissant, il recule de 0,3 point. En mars, 12,9 millions de personnes étaient sans emploi dans la zone euro, un chiffre en baisse.

  • La BCE poursuit prudemment sa détente monétaire

Malgré les incertitudes croissantes liées aux tensions commerciales et géopolitiques, la Banque centrale européenne poursuit l’assouplissement de sa politique monétaire. Fin avril, elle a procédé à une septième baisse consécutive de ses taux depuis juin 2024, abaissant le taux de dépôt de 0,25 point, à 2,25 %.

Cette décision a été rendue possible par le reflux progressif de l’inflation : celle-ci s’est établie à 2,2 % en mars, un niveau légèrement supérieur à la cible officielle de la BCE, mais en ligne avec la trajectoire de désinflation amorcée depuis plusieurs mois.

Dans ce contexte, la politique monétaire de la BCE n’est désormais plus considérée comme « restrictive ». Elle aurait atteint une zone dite de « neutralité », c’est-à-dire un niveau — estimé entre 1,75 % et 2,25 % — qui ne stimule ni ne freine sensiblement l’activité économique.

La BCE reste toutefois sur ses gardes. Son orientation dépendra largement de l’évolution des données macroéconomiques et de l’environnement géopolitique.

Si les représailles tarifaires de l’Union européenne restent limitées, leur impact inflationniste devrait être marginal. La baisse durable des prix de l’énergie pourrait continuer d’exercer un effet désinflationniste, compensant partiellement les hausses de prix induites par les perturbations commerciales.

Enfin, un ralentissement plus marqué de l’activité économique renforcerait les pressions à la baisse sur les prix, laissant à la BCE une marge de manœuvre en cas de choc conjoncturel.

Christine Lagarde assume pleinement cette prudence stratégique : « La plupart des indicateurs de l’inflation sous-jacente suggèrent un retour durable de l’inflation vers notre objectif de 2 % à moyen terme. Toutefois, les perturbations croissantes du commerce mondial accentuent les incertitudes qui pèsent sur nos perspectives. Dans ce climat d’instabilité exceptionnelle, nous adopterons une approche guidée par les données, en évaluant à chaque réunion la posture appropriée. Aucun engagement ne sera pris par avance quant à la trajectoire des taux. »

Chine : un accord commercial possible avec les États-Unis ?

Alors que de nombreux économistes prévoyaient un ralentissement de la croissance chinoise à 4 %, contre une estimation de 4,6 % formulée en janvier, les dernières semaines ont révélé une vigueur économique inattendue. Au cours du premier trimestre, le produit intérieur brut a ainsi progressé de 5,4 %, surpassant les prévisions de 5,1 % et enregistrant une hausse de 1,2 point par rapport au trimestre précédent. Une performance d’autant plus remarquable que les relations commerciales avec les États-Unis n’ont cessé de se tendre ces derniers mois.

  • Croissance : un souffle inattendu

Ce dynamisme trouve en partie son origine dans l’envolée des exportations, en hausse de 12 % sur un an — un chiffre trois fois supérieur aux anticipations des analystes. Les consommateurs américains, anticipant une augmentation des droits de douane, ont intensifié leurs achats de produits chinois, qui affichent une croissance de 9 %.

Malgré les incertitudes liées à la guerre commerciale, les autorités chinoises se veulent rassurantes. Elles affirment disposer d’un éventail d’outils politiques et d’une marge de manœuvre suffisante pour soutenir l’activité économique.

Depuis le début de l’année, Pékin a ainsi déployé plusieurs mesures destinées à stimuler la demande intérieure. L’une des plus concrètes consiste en l’allocation de 300 milliards de yuans supplémentaires afin de subventionner l’achat de véhicules, de smartphones et d’électroménagers.

Cette semaine, la Chine a annoncé une nouvelle série de mesures destinées à soutenir son économie. La Banque centrale chinoise a ainsi abaissé le taux de réserve obligatoire de 0,5 %, libérant des liquidités pour encourager les prêts. Dans le même élan, le taux appliqué aux premiers achats immobiliers, pour les crédits d’une durée supérieure à cinq ans, a été réduit de 2,85 % à 2,6 %. Par ailleurs, Pékin prévoit d’alléger encore les exigences de réserve imposées aux banques et d’injecter des capitaux dans des secteurs jugés stratégiques, tels que l’industrie, l’innovation technologique et les services.

Mais une ombre significative vient ternir ce tableau : l’indice PMI manufacturier est tombé à 49,0, signalant une contraction de l’activité industrielle — un seuil critique, sous la barre symbolique des 50, et son niveau le plus bas depuis deux ans.

  • Guerre commerciale : le paroxysme des tensions

Les relations commerciales sino-américaines atteignent aujourd’hui un point de rupture. Selon l’Organisation mondiale du commerce, les échanges de marchandises entre les deux puissances pourraient chuter de 80 %.

Washington a imposé de nouveaux droits de douane atteignant un taux prohibitif de 145 % sur les importations chinoises. Pékin a riposté par des surtaxes allant jusqu’à 125 %. Toutefois, les smartphones et les ordinateurs sont exclus de ces nouvelles taxes américaines. Une taxation excessive aurait, en effet, fait grimper le prix moyen d'un IPhone de 1 200 à près de 2 300 dollars.

Il est à noter que les exportations chinoises vers les États-Unis ne représentent que 2 % du PIB de la Chine. En revanche, une part importante de ces biens — terres rares, métaux industriels, panneaux solaires, composants électroniques — demeure difficilement substituable à court terme pour les États-Unis. La Chine pourrait, en parallèle, intensifier ses échanges avec les pays de la région, réorientant ainsi une partie de son commerce.

Dans une manœuvre de représailles, Pékin a suspendu les livraisons de sept terres rares stratégiques. Or, la Chine concentre 70 % de la production mondiale de ces ressources essentielles et fournit près des trois quarts des importations américaines dans ce secteur, ce qui lui confère un levier d’influence considérable.

Néanmoins, les autorités chinoises ont récemment tenté de désamorcer les tensions, déclarant leur volonté d’ouvrir un dialogue avec l’administration américaine afin de parvenir à un accord mutuellement satisfaisant.

Les convictions de Scala Patrimoine sur les marchés financiers

Les cent premiers jours de Donald Trump à la Maison-Blanche, dans le cadre de son second mandat à la présidence des États-Unis, n'ont pas été de tout repos. Les marchés actions ont connu d'importants épisodes de volatilité, des mouvements qui n’ont pas épargné les marchés obligataires.

  • Les marchés actions : la nouvelle politique américaine électrise les marchés

Le mois de mai 2025 s'ouvre dans un climat boursier marqué par une forte instabilité, principalement provoquée par les incertitudes entourant les annonces tarifaires américaines. Les secousses successives sur les marchés actions ont mis en lumière la nervosité ambiante des investisseurs face à l’évolution du contexte géopolitique et économique.

- Une multitude de facteurs d’incertitude pèse sur les marchés

Le rebond observé après le 8 avril a permis d’effacer en grande partie les pertes enregistrées en début de mois, ramenant les principaux indices à des niveaux proches de ceux d’avant les annonces tarifaires. Cette reprise a été favorisée par la suspension partielle de certaines mesures douanières, ainsi que par les déclarations apaisantes de Donald Trump évoquant une possible relance des négociations commerciales avec la Chine.

Cependant, cette embellie reste fragile, plusieurs zones d’ombre continuant de hanter les marchés.

D’une part, le ralentissement économique aux États-Unis. Si la croissance américaine montre des signes d’essoufflement, une décélération plus marquée que prévu pourrait susciter une correction brutale des marchés.

D’autre part, les perspectives des entreprises. Bien que les résultats du premier trimestre aient été globalement satisfaisants — avec une croissance à deux chiffres des bénéfices, tant outre-Atlantique qu’en Europe — les anticipations pour les trimestres à venir demeurent incertaines. De nombreuses entreprises préfèrent suspendre leurs prévisions, faute de visibilité sur l’évolution du contexte macroéconomique.

Enfin, l’impact des mesures tarifaires. Les sociétés les plus tournées vers l’international, en particulier dans les secteurs de l’aéronautique, de l’automobile et du luxe, sont particulièrement exposées. Les groupes européens ne sont pas en reste, eux aussi fragilisés par les tensions commerciales. À ce stade, l’impact réel sur les résultats annuels de 2025 demeure difficile à quantifier.

- Quelle stratégie adopter face à l’incertitude ?

Dans un tel environnement, la prudence reste de mise. Nous recommandons d’adopter une position neutre sur les marchés actions, évitant toute prise de risque excessive à l’heure où la visibilité est réduite et où la menace d’une nouvelle correction plane toujours.

Une diversification judicieuse des allocations s’impose, tant sur le plan géographique que sectoriel, afin de limiter les biais et d’absorber les chocs potentiels. Il conviendrait notamment de rééquilibrer les portefeuilles entre la zone euro et les États-Unis, tout en explorant avec discernement les opportunités offertes par certains marchés émergents — à l’instar de l’Inde, dont les valorisations apparaissent aujourd’hui plus attrayantes qu’il y a six mois.

Concernant la Chine, les marchés semblent anticiper une réduction prochaine des droits de douane actuellement en vigueur, ce qui pourrait être bénéfique aux deux économies. Toutefois, le risque que ces droits demeurent durablement plus élevés que par le passé ne peut être écarté. Couplé à la contraction attendue du commerce mondial et à la dépendance structurelle de la Chine à la demande extérieure, ce contexte appelle à une grande prudence dans toute exposition à ce marché.

  • Les marchés obligataires : un attrait pour les titres européens

Les marchés obligataires n’ont pas échappé aux remous qui ont agité l’ensemble des actifs financiers. Aux États-Unis, le taux souverain à dix ans a enregistré de fortes variations, oscillant entre 4 % et 4,5 %, avant de se replier vers 4,15 %. Ce mouvement erratique traduit l’inquiétude persistante des investisseurs face à une politique monétaire encore incertaine et à un environnement géopolitique instable.

En Europe, en revanche, les obligations ont retrouvé leur statut de valeurs refuges. Et ce, en dépit des récentes annonces de plans de relance budgétaire. Le mois d’avril a vu la courbe des taux s’infléchir durablement, portée par une demande accrue pour les dettes souveraines perçues comme plus sûres.

- Des opportunités sur le marché obligataire européen

L’inflation sur le Vieux Continent semble désormais contenue, ce qui réduit le risque d’une résurgence brutale des tensions inflationnistes. Dans ce contexte, la Banque centrale européenne pourrait poursuivre l’assouplissement de sa politique monétaire. Le taux de dépôt, actuellement fixé à 2,25 %, pourrait prochainement passer sous la barre symbolique des 2 %, offrant ainsi un soutien non négligeable aux obligations européennes.

La relative stabilité des anticipations d’inflation, la solidité de l’euro, ainsi que la lisibilité accrue de la trajectoire monétaire européenne, sont autant de facteurs qui devraient limiter la volatilité sur les marchés obligataires du continent.

- Quelle stratégie adopter dans ce contexte ?

Nous maintenons une vision constructive sur les obligations européennes. La maîtrise de l’inflation et le biais accommodant de la BCE créent un environnement favorable aux stratégies de portage, même si les rendements se révèlent désormais moins généreux qu’en 2024.

Dans cette optique, nous privilégions clairement les obligations souveraines européennes par rapport aux Treasuries américains. Ces derniers souffrent d’une trajectoire monétaire plus incertaine et exposent les investisseurs à un risque de change non négligeable.

Sur le segment du crédit, notre préférence va au crédit investment grade européen, dont la solidité et la résilience constituent des atouts majeurs. Les spreads y apparaissent plus stables à court terme que ceux observés outre-Atlantique, rendant le portage toujours pertinent, en particulier sur des maturités intermédiaires et des émetteurs de qualité.

Les obligations financières subordonnées, bien qu’affectées récemment par une montée du sentiment « risk-off », continuent d’offrir un couple rendement/risque attractif. L’élargissement des spreads s’inscrit dans le sillage du repli des actions bancaires, mais les fondamentaux du secteur demeurent sains, portés par une régulation renforcée.

Enfin, nous restons sélectifs sur le segment high yield, que nous ne conservons que sur des maturités courtes et pour les signatures les mieux notées. Ce choix n’est justifié que si l’écart de rendement avec le crédit investment grade compense adéquatement le risque supplémentaire assumé.

  • Les marchés alternatifs : une gestion adaptée aux mouvements boursiers

Dans le cadre de notre approche de gestion prudente et diversifiée, nous continuons de privilégier les stratégies alternatives long/short actions, particulièrement bien adaptées aux environnements marqués par la volatilité, l’incertitude et une forte dispersion des performances.

Les marchés actuels, soumis à des rotations sectorielles rapides et à des réactions parfois vives aux annonces politiques, économiques ou monétaires, constituent un terrain fertile pour ces approches souples et opportunistes.

Les stratégies long/short se distinguent par leur capacité à capitaliser sur les inefficiences du marché : elles permettent aux gérants de prendre des positions longues sur des titres jugés sous-évalués, tout en se positionnant à la baisse sur ceux estimés surévalués. Cette double exposition confère à ces stratégies une résilience précieuse, en offrant à la fois un potentiel de performance dans des contextes porteurs, et une protection contre les phases de correction.

Dans un environnement aussi complexe que celui que nous connaissons actuellement, cette flexibilité devient un atout stratégique. Les stratégies long/short actions permettent en effet une décorrélation bienvenue vis-à-vis des indices traditionnels, ce qui en fait un complément pertinent dans une allocation d’actifs soucieuse de réduire la volatilité globale du portefeuille tout en conservant des moteurs de performance.

  • Les Produits structurés : un placement sur-mesure

Nous conservons une vue favorable sur les produits structurés, qui offrent une exposition maîtrisée aux marchés financiers, tout en permettant de moduler à la fois le niveau de risque et le rendement cible selon les objectifs de l’investisseur.

Les périodes marquées par une volatilité accrue, comme celle que nous traversons actuellement, ouvrent des fenêtres d’opportunité particulièrement attractives pour ce type d’instruments. Ils peuvent être conçus pour tirer parti de la nervosité des marchés, tout en intégrant des mécanismes de protection partielle du capital ou des barres de rendement conditionnel.

En plus de leur vocation offensive, les produits structurés peuvent également jouer un rôle défensif, en agissant comme outil de couverture. Par exemple, ils permettent de réduire l’exposition directe aux actions tout en conservant un potentiel de performance lié à cette classe d’actifs.

La correction récente de certains secteurs de l’économie américaine — notamment ceux qui avaient jusqu’ici affiché des valorisations tendues — constitue par ailleurs une opportunité d’entrée intéressante pour structurer des produits adossés à ces segments dépréciés.

En définitive, les produits structurés s’affirment comme une alternative de choix pour les investisseurs souhaitant maintenir une exposition aux marchés actions tout en amortissant leur volatilité intrinsèque. Leur souplesse de construction en fait une solution stratégique pour diversifier et optimiser un portefeuille dans l’environnement incertain qui prévaut actuellement.

  • Les Actifs non cotés (Private Assets) : une vision de long terme

L’intérêt des investisseurs institutionnels pour les actifs non cotés continue de croître, malgré un contexte économique marqué par des incertitudes. Cette dynamique, soutenue par la baisse progressive des taux d’intérêt en 2024, oriente également les flux vers des fonds plus accessibles au grand public. Bien que le marché montre des signes d’attentisme, notamment en raison des incertitudes politiques et économiques, nous restons confiants quant au potentiel du private equity.

Les stratégies secondaires demeurent particulièrement attrayantes en raison de leurs opportunités de valorisation prometteuses. Par ailleurs, les fonds de co-investissement restent au cœur de nos priorités, combinant optimisation des rendements et maîtrise des coûts.

Les stratégies de dette privée, telles que la dette mezzanine et le growth buyout, gagnent en popularité pour accompagner les entreprises en phase de croissance. De plus, le capital-risque, en particulier dans les secteurs technologiques et liés à la transition énergétique, connaît un regain d’intérêt, offrant des perspectives captivantes pour les startups innovantes.

- L’allocation conseillée

Pour exploiter pleinement le potentiel des investissements non cotés tout en limitant les risques, nous recommandons une stratégie diversifiée et de long terme. Cette approche inclut :

- Des stratégies secondaires pour leur stabilité et leurs rendements robustes.

- Une exposition au capital-risque, visant des opportunités à haut rendement dans des secteurs innovants.

- Des investissements dans le LBO (Leveraged Buyout) pour tirer parti de l’effet de levier.

- Le growth equity, qui permet de bénéficier de la croissance d’entreprises matures et prometteuses.

- La dette mezzanine, grâce à ses taux attractifs, comme un outil clé de diversification.

Face aux évolutions constantes de l’environnement économique, cette allocation vise à combiner performance et gestion proactive des risques. Nous restons attentifs à l’évolution du marché, tout en capitalisant sur les opportunités qu’il offre, en particulier dans des secteurs stratégiques comme la santé et la transition énergétique.

Nos équipes sont à votre disposition pour échanger sur vos projets d’investissement et évaluer, avec vous, leur intérêt, au regard de l’environnement économique et financier, de la structuration de votre patrimoine et de vos objectifs de vie.

Synthèse de nos convictions sur les marchés financiers
Synthèse de nos convictions sur les marchés financiers

Rosk, un spin off issu de Brigad pour soutenir le recrutement dans le secteur de la restauration.

Rosk, le « LinkedIn de la restauration »

Florent Malbranche et Jean Lebrument, les cofondateurs de Brigad, entament un nouveau chapitre entrepreneurial avec le lancement de Rosk, une start-up née d’une ambition claire : répondre à la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de la restauration.

Deux experts au service d’un secteur en mutation

Acteurs aguerris de l’écosystème hôtellerie-restauration, Malbranche et Lebrument n’en sont pas à leur coup d’essai. Il y a une dizaine d’années, ils fondaient Brigad, une plateforme facilitant la mise en relation entre travailleurs indépendants et établissements, aussi bien dans la restauration que dans le médico-social.

Aujourd’hui, avec Rosk, ils visent l'optimisation du recrutement des professionnels de la restauration grâce à une application mobile intuitive, conçue comme un levier d’accès à l’emploi et à l’évolution professionnelle.

Dans un premier temps, la plateforme proposera donc des missions d’intérim en Île-de-France avant d’élargir son offre aux contrats à durée indéterminée. Un choix stratégique, tant l’intérim constitue une porte d’entrée idéale pour tester les compétences et faire face aux variations saisonnières de l’activité.

La demande est bien présente. « Il y a 200 000 postes à pourvoir dans la restauration et plus d’un million en Europe. Avec Rosk, nous voulons lancer une nouvelle expérience de l’emploi dans la restauration », souligne ainsi l'un des associés, Florent Malbranche.

Les chiffres clés de Rosk
Les chiffres clés de Rosk

La restauration collective en ligne de mire

Rosk fait le pari de commencer par la restauration collective – un secteur souvent négligé mais regorgeant d’opportunités : cantines scolaires, entreprises, EHPAD, hôpitaux… La start-up cible en priorité les métiers les plus qualifiés, tels que chef, sous-chef, chef pâtissier ou chef de partie, encore peu couverts par les plateformes traditionnelles.

Mais l’ambition de Rosk dépasse le simple recrutement. L’application se veut un véritable écosystème, proposant également de la formation continue, un accompagnement communautaire, et à terme, des outils de gestion RH comme le suivi des plannings.

« Trop de professionnels talentueux quittent le secteur faute de perspectives ou de reconnaissance. Rosk, c’est notre réponse à une urgence : redonner envie de rester et de grandir dans ces métiers », affirme Florent Malbranche.

Un constat qui reflète une réalité bien connue : le secteur souffre d’un déficit chronique de personnel et d’un turn-over particulièrement élevé. En facilitant l'accès à l'emploi et en valorisant les carrières, Rosk espère attirer — et surtout retenir — les talents qui désertent souvent la profession, rebutés par la pénibilité des horaires et l'absence de perspectives à long terme.

Un spin-off de Brigad

Pour concrétiser cette ambition, Rosk s’appuie sur un modèle économique basé sur les commissions perçues sur chaque contrat signé via sa plateforme. La jeune pousse est un spin-off issu de la société Brigad. Elle vient d'ailleurs de réaliser une levée de fonds visant à soutenir le développement technologique de la solution, renforcer sa présence en France et, à terme, explorer des marchés internationaux.

Composée aujourd’hui d’une dizaine de collaborateurs, la start-up prévoit de renforcer ses effectifs en recrutant des profils clés pour accompagner sa croissance. Déjà, plus de 1 000 professionnels et 200 établissements ont pris part aux premières phases de test en Île-de-France.

Reste à voir si l’appétit des investisseurs sera comblé… mais une chose est sûre : la table est mise pour une belle réussite. Bonne dégustation.


Paris Match : les enjeux de l'expatriation

Paris Match : expatriation et placements financiers, les conseils de Guillaume Lucchini

Changer de pays, c’est embrasser une aventure exaltante… mais ce choix peut profondément bouleverser la gestion de votre patrimoine. Certains produits d’investissement français, par exemple, ne sont pas reconnus à l’étranger. Tandis que les règles fiscales locales peuvent remettre en question votre stratégie financière. Interrogé par les journalistes Léo Monégier et Silvia Simao, Guillaume Lucchini, associé fondateur du cabinet Scala Patrimoine, décrypte les enjeux liés à l'expatriation et livre ses recommandations dans une interview exclusive pour Paris Match.

Expatriation : une analyse au cas par cas s’impose

Tous les expatriés ne partagent pas les mêmes réalités ni les mêmes contraintes, qu’elles soient d’ordre fiscal ou financier. Chaque situation mérite donc une étude personnalisée. « Avant tout départ, il est essentiel d’examiner en détail ses placements afin d’en vérifier la compatibilité avec ses projets de vie. Par exemple, l’ouverture d’un PEA (Plan d’Épargne en Actions) est interdite depuis l’étranger. Toutefois, si ce plan a été ouvert avant le départ de France, il peut être conservé. A la condition cependant de ne pas résider dans un État ou territoire non coopératif sur le plan fiscal », avertit Guillaume Lucchini.

Autre point crucial : la gestion de la résidence principale lors d’un départ à l’étranger. Fiscalement, un bien immobilier perd son statut de résidence principale dès lors que son occupant passe moins de 185 jours par an en France. A fortiori s’il est mis en location. « Cependant, la législation accorde une certaine latitude aux expatriés en leur permettant de vendre ce bien dans un délai d’un an après leur départ, tout en bénéficiant d’une exonération sur les plus-values immobilières », précise le fondateur de Scala Patrimoine.

Le rôle stratégique de l’assurance-vie luxembourgeoise

Si l’assurance-vie reste un pilier de l’épargne en France, son régime fiscal particulier peut entrer en conflit avec celui du pays d’accueil. Une solution existe cependant : l’assurance-vie luxembourgeoise. Elle est plus souple et s’adapte mieux aux contraintes fiscales locales.

« Ce type de contrat, généralement accessible à partir de 250 000 euros, permet d’investir dans la devise de son choix », explique Guillaume Lucchini. Il précise : « Il peut s’agir de l’euro ou d’une autre monnaie. » Il met toutefois en garde : « Chaque pays appliquant ses propres règles, il est essentiel de rester vigilant. » Par exemple, en Espagne, si aucune garantie décès complémentaire n’a été souscrite, le contrat peut être assimilé à un simple compte-titres. Dans ce cas, il perd ses avantages fiscaux.

L’immobilier, un placement toujours prisé dans le cadre d'une expatriation

L’investissement immobilier reste une valeur refuge, même pour les expatriés. Un expatrié bénéficie généralement de revenus confortables. « Cela lui permet d’avoir une capacité d’épargne solide. Pour optimiser ses placements, il peut utiliser l’effet de levier du crédit. En France, les taux fixes sont encore largement disponibles. Contrairement à d’autres pays, ces taux sont attractifs pour ceux ayant une forte capacité d’emprunt. » conclut Guillaume Lucchini.


Les marchés financiers prouvent une nouvelle fois leur dépendance aux décisions des banques centrales. L'économie résiste, quant à elle, trés bien.

Le rendez-vous des marchés financiers - Avril 2025

Marchés financiers & économie : les points clés

  • Les marchés financiers décrochent violemment. La hausse des droits de douane inquiètent les investisseurs.
  • Le 2 avril dernier, Donald Trump a mis ses menaces à exécution en imposant une augmentation des droits de douane sur les produits en provenance de ses principaux partenaires commerciaux. Les taux personnalisés sont toutefois gelés, à l'exception de celui applicable à la Chine.
  • L'Allemagne déploie un plan de relance d'envergure, consacrant 500 milliards d'euros à la modernisation de ses infrastructures et au renforcement de son secteur de la défense.
  • La Réserve fédérale d'Atlanta a, une nouvelle fois, révisé à la baisse ses prévisions de croissance du PIB américain pour le premier trimestre 2025, désormais estimé à -3,7 %.
  • Les signes annonciateurs d’une récession se précisent : les pressions inflationnistes persistent, la Fed dispose de marges de manœuvre limitées, la hausse des droits de douane fragilise les chaînes logistiques et pèse sur la consommation, tandis que les entreprises devront inévitablement répercuter ces coûts sur leurs prix.

Quelles performances sur les marchés financiers ?

  • La peur gagne les marchés financiers US

Une grande nervosité plane de nouveau sur les marchés financiers. Le VIX, indice mesurant la volatilité et communément surnommé "indice de la peur", a bondi de près de 30 points en quelques jours, atteignant un pic de 57,30 %.

Les investisseurs s'inquiètent des décisions politiques de Donald Trump, notamment à travers les projets de hausses drastiques des droits de douane. Ces dernières semaines, les grands indices boursiers se sont écroulés. Depuis le 1er janvier, le Nasdaq a chuté de 20 %, tandis que le S&P 500 a reculé de 15 %. Le Dow Jones accuse, quant à lui, une baisse de 12 %.

Pour Philippe Ferreira, Deputy Head of Economics & Cross-Asset Strategy chez Kepler Cheuvreux Solutions : « Le risque majeur pour les marchés est que la stratégie de la nouvelle administration américaine paraisse si chaotique qu’elle engendre une incertitude généralisée, susceptible de provoquer une récession et une défiance à l’égard des actifs américains dans leur ensemble. On l’oublie souvent, mais la crédibilité demeure le principal atout immatériel d’un débiteur. »

Pour l’instant, les entreprises américaines résistent bien. La saison des résultats du quatrième trimestre 2024 s’est révélée solide, avec une progression de 13 % du bénéfice par action ordinaire (BPA) du S&P 500. Pour 2025, les prévisions tablent encore sur une croissance à deux chiffres du BPA, en dépit des incertitudes ambiantes.

Les marchés asiatiques ne sont pas en reste. La Bourse de Tokyo subit une pression importante, avec un Nikkei 225 en recul de 21 % depuis le début d’année. L’Inde résiste mieux, le Nifty 50 enregistrant une baisse de 6,7 %.

  • Séances de capitulation sur les marchés financiers européens

L'Europe subit également de plein fouet la nouvelle politique commerciale américaine. Le STOXX Europe 600 cède tout de même 7,2 % Le CAC 40 a perdu 6 % entre le 1er janvier et le 8 avril, tandis que le DAX 30 allemand abandonne, quant à lui, près de 1,5 %. La Bourse italienne, le FTSE MIB, perd 3,7 %.

Les européennes bénéficient pourtant des plans de relance mis en place par l'Union européenne et l'Allemagne, visant à renforcer le secteur européen de la défense. Les entreprises de cette industrie connaissent d’ailleurs une ascension fulgurante, avec une hausse moyenne de 28 % depuis le début de l’année !

En Chine, l’indice Shanghai Composite enregistre une baisse de 5 %, témoignant d’une approche prudente des investisseurs sur les marchés financiers chinois.

  • Un nouveau record pour l’Or

Face au climat d’incertitude, exacerbé notamment par le début de mandat de Donald Trump, les investisseurs cherchent à sécuriser leurs avoirs.

Valeur refuge par excellence, l’or suscite donc un engouement croissant, tant auprès des investisseurs privés que de certaines banques centrales désireuses de réduire leur dépendance au dollar. L’once d’or atteint ainsi de nouveaux sommets, s’échangeant désormais autour de 3 160 dollars, soit une envolée de près de 40 % en l’espace d’un an.

Le cours du Baril de Brent fléchissait de 14 % à 64,24 dollars, suite à l'onde de choc provoquée par l'annonce de droits de douane instaurés par les États-Unis plus élevés qu'attendu

  • Les taux européens s’envolent

L'Allemagne a mis en œuvre un plan de relance d'envergure, principalement orienté vers le renforcement de ses capacités militaires. Cette initiative a provoqué un véritable séisme sur les marchés obligataires, le pays étant traditionnellement reconnu pour sa gestion rigoureuse des finances publiques.

Dans son sillage, les coûts d’emprunt des États européens ont connu une envolée spectaculaire. En Allemagne, le rendement de l’emprunt d’État à 10 ans a bondi de près de 70 points de base depuis le 2 décembre 2024, passant de 2 % à 2,5 %. La même dynamique s’observe en France, où l’Obligation Assimilable du Trésor (OAT) à 10 ans progresse de 2,9 % à 3,3 % sur la même période.

Cette flambée des taux d’intérêt soulève naturellement des inquiétudes quant à la soutenabilité des finances publiques à moyen terme, notamment en France, où l’équilibre budgétaire demeure un enjeu majeur.

De l’autre côté de l’atlantique, aux États-Unis, les rendements des obligations du Trésor sont restés stables. L’obligation américaine à 10 ans est payée 3,95 %.

Marchés financiers : les performances des grands indices boursiers en 2025
Marchés financiers : les performances des grands indices boursiers en 2025

Le spectre d’une récession plane au-dessus des États-Unis

La décision de Donald Trump d’augmenter drastiquement les droits de douane ravive les craintes d’une guerre commerciale avec les principaux partenaires des États-Unis. Une situation qui suscite l’inquiétude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Face à ces tensions, l’organisation intergouvernementale a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour les États-Unis. Malgré ce ralentissement, le produit intérieur brut américain devrait tout de même progresser de 2,2 % cette année et de 1,6 % en 2026.

  • Le "Liberation Day"

Donald Trump avait donné rendez-vous aux Américains le 2 avril dernier pour célébrer ce qu'il a appelé le "Jour de la Libération" ("Liberation Day"), marqué par l'instauration de nouveaux droits de douane sur les importations. Une stratégie visant à rééquilibrer la balance commerciale du pays tout en finançant les nombreuses réductions d'impôts promises lors de sa campagne électorale.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a tenu parole. Aucun analyste n’anticipait des droits de douane "réciproques" d'une telle ampleur. Sa mesure phare consiste en l’application d’un tarif universel de 10 % sur tous les produits importés aux États-Unis, sans exception, et ce, dès le 5 avril.

En parallèle, un système de surtaxes personnalisées a été mis en place pour frapper plus durement les pays enregistrant les déficits commerciaux les plus élevés avec les États-Unis. Ces taxes « réciproques », oscillant entre 20 % et 49 %.

Mais pour l'instant ces taxes supplémentaires ont été suspendus pour une durée de 90 jours. Les 10% de base restent toutefois bien en place.

Seule exception : la Chine ! Le pays s'est vu imposer un malus très important. Les exportations en direction des USA sont désormais taxées de 125% ! La guerre commerciale avec la Chine prend ainsi une tournure encore plus folle.

Grand prince, le président américain a tenu à préciser : « ce sont des tarifs à prix cassé. On leur fait payer la moitié de ce qu’ils nous imposent. »

Toutefois, Donald Trump n’a pas totalement fermé la porte aux négociations, mais à des conditions strictes : « Renoncez à vos droits de douane, abaissez vos barrières, cessez de manipuler vos monnaies et commencez à acheter des dizaines de milliards de dollars de biens américains ! »

Les hausses des droits de douane
Les hausses des droits de douane
  • Les investisseurs s'inquiètent

L’impact de ces décisions ne s’est pas fait attendre. Prenons l’exemple du secteur automobile : selon les bureaux d’analyse Oddo BHF et Bernstein, ces mesures entraîneront un surcoût de plus de 100 milliards de dollars pour l’ensemble de l’industrie, soit environ 6 700 dollars par véhicule.

Pierre Pincemaille, Secrétaire général de la Gestion chez DNCA Investments, estime que l’instabilité est loin de s’apaiser : « Les premiers mois de ce second mandat semblent dessiner les contours d’une administration plus idéologique que pragmatique. Seul le temps nous dira s’il s’agit d’une simple posture, mais les récentes déclarations du Président ont eu l’effet d’une douche froide. »

Ces propos font écho à une interview accordée par Donald Trump à Fox News : « Je ne regarde même pas le marché, car à long terme, les États-Unis seront extrêmement solides avec ce qui se passe ici », concédant tout de même « une période de transition nécessaire pour ramener la richesse en Amérique ».

Mais croire que les entreprises mondiales, notamment les constructeurs automobiles, pourront relocaliser leur production aux États-Unis en un claquement de doigts relèverait de l’illusion. La rigidité des chaînes logistiques empêche toute adaptation immédiate, et si ces décisions doivent impacter l’économie américaine, leurs effets ne se feront sentir qu’au bout de plusieurs années.

Comme le résume parfaitement l’analyste économique Thomas Veillet : « Bienvenue dans la Trumptonomie, une économie où l’on préfère les bras de fer aux poignées de main. »

  • Hausse des droits de douane : quel impact sur l’économie mondiale ?

Sur le plan macroéconomique, la hausse des droits de douane aura inévitablement des répercussions à court et moyen terme sur l'inflation ainsi que sur les dépenses des consommateurs américains. Confrontées à une envolée des coûts de production, de nombreuses entreprises pourraient être contraintes de revoir à la baisse leur production, affectant ainsi l'emploi et la croissance économique.

L’Organisation de Coopération Économique (OCE) a d’ores et déjà révisé ses prévisions. Elle anticipe désormais une croissance du PIB mondial de 3,1 % en 2025, contre 3,3 % dans ses précédentes estimations publiées en décembre. Ce ralentissement traduit les incertitudes liées aux tensions commerciales grandissantes.

Pour Naeem Aslam, analyste chez Zaye Capital, « ces nouvelles barrières douanières réciproques font craindre une impasse économique prolongée ». Alors que les négociations entre les États-Unis et leurs principaux partenaires commerciaux se poursuivent, l'absence de solution concrète alimente l’inquiétude des investisseurs. « Ils redoutent des perturbations dans la chaîne d'approvisionnement, un ralentissement du commerce mondial et une pression accrue sur les bénéfices des entreprises », ajoute-t-il.

Toutefois, à plus long terme, certains observateurs adoptent une perspective plus optimiste. Philippe Ferreira, économiste chez Kepler Cheuvreux Solutions, estime que « les États-Unis pourraient, in fine, tirer parti de cette politique protectionniste. La hausse des droits de douane incite à relocaliser les investissements et à stimuler la production sur le sol américain, renforçant ainsi l’autonomie industrielle du pays ».

Reste à savoir si cette stratégie protectionniste portera ses fruits ou si elle ne fera qu’accroître les tensions économiques et diplomatiques à l’échelle mondiale.

  • Les signes déjà visibles d’un ralentissement économique

Certaines analyses économiques, notamment celles de la Fed, signalent un fléchissement de l'activité, laissant présager l'imminence d'une récession. Le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, reconnaît lui-même que l'économie américaine pourrait se dégrader à court terme.

Il n'est donc guère surprenant de voir la Fed d'Atlanta revoir une nouvelle fois à la baisse son estimation du PIB pour le premier trimestre 2025, l'évaluant désormais à -3,7 %. En intégrant les données relatives aux importations et exportations, elle anticipe désormais une contraction de -1,4 %, alors qu'il y a tout juste deux mois, elle prévoyait encore une croissance de + 3,8 % sur la même période.

Dans une récente publication, Gregory Daco, économiste chez EY, a lui aussi exprimé ses inquiétudes. Selon lui, la hausse des droits de douane pourrait entraîner une contraction du PIB de 2,7 % en 2025 et de 4,3 % en 2026, accompagnée d'une inflation supérieure de 4,5 points de pourcentage. Les analystes de JPMorgan estiment, quant à eux, que l’économie américaine a 40 % de chances d’entrer en récession.

  • Une perte de confiance des acteurs économiques

Les derniers indicateurs macroéconomiques reflètent en partie cette perte de confiance.

L'indice de confiance des consommateurs, publié par le Conference Board, a chuté de 7,2 points en mars pour s'établir à 92,9. L'indice des anticipations — qui mesure les perspectives à court terme des ménages en matière de revenus, d'affaires et d'emploi — a plongé de 9,6 points pour atteindre 65,2, son niveau le plus bas depuis douze ans, bien en deçà du seuil de 80, généralement associé à l'annonce d'une récession imminente.

Les données de l'ISM Manufacturing PMI corroborent cette tendance. Cet indicateur s'est contracté à 49 en mars, contre 50,3 le mois précédent. Par ailleurs, les chiffres de l'emploi viennent renforcer ces préoccupations : les créations d'emplois non agricoles ont déçu en février avec 151 000 postes créés, alors que les prévisions oscillaient entre 160 000 et 200 000. Cette dynamique s'accompagne d'une hausse du taux de chômage, qui atteint désormais 4,1 %.

Le marché immobilier n'est pas épargné : la confiance des promoteurs continue de se dégrader, passant de 42 à 39 en mars.

Toutefois, une lueur d'espoir subsiste du côté de l'inflation, qui semble marquer une légère accalmie. L'indice CPI affiche une hausse de 2,8 % sur un an en février, contre 3 % en janvier, un chiffre inférieur aux 2,9 % anticipés par les analystes.

Zone Euro : un soutien massif au secteur de la défense

Le Vieux Continent ne saurait échapper aux effets de la politique commerciale agressive menée par Donald Trump. L’OCDE, pour la deuxième fois consécutive, a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour 2025, notamment en Allemagne et en France. Ainsi, l’institution n’anticipe plus qu’une hausse de 0,4 % du PIB allemand cette année, contre 0,7 % auparavant. En France, la croissance attendue s’établit désormais à 0,8 %, soit une révision à la baisse de 0,1 point par rapport aux prévisions de décembre.

Face à ce ralentissement, les institutions européennes ainsi que les États membres déploient d’importants plans de relance afin de stimuler leurs économies et d’enrayer cette dynamique préoccupante.

  • Une économie à bout de souffle ?

La croissance économique dans la zone euro a été réévaluée à la hausse par Eurostat pour l'année 2024, atteignant 0,9 % contre 0,7 % initialement prévu. Pourtant, cette embellie apparente ne saurait occulter les fragilités persistantes du Vieux Continent.

Les incertitudes, qu'elles soient géopolitiques, commerciales ou économiques, continuent de peser lourdement sur la croissance de la zone euro, freinant la reprise tant espérée. Ainsi, la Banque centrale européenne (BCE) a révisé ses prévisions, anticipant une croissance de seulement 0,9 % en 2025 et de 1,2 % en 2026, soit une baisse de 0,2 point de pourcentage par rapport à ses projections précédentes.

Selon les responsables économiques de l’institution : « Les révisions à la baisse pour 2025 et 2026 reflètent la diminution des exportations et la faiblesse persistante des investissements, en partie due à l'incertitude grandissante entourant la politique commerciale ainsi qu'à un climat politique globalement instable. »

Le moral économique s’est d’ailleurs dégradé en mars. L’indice mensuel du sentiment économique des vingt pays partageant l’euro s’est établi à 95,2, en deçà des 97,0 attendus par les analystes. En février, cet indice s'élevait encore à 96,3. Quant à la confiance des consommateurs, elle reste inchangée à -14,5.

  • Une inflation maitrisée 

Une lueur d’espoir émane toutefois du marché de l’emploi. Le taux de chômage dans la zone euro s’est replié à 6,1 % en février, contre 6,2 % en janvier 2025, alors qu’il était attendue stable. Par rapport à février 2024, où il s’élevait à 6,5 %, la tendance à la baisse se confirme. Le PMI manufacturier affiche également une surprise positive, remontant de 47,6 à 48,7, tandis que le secteur des services déçoit avec un indice de 50,4.

L’inflation, mesurée par l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), a progressé de 2,2 % sur un an en mars, conformément aux attentes, contre 2,3 % en février. En excluant les éléments les plus volatils que sont l’alimentation non transformée et l'énergie, l’inflation sous-jacente s’est établie à 2,4 %, en deçà des 2,5 % anticipés, contre 2,6 % le mois précédent.

Malgré quelques signaux encourageants, l'économie européenne demeure sous tension, ballottée entre incertitudes et espoirs mesurés. La vigilance reste donc de mise pour les mois à venir.

  • L’Europe lance la course à l’armement

Le discours prononcé par le vice-président JD Vance lors de la Conférence de Munich sur la sécurité a eu l'effet d'un véritable électrochoc pour les nations européennes. En effet, il y a déclaré que les garanties de sécurité offertes par les États-Unis seraient désormais subordonnées à l'adoption des priorités politiques américaines.

Cette annonce n’a pas laissé les institutions européennes indifférentes. Elles ont réagi promptement. Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, a présenté un ambitieux plan d’investissement de 800 milliards d’euros, visant à « réarmer l’Europe ».

Cependant, il convient de noter que cette somme ne constitue pas une enveloppe budgétaire supplémentaire, ce qui aurait été difficile à envisager étant donné que les 750 milliards du plan « Renew » de 2020 peinent à être utilisés. Il s'agit en réalité d'une réaffectation de dépenses liées au réarmement, retirées du cadre contraignant du pacte de stabilité.

À cela s'ajoute l'initiative européenne ReArm, qui prévoit 150 milliards d’euros sous forme de prêts pour stimuler les investissements dans la défense.

  • L’Allemagne active son plan de relance

Attendu depuis longtemps, l'Allemagne a dégainé son « bazooka » budgétaire et rompt (enfin) avec la doctrine d’austérité budgétaire du pays.

Le plan de Friedrich Merz se décline en trois grandes mesures. D’une part une exemption de l’application du « frein à l’endettement » pour les dépenses de défense. D’autre part, le lancement d’un fonds de 500 milliards d’euros destiné à la modernisation des infrastructures. Parmi cette somme, 100 milliards seront alloués à des projets visant à soutenir la transition climatique.

Enfin, une augmentation des déficits structurels est également prévue pour les Länder.

Si Berlin atteint son objectif de consacrer 3 à 3,5 % de son PIB à la défense, plus de 1 500 milliards d'euros pourraient être investis en à peine dix ans dans ce secteur.

Friedrich Merz a qualifié ce projet de « premier grand pas vers une nouvelle communauté européenne de défense ».

Wilfrid Galand, Directeur Stratégiste chez Montpensier Arbevel, voit dans ce plan de relance un véritable game changer économique : « Entre les dépenses supplémentaires pour le réarmement, l'endettement, l'autorisation accordée aux collectivités locales et le plan d'investissement tant attendu dans les infrastructures, c'est au minimum 15 % du PIB du pays qui devrait être injecté dans l'économie au cours de la prochaine décennie. L'impact additionnel sur la croissance outre-Rhin promet d’être considérable. Selon les premières estimations de Goldman Sachs, et en fonction de la rapidité de l’exécution, cet impact pourrait se situer entre 0,6 % et 1 % par an durant la période 2025-2027. »

Les convictions de Scala Patrimoine sur les marchés financiers

Le début du second mandat de Donald Trump n’a guère été accueilli avec enthousiasme par les investisseurs. Les mesures de rétorsion commerciale mises en œuvre par la nouvelle administration américaine ont jeté un froid saisissant sur les places boursières mondiales. Depuis le début de l’année, l’indice S&P 500 accuse une perte d’environ 17 % (à la date du 7 avril). Les marchés financiers sont en proie au doute, et certains analystes n’hésitent pas à évoquer des séances de véritable « capitulation ». Seul George W. Bush, en 2001, avait connu un début de mandat aussi éprouvant pour les marchés, à un stade similaire du cycle présidentiel.

  • La chute des marchés actions

Le doute s’installe sur les marchés actions, sur fond de craintes d’escalade dans la guerre commerciale

- Un climat économique incertain

En mars, le climat économique s’est sensiblement détérioré aux États-Unis. L’indice avancé du Conference Board a atteint un creux inégalé depuis douze ans, traduisant une chute marquée de la confiance des consommateurs à l’égard des revenus, des entreprises et du marché de l’emploi. Ce pessimisme ambiant a pesé tout au long du mois sur les marchés actions, mais aussi sur le dollar, en recul de 4,2 % face à l’euro. Pour les investisseurs européens, cet affaiblissement a eu un double effet négatif.

En Europe, malgré l’enlisement des négociations en Ukraine, les annonces de soutien budgétaire ont marqué un tournant notable. L’Allemagne a dévoilé un ambitieux plan de relance de 500 milliards d’euros, axé sur l’énergie, les infrastructures et la défense. L’Union européenne a, de son côté, présenté des mesures destinées à renforcer la compétitivité et à relancer le réarmement industriel. Ces annonces ont brièvement porté les marchés européens début mars, avant que l’incertitude grandissante autour de la politique commerciale américaine ne vienne éclipser ces signaux positifs.

À l’approche de l’annonce tarifaire de l’administration Trump, prévue le 2 avril, les tensions ont de nouveau ressurgi, nourries par la perspective de représailles commerciales. L’annonce elle-même, plus agressive qu’attendu, a provoqué une violente correction des marchés les 3, 4 et 7 avril.

- La guerre commerciale est lancée

La Chine a répliqué sans délai, imposant des droits de douane de 34 %. Plusieurs partenaires commerciaux, quant à eux, oscillent entre mesures de rétorsion et appels à la négociation.

Les conséquences économiques restent encore difficiles à cerner, mais deux menaces majeures se dessinent pour la croissance américaine :

  1. Un choc de confiance, via la chute des marchés actions, susceptible d’affaiblir la consommation des ménages les plus exposés.
  2. Une poussée inflationniste, induite par la hausse des prix à l’importation, susceptible d’éroder à la fois le pouvoir d’achat et les marges des entreprises.

Dans ce contexte d’incertitude exacerbée, nous maintenons une position neutre sur les actions. Le rééquilibrage entre titres américains et européens, opéré le mois dernier, conserve toute sa pertinence : en mars, si les deux zones ont souffert, la pression s’est davantage concentrée sur les valeurs américaines, notamment celles du secteur technologique, historiquement survalorisées.

Les mesures tarifaires américaines semblent s’inscrire dans une redéfinition structurelle des relations commerciales mondiales, bien au-delà d’un simple levier de négociation. Ce changement de paradigme soulève de nombreuses questions encore sans réponse :

  • Quel sera l’impact réel sur la croissance mondiale ?
  • Quelle sera la réaction des banques centrales, en particulier celle de la Fed, prise en étau entre inflation importée et ralentissement de l’activité ?
  • Les entreprises parviendront-elles à préserver leurs marges dans ce nouvel environnement ?

- The “flight to quality” is back

Dans ce climat d’incertitude, la prudence reprend ses droits. Le mouvement de « flight to quality » observé récemment illustre une perte de confiance généralisée, notamment à l’égard des titres les plus sensibles au cycle, bien que leurs fondamentaux ne justifient pas toujours une telle défiance. La correction pourrait se poursuivre, ouvrant potentiellement des points d’entrée intéressants une fois les perspectives clarifiées. La saison des résultats, qui s’ouvrira en avril, sera scrutée de près.

Dans les marchés émergents, la situation se tend en Asie, en particulier en Chine, pénalisée par les barrières douanières et sa forte dépendance à la demande mondiale. Un soutien budgétaire massif s’impose désormais pour relancer la consommation intérieure. L’Inde, davantage tournée vers son marché domestique, pourrait mieux tirer son épingle du jeu.

Dans ce contexte mouvant, nous privilégions une posture patiente et diversifiée. L’or, fidèle à son rôle de valeur refuge, affiche une progression remarquable de 20 % depuis le début de l’année. La décorrélation croissante entre les marchés actions et obligataires plaide, par ailleurs, en faveur d’une diversification accrue vers ces derniers.

  • Les marchés financiers obligataires

L’annonce des nouveaux tarifs douaniers a provoqué un vif mouvement de repli vers les actifs dits sans risque, entraînant une détente marquée des taux souverains. Aux États-Unis, le rendement des emprunts à dix ans a cédé près de 40 points de base, revenant à son niveau de septembre 2024. Cette détente s’est propagée à l’ensemble de la courbe des taux, signe d’un repli généralisé des anticipations de croissance et d’inflation.

En Europe, la même dynamique s’est imposée : le Bund allemand a vu son rendement reculer d’environ 30 points de base, et ce malgré les tensions potentielles induites par les plans de financement massifs récemment annoncés.

- Un regain d’appétit pour les titres souverains

Les emprunts d’État confirment leur statut d’actifs refuges dans ce climat incertain. Les tensions commerciales actuelles n’ont, semble-t-il, pas encore été pleinement intégrées dans les valorisations, ce qui laisse, à notre sens, un potentiel de revalorisation supplémentaire pour les taux souverains. Aux États-Unis, les rendements demeurent sensiblement plus attractifs qu’en Europe, mais la trajectoire de la politique monétaire ainsi que le risque de change lié au dollar invitent à la prudence. Si certains facteurs continuent de soutenir la devise américaine, la poursuite des sorties de capitaux en dehors des actifs libellés en dollar pourrait accentuer la pression à la baisse.

Du côté du crédit, les obligations investment grade ont fait preuve d’une certaine résilience en mars. En revanche, les segments les plus sensibles au cycle – tels que les obligations hybrides ou les titres financiers subordonnés – ont davantage souffert, exposant les porteurs à un risque supérieur en cas de défaut, en raison de leur position subalterne dans la hiérarchie de remboursement.

Le segment high yield, en particulier aux États-Unis, a connu un élargissement plus prononcé des spreads, pénalisé par une qualité de crédit globale inférieure à celle observée en Europe. Le mouvement de « flight to quality » s’est également manifesté au sein de l’univers obligataire, renforçant la demande pour les titres les mieux notés et exerçant une pression sur les compartiments les plus risqués.

Dans ce contexte, nous maintenons une vision positive sur les obligations, tout en renforçant notre biais défensif.

- Positionnement stratégique : souverains et crédit européen en tête

Sur le segment souverain, la trajectoire de la Banque centrale européenne apparaît plus lisible que celle de la Réserve fédérale. L’inflation en zone euro demeure relativement contenue, laissant entrevoir de nouvelles baisses de taux dans les mois à venir. Dans une logique de couverture face au risque d’un net ralentissement de l’activité mondiale, nous privilégions les obligations souveraines européennes, susceptibles de bénéficier pleinement d’un assouplissement monétaire. À l’inverse, nous faisons preuve de davantage de prudence à l’égard des Treasuries américains, plus exposés à une politique monétaire incertaine et à un risque de change non négligeable.

En matière de crédit, notre préférence va au segment investment grade européen, dont les fondamentaux solides offrent un portage attractif. Les spreads y apparaissent plus stables à court terme que ceux de leurs équivalents américains, et les maturités intermédiaires sur des émetteurs de qualité nous semblent constituer un point d’entrée pertinent.

Les obligations financières subordonnées, bien qu’ébranlées récemment par le regain d’aversion au risque, conservent un couple rendement/risque intéressant. L’élargissement des spreads reflète davantage le recul des actions bancaires que la dégradation des fondamentaux, lesquels restent globalement solides, soutenus par un cadre réglementaire renforcé.

Nous demeurons toutefois sélectifs sur le segment high yield, que nous limitons à des maturités courtes et à des signatures de premier ordre, dès lors que l’écart de rendement justifie pleinement le risque additionnel.

Enfin, nous restons particulièrement attentifs aux publications économiques à venir. Celles-ci pourraient influer de manière significative sur la perception du risque crédit dans les prochains mois, à mesure que les conséquences de la guerre commerciale se précisent.

  • Les Marchés Financiers dits « Alternatifs » : Une Approche Prudente

Dans le cadre de notre gestion prudente, nous continuons de privilégier les stratégies alternatives long/short actions, particulièrement pertinentes dans des environnements de marché caractérisés par une forte volatilité, une incertitude économique et une dispersion significative des performances sectorielles. Les rotations entre les secteurs sont rapides, et les marchés réagissent vivement aux annonces des autorités politiques, économiques et monétaires.

Ces stratégies se révèlent particulièrement adaptées pour tirer parti de ces conditions. Elles offrent à la fois une protection partielle contre les baisses de marché et un potentiel de surperformance dans un contexte complexe. Le principe du long/short actions permet aux gérants de capitaliser sur les inefficiences du marché en prenant des positions longues sur des actions considérées comme sous-évaluées et des positions courtes sur celles jugées sur-évaluées. Cette flexibilité est cruciale en période de volatilité, car elle permet de réduire la corrélation avec les indices boursiers traditionnels, offrant ainsi une diversification potentielle.

  • Les Produits Structurés : une flexibilité appréciée

Nous maintenons une vision positive sur les produits structurés, qui offrent la possibilité de s'exposer à divers marchés tout en personnalisant le niveau de risque et l'objectif de rendement souhaités. Les périodes de volatilité accrue peuvent générer des opportunités intéressantes sur ces instruments. Ils peuvent également être utilisés comme outils de couverture pour diminuer l'exposition directe aux actions, par exemple.

La correction observée dans certains secteurs de l'économie américaine peut également constituer un point d'entrée pertinent pour des produits structurés adossés à ces valeurs. Ainsi, les produits structurés représentent une alternative intéressante pour les investisseurs souhaitant une exposition aux actions tout en cherchant à atténuer la volatilité inhérente à cette classe d'actifs. Leur flexibilité en fait une solution stratégique pour diversifier et potentiellement optimiser la performance d'un portefeuille dans l'environnement actuel.

  • Les Actifs Non Cotés (Private Assets) : une classe d’actifs incontournable

L'appétit des investisseurs institutionnels pour les actifs non cotés poursuit sa trajectoire ascendante, malgré un environnement économique marqué par des zones d'ombre.

- Capital-Investissement : Une Allocation Stratégique

Cette dynamique, confortée par l'anticipation d'une détente progressive des taux d'intérêt initiée en 2024, oriente également les flux vers des véhicules d'investissement en capital-investissement plus accessibles à une clientèle élargie. Bien que le marché manifeste une certaine prudence, perceptible notamment au regard des incertitudes politiques et économiques actuelles, notre conviction quant au potentiel du private equity demeure solide.

Les stratégies secondaires conservent une attractivité particulière en raison des opportunités de valorisation qu'elles recèlent. Par ailleurs, les fonds de co-investissement demeurent au cœur de nos allocations, combinant une recherche d'optimisation des rendements et une gestion rigoureuse des coûts.

Les stratégies de dette privée, incluant la dette mezzanine et le growth buyout, gagnent en popularité pour accompagner le développement des entreprises en phase de croissance. De plus, le capital-risque, notamment dans les secteurs technologiques et liés à la transition énergétique, suscite un regain d'intérêt, offrant des perspectives de croissance captivantes pour les jeunes entreprises innovantes.

- Allocation Conseillée : Une Approche Diversifiée et de Long Terme

Afin d'exploiter pleinement le potentiel des investissements non cotés tout en maîtrisant les risques inhérents, nous préconisons une stratégie d'allocation diversifiée et orientée sur le long terme. Cette approche se décline comme suit :

  • Stratégies secondaires : privilégiées pour leur stabilité et la robustesse de leurs rendements.
  • Exposition au capital-risque : ciblant des opportunités de rendement élevé dans des secteurs à fort potentiel d'innovation.
  • Investissements en LBO (Leveraged Buyout) : visant à tirer parti de l'effet de levier financier dans des opérations de rachat d'entreprises.
  • Growth equity : permettant de bénéficier du potentiel de croissance d'entreprises matures et prometteuses.
  • Dette mezzanine : considérée comme un outil clé de diversification grâce à ses taux potentiellement attractifs.

Face aux évolutions constantes du paysage économique, cette allocation stratégique vise à conjuguer performance et gestion proactive des risques. Nous restons vigilants quant à l'évolution du marché, tout en cherchant à capitaliser sur les opportunités qu'il présente, en particulier dans les secteurs stratégiques tels que la santé et la transition énergétique.

Nos équipes sont à votre disposition pour échanger sur vos projets d’investissement et évaluer, avec vous, leur intérêt, au regard de l’environnement économique et financier, de la structuration de votre patrimoine et de vos objectifs de vie.

Nos convictions sur les marchés financiers
Nos convictions sur les marchés financiers

Scala patrimoine accompagne des entrepreneurs dans la cession de leur entreprise.

Capital investissement : une nouvelle dynamique ?

L’association France Invest a récemment dévoilé son baromètre annuel sur l’activité du capital investissement en France, en collaboration avec le cabinet d’audit Grant Thornton. Malgré un climat économique et politique incertain, le secteur du capital investissement amorce un redressement. La concrétisation des ventes par les fonds d’investissement se fait cependant attendre, laissant présager un marché encore partiellement figé.

Une hausse des levées de fonds

Les derniers mois ont été éprouvants pour les investisseurs. En France, la dissolution de l'Assemblée nationale a jeté un froid sur la confiance des acteurs économiques. Parallèlement, les nombreuses tensions géopolitiques et les menaces pesant sur le commerce international — notamment en raison de la politique de Donald Trump et de la hausse drastique des droits de douane — fragilisent l'activité économique mondiale.

Dans ce contexte incertain, le rebond des fonds de capital investissement en France constitue une nouvelle encourageante.

Si l'on exclut les fonds d'infrastructures, l'ensemble des sociétés de gestion opérant en France ont levé près de 25,2 milliards d'euros de capitaux en 2024, enregistrant une hausse de près de 1,5 milliard d'euros par rapport à l'année précédente (23,8 milliards d'euros en 2023).

Capital investissement : les montants levés en 2024
Capital investissement : les montants levés en 2024

Un second semestre 2024 plus favorable

Bertrand Rambaud, Président de France Invest, estime que ce rebond est un signal positif pour l’économie française : « On a une des incertitudes en France et à l’international, mais malgré cela notre industrie continue d’attirer les capitaux et investisseurs en priorité dans l’économie française. Et nous le savons bien c’est important pour le financement des grandes transitions économiques et stratégiques notamment pour la souveraineté du pays, et notamment le secteur de la défense »

Cette dynamique s'explique en grande partie par la progression significative des levées de fonds de taille intermédiaire, comprises entre 100 millions et 1 milliard d'euros. Ces dernières affichent une croissance de 36 % en volume et de 40 % en nombre sur un an.

Comme les années précédentes (exception faite de 2022), le second semestre 2024 s'est avéré plus dynamique que le premier, avec 15 milliards d'euros levés contre 10,2 milliards d'euros au premier semestre.

Enfin, les deals primaires - qui témoignent de la santé du secteur du capital investissement - représentent 34 % des investissements, tandis que les opérations secondaires demeurent largement majoritaires, avec une part de 66 %.

Un soutien à la transition énergétique

Les montants investis poursuivent leur progression en 2024, atteignant 26 milliards d'euros contre 22,4 milliards en 2023. Parallèlement, le nombre d'entreprises accompagnées suit cette tendance haussière, passant de 2 581 en 2023 à 2 692 en 2024.

Toutefois, plutôt que de se tourner vers de nouvelles opportunités, les gérants de fonds ont privilégié le soutien aux entreprises déjà présentes dans leur portefeuille. Ainsi, avec deux tiers des investissements consacrés au réinvestissement, l'année 2024 se distingue par un renforcement de l'accompagnement des entreprises dans leur croissance, notamment externe, et par une augmentation des opérations secondaires.

Capital investissement : les montants investis en 2024
Capital investissement : les montants investis en 2024

Parmi les différents secteurs d'activité, l'industrie demeure le premier domaine d'investissement, représentant 26 % des montants alloués et 24 % des opérations réalisées. Le secteur du numérique s'impose en seconde position avec 21 % des investissements, suivi par les biens et services de consommation (18 %) et le secteur médical et pharmaceutique (16 %).

En parallèle, les investissements des fonds d’infrastructures connaissent une légère progression, totalisant 10,9 milliards d'euros investis dans 189 projets. Les énergies renouvelables confirment leur prédominance, avec 4,3 milliards d'euros injectés dans 120 projets, illustrant la place grandissante des investissements verts dans les portefeuilles des investisseurs.

Une dynamique qui ne surprend pas Adrien Tourbet, responsable des investissements non cotés chez Scala Patrimoine : « cette évolution traduit une véritable lame de fond. Elle illustre la volonté des investisseurs d’orienter leurs capitaux vers des projets plus durables et de contribuer activement à la transition énergétique, un enjeu désormais majeur tant pour les États que pour les entreprises privées. »

Capital innovation : un rebond durable ?

Les différents segments du private equity présentent des dynamiques bien différentes.

Le « growth » est soutenu par quelques levées de fonds atypiques, mais ne parvient pas à dissimuler un ralentissement général de l'activité.

Le capital transmission affiche, de son côté, une progression significative, avec une hausse de 20 % en montants et de 17 % en nombre d'opérations. En revanche, le capital développement subit, lui aussi, un ralentissement, principalement en raison de la diminution des transactions primaires.

Enfin, les levées de fonds de capital innovation rebondissent par rapport à 2023, et ce, malgré une contraction du nombre de fonds actifs. Ainsi, 2,847 milliards d'euros ont été levés , contre moins de 2,5 milliards en 2023.

Toutefois, le climat demeure incertain pour les start-ups françaises. Jean-David Chamboredon, cofondateur et président d'ISAI, s'est exprimé à ce sujet pour Bpifrance, reconnaissant les difficultés actuelles du secteur. « Les levées de fonds sont devenues particulièrement ardues pour le capital-risque. Les souscripteurs cherchent d'abord à récupérer des liquidités avant d'envisager de nouveaux investissements. Depuis 2022, le nombre d'exits est resté limité, restreignant ainsi les flux de retour vers les souscripteurs et, par conséquent, la capacité des fonds à lever de nouveaux capitaux. »

Dans un environnement économique moins porteur, les investisseurs adoptent donc une posture plus sélective. Ils préfèrent engager leurs capitaux sur des montants plus réduits et concentrer leurs efforts sur des secteurs jugés stratégiques. Il faudra encore patienter avant d'assister à un retour du marché à son rythme de croisière.

Un marché toujours gelé ?

Selon le dernier communiqué de l'association France Invest, « le marché reste en deçà des attentes au regard de la croissance des investissements observée ces dernières années ».

L'élargissement des durées de détention des entreprises dans les portefeuilles des gérants d'actifs a entraîné une réduction du volume des cessions. En 2024, on recense ainsi 1 281 cessions, contre 1 276 en 2023 et 1 416 en 2022.

Nicolas Tixier, Partner et Head of Deal Advisory chez Grant Thornton, reconnait d'ailleurs que « le ralentissement de la vitesse d'exécution des sorties constitue un enjeu majeur en termes de retour aux LPs et de fluidité du cycle d'investissement ».

Toutefois, en intégrant le segment des infrastructures, les cessions ont généré près de 12,8 milliards d'euros pour les fonds en 2024, soit une hausse de 42 % par rapport à 2023. Cette augmentation en valeur, largement soutenue par de grandes opérations, est un signal encourageant. Cependant, la stabilité du nombre d'entreprises cédées traduit une stratégie où les investisseurs préfèrent accompagner la croissance des entreprises en portefeuille plutôt que de céder sous la pression des liquidités.

Après la pluie vient le beau temps ?

Un autre facteur d'incertitude pèse sur le marché : l'allongement des durées de levées de fonds.

Le temps écoulé entre le premier et le dernier closing est aujourd'hui nettement supérieur à celui observé en 2021-2022. En 2024, il fallait en moyenne 20,9 mois pour finaliser une levée de fonds, contre 14,9 mois en 2022. Néanmoins, l'analyse du rythme semestriel laisse entrevoir une légère amélioration, avec une baisse du temps nécessaire : 23,7 mois au second semestre 2023, contre 20,5 mois au second semestre 2024.

Une embellie qui a semble t-il été favorisée par une amélioration des conditions de financement pour les entreprises.

Bertrand Rambaud exprime ainsi l'espoir d'un retour à la normale dans les mois à venir : « L'enjeu pour l'industrie du capital investissement est désormais de maintenir sa dynamique et de confirmer la reprise des opérations de cession amorcée au second semestre. Ce levier est essentiel pour assurer le bon renouvellement du cycle d'investissement et garantir un retour de liquidités plus important pour nos investisseurs ».

Une attractivité renforcée à l’international

Le capital investissement français, incluant les fonds d’infrastructure, confirme son rayonnement sur la scène mondiale. En 2024, cette attractivité ne cesse de croître, comme en témoigne la part significative des capitaux levés à l’étranger, qui représente 56 % du total.

La répartition des fonds levés illustre cette tendance :

- 20 %, soit 7 892 M€, ont été investis par des acteurs internationaux hors d’Europe.

- 36 %, soit 13 850 M€, proviennent d’investisseurs européens.

- 44 %, soit 17 146 M€, ont été apportés par des souscripteurs français.

La place centrale des family offices

Les fonds de fonds demeurent les principaux investisseurs de cette classe d’actifs. En 2024, leur contribution s’élève à 7 milliards d’euros, soutenant ainsi de manière significative les activités des gestionnaires d’actifs.

Juste derrière eux, les entrepreneurs et les grandes fortunes, à travers leurs family offices, confirment leur rôle de second pilier du capital-investissement (hors infrastructure). Avec un engagement total de 4,4 milliards d’euros, ils représentent 17 % des souscriptions, devançant ainsi les compagnies d’assurance et les mutuelles, dont les investissements atteignent 3,31 milliards d’euros.

Family offices et capital investissement
Family offices et capital investissement

L’avis de Scala Patrimoine

Les nuages qui planent au-dessus du marché du capital investissement restent nombreux. Pour espérer un redémarrage durable, il faudra patienter jusqu’à une nette accélération des cessions. Toutefois, plusieurs signaux encourageants laissent entrevoir une reprise tant attendue : une dynamique de levée de fonds plus soutenue, le retour des investisseurs corporate et, bien sûr, la baisse des taux d’intérêt…

Ces incertitudes n’atteignent pas nos convictions. Nous demeurons confiants quant au potentiel du private equity sur le long terme, à condition d’adopter une approche diversifiée et de sélectionner les meilleurs fonds.

Dans l’univers du non coté, le choix des gérants s’impose comme un facteur déterminant. Les écarts de performance entre les fonds situés dans le premier et le dernier quartile sont considérables, rendant la sélection d’autant plus cruciale pour optimiser les rendements.


Alice & Bob, une levée de fonds de 100 M€ pour devenir le leader mondial de l'informatique quantique

Alice & Bob : 100 millions d'euros pour conquérir l'informatique quantique

Dans l'arène de l'informatique quantique, où s'affrontent les titans tels que Google, Amazon et IBM, une jeune pousse francilienne, Alice & Bob, veut se tailler la part du lion. Son ambition ? Concevoir un ordinateur quantique universel ! Un Graal technologique, dont le marché, en pleine effervescence, pourrait atteindre 65 milliards de dollars d'ici 2030, selon la BPI.

Les chiffres clés d'Alice & Bob
Les chiffres clés d'Alice & Bob

L'essor de la French Tech quantique

L'écosystème français de l'informatique quantique regorge de pépites. En tête de file, Pasqal, qui a levé 100 millions d’euros en 2023 avec le soutien du fonds singapourien Temasek. À ses côtés, d’autres acteurs émergents, tels que Quobly, Quandela, C12 Quantum Electronics et, désormais, Alice & Bob.

Fondée en 2020 par Théau Peronnin et Raphaël Lescanne, docteurs en physique quantique, Alice & Bob s'attaque à un défi colossal : concevoir un ordinateur quantique capable de résoudre en un éclair des problèmes qui exigeraient des millénaires, voire des milliards d'années, aux ordinateurs classiques. Leur vision ? Un ordinateur quantique dix fois moins coûteux à produire et prêt à conquérir le marché avec trois ans d'avance.

S'inspirant de la célèbre expérience de pensée d'Erwin Schrödinger, le « chat de Schrödinger », ils ont conçu une technologie révolutionnaire, basée sur l'utilisation de « qubits de chat », des bits quantiques conçus nativement pour corriger leurs propres erreurs. « Notre objectif est de créer une machine exponentiellement plus puissante », explique Théau Peronnin sur BFM Business. « À chaque qubit quantique ajouté, la puissance de calcul double. Les applications sont infinies, de la conception de nouveaux médicaments à la finance, en passant par l'ingénierie. »

Financement : briser (enfin) le plafond de verre

L'obstacle majeur de l'informatique quantique réside dans l'instabilité des qubits, qui génère des erreurs de calcul. Le défi scientifique est de dompter ces erreurs pour libérer la puissance promise par cette technologie.

« L'informatique quantique consomme bien moins que les supercalculateurs qu'elle ambitionne de remplacer », souligne Théau Peronnin. « Mais ces derniers conservent pour l'instant une légère avance. Toutefois, le jour où le quantique surpassera les technologies actuelles approche à grands pas. »

La France, avec son élite scientifique et mathématique, est idéalement positionnée dans cette course. « Il ne manque que le financement », déplore Théau Peronnin. « Les pouvoirs publics sont mobilisés, mais les investisseurs privés doivent aussi prendre part à l'aventure. La France excelle dans le financement de l'amorçage et la formation des talents, mais nous faisons face à un plafond de verre. Les financements supérieurs à 100 millions d'euros, nécessaires à la croissance, sont encore trop rares. »

Une levée de fonds à neuf chiffres

Après une série A prometteuse de 27 millions d'euros en 2022, Alice & Bob franchit un cap décisif avec une série B de 100 millions d'euros. Ses actionnaires historiques, Elaia Partners, Breega, Supernova Invest et Bpifrance, rempilent, rejoints par de nouveaux acteurs de poids : Future French Champions, la coentreprise entre Bpifrance et le fonds souverain qatari (Qatar Investment Authority), Axa Venture Partners et Bpifrance via son fonds DeepTech 2030.

L'EIC (Conseil européen de l'innovation) et la Région Île-de-France apportent également leur soutien.

« Après avoir établi des records de performance avec nos qubits de chat, nous entrons dans une nouvelle phase : construire un ordinateur quantique capable de produire des résultats concrets », déclare Théau Peronnin. « Nos qubits de chat sont uniques. Ils permettent d'envisager des ordinateurs quantiques évolutifs avec seulement quelques milliers de qubits, là où les approches classiques en nécessiteraient des millions. »

Un ordinateur quantique d'ici 2030 ?

L'objectif est clair : développer un ordinateur quantique universel sans erreur d'ici 2030 et créer une puce révolutionnaire.

« Nous voulons donner aux ingénieurs les outils pour résoudre les grands défis de notre société », affirme Théau Peronnin.

Cette levée de fonds permettra à Alice & Bob de financer un laboratoire de 3 000 m² en région parisienne. Celui-ci sera équipé pour travailler la matière à l'échelle micro et nanométrique. Autre projet, celui de construire un parc de prototypes pour des tests en temps réel.

L'entreprise, basée à Paris et Boston, prévoit de doubler ses effectifs, composés pour moitié de docteurs, pour atteindre 200 personnes d'ici la fin de l'année.

L'espoir est grand : faire de la France un champion de la technologie quantique.


Marc Batty (FEVE)

Marc Batty (FEVE) : « 50 % des agriculteurs partiront à la retraite d’ici 10 ans »

Le modèle agricole français est-il en péril ?

43 % des exploitants agricoles ont plus de 55 ans. La moitié des fermes feront l'objet d'une cession dans les dix prochaines années. Pourtant, aujourd’hui, une ferme sur deux seulement trouve preneur.

Pour insuffler un nouvel élan à l’agriculture hexagonale, certains acteurs, tels que FEVE, se mobilisent activement. Leur objectif : soutenir l'installation des agriculteurs en créant des fermes agroécologiques. À ce jour, cette organisation a facilité l'acquisition de 29 fermes à travers la France, permettant à 48 agriculteurs et agricultrices de s’établir. Ce sont ainsi 1 830 hectares qui ont été convertis à l'agroécologie.

Nous revenons sur les projets menés par FEVE, en compagnie de l’un de ses fondateurs, Marc Batty, ingénieur agronome de formation, diplômé de l’École AgroParisTech.

Scala Patrimoine. Pouvez-vous nous présenter Fève en quelques mots ?

Marc Batty. FEVE est une entreprise fondée il y a quatre ans, dans le but d’accompagner la nouvelle génération d’agriculteurs et d’agricultrices désireuse de s’installer en agriculture biologique. Pour soutenir cette noble démarche, nous levons des fonds auprès des citoyens ainsi que des investisseurs institutionnels. À ce jour, 35 millions d'euros ont été collectés, ce qui nous a permis d’acquérir des fermes à vendre et de les transmettre à travers le territoire français, facilitant ainsi l’installation de jeunes agriculteurs en agriculture biologique.

Notre ambition est de contribuer au renouvellement du modèle agricole en encourageant l’installation de jeunes porteurs de projets qui adoptent des pratiques agronomiques et environnementales parmi les plus vertueuses.

Scala Patrimoine. Pourquoi les jeunes générations rencontrent-elles tant de difficultés pour s’installer comme agriculteurs ?

Marc Batty. Le contexte est particulièrement inédit, puisque 50 % des agriculteurs, soit environ 200 000 personnes, sont en train de partir à la retraite, ou le feront dans les dix prochaines années.

Cependant, les jeunes ne s’inscrivent plus dans le schéma traditionnel où ils reprennent la ferme familiale. Aujourd’hui, près de deux tiers d’entre eux s’installent sans être issus du monde agricole. Ce phénomène crée un parcours d’installation semé d’embûches, qui peut durer plusieurs années, entre la formation et la recherche d’un lieu pour s’établir. De plus, ces jeunes sont fréquemment confrontés à des difficultés de financement, notamment pour l’acquisition de la ferme.

C’est face à ce défi que FEVE a décidé d’agir. En effet, imaginez-vous à la place d’un jeune qui se rend dans une banque pour demander un prêt de 400 000, 500 000 ou même 1 million d’euros afin de s’installer sur une ferme. La plupart du temps, cette demande est vouée à l’échec. C’est pourquoi nous avons choisi de financer l’installation de cette nouvelle génération grâce à un mécanisme de location avec option d’achat.

« Nous mettons les fermes en location avec option d'achat, exclusivement à des porteurs de projets engagés »

Scala Patrimoine. Quels sont les critères de sélection des projets portés par les agriculteurs que vous accompagnez ?

Marc Batty. Notre foncière acquiert des fermes dans leur totalité, c’est-à-dire les terres agricoles, qui sont au cœur de notre activité, mais aussi les maisons d'habitation et les bâtiments d’exploitation nécessaires aux cultures ou à l’élevage.

Les fermes que nous achetons, avec l’argent collecté auprès des citoyens et des investisseurs institutionnels, sont de taille intermédiaire, c’est-à-dire entre 30 et 150 ou 200 hectares, loin des petites exploitations de quelques hectares ou des grandes exploitations industrielles.

Nous mettons ces fermes en location avec option d'achat, exclusivement à des porteurs de projets engagés, qui œuvrent pour un modèle agricole plus respectueux du vivant, et notamment pour la transition vers l’agriculture biologique. Ces projets doivent également être porteurs d’une vision forte en matière de pratiques agronomiques et environnementales respectueuses du vivant.

Scala Patrimoine. Comment soutenez-vous la transition agroécologique des fermes ?

Marc Batty. En finançant l’acquisition de fermes et en les mettant à disposition des jeunes porteurs de projets, nous participons activement à la transition agricole.

D’une part, nous empêchons la concentration des terres agricoles. Lorsqu’une ferme n’est pas transmise, elle risque, en effet, de disparaître ou, plus probablement, d’être rachetée par un voisin qui agrandira son exploitation, consolidant ainsi le modèle agro-industriel qui prévaut depuis des décennies.

D’autre part, en soutenant la jeune génération avec une charte agro-écologique ambitieuse, nous orientons les fonds des citoyens et des investisseurs institutionnels vers ceux qui souhaitent bousculer le modèle agricole pour le réorienter vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement.

Scala Patrimoine. Quels sont vos objectifs pour les prochaines années ?

Marc Batty. Depuis sa création, FEVE a collecté 35 millions d’euros et installé 50 agriculteurs et agricultrices sur des fermes agroécologiques. L’objectif pour 2025 est de lever 30 millions d'euros supplémentaires, portant ainsi le montant total à 65 millions d'euros, et de soutenir 30 à 40 nouveaux projets de fermes.

Pour 2027, notre ambition est encore plus grande. Nous visons une collecte de 100 millions d’euros, ce qui nous permettrait de participer à la conversion en agriculture biologique de près de 10 000 hectares. Un chiffre qui n’est autre que l’équivalent de la surface d’une ville comme Paris.

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Les marchés financiers prouvent une nouvelle fois leur dépendance aux décisions des banques centrales. L'économie résiste, quant à elle, trés bien.

Le rendez-vous des marchés financiers - Mars 2025

Marchés financiers & économie : les points clés

  • Les marchés financiers européens mènent la danse, sous l'impulsion du secteur de la défense.
  • Une récession pourrait prochainement toucher les États-Unis, notamment en raison d’une hausse significative des droits de douane sur les importations américaines.
  • La BCE abaisse une nouvelle fois ses taux directeurs de 25 points de base. Cette décision attendue ramène le taux de dépôt à 2,50 %.
  • L’Allemagne relance son économie en mettant en œuvre un fonds d’infrastructures de 500 milliards d’euros sur dix ans.

Quelles performances sur les marchés financiers ?

  • Guerre entre l’Ukraine et la Russie : Donald Trump impose sa loi

Donald Trump affiche sa volonté de mettre un terme à la guerre opposant l’Ukraine à la Russie. Pour ce faire, il a suspendu le soutien financier et matériel jusqu’ici accordé à l’armée ukrainienne.

Fin février, une rencontre tendue s’est tenue dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche entre le président américain, son vice-président et Volodymyr Zelensky. Devant les caméras du monde entier, l’échange a rapidement tourné à l’affrontement.

Alors que le président ukrainien tentait de sensibiliser Donald Trump en déclarant : « Tout le monde a des problèmes, même vous, mais vous avez un bel océan. Vous ne le ressentez pas encore, mais vous le sentirez à l’avenir », le président républicain s’est aussitôt lancé dans une diatribe cinglante, fidèle à son style habituel. S’adressant sans ménagement à son interlocuteur, il répliqua : « Vous n’êtes pas en position de dicter ce que nous allons ressentir. Nous allons nous sentir très bien et très forts. Vous, en revanche, vous êtes laissé enfermer dans une situation désastreuse. Vous n’avez pas les cartes en main. »

Quelques jours plus tard, Donald Trump affirmait, sans ambages, qu’un accord sur l’exploitation des minerais constituait la seule garantie sécuritaire dont l’Ukraine avait besoin face à la Russie. La position américaine demeure donc inchangée : aucune discussion sur une force de maintien de la paix ne sera engagée avant la signature d’un accord entre Moscou et Kiev.

  • Bitcoin : la fin des Trump Trades ?

Les investisseurs se détourneraient-ils déjà des valeurs prisées par le président américain ? Parmi elles, les cryptoactifs semblent particulièrement affectés.

Le Bitcoin, souvent qualifié de reine des cryptomonnaies, a ainsi chuté de plus de 25 % depuis son record post-électoral. Ce plongeon s’explique notamment par le piratage massif de la plateforme d’échange Bybit, victime d’un vol de 1,46 milliard de dollars orchestré par le groupe de hackers nord-coréen Lazarus, ainsi que par des inquiétudes économiques grandissantes. Face à ces incertitudes, les investisseurs prennent leurs distances avec les cryptoactifs. Le Bitcoin évolue désormais autour de 74 000 €, bien loin de son sommet de 101 976 €. Témoignant de cette fébrilité, l’indice Crypto Fear and Greed s’effondre à 10/100 (signalant une peur extrême), contre 55/100 une semaine auparavant.

C’est dans ce climat d’instabilité que Donald Trump, lui-même investisseur en cryptomonnaies, a choisi d’annoncer la création d’une Réserve Stratégique Crypto, incluant Bitcoin, Ethereum, Solana, XRP et Cardano. Une initiative inscrite dans une logique résolument "America First", qui précède un sommet sur les cryptomonnaies à la Maison-Blanche, destiné à renforcer les liens entre le gouvernement et le secteur privé.

Aussitôt après cette déclaration, l’écosystème crypto a connu un sursaut spectaculaire, gagnant 300 milliards de dollars en capitalisation !

  • Marchés financiers actions : l’Europe retrouve des couleurs

Les valeurs de la tech américaine, et notamment les « Sept Magnifiques », traversent une période plus difficile. Sur les trente derniers jours, le Nasdaq 100 accuse un repli de plus de 6 %. Dans le même temps, Nvidia, la coqueluche des marchés financiers, abandonne près de 15 %.

Selon les calculs de Bloomberg, les « Sept Magnifiques » affichent néanmoins un ratio cours/bénéfice toujours élevé de 32,9, soit environ 40 % de plus que la moyenne des autres actions à grande capitalisation.

À l’inverse, les places boursières européennes se montrent particulièrement dynamiques.

Le DAX 30 s’adjuge ainsi une progression de 6 % sur un mois glissant. Le CAC 40, quant à lui, gagne 2 % sur la même période et atteint un nouveau record historique à 8 216 points, porté par l’essor des entreprises du secteur de la défense.

Cette envolée intervient alors que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a dévoilé un plan d’investissement de 800 milliards d'euros destiné à renforcer la défense européenne et à soutenir l'Ukraine, tandis que l’administration Trump a brutalement suspendu l’aide militaire américaine à Kiev. Dans ce contexte, les valeurs de l’armement s’envolent : l’action Thales bondit de 53 % en un mois, suivie de Dassault Aviation (+ 36 %) et de Rheinmetall (+ 61 %).

Comme le souligne avec son mordant habituel le spécialiste des marchés financiers, Thomas Veillet, : « L’armement européen vit sa meilleure vie ! »

En Asie, la tendance est contrastée : l’indice Shanghai Composite progresse de 2 %, tandis qu’au Japon, le Nikkei 225 recule de 5 %.

Les performances sur les marchés financiers
Les performances sur les marchés financiers

Les États-Unis : une prophétie autoréalisatrice ?

En économie, les prophéties peuvent, elles aussi, se révéler autoréalisatrices. Lors de la campagne présidentielle, Donald Trump n’a eu de cesse d’affirmer que l’économie américaine était en péril, bien que nul indicateur macroéconomique majeur — qu’il s’agisse de l’emploi, de la consommation ou de l’investissement — ne vînt étayer cette thèse. Or, par ses mesures drastiques en matière de politique commerciale et son recours accru aux barrières douanières, « The Donald » pourrait bien fragiliser l’économie de la première puissance mondiale.

  • Le spectre d’une « Trumpcession » ?

Le spectre d’une récession aux États-Unis, conséquence des politiques économiques de Donald Trump, semble se préciser. Le modèle GDPNow de la Fed d’Atlanta, réputé pour sa fiabilité, vient d’être fortement révisé à la baisse. La prévision de croissance pour le premier trimestre s’effondre, passant de +4,0 % à -2,8 %. Une dégringolade vertigineuse, que les analystes attribuent à un déficit commercial record et à une industrie manufacturière en déclin.

- Des signes avant-coureurs

Ces inquiétudes trouvent un écho chez Wilfrid Galand, directeur stratégiste de Montpensier Finance : « Plusieurs signaux d’alerte se sont allumés ces dernières semaines. Les publications des différentes Fed régionales témoignent d’une détérioration du climat des affaires. Ainsi, l’indice manufacturier de la Fed de Dallas, publié le 24 février, chute brutalement à - 8,3, contre + 14,1 en janvier. Celui de la Fed de Philadelphie, bien que toujours positif à +18,1, a perdu plus de 26 points en un mois. »

Puis, tel un inventaire à la Prévert, il énumère les nuages noirs s’amoncelant au-dessus de l’économie américaine : « Les premiers signes de ralentissement de l’activité, la montée des inquiétudes des ménages et des entreprises dans les derniers indicateurs, les craintes liées à l’augmentation généralisée des coûts sous l’effet des hausses de taxes douanières initiées par la nouvelle administration américaine, ainsi que les ripostes commerciales des partenaires des États-Unis, sont autant de facteurs rendant l’avenir particulièrement incertain. »

La récente baisse de la confiance des consommateurs constitue d’ailleurs un signal d’alarme à ne pas négliger. L’indice de confiance du Conference Board s’établit à 98,3 en février, contre 105,3 en janvier (révisé de 104,1), alors qu’il était attendu à 102,7. Il s’agit de la plus forte contraction mensuelle depuis août 2021. Les ménages, anticipant une nette dégradation du marché de l’emploi, réduisent d’ores et déjà leurs dépenses, en recul de -0,5 % en volume en janvier.

Autre mauvaise nouvelle, les derniers chiffres de créations d’emploi sont en deçà des attentes. 141 000 nouveaux emplois étaient anticipés. Le chiffre est sorti à seulement 77 000.

- La peur de l'inflation

Les PME ne sont guère plus optimistes : l’indice NFIB chutant de 105,1 à 102,8. Une lueur d’espoir demeure néanmoins : la production industrielle a surpris à la hausse, progressant de +0,5 % sur un mois, tandis que la croissance s’accélère dans le secteur des services. L'indice ISM est, en effet, ressorti à 53,5 le mois dernier contre 52,8 en janvier, alors que les économistes l'attendaient autour de 53.

Mais pour Eric Vanraes, de la Banque Eric Sturdza, c’est ailleurs que réside la véritable menace : « Ce qui est le plus préoccupant, ce n’est pas tant l’état actuel du marché de l’emploi que la raison profonde qui pousse les consommateurs à restreindre leurs achats et à envisager de les réduire davantage. Ce n’est pas une simple prudence, mais la peur palpable d’un retour de l’inflation, alimentée par les Trumponomics, dont l’emblème demeure la politique protectionniste des droits de douane. »

  • Droits de douane : l’arme fatale

L'une des principales promesses de campagne de Donald Trump était sans équivoque : l’instauration de droits de douane réciproques. Autrement dit, le président souhaitait imposer aux produits étrangers entrant sur le sol américain les mêmes taxes que celles appliquées aux exportations américaines vers ces pays.

- Art of the deal

Dès le début de son mandat, Donald Trump a mis ses menaces à exécution. Le nouvel occupant de la Maison-Blanche a relevé les droits de douane sur les importations en provenance des partenaires économiques des États-Unis.

La première mesure emblématique fut l’augmentation des taxes à 25 % sur l’acier et l’aluminium importés aux États-Unis, sans distinction d’origine. Même des pays naguère exemptés, comme le Canada et le Mexique, ont été concernés par cette décision.

Dans les coulisses de négociations intenses, Donald Trump a néanmoins suspendu l’essentiel des droits de douane qu’il avait annoncés à l’encontre du Mexique et du Canada, au moins jusqu’au 2 avril.

Pierre-Alexis Dumont, directeur des investissements chez Sycomore AM, souligne d’ailleurs : « L’objectif de l’administration Trump n’est pas tant d’imposer des taxes massives et généralisées que de négocier, au cas par cas, avec ses partenaires commerciaux sur des dossiers variés : les questions migratoires avec le Mexique, ou encore la technologie et la défense avec la Chine. Les annonces de barrières douanières servent ainsi de levier pour obtenir des accords avantageux pour les intérêts américains. »

- L’Europe et la Chine dans le viseur

Les négociations avec Pékin pourraient également s’intensifier dans les semaines à venir, la Chine représentant le plus important déficit commercial des États-Unis. Début mars, le président américain avait signé décret portant à 20 % les droits de douane supplémentaires sur l'ensemble des produits chinois entrant aux Etats-Unis.

Autre cible privilégiée : l’Union européenne, qui pèse pour 18,6 % des importations américaines. Donald Trump avait ainsi annoncé une hausse de 25 % des droits de douane sur les importations européennes, sans toutefois les avoir encore mis en œuvre.

La Commission européenne n’a pas tardé à réagir, affirmant qu’elle répondrait « fermement et immédiatement » à toute nouvelle hausse des droits de douane. Il faut dire que Donald Trump n’a jamais caché son hostilité envers Bruxelles, qu’il accuse d’avoir été « conçue pour emmerder les États-Unis ». Un message au moins aussi tranchant que sa politique commerciale.

Les déficits commerciaux des États-Unis
Les déficits commerciaux des États-Unis
  • La prudence de la FED

L’inflation américaine marque un ralentissement. Selon le ministère du Commerce des États-Unis, elle s’est établie à 2,5 % sur un an en janvier, contre 2,6 % le mois précédent, après plusieurs accélérations consécutives. L’indice Core PCE, particulièrement scruté par la Réserve fédérale, a été publié en parfaite conformité avec les attentes, reculant de 2,9 % à 2,6 %.

Cela suffira-t-il à convaincre la banque centrale américaine de poursuivre la baisse de ses taux d’intérêt ? Rien n’est moins sûr.

La menace croissante de nouveaux droits de douane, brandie par l’administration Trump, pourrait raviver les tensions inflationnistes. Une récente enquête de la Fed révèle en effet que de nombreuses entreprises prévoient d’augmenter leurs prix en réaction à ces mesures protectionnistes. « Les acteurs du secteur industriel, qu’il s’agisse de la pétrochimie ou des fournitures de bureau, ont exprimé leurs inquiétudes face aux bouleversements à venir en matière de politique commerciale », souligne la banque centrale.

Donald Trump, de son côté, a reconnu qu’il pourrait y avoir « quelques perturbations, mais nous sommes prêts à les accepter. Ce ne sera pas grand-chose ».

Raphael Bostic, président de la Réserve fédérale d'Atlanta, a donc annoncé que la Fed pourrait devoir maintenir sa politique actuelle encore quelque temps : « il faudra peut-être patienter jusqu’à l’été avant d’envisager une nouvelle baisse des taux. »

Zone euro : une économie de guerre ?

Le spectre de la stagflation, redouté par les dirigeants européens, pourrait bien se matérialiser. Cette année, la Zone Euro risque ainsi de conjuguer une inflation élevée et une croissance anémique. La société de gestion Schroders anticipe pour 2025 une croissance limitée à 1,1 % et une inflation globale de 2,4 %.

  • Des indicateurs économiques en berne

Les indicateurs économiques de la Zone Euro n'affichent pas de signes encourageants. Certes, la confiance des investisseurs mesurée par l'indice Sentix a rebondi davantage qu'attendu en février, passant de -17,7 à -12,7. Toutefois, ce regain demeure fragile. Même constat pour l'indice de confiance des consommateurs, qui s'est établi à -13,6 en février, conformément aux prévisions.

Par ailleurs, la production industrielle a reculé plus qu'escompté en décembre, enregistrant une baisse de 1,1 % en rythme mensuel.

La Banque centrale européenne est encore plus pessimiste que les équipes Schroders pour la croissance de la zone euro, en anticipant un tout petit de + 0,9 %.

Au cours des prochaines semaines, une attention particulière devra également être portée aux négociations commerciales entre les pays européens et les États-Unis. Donald Trump a laissé entendre que les droits de douane pourraient être relevés de 25 %. Heureusement, l'histoire récente avec le Mexique et le Canada l'a montré : le pire n'est jamais certain.

Selon des estimations du cabinet Oxford Economics, de telles augmentations tarifaires pénaliseraient particulièrement le Danemark et l'Irlande, très exposés au secteur pharmaceutique, ainsi que l'Allemagne et la Slovaquie, fortement dépendantes de l'industrie automobile

  • La BCE à la manœuvre

En zone euro, l’inflation devrait ressortir à 2,2% en février sous l’effet de la baisse des prix de l’électricité en France.

La Banque centrale européenne (BCE) a donc profité de l’occasion pour annoncer une nouvelle réduction de 25 points de base de ses taux directeurs, une décision attendue qui ramène le taux de dépôt à 2,50 %. Il s’agit du sixième assouplissement depuis juin 2024, un rythme inédit depuis les années 2010.

Aux yeux de Christine Lagarde, cette mesure vise à stimuler une économie européenne moribonde et à stabiliser l’inflation autour de 2 % à moyen terme.

Dans son communiqué, la BCE se félicite du fait que « le processus de désinflation est en bonne voie ». Toutefois, l’institution reconnaît que les prix de l’énergie continuent de peser lourdement sur l’indice des prix. Plus encore, elle se trouve contrainte de composer avec une situation économique et géopolitique qui évolue de manière radicale d’un jour à l’autre. Christine Lagarde, la présidente de la BCE, n’a d’ailleurs pas dissimulé que les membres de l’institution naviguaient actuellement à vue lorsqu’il s’agissait de dessiner la politique monétaire du continent.

  • Des investissements massifs dans le secteur de l’armement

En l’espace de quelques jours, les dirigeants européens ont radicalement modifié leur discours. La volonté des États-Unis de se retirer du bourbier ukrainien, tout en conservant le contrôle sur les minerais stratégiques, pousse l’Europe à renforcer considérablement ses investissements dans le secteur de la défense.

- Le plan de relance allemand

Le discours d’Emmanuel Macron illustre cette atmosphère générale : « Notre génération ne touchera plus les dividendes de la paix. Il ne tient qu’à nous que nos enfants récoltent demain les fruits de nos engagements. »

Dans ce contexte morose, c’est l’Allemagne qui a marqué les esprits. Forte de ses finances publiques gérées d’une main de maitre, les conservateurs allemands (CDU), arrivés en tête aux dernières élections, se sont alliés avec les sociaux-démocrates (SPD) pour créer un fonds d’infrastructures de 500 milliards d’euros sur dix ans et réformer le frein à l’endettement, afin de permettre une hausse significative des dépenses militaires. L’accord stipule ainsi que les États fédéraux pourront enregistrer des déficits allant jusqu’à 0,35 % du PIB, une possibilité qui était impensable jusque-là. Les dépenses militaires pourraient ainsi atteindre, selon les prévisions, au moins 100 milliards d’euros par an, soit le double de leur niveau actuel.

- Un impact sur les taux 

À cela s’ajoute la proposition de la Commission européenne de suspendre les règles de stabilité budgétaire, afin d’allouer 150 milliards d’euros au secteur de la défense. Vous comprendrez alors que les vannes sont désormais grand ouvertes.

Wilfried Galand voit en ses annonces un véritable game changer pour l’économie européenne : « Plombée par l’Allemagne et la France, l’économie européenne peine à décoller et stagne à des niveaux proches de la récession, malgré le dynamisme de l’Espagne. C’est bien la déflation qui menaçait, avec des prix à la production en Allemagne en baisse continue, mais l’annonce de vastes programmes européens de souveraineté change profondément la donne. »

Ces annonces ont toutefois entraîné une forte remontée des taux longs en Europe : le rendement des obligations à 10 ans de l’Allemagne a grimpé de 35 points de base, atteignant 2,83 %, son équivalent français a grimpé dans les mêmes proportions pour atteint 3,54 %.

Le casse-tête économique chinois

Xi Jinping s’apprête à intensifier la politique de relance économique du pays, révélant en filigrane des difficultés plus profondes que ne le suggèrent les chiffres officiels du Parti communiste chinois.

  • Les exportations : un moteur économique menacé

C'est une bien mauvaise nouvelle pour le gouvernement chinois : les exportations connaissent un net ralentissement. Selon les données publiées ce vendredi par les douanes chinoises, elles n'ont progressé que de 2,3 % en janvier et février par rapport à la même période l'an passé. Un chiffre bien en deçà des attentes, qui tablaient sur une hausse de 5,9 %, et très loin de la progression de 10,7 % enregistrée en décembre.

Ce ralentissement s'inscrit dans un contexte de tensions croissantes avec Washington. Donald Trump s'est lancé dans une véritable "guerre commerciale" contre Pékin, imposant une augmentation de 20 % des droits de douane sur les produits chinois importés aux États-Unis. En représailles, les autorités chinoises prévoient d'appliquer des taxes allant jusqu'à 15 % sur une série de produits agricoles américains, notamment le soja, le porc et le blé.

Ces turbulences pourraient porter un coup sévère aux exportations chinoises, qui ont longtemps été l'un des moteurs de la croissance du pays, alors que la consommation des ménages peine à se redresser et que le secteur immobilier traverse une crise profonde.

  • Le gouvernement desserre la bride

Le Parti communiste chinois tient actuellement à Pékin sa plus grande réunion politique annuelle, connue sous le nom des "Deux Sessions". À cette occasion, le gouvernement a affiché des ambitions économiques qui paraissent, pour certains observateurs, relever davantage du vœu pieux que d'une réelle projection. L'objectif officiel d'une croissance du PIB "d'environ 5 %" pour cette année semble difficilement atteignable, les analystes internationaux anticipant plutôt un taux proche de 4 % en 2025.

Pourtant, Xi Jinping s'est donné les moyens de croire en cet objectif. Il a ainsi validé une augmentation des dépenses publiques en portant l'objectif de déficit public de 3 % à 4 %. Ce sont ainsi 155 milliards d'euros de dépenses supplémentaires qui seront engagées, financées par un recours accru aux emprunts d'État, qui atteindront 233 milliards d'euros au total.

Ces mesures visent à soutenir la consommation et à « stimuler autant que possible la demande intérieure ».

Mel Siew, gérant de portefeuille chez Muzinich & Co, souligne l'importance de ce changement de cap de l'exécutif chinois : « Pour la première fois en 14 ans, l'orientation de la politique monétaire de la Chine est devenue 'modérément souple', en rupture avec l'approche 'prudente' de 2017-2018. C'est un signal fort indiquant que les autorités privilégient désormais la croissance, ce qui devrait logiquement renforcer la capacité du pays à atténuer l'impact négatif des droits de douane. »

Reste à voir si ces efforts suffiront à inverser la tendance.

Les convictions de Scala Patrimoine sur les marchés financiers

Février 2025 marque un tournant décisif dans l'évaluation de la politique économique américaine, mettant un terme à une période de complaisance envers les effets supposément bénéfiques de la stratégie menée sous Trump. Aux États-Unis, les indicateurs avancés traduisent un net affaiblissement des perspectives économiques : la confiance des ménages et des entreprises s'érode, les intentions d'investissement fléchissent, et l'activité dans les services ralentit, révélant une inquiétude grandissante quant à la trajectoire économique du pays.

  • Les marchés financiers actions américains reculent

Dans ce contexte incertain, la Fed se voit contrainte d'adopter une posture prudente face aux risques inflationnistes, en partie exacerbés par une politique tarifaire agressive. Toutefois, des doutes subsistent quant à la mise en œuvre effective de ces mesures. S'agit-il d'un véritable levier de régulation ou simplement d'un outil de négociation dont l'impact sur la croissance resterait limité ? En effet, si le ralentissement économique se confirmait, il pourrait, dans une certaine mesure, atténuer la hausse des prix engendrée par l'augmentation des droits de douane sur les importations.

Sur le plan microéconomique, les petites et moyennes entreprises, qui avaient bénéficié du "Trump trade" en fin d'année, sont particulièrement affectées par l'incertitude qui pèse sur l'économie mondiale. La rotation sectorielle s'intensifie, les investisseurs délaissant les segments les plus risqués au profit de valeurs plus défensives. Quant au secteur technologique, il continue d'ajuster ses valorisations, fragilisé par des résultats mitigés et des interrogations croissantes sur la politique monétaire future, accentuées par une concurrence féroce en provenance de Chine. Ces incertitudes, conjuguées aux effets directs des droits de douane sur les marges, se traduisent par une baisse marquée des actions américaines en ce début d'année. La Fed d'Atlanta anticipe déjà un premier trimestre de croissance négative aux États-Unis, notamment en raison de la détérioration de la balance commerciale, alors même que la plupart des hausses de tarifs annoncées n'ont pas encore été appliquées.

- Un rebond des marchés financiers européens

À l'opposé, les marchés européens affichent une résilience inattendue, enregistrant une progression de plus de 3 % en dépit de fondamentaux encore fragiles. L'optimisme des investisseurs est porté par l'espoir d'un cessez-le-feu en Ukraine et par des discussions croissantes autour d'un plan budgétaire renforcé pour la défense, illustrant un réajustement stratégique en Europe face au désengagement de Trump dans ce domaine. Ce regain de confiance profite notamment au secteur bancaire et aux valeurs de la défense européenne, malgré des divergences persistantes entre les dynamiques économiques de part et d'autre de l'Atlantique.

Dans le même temps, la Chine poursuit sur une trajectoire positive, portée par son secteur technologique et par des perspectives de réformes réglementaires favorisant un climat d'affaires plus souple. Toutefois, cette dynamique reste concentrée sur les entreprises tournées vers l'exportation. De son côté, le Japon peine à retrouver son souffle, affecté par l'appréciation du yen qui pèse sur ses marchés sensibles aux variations de change.

Face à ces évolutions, nous avons rééquilibré notre exposition entre actifs européens et américains. Si les fondamentaux aux États-Unis demeurent solides, les incertitudes qui pèsent sur l'économie ne permettent pas d'assurer la poursuite de cette robustesse observée ces dernières années. La consommation et l'investissement pourraient subir des pressions significatives, sans que l'ampleur de cette dégradation ne soit encore pleinement mesurable.

- Une forte demande sur le secteur de la défense

En Europe, les investisseurs espèrent une amélioration des perspectives économiques, bien que les écarts de valorisation entre les marchés européens et américains se soient quelque peu réduits en ce début d'année. La valorisation moyenne des entreprises européennes a ainsi légèrement dépassé sa moyenne historique des dix dernières années, atteignant 14,4 fois les bénéfices, bien que la décote reste marquée, notamment dans le secteur financier. Les banques européennes, en particulier, offrent des perspectives rassurantes, affichant une décote de plus de 40 % par rapport à leurs homologues américaines.

Par ailleurs, si le secteur de la défense présente un point d'entrée moins attractif après des performances record de plus de 9 % en février, il demeure un investissement stratégique de long terme. L'annonce surprise du "bazooka allemand" et le soutien massif de l'Europe, avec plus de 800 milliards d'euros consacrés à la relance des investissements, devraient favoriser un réagencement profond des priorités économiques sur le continent.

- Des opportunités sur les marchés financiers chinois et indiens ?

Les récentes annonces du gouvernement chinois témoignent d'une volonté affirmée de stimuler la consommation domestique, avec pour objectif d'atteindre une croissance de 5 % en 2025. Dans un contexte de prudence persistante de la part des investisseurs étrangers, cette relance apparaît comme un facteur clé de l'évolution économique chinoise, bien que son ampleur demeure incertaine.

Malgré de solides performances en fin d'année, les valorisations du marché chinois restent parmi les plus attractives au sein des grandes économies, offrant ainsi des opportunités intéressantes en cas de concrétisation de la relance.

Sur un autre front, le marché indien affiche également un potentiel de redressement. La correction d'environ 20 % de l'indice au cours des cinq derniers mois a créé un contexte d'investissement plus favorable, soutenu par une reprise de l'investissement public et des perspectives macroéconomiques rassurantes.

  • Les marchés financiers obligataires

En février, les principaux segments du marché obligataire ont affiché des performances positives. La baisse des rendements américains s'est propagée à l'ensemble des classes d'actifs, les bons du Trésor américain se distinguant avec un rendement de 2,2 %.

- Des marchés bien orientés

La faiblesse du dollar a soutenu la dette des marchés émergents, qui a généré un rendement de 1,6 %. Ces gains ont confirmé le rôle des obligations mondiales comme instrument de diversification face aux pertes subies par les actions américaines, dans un climat d'incertitude quant aux perspectives économiques des États-Unis.

Par ailleurs, la robustesse des fondamentaux des entreprises a permis aux spreads sur le crédit investment grade de demeurer contenus, contribuant ainsi à une progression de 1,6 % des marchés mondiaux du crédit sur le mois. En revanche, le segment du haut rendement américain a légèrement souffert d'un élargissement des spreads, limitant sa performance à 0,6 %. En Europe, l'optimisme suscité par les espoirs de cessez-le-feu en Ukraine a tempéré la baisse des rendements souverains. Ainsi, les obligations d'État ont enregistré un rendement de 0,7 %, tandis que les spreads sont restés relativement stables.

Le début du mois de mars a toutefois marqué un tournant avec une nette remontée des taux européens, qui ont grimpé d'environ 40 points de base, sans pour autant provoquer un élargissement des spreads français. Cette volatilité a été alimentée par l'annonce d'un plan d'investissement européen d'une ampleur inattendue, impliquant une augmentation significative du financement par endettement. Dans ce contexte, la réaction de la Banque centrale européenne sera déterminante : les coûts de financement actuels en Europe paraissent difficilement soutenables à long terme.

Après deux baisses de taux en début d'année, la BCE semble marquer une pause, maintenant son taux de dépôt autour de 2,50 %. La hausse marquée des taux en mars, bien qu'elle pèse sur la valorisation des obligations, pourrait offrir un point d'entrée intéressant pour les investisseurs orientés vers le crédit, notamment dans un environnement où le soutien institutionnel pourrait favoriser une normalisation progressive des conditions de financement.

- Une position prudente des investisseurs

Suite à la flambée des taux des obligations souveraines européennes, la prudence est de mise sur ce segment. Des clarifications sur le financement des vastes projets d'investissement européens seront nécessaires pour appréhender pleinement les enjeux à venir. Aux États-Unis, l'incertitude entourant la croissance et l'inflation devrait continuer à nourrir une volatilité persistante des taux souverains. De plus, l'impact des politiques économiques sur la résilience des entreprises américaines nous incite à la prudence. Le retournement de l'eurodollar observé lors de la première semaine de mars souligne, par ailleurs, l'importance d'intégrer le risque de change dans les stratégies d'investissement en obligations américaines non couvertes, une exposition qui pourrait s'avérer coûteuse.

Nous maintenons notre préférence pour le portage sur le crédit européen, dont les rendements réels se sont nettement améliorés avec la hausse des taux d'intérêt. Le crédit investment grade (IG) prévaut sur les obligations souveraines, offrant un rendement plus attractif, avec des spreads, bien que resserrés, supérieurs à leur moyenne historique.

- Le segment de qualité privilégié 

Face à la faiblesse de l'activité économique en Europe, nous privilégions l'IG plutôt que le high yield (HY), même si ce dernier peut jouer un rôle de diversification et optimiser le rendement attendu. Nous mettons l'accent sur les entreprises aux bilans solides, capables d'inspirer confiance aux investisseurs. Cette approche nous conduit à favoriser des maturités courtes (inférieures à deux ans) et les émetteurs les mieux notés. L'absence de perspective de récession en 2025 soutient ce segment, bien que sa sensibilité à une éventuelle détérioration économique en Europe reste élevée.

Par ailleurs, les obligations financières ont continué de se distinguer, comme en 2024, en offrant des rendements supérieurs à l'ensemble du segment IG. La dette subordonnée des grandes banques investment grade apparaît particulièrement attrayante : bien qu'une prime de risque subsiste en raison de la hiérarchie des remboursements, le risque est bien maîtrisé grâce à la solidité des émetteurs, renforcée par le durcissement progressif des réglementations bancaires.

  • Les marchés financiers Alternatifs

Dans le cadre de notre approche de gestion prudente, nous continuons de privilégier les stratégies alternatives long/short actions, particulièrement adaptées aux marchés financiers volatils et incertains, où la dispersion est marquée. Les rotations sectorielles s’opèrent à un rythme effréné, tandis que les indices réagissent avec acuité aux annonces des instances politiques, économiques et monétaires.

Dans un tel contexte, ces stratégies se révèlent précieuses, offrant à la fois une protection contre les replis des marchés financiers et un potentiel de surperformance dans des conditions complexes. En exploitant les inefficiences des marchés financiers, elles permettent aux gérants d’adopter des positions longues sur les actions sous-évaluées et des positions courtes sur celles jugées excessivement valorisées. Cette souplesse s'avère essentielle en période de forte volatilité, assurant une précieuse décorrélation vis-à-vis des indices traditionnels.

  • Les Produits structurés

Nous demeurons confiants quant au potentiel des produits structurés, qui offrent une opportunité d’exposition à divers marchés financiers tout en permettant d’ajuster finement le niveau de risque et le rendement cible. La brusque envolée des taux d’intérêt au cours de la première semaine de mars a renforcé l’attrait de certains produits, en particulier ceux adossés aux taux européens. Par ailleurs, la correction observée dans certains secteurs de l’économie américaine pourrait représenter un point d’entrée intéressant pour des structures liées à ces valeurs.

Une fois encore, les produits structurés s’imposent comme une alternative pertinente pour les investisseurs désireux d’accéder au marché actions tout en atténuant la volatilité inhérente à cette classe d’actifs. Leur souplesse en fait une solution stratégique, à la fois pour diversifier et optimiser un portefeuille dans le contexte actuel.

  • Les Actifs non cotés (Private Assets)

L’intérêt des investisseurs institutionnels pour les actifs non cotés ne cesse de croître, malgré un contexte économique marqué par de nombreuses incertitudes. Cette dynamique, portée par la baisse progressive des taux d’intérêt en 2024, favorise également un afflux de capitaux vers des fonds plus accessibles au grand public. Bien que le marché témoigne d’une certaine prudence, notamment face aux incertitudes politiques et économiques, nous demeurons confiants quant au potentiel du private equity.

Les stratégies secondaires se révèlent particulièrement attractives, offrant d’intéressantes perspectives de valorisation. Parallèlement, les fonds de co-investissement occupent une place centrale dans nos priorités, conjuguant optimisation des rendements et contrôle des coûts.

Les stratégies de dette privée, à l’image de la dette mezzanine et du growth buyout, suscitent un intérêt croissant en accompagnant les entreprises en phase de développement. Par ailleurs, le capital-risque connaît un nouvel essor, notamment dans les secteurs technologiques et ceux liés à la transition énergétique, ouvrant ainsi des horizons prometteurs pour les startups les plus innovantes.

- Allocation conseillée

Pour exploiter pleinement le potentiel des investissements non cotés tout en limitant les risques, nous préconisons une stratégie diversifiée et résolument orientée sur le long terme.

Cette approche se décline ainsi :

- Des stratégies secondaires, choisies pour leur stabilité et la robustesse de leurs rendements.

- Une exposition au capital-risque, dans le but de saisir des opportunités à haut rendement au sein de secteurs innovants.

- Des investissements dans le LBO (Leveraged Buyout), afin de tirer parti de l'effet de levier.

- Le growth equity, qui offre l’opportunité de participer à la croissance d’entreprises matures et prometteuses.

- La dette mezzanine, un instrument clé de diversification, grâce à ses rendements attractifs.

Face aux mutations constantes de l’environnement économique, cette allocation vise à allier performance et gestion proactive des risques. Nous demeurons particulièrement vigilants à l’évolution du marché, tout en saisissant les opportunités qu’il présente, notamment dans des secteurs stratégiques tels que la santé et la transition énergétique.

Nos équipes sont à votre disposition pour échanger sur vos projets d’investissement et évaluer, avec vous, leur intérêt, au regard de l’environnement économique et financier, de la structuration de votre patrimoine et de vos objectifs de vie.

 

Les convictions de Scala Patrimoine sur les marchés financiers
Les convictions de Scala Patrimoine sur les marchés financiers

L'Europe pourrait interdire les rétrocessions. La dette privée.

Faut-il investir sur la dette privée en 2025 ?

Depuis la crise financière de 2007, la dette privée est devenue une classe d’actifs incontournable. Profitant de la réticence des banques traditionnelles à octroyer des crédits aux entreprises, notamment sur le segment du mid-market, en raison des contraintes réglementaires strictes imposées par Bâle III, elle s'est affirmée comme une alternative robuste et séduisante.

L'ascension fulgurante de ce marché est incontestable. En l'espace d'une décennie, les encours de la dette privée ont été multipliés par trois, avec un marché aujourd'hui évalué à 1 500 milliards de dollars. Selon les prévisions, l'année 2024 marquera la cinquième année consécutive où les engagements des investisseurs institutionnels dépasseront les 200 milliards de dollars pour la dette privée, consolidant ainsi sa position prééminente dans le paysage financier mondial.

En outre, les projections de Preqin laissent entrevoir un cap symbolique : celui des 2 600 milliards de dollars d'ici 2029.

Mais pourquoi cet engouement croissant pour la dette privée ? Quelles sont les opportunités qu'elle offre et les risques qu'elle comporte ? Si la promesse de rendements supérieurs aux actifs traditionnels attire, la complexité de ce marché et les risques inhérents, tels que le manque de liquidité et la concentration sectorielle, ne doivent pas être sous-estimés.

Plongez dans les coulisses de cette classe d’actifs.

La définition de la dette privée

La dette privée constitue un levier de financement privilégié pour les entreprises en quête de capitaux. Plutôt que de solliciter un prêt bancaire ou d’émettre des obligations sur les marchés financiers, certaines sociétés optent pour un emprunt direct auprès d’investisseurs institutionnels – tels que les compagnies d’assurance ou les fonds de pension – ainsi qu’auprès d’investisseurs privés.

Par extension, la dette privée s’impose également comme une classe d’actifs particulièrement pertinente. Elle offre aux investisseurs une diversification appréciable, tout en leur permettant de bénéficier de rendements attractifs, souvent supérieurs à ceux des instruments financiers traditionnels.

Les différents segments de la dette privée

L’essor de la dette privée a favorisé l’émergence de diverses typologies de financement, chacune se distinguant par des caractéristiques spécifiques. Celles-ci varient en fonction du niveau de risque, des garanties associées et de la durée du financement, offrant ainsi un large éventail d’options adaptées aux besoins des emprunteurs et des investisseurs.

De manière générale, la dette privée englobe plusieurs catégories, allant de la dette senior, qui bénéficie du plus haut degré de protection grâce à des garanties solides, jusqu’aux dettes subordonnées. Ces dernières, bien que plus risquées en raison de leur rang inférieur en cas de défaut, offrent en contrepartie une rémunération plus attractive aux investisseurs.

  • La dette senior

La dette senior s'apparente aux emprunts bancaires classiques. Elle bénéficie de garanties spécifiques qui la placent au premier rang des créances à rembourser en cas de difficulté financière de l’emprunteur. Sa priorité de remboursement en fait une dette relativement sécurisée, ce qui se traduit par un coût d’emprunt plus modéré.

  • L’unitranche

Forme hybride de financement, la dette unitranche est spécifiquement conçue pour les opérations de Leverage Buy-Out (LBO). Elle se substitue à la fois à la dette senior et à la dette subordonnée, simplifiant ainsi la structure du financement. Remboursable in fine, elle est généralement souscrite par des fonds d’investissement spécialisés et affiche un coût intermédiaire entre celui de la dette senior et celui de la dette mezzanine. Son attractivité réside dans la flexibilité qu’elle offre aux emprunteurs, tout en présentant un rendement plus élevé pour les prêteurs.

  • La dette mezannine

La dette mezzanine constitue une forme de dette subordonnée, son remboursement intervenant après celui de la dette senior. Son positionnement intermédiaire entre la dette classique et les fonds propres en fait un instrument de financement prisé dans le cadre de montages financiers sophistiqués. En raison du risque accru qu’elle comporte, elle offre un rendement supérieur et peut, dans certains cas, inclure une rémunération complémentaire sous forme d’intéressement au capital de l’entreprise financée (sous forme de bons de souscription d’actions, par exemple).

  • Les autres dettes subordonnées

Les dettes subordonnées regroupent l’ensemble des créances dont le remboursement est conditionné au règlement préalable de la dette senior. Hormis la dette mezzanine, elles comprennent divers instruments financiers assortis de sûretés de second rang. Leur niveau de risque plus élevé, dû à leur rang de remboursement inférieur, se traduit par une rémunération plus attractive pour les prêteurs. Les fonds les utilisent pour compléter les financements existants ou pour accroître l’effet de levier d’une opération.

Les motivations des entreprises et des investisseurs

La dette privée offre de multiples avantages, tant pour les entreprises que pour les investisseurs. En effet, elle constitue une source de financement alternative, permettant aux entreprises de diversifier leurs sources de capitaux et de se prémunir contre la volatilité des marchés financiers publics. Pour les investisseurs, elle représente une opportunité d'obtenir des rendements attractifs, souvent supérieurs à ceux des obligations cotées.

  • Pour les entreprises

Bien que nettement plus onéreuse que la dette bancaire traditionnelle, la dette privée continue de susciter l’adhésion des entreprises, en particulier celles évoluant dans l’univers du private equity. Ce mode de financement, prisé des acteurs les plus avertis, présente des avantages indéniables qui expliquent son succès croissant.

En effet, il se distingue avant tout par sa rapidité de mise en place et sa capacité à être entièrement personnalisée, que ce soit en termes de conditions, de montants ou de durées. Cette flexibilité permet aux entreprises de répondre avec agilité à leurs besoins spécifiques, qu’il s’agisse de financer une croissance organique, de réaliser une acquisition stratégique, de mener à bien une opération de transmission ou encore de refinancer une dette existante dans des conditions plus favorables.

Les investisseurs privés, ou fonds d'investissement, misent notamment sur leur capacité à proposer des structures financières souples et sur mesure. Ces dernières permettent une adaptation fine aux exigences des entreprises, là où les institutions bancaires, soumises à des régulations prudentielles strictes, peinent à offrir une telle flexibilité.

Et comme le souligne un acteur familier de cette classe d’actifs : « les atouts de la dette privée sont d’autant plus marquée en période de turbulences économiques, où les entreprises ont besoin de solutions rapides et adaptées pour naviguer dans un environnement incertain ».

  • Pour les particuliers

Dans un contexte de baisse des taux et de spreads moins attrayants, les grands investisseurs cherchent à apporter de leur diversification à leur patrimoine, et notamment leur poche obligataire. La dette privée propose, en effet, une très faible corrélation avec les marchés cotés traditionnels, en raison de la nature personnalisée des transactions.

- Un soutien à l’économie réelle

Les fonds de dette privée offrent un accès privilégié à l’économie réelle, permettant ainsi aux investisseurs de participer activement au financement des petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Par leur engagement financier, ces investisseurs ne se contentent pas seulement de chercher un rendement, mais contribuent également à dynamiser la croissance économique et à soutenir la création d’emplois.

« Les entreprises qui bénéficient de ce type de financement sont souvent issues de secteurs jugés résilients et peu sensibles aux fluctuations économiques, comme les logiciels, la santé, l’éducation ou encore les services financiers. » précise d’ailleurs Franck Sabbah, responsable du développement des activités de gestion d’actifs en Europe continentale au sein de la banque Berenberg, sur B smart TV.

Ces domaines, souvent porteurs d’innovation, sont au cœur des transformations sociétales. En investissant dans ces secteurs, les fonds de dette privée soutiennent ainsi des acteurs essentiels à la modernisation de l’économie.

Les secteurs faisant appel à la dette privée
Les secteurs faisant appel à la dette privée

- Une « prime d’illiquidité »

Le plus souvent, la somme prêtée est remboursée in fine, c’est-à-dire à l’échéance du terme défini, généralement compris entre cinq et dix ans. Selon Franck Sabbah, la dette privée se distingue par une liquidité moindre : « ces fonds présentent des périodes d’investissement et de "lock-up" qui s’étendent de sept à dix ans, obligeant ainsi les investisseurs à adopter une vision à long terme. En contrepartie, ces derniers bénéficient d’une prime d’illiquidité, comparativement aux obligations d’entreprises cotées, ce qui se traduit par des rendements plus élevés. En Europe, les rendements sont généralement évalués au taux de l’Euribor, auquel s’ajoutent entre trois et six points pour la portion la plus défensive du portefeuille, et jusqu’à douze points pour la partie la plus offensive. »

Les fonds de dette privée, par nature, sont des fonds distributifs. Cela signifie que les intérêts générés sont régulièrement distribués aux investisseurs, sur une base mensuelle, trimestrielle ou annuelle, selon les modalités définies au préalable. Le montant des intérêts dépend directement des risques associés à l’entreprise emprunteuse et de la qualité de la garantie fournie. Cette régularité dans les paiements génère ainsi un rendement stable, un facteur particulièrement apprécié des investisseurs à la recherche de sécurité et de rentabilité.

Les Performances de la dette privée
Les Performances de la dette privée

- Une protection contre l’inflation

Une autre caractéristique non négligeable de ces investissements est leur capacité à offrir une protection contre l’inflation. Comme le souligne Emilie Buttiaux, directrice générale d’Archinvest, « les prêts en dette privée sont souvent à taux variable, ce qui constitue un avantage indéniable face à l’inflation et aux hausses des taux d’intérêt, contrairement aux obligations à taux fixe. » Cette flexibilité des taux permet aux investisseurs de se prémunir contre l'érosion du pouvoir d'achat, offrant ainsi une couverture supplémentaire dans un environnement économique incertain.

Ainsi, bien que la dette privée présente un certain degré de complexité et d’engagement à long terme, elle offre des avantages indiscutables, tant en termes de rendement que de sécurité contre les fluctuations économiques.

Une dynamique positive pour la dette privée

Dans un environnement économique et géopolitique en constante évolution, marqué par des bouleversements multiples, l’activité des fonds de dette privée a connu un ralentissement logique en 2023, après deux années exceptionnelles en 2021 et 2022.

  • L’heure du rebond

Une étude récemment publiée par PitchBook montre un marché de la dette privée en voie de normalisation. « Depuis le pic de 2021 à 86 milliards d'euros, les levées de fonds de crédit en Europe sont revenues à leur niveau pré-Covid : environ 50 milliards d'euros ont été mobilisés l’an dernier, un montant stable par rapport à 2023, et comparable à celui des années 2019-2020. »

Le durcissement des conditions de financement, combiné à une incertitude économique persistante, a logiquement conduit à un allongement des délais de réalisation des opérations et à une diminution du nombre de transactions concrétisées, notamment dans le secteur large cap, plus sensible aux fluctuations du marché.

Cependant, les observateurs notent une reprise de l’activité au second semestre 2023. Les levées de fonds et les investissements demeurent ainsi historiquement élevés, un signe d’une résilience certaine du secteur. La dette privée, en particulier, a tiré profit des récentes dislocations des marchés actions et obligataires, consolidant sa position en tant que source privilégiée de financement dans un contexte d’incertitude.

  • Une classe d’actifs résiliente, mais pas sans risque

Franck Sabbah met en lumière les vertus de la dette privée face aux turbulences des marchés financiers, soulignant l’exceptionnelle résilience de cette classe d’actifs. « L’année 2022 a été marquée par un véritable krach des marchés obligataires cotés. En revanche, la dette privée, en tant que classe d’actifs illiquide et valorisée à une fréquence différente, a su offrir une stabilité relative aux investisseurs, écartant les phénomènes de panique généralement observés sur les marchés plus liquides. »

- La dette privée, plébiscitée en période d'incertitude

Grâce à ses caractéristiques intrinsèques, la dette privée a démontré sa capacité à maintenir l’équilibre dans des périodes d’instabilité économique marquées par des crises financières mondiales, des hausses de taux d’intérêt et des tensions géopolitiques croissantes.

Un point de vue partagé par Hamza Filali, Managing Director, Dette Privée Européenne chez MSIM Morgan Stanley, qui précise : « La dette privée répond particulièrement bien aux défis du contexte économique et géopolitique actuel, notamment face au conflit commercial entre la Chine et les États-Unis. Grâce à des taux d’intérêt variables, elle peut mieux amortir les chocs de volatilité et affiche une variation plus stable à travers les cycles économiques. »

- Une inquiétude sur les entreprises européennes ?

Cependant, de nombreux gestionnaires de fonds mettent en garde contre les risques inhérents à la dette privée. Bien que, jusqu’à présent, ces risques aient été relativement maîtrisés, l’augmentation des taux de défaut pourrait se précipiter dans un contexte économique de plus en plus morose, en particulier dans la zone euro. En outre, les agences de notation pourraient être amenées à ajuster leurs prévisions. Une telle évolution pourrait surprendre les investisseurs, qui se verraient alors confrontés à des ajustements brusques dans leurs portefeuilles.

Emilie Buttiaux, directrice générale d'Archinvest, note tout de meme que les investisseurs bénéficient d'une meilleure protection que l'equity. « En effet, en tant que créanciers, ils occupent une position prioritaire dans la structure de capital d'une entreprise. Cela leur garantit un remboursement prioritaire par rapport aux actionnaires en cas de défaut ou de liquidation. »

Un potentiel intact pour 2025 ?

Sur l'ensemble des marchés du Private Market, les niveaux de Dry Powder (la "poudre sèche"), qui désignent l'ensemble des fonds engagés mais non encore appelés par les sociétés de gestion, n'ont jamais atteint de tels sommets.

  • Des capitaux à investir

Les GPs (General Partners) se trouvent aujourd'hui à la tête d'un véritable trésor de guerre non investi, qu'ils devront, à un moment ou à un autre, déployer.

« Si les taux d'intérêt diminuent et si les banques centrales parviennent à orchestrer un atterrissage en douceur de l'économie, avec une inflation qui se stabilise, conjuguée à l'absence de tout autre choc macroéconomique, alors la situation sur le segment du Private Market devrait se normaliser », anticipe un analyste.

Kevin Egan, gérant de portefeuille principal et co-responsable du crédit chez Invesco, présente ses perspectives sur cette classe d'actifs et se montre confiant pour les entreprises : « Pour 2025, nous prévoyons une nouvelle année où les rendements des prêts dépasseront la moyenne, grâce à un environnement de risque favorable, alimenté par une inflation et des taux d'intérêt plus faibles. La baisse des taux a pour effet de renforcer les fondamentaux des émetteurs de prêts, à mesure que les charges d'intérêt diminuent, ce qui atténue le risque de défaut et de perte de crédit. »

  • Des vents favorables ?

Un optimisme que partage Ron Kantowitz, directeur de la gestion dette privée chez Invesco, qui apporte un éclairage complémentaire : « Nous demeurons optimistes quant à l'avenir des prêts directs en 2025, en raison des vents favorables attendus, tant sur le plan macroéconomique que du déploiement des capitaux. »

« La récente baisse des taux rend certes le marché plus compétitif face aux acteurs bancaires, mais cela ne modifie en rien les équilibres fondamentaux, ni la montée en puissance du financement privé », ajoute Mike Dennis, Partner et Co-Head of European Credit chez Ares Management Corporation, dans les colonnes du journal Les Echos : « Plus que l'évolution des taux, ce qui soutient la croissance de notre marché, c'est la régulation croissante des banques, notamment les règles de Bâle. Et ces contraintes, loin de disparaître, vont perdurer. »

Dans cette perspective, le dirigeant d'Ares Management anticipe une reprise mondiale de la demande pour ce type de financement. L'environnement des fusions et acquisitions (M&A) dans le segment des entreprises de taille intermédiaire (mid-market) semble particulièrement propice et devrait confirmer le rebond amorcé à la fin de l'année dernière.

Les levées de fonds moteurs

L'attrait croissant des investisseurs pour la dette privée s'est concrétisé par des levées de fonds d'une ampleur sans précédent.

  • La plus grande levée de fonds de l'histoire en Europe

Le gestionnaire d'actifs Ares Management a ainsi réalisé la plus importante levée de fonds de l'histoire du crédit privé en Europe, collectant la somme colossale de 17 milliards d'euros pour financer des entreprises sur le Vieux Continent.

Cette levée de fonds arrive seulement quatre mois après celle orchestrée par la société britannique ICG, qui avait, de son côté, réuni 15,2 milliards d'euros pour son véhicule dédié à la dette privée. Ces deux événements témoignent de l'essor rapide du marché de la dette privée, qui devient un pilier incontournable des stratégies d'investissement à l'échelle mondiale.

  • La France, 1er marché européen

En France, les sociétés de gestion n'ont pas tardé à emboîter le pas. Selon les données du Private Debt Deal Tracker de Deloitte, le marché français demeure particulièrement dynamique, permettant à la France de s'imposer, en 2023 (voir schéma ci-dessous), comme le premier pays européen en nombre d'opérations, devançant ainsi le Royaume-Uni. Ainsi, 170 opérations ont été comptabilisées en France, contre 158 outre-Manche, soulignant l'engouement pour les solutions de financement privées dans l’hexagone.

Au cours des 12 derniers mois, plusieurs acteurs majeurs ont contribué à cette dynamique. La Caisse d'Épargne, par exemple, a lancé un fonds de dette privée de 535 millions d'euros, dédié au financement du développement des entreprises de taille intermédiaire (ETI) en région. De son côté, CAPZA a annoncé avec succès la levée de son fonds CAPZA 6 Private Debt, doté d'une capacité d'investissement de 2,5 milliards d'euros, ciblant principalement des entreprises en croissance ou en transformation.

En outre, des acteurs comme Andera Partners ou Alcentra continuent d'afficher une dynamique solide, renforçant l'attractivité de la dette privée en France. Ces sociétés, grâce à leur expertise et à leurs fonds bien structurés, participent activement à l’expansion de ce marché, qui ne cesse de se diversifier et de se sophistiquer.

Les Levées de fonds en France en 2023

Comment bien sélectionner les gérants de dette privée ?

Dans l’univers du non coté, et plus particulièrement en matière de dette privée, le choix des gérants revêt une importance capitale. En effet, les écarts de performance entre les fonds classés dans le premier et le dernier quartile sont considérables, rendant la sélection d’autant plus déterminante.

Nous vous recommandons ainsi d’opter pour une société de gestion ayant fait preuve de solidité à travers les cycles économiques et bénéficiant du soutien d’investisseurs institutionnels de renom sur plusieurs millésimes. Il est également essentiel d’évaluer la capacité des gérants à générer de la performance aussi bien en période de forte croissance qu’en temps de récession.

Le principal risque lié à la dette privée est celui du défaut de paiement, autrement dit, la possibilité que l’emprunteur ne soit pas en mesure d’honorer ses engagements. Il convient donc de privilégier des équipes de gestion stables, affichant des performances régulières et capables de limiter le taux de défaut des entreprises en portefeuille. Une approche rigoureuse, incluant la prise de garanties adaptées, permettra par ailleurs d’optimiser le recouvrement des investissements dans les meilleures conditions.

Prenez le temps d’analyser en détail leur historique de performance. Et n’hésitez pas à challenger leur méthodologie de sélection des entreprises.

Enfin, portez une attention particulière au système de rémunération et à l’alignement des intérêts entre la société de gestion et ses investisseurs. Une répartition équilibrée du carried interest entre les équipes est également un gage d’engagement et de motivation à long terme.

>Nos équipes sont à votre disposition pour échanger sur vos projets d’investissement et évaluer, avec vous, leur intérêt, au regard de l’environnement économique et financier, de la structuration de votre patrimoine et de vos objectifs de vie.


RRomane Azzopardi, responsable des investissements chez Scala Patrimoine évoqué la situation économique en Europe et dans le monde.

Romane Azzopardi (Scala Patrimoine) : « L’Europe doit transformer ses ambitions en actions »

Le début de l’année s’est révélé particulièrement prolifique sur les marchés financiers, notamment en Europe. Les indices européens, à l’instar du CAC 40, ont enregistré une ascension notable, progressant de près de 10 %, tandis qu’aux États-Unis, le S&P 500 a engrangé un gain d’environ 3 %. Toutefois, la menace de nouveaux droits de douane, brandie par le président américain Donald Trump, demeure un facteur d’incertitude. Cette menace s’est concrétisée par l’imposition de taxes visant spécifiquement la Chine. Romane Azzopardi, responsable de la gestion financière chez Scala Patrimoine, analyse ces grandes tendances économiques mondiales avant d’examiner les principaux risques pesant sur les marchés boursiers.

Scala Patrimoine. Le retour de Donald Trump au pouvoir va-t-il se traduire par une relance économique ou marquer-t-il le début d’une guerre commerciale ?

Romane Azzopardi. Depuis son retour à la tête des États-Unis, Donald Trump enchaîne les annonces économiques, dont l’effet sur les marchés ne s’est pas fait attendre. Depuis sa victoire aux élections présidentielles, la réaction des investisseurs est largement positive, les valeurs américaines étant soutenues par l’anticipation d’une politique favorable à l’activité économique.

Son programme, baptisé "Maganomics", repose sur trois axes majeurs : une relance industrielle accompagnée de baisses d’impôts pour les entreprises américaines, un durcissement des politiques migratoires et une politique commerciale agressive visant l’ensemble des partenaires des États-Unis. Les premières mesures ne se sont pas fait attendre : Trump a récemment signé un décret instaurant des droits de douane de 25 % sur toutes les importations d’acier et d’aluminium, affectant sans distinction des partenaires clés comme le Canada, le Mexique et l’Union européenne.

La Chine est également visée, avec une hausse immédiate de 10 % des droits de douane sur l’ensemble des biens chinois importés aux États-Unis.
Si ces mesures visent à protéger l’industrie américaine, elles pourraient aussi engendrer des tensions commerciales. En réponse, les pays touchés pourraient adopter des mesures de rétorsion, ce qui risquerait d’alourdir les échanges internationaux et, à terme, de freiner la croissance économique des États-Unis.

Scala Patrimoine. Entre une croissance qui ralentit à l’échelle mondiale et les pressions inflationnistes persistantes, l’équilibre économique semble fragile.

Romane Azzopardi. À court terme, les mesures prises par l’administration Trump devraient stimuler la croissance, en soutenant l’emploi et l’investissement domestique. C’est d’ailleurs cette dynamique qui alimente l’optimisme des marchés en ce début d’année.
Cependant, cette dynamique pourrait rapidement se heurter à des tensions inflationnistes. La Réserve fédérale (Fed), consciente des risques, a déjà marqué une pause dans la baisse de ses taux, laissant planer un doute sur ses décisions futures. Si l’inflation repart à la hausse et que le déficit public – déjà proche des 7 % du PIB – continue de se creuser, la banque centrale pourrait se voir contrainte d’adopter une posture plus restrictive qu’anticipé.

Dans ce contexte, les marchés surveilleront de près l’évolution des prix et la résilience du marché de l’emploi.
Les perspectives de croissance pour 2025 demeurent solides, et les attentes concernant la progression des bénéfices constituent un soutien majeur pour Wall Street. Mais les incertitudes sont nombreuses : quelle sera l’ampleur et l’efficacité des mesures mises en place ? Quelle sera la réaction de la Fed ? Et surtout, comment le reste du monde réagira-t-il face à ces nouvelles politiques ?
Si certaines puissances économiques optent pour des mesures de rétorsion, notamment commerciales, l’impact sur la consommation américaine pourrait être significatif et, à terme, ralentir la dynamique de croissance des États-Unis.

« En Europe, l’investissement reste le véritable défi »

Scala Patrimoine. Faut-il s’inquiéter pour l’économie européenne ?

Romane Azzopardi. Les marchés européens affichent aujourd’hui une décote historique par rapport aux valeurs américaines. Ce déséquilibre ne traduit pas seulement une différence de perception des investisseurs, mais aussi un écart économique qui ne cesse de se creuser.

L’Europe peine à retrouver une dynamique de croissance, freinée par la faiblesse de ses deux principales économies. L’Allemagne, en récession pour la deuxième année consécutive, subit la pression d’un secteur industriel en difficulté et d’une demande chinoise en déclin. Quant à la France, elle fait face à une instabilité politique persistante dans un contexte budgétaire tendu, ce qui érode la confiance des investisseurs. Cela dit, certains facteurs pourraient contribuer à stabiliser la situation dans les mois à venir : la Banque centrale européenne (BCE) a amorcé un cycle de baisses de taux, avec trois nouvelles réductions prévues en 2025, tandis que l’inflation sous-jacente s’est stabilisée depuis quelques mois, allégeant ainsi le coût du financement pour les entreprises et stimulant potentiellement l’investissement. L’Allemagne pourrait, quant à elle, engager un tournant budgétaire après les élections législatives, offrant ainsi davantage de flexibilité pour relancer certains secteurs industriels stratégiques.

Scala Patrimoine. Quel sera le principal défi de l'Europe ?

Romane Azzopardi. L’investissement reste le véritable défi. L’administration Trump prévoit 500 milliards de dollars pour développer l’intelligence artificielle, et l’Europe affiche également sa volonté d’accélérer le développement de l’innovation. L’enjeu pour l’Europe sera de transformer ses ambitions en actions concrètes pour espérer combler son retard technologique et productif face aux États-Unis.

À cela s’ajoute un environnement commercial de plus en plus incertain. Si les politiques protectionnistes de Trump se durcissent, l’Europe risque d’en payer le prix, notamment dans ses secteurs industriels et automobiles déjà fragilisés.
Cependant, cette menace peut être relativisée. Les entreprises d'Europe exportatrices profitent d’un euro affaibli, ce qui renforce leur compétitivité. De plus, nombre d’entre elles ont déjà ajusté leur stratégie en renforçant leur présence aux États-Unis et en localisant une partie de leur production sur place.

« La marge de manœuvre de la Fed dépendra des effets réels des politiques de Trump sur l’économie »

Scala Patrimoine : La Chine peut-elle résoudre les équations économiques et sociétales qui lui sont posées ?

Romane Azzopardi. L’économie chinoise a connu une année 2024 mouvementée, oscillant entre des signaux positifs sur les marchés financiers et des défis persistants sur le plan macroéconomique.

D’un côté, les mesures de relance mises en place par Pékin – baisse des taux, assouplissement monétaire et soutien aux gouvernements locaux – ont permis un rebond des marchés actions chinois, qui ont surperformé l’Inde pour la première fois en trois ans.
D’un autre côté, les faiblesses structurelles demeurent : le secteur immobilier reste en crise, avec une demande faible et un stock d’invendus toujours trop élevé. La consommation intérieure peine à redémarrer, freinée par la prudence des ménages et le chômage des jeunes. Les tensions avec les États-Unis pourraient aussi s’intensifier si Trump applique de nouveaux droits de douane sur les importations chinoises.
Dans ce contexte, la Chine pourrait chercher à diversifier davantage ses exportations en renforçant ses liens avec l’Asie du Sud-Est, accentuant ainsi sa dépendance à la demande externe.

Scala Patrimoine. Quels sont les principaux risques qui pourraient impacter les marchés à court terme ?

Romane Azzopardi. Parmi les principaux risques pesant sur les marchés financiers, cinq méritent d’être évoqués.
En premier lieu, le risque d’escalade de guerre commerciale. Un climat protectionniste sous haute tension pèse sur le monde. L’intensification des mesures tarifaires de Trump pourrait entraîner des représailles de la Chine et de l’Europe, pesant sur les échanges mondiaux et accroissant l’incertitude pour les entreprises exportatrices.

En second lieu, les taux d’intérêt et la politique monétaire américaine. La Fed devra jongler entre soutien à la croissance et risque inflationniste. Sa marge de manœuvre dépendra des effets réels des politiques de Trump sur l’économie.

Le troisième facteur de risque porte sur les résultats des entreprises. Les attentes sont élevées et placent les entreprises sous pression. Les prévisions de bénéfices restent ambitieuses, mais le risque de déception demeure, notamment aux États-Unis.

Le quatrième risque repose sur la politique budgétaire européenne. Le potentiel de relance étant limité par des contraintes fiscales en France et en Allemagne, les marges de manœuvre budgétaires sont réduites, limitant ainsi la capacité des gouvernements à stimuler l’économie face aux défis de croissance et d’investissement.

Enfin, la Chine et sa trajectoire économique posent question. Une stabilisation pourrait créer des opportunités, mais les tensions avec les États-Unis restent un facteur d’incertitude majeur.