Paris Match : les enjeux de l'expatriation

Paris Match : expatriation et placements financiers, les conseils de Guillaume Lucchini

Changer de pays, c’est embrasser une aventure exaltante… mais ce choix peut profondément bouleverser la gestion de votre patrimoine. Certains produits d’investissement français, par exemple, ne sont pas reconnus à l’étranger. Tandis que les règles fiscales locales peuvent remettre en question votre stratégie financière. Interrogé par les journalistes Léo Monégier et Silvia Simao, Guillaume Lucchini, associé fondateur du cabinet Scala Patrimoine, décrypte les enjeux liés à l'expatriation et livre ses recommandations dans une interview exclusive pour Paris Match.

Expatriation : une analyse au cas par cas s’impose

Tous les expatriés ne partagent pas les mêmes réalités ni les mêmes contraintes, qu’elles soient d’ordre fiscal ou financier. Chaque situation mérite donc une étude personnalisée. « Avant tout départ, il est essentiel d’examiner en détail ses placements afin d’en vérifier la compatibilité avec ses projets de vie. Par exemple, l’ouverture d’un PEA (Plan d’Épargne en Actions) est interdite depuis l’étranger. Toutefois, si ce plan a été ouvert avant le départ de France, il peut être conservé. A la condition cependant de ne pas résider dans un État ou territoire non coopératif sur le plan fiscal », avertit Guillaume Lucchini.

Autre point crucial : la gestion de la résidence principale lors d’un départ à l’étranger. Fiscalement, un bien immobilier perd son statut de résidence principale dès lors que son occupant passe moins de 185 jours par an en France. A fortiori s’il est mis en location. « Cependant, la législation accorde une certaine latitude aux expatriés en leur permettant de vendre ce bien dans un délai d’un an après leur départ, tout en bénéficiant d’une exonération sur les plus-values immobilières », précise le fondateur de Scala Patrimoine.

Le rôle stratégique de l’assurance-vie luxembourgeoise

Si l’assurance-vie reste un pilier de l’épargne en France, son régime fiscal particulier peut entrer en conflit avec celui du pays d’accueil. Une solution existe cependant : l’assurance-vie luxembourgeoise. Elle est plus souple et s’adapte mieux aux contraintes fiscales locales.

« Ce type de contrat, généralement accessible à partir de 250 000 euros, permet d’investir dans la devise de son choix », explique Guillaume Lucchini. Il précise : « Il peut s’agir de l’euro ou d’une autre monnaie. » Il met toutefois en garde : « Chaque pays appliquant ses propres règles, il est essentiel de rester vigilant. » Par exemple, en Espagne, si aucune garantie décès complémentaire n’a été souscrite, le contrat peut être assimilé à un simple compte-titres. Dans ce cas, il perd ses avantages fiscaux.

L’immobilier, un placement toujours prisé dans le cadre d'une expatriation

L’investissement immobilier reste une valeur refuge, même pour les expatriés. Un expatrié bénéficie généralement de revenus confortables. « Cela lui permet d’avoir une capacité d’épargne solide. Pour optimiser ses placements, il peut utiliser l’effet de levier du crédit. En France, les taux fixes sont encore largement disponibles. Contrairement à d’autres pays, ces taux sont attractifs pour ceux ayant une forte capacité d’emprunt. » conclut Guillaume Lucchini.


Guillaume Lucchini évoque le métier de multi family-office dans le cadre de l'événement Talent for Finance

Le multi-family office, un modèle d’avenir selon Scala Patrimoine

Le 1er avril, L’Agefi a réuni près de mille participants lors du Salon des carrières dans la finance, Talent for Finance. Étudiants, jeunes actifs et professionnels s’y sont retrouvés pour échanger autour des métiers de la finance. Guillaume Lucchini, fondateur du multi-family office Scala Patrimoine, faisait partie des intervenants. Il y a partagé sa vision de l’évolution des métiers du conseil en gestion de patrimoine.

Multi-family office : les enjeux d’un métier d’exigence

Interrogé par Ludivine Garnaud, rédactrice en chef des événements du groupe Agefi, Guillaume Lucchini a donné sa définition du multi-family office.
« C’est un cabinet de conseil qui accompagne les familles dans la gestion, l’organisation et la transmission de leur patrimoine. » Selon lui, une condition est indispensable pour exercer ce métier : « Proposer un accompagnement totalement indépendant, sans conflit d’intérêts, reposant sur une rémunération exclusivement fondée sur les honoraires. »

Hélas, constate-t-il, le mot “conseil” est souvent galvaudé. Ce métier, historiquement lié aux établissements bancaires, s’est longtemps limité à la distribution de produits financiers. Dans ce cadre, la rémunération provenait essentiellement de la vente. « Issu du monde du droit, j’ai toujours été convaincu que le conseil devait incarner l’indépendance, l’absence de conflits d’intérêts et une réelle valeur ajoutée », confie-t-il.

La demande pour un accompagnement sincère, structurant et transparent ne cesse d’augmenter. Ce besoin est particulièrement fort chez les chefs d’entreprise.
« J’ai fondé Scala Patrimoine en m’inspirant du modèle des avocats. Le conseil ne doit pas être biaisé par des enjeux commerciaux liés à la vente de produits financiers. Grâce à une rémunération transparente et fondée sur les honoraires, nos clients nous paient directement. Nous ne sommes donc redevables ni à un assureur, ni à une société de gestion. »

Le rôle du family officer repose aussi sur une collaboration étroite avec des experts extérieurs. Il travaille avec des professionnels du chiffre et du droit : experts-comptables, notaires ou avocats. Cette synergie crée une véritable valeur ajoutée pour les clients.

Les métiers du patrimoine : un avenir prometteur

À l’image des professions juridiques, les métiers liés à la gestion de patrimoine embrassent toutes les dimensions de la vie de leurs clients — bien au-delà des seules questions financières auxquelles on les a trop souvent cantonnés. « On oublie que le cœur de notre métier est avant tout de protéger nos clients, de les sécuriser face aux aléas de l’existence : perte d’emploi, incapacité, décès… »

Pour Guillaume Lucchini, la gestion de patrimoine se rapproche du droit par sa dimension réflexive et structurante : « Les objectifs de nos clients, leurs envies, leurs projets évoluent avec le temps. Il faut être en mesure d’accompagner cette temporalité. »

Un virage technologique

L’avenir de la profession, selon lui, s’annonce sous les meilleurs auspices. Dans un cadre juridique et fiscal en constante évolution, les opportunités sont nombreuses. Toutefois, le métier devra se repenser à l’aune des révolutions technologiques en cours. « L’émergence du digital et de l’intelligence artificielle nous invite à réinventer notre rôle. Les clients n’auront plus besoin d’un professionnel pour souscrire un fonds indiciel. En revanche, ils auront plus que jamais besoin d’un accompagnement humain, structuré, indépendant. »

Le fondateur de Scala Patrimoine est convaincu que le métier tendra vers un modèle davantage inspiré du multi-family office : un accompagnement global, centré sur l’organisation, la structuration et la transmission.

La notion d’indépendance et de transparence sera donc cruciale. « De plus en plus de jeunes font le pari d’un métier d’accompagnement, rémunéré directement par le client, et porteur de valeur ajoutée juridique et fiscale. C’est ainsi qu’émergera une nouvelle génération de professionnels formés avec exigence, prêts à exercer la profession qu’ils désirent : bien loin du rôle de simples vendeurs de produits », conclut-il.


La campagne de déclaration de l'impôt sur le revenu 2022

Impôts 2025 : calendrier de la déclaration, barème, taux individualisé… Ce qui change

Le service en ligne de déclaration des revenus est officiellement ouvert depuis le 10 avril 2025. Comme chaque année, les contribuables sont invités à s’acquitter de leur devoir fiscal en respectant un calendrier précis.

Les dates de déclaration

Le portail de déclaration en ligne, accessible via le site impots.gouv.fr, est ouvert depuis le 10 avril. Selon leur département de résidence, les contribuables disposent d’un délai s’étendant jusqu’au 5 juin 2025 pour remplir leur déclaration de revenus de 2024. Ce calendrier s’applique également à l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI), dont les échéances demeurent identiques.

Les usagers optant pour une déclaration papier devront, quant à eux, veiller à l’envoyer avant le 20 mai 2025.

Sauf cas particuliers, l’avis d’imposition sera adressé aux contribuables entre le 25 juillet et le 1er août 2025.

Dates de déclaration de l'impôt sur le revenu et de l'IFI
Dates de déclaration de l'impôt sur le revenu et de l'IFI

Impôts sur le revenu : un barème réajusté

Conformément aux dispositions du budget 2025, les tranches du barème de l’impôt sur le revenu ont été revalorisées de 1,8 %. Et ce afin de compenser l’effet de l’inflation sur les foyers. D’après le ministère de l’Économie et des Finances, près de 619 000 foyers fiscaux sortiront ainsi du champ de l’imposition sur le revenu.

Barème de l'impôt sur le revenu 2025
Barème de l'impôt sur le revenu 2025

Les contribuables peuvent dès à présent utiliser le simulateur officiel de calcul de l’impôt 2025, basé sur les revenus perçus en 2024. Cet outil leur permettra d’obtenir une estimation du montant à régler ainsi que de leur revenu fiscal de référence. Ce simulateur tient compte des nouvelles tranches d’imposition.

Vérification et correction de la déclaration d'impôts 

Qu’elle soit effectuée en ligne ou sur papier, la déclaration de revenus est préremplie des informations connues de l’administration fiscale. Il appartient toutefois au contribuable de vérifier leur exactitude — notamment en ce qui concerne la situation familiale, l’adresse ou les montants indiqués — et, le cas échéant, de corriger ou compléter les données (revenus supplémentaires, charges déductibles, réductions ou crédits d’impôt).

Par ailleurs, ceux ayant télédéclaré dans les délais bénéficieront d’un droit à rectification : le service dit de « télécorrection » sera accessible du 30 juillet au 3 décembre 2025 inclus, permettant ainsi de modifier la déclaration après réception de l’avis d’imposition.

L’an dernier, l’administration fiscale a détecté 16 milliards d’euros de fraudes, dont 11 milliards ont pu être recouvrés.

Taux individualisé : une évolution majeure

Parmi les nouveautés notables figure la généralisation du taux individualisé pour les couples mariés ou pacsés, soumis à l’imposition commune. Dès septembre 2025, ce taux s’appliquera par défaut, sur la base des données issues de la déclaration effectuée ce printemps.

Lors d’une conférence de presse, Amélie de Montchalin, ministre chargée des Comptes publics, a souligné l’enjeu de cette réforme : « C’est le fruit d’une volonté de corriger les inégalités concrètes dans la vie des Français. Cette mesure permet une répartition plus équitable de l’impôt au sein des foyers fiscaux, en tenant compte des écarts de revenus entre conjoints, sans altérer le montant global dû par le couple. »

Jusqu’alors, le taux par défaut imposait une répartition à parts égales. Ce système pénalisait souvent le conjoint aux revenus les plus modestes. Désormais, chaque membre du couple se verra appliquer un taux de prélèvement ajusté à ses revenus personnels.

Toutefois, ceux souhaitant conserver le taux unique de foyer pourront en faire la demande lors de leur déclaration. La ministre a confirmé cette possibilité : « Ceux qui veulent continuer à utiliser un taux unique pourront évidemment le faire. Mais la norme devient le taux individualisé. Cela concerne environ 10 millions de foyers, soit 20 millions de personnes. »

L’essor de l’application mobile

La déclaration via mobile connaît un engouement croissant. En 2024, près de 500 000 Français ont déclaré leurs revenus exclusivement via tablette ou smartphone. Face à ce succès, l’administration a renforcé les fonctionnalités de l’application mobile.

Comme l’a annoncé Amélie de Montchalin, « il est désormais possible d’y changer son adresse ou de modifier une déclaration déjà signée, que ce soit via le site internet ou l’application. »

impots.gouv.fr


Les marchés financiers prouvent une nouvelle fois leur dépendance aux décisions des banques centrales. L'économie résiste, quant à elle, trés bien.

Le rendez-vous des marchés financiers - Avril 2025

Marchés financiers & économie : les points clés

  • Les marchés financiers décrochent violemment. La hausse des droits de douane inquiètent les investisseurs.
  • Le 2 avril dernier, Donald Trump a mis ses menaces à exécution en imposant une augmentation des droits de douane sur les produits en provenance de ses principaux partenaires commerciaux. Les taux personnalisés sont toutefois gelés, à l'exception de celui applicable à la Chine.
  • L'Allemagne déploie un plan de relance d'envergure, consacrant 500 milliards d'euros à la modernisation de ses infrastructures et au renforcement de son secteur de la défense.
  • La Réserve fédérale d'Atlanta a, une nouvelle fois, révisé à la baisse ses prévisions de croissance du PIB américain pour le premier trimestre 2025, désormais estimé à -3,7 %.
  • Les signes annonciateurs d’une récession se précisent : les pressions inflationnistes persistent, la Fed dispose de marges de manœuvre limitées, la hausse des droits de douane fragilise les chaînes logistiques et pèse sur la consommation, tandis que les entreprises devront inévitablement répercuter ces coûts sur leurs prix.

Quelles performances sur les marchés financiers ?

  • La peur gagne les marchés financiers US

Une grande nervosité plane de nouveau sur les marchés financiers. Le VIX, indice mesurant la volatilité et communément surnommé "indice de la peur", a bondi de près de 30 points en quelques jours, atteignant un pic de 57,30 %.

Les investisseurs s'inquiètent des décisions politiques de Donald Trump, notamment à travers les projets de hausses drastiques des droits de douane. Ces dernières semaines, les grands indices boursiers se sont écroulés. Depuis le 1er janvier, le Nasdaq a chuté de 20 %, tandis que le S&P 500 a reculé de 15 %. Le Dow Jones accuse, quant à lui, une baisse de 12 %.

Pour Philippe Ferreira, Deputy Head of Economics & Cross-Asset Strategy chez Kepler Cheuvreux Solutions : « Le risque majeur pour les marchés est que la stratégie de la nouvelle administration américaine paraisse si chaotique qu’elle engendre une incertitude généralisée, susceptible de provoquer une récession et une défiance à l’égard des actifs américains dans leur ensemble. On l’oublie souvent, mais la crédibilité demeure le principal atout immatériel d’un débiteur. »

Pour l’instant, les entreprises américaines résistent bien. La saison des résultats du quatrième trimestre 2024 s’est révélée solide, avec une progression de 13 % du bénéfice par action ordinaire (BPA) du S&P 500. Pour 2025, les prévisions tablent encore sur une croissance à deux chiffres du BPA, en dépit des incertitudes ambiantes.

Les marchés asiatiques ne sont pas en reste. La Bourse de Tokyo subit une pression importante, avec un Nikkei 225 en recul de 21 % depuis le début d’année. L’Inde résiste mieux, le Nifty 50 enregistrant une baisse de 6,7 %.

  • Séances de capitulation sur les marchés financiers européens

L'Europe subit également de plein fouet la nouvelle politique commerciale américaine. Le STOXX Europe 600 cède tout de même 7,2 % Le CAC 40 a perdu 6 % entre le 1er janvier et le 8 avril, tandis que le DAX 30 allemand abandonne, quant à lui, près de 1,5 %. La Bourse italienne, le FTSE MIB, perd 3,7 %.

Les européennes bénéficient pourtant des plans de relance mis en place par l'Union européenne et l'Allemagne, visant à renforcer le secteur européen de la défense. Les entreprises de cette industrie connaissent d’ailleurs une ascension fulgurante, avec une hausse moyenne de 28 % depuis le début de l’année !

En Chine, l’indice Shanghai Composite enregistre une baisse de 5 %, témoignant d’une approche prudente des investisseurs sur les marchés financiers chinois.

  • Un nouveau record pour l’Or

Face au climat d’incertitude, exacerbé notamment par le début de mandat de Donald Trump, les investisseurs cherchent à sécuriser leurs avoirs.

Valeur refuge par excellence, l’or suscite donc un engouement croissant, tant auprès des investisseurs privés que de certaines banques centrales désireuses de réduire leur dépendance au dollar. L’once d’or atteint ainsi de nouveaux sommets, s’échangeant désormais autour de 3 160 dollars, soit une envolée de près de 40 % en l’espace d’un an.

Le cours du Baril de Brent fléchissait de 14 % à 64,24 dollars, suite à l'onde de choc provoquée par l'annonce de droits de douane instaurés par les États-Unis plus élevés qu'attendu

  • Les taux européens s’envolent

L'Allemagne a mis en œuvre un plan de relance d'envergure, principalement orienté vers le renforcement de ses capacités militaires. Cette initiative a provoqué un véritable séisme sur les marchés obligataires, le pays étant traditionnellement reconnu pour sa gestion rigoureuse des finances publiques.

Dans son sillage, les coûts d’emprunt des États européens ont connu une envolée spectaculaire. En Allemagne, le rendement de l’emprunt d’État à 10 ans a bondi de près de 70 points de base depuis le 2 décembre 2024, passant de 2 % à 2,5 %. La même dynamique s’observe en France, où l’Obligation Assimilable du Trésor (OAT) à 10 ans progresse de 2,9 % à 3,3 % sur la même période.

Cette flambée des taux d’intérêt soulève naturellement des inquiétudes quant à la soutenabilité des finances publiques à moyen terme, notamment en France, où l’équilibre budgétaire demeure un enjeu majeur.

De l’autre côté de l’atlantique, aux États-Unis, les rendements des obligations du Trésor sont restés stables. L’obligation américaine à 10 ans est payée 3,95 %.

Marchés financiers : les performances des grands indices boursiers en 2025
Marchés financiers : les performances des grands indices boursiers en 2025

Le spectre d’une récession plane au-dessus des États-Unis

La décision de Donald Trump d’augmenter drastiquement les droits de douane ravive les craintes d’une guerre commerciale avec les principaux partenaires des États-Unis. Une situation qui suscite l’inquiétude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Face à ces tensions, l’organisation intergouvernementale a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour les États-Unis. Malgré ce ralentissement, le produit intérieur brut américain devrait tout de même progresser de 2,2 % cette année et de 1,6 % en 2026.

  • Le "Liberation Day"

Donald Trump avait donné rendez-vous aux Américains le 2 avril dernier pour célébrer ce qu'il a appelé le "Jour de la Libération" ("Liberation Day"), marqué par l'instauration de nouveaux droits de douane sur les importations. Une stratégie visant à rééquilibrer la balance commerciale du pays tout en finançant les nombreuses réductions d'impôts promises lors de sa campagne électorale.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a tenu parole. Aucun analyste n’anticipait des droits de douane "réciproques" d'une telle ampleur. Sa mesure phare consiste en l’application d’un tarif universel de 10 % sur tous les produits importés aux États-Unis, sans exception, et ce, dès le 5 avril.

En parallèle, un système de surtaxes personnalisées a été mis en place pour frapper plus durement les pays enregistrant les déficits commerciaux les plus élevés avec les États-Unis. Ces taxes « réciproques », oscillant entre 20 % et 49 %.

Mais pour l'instant ces taxes supplémentaires ont été suspendus pour une durée de 90 jours. Les 10% de base restent toutefois bien en place.

Seule exception : la Chine ! Le pays s'est vu imposer un malus très important. Les exportations en direction des USA sont désormais taxées de 125% ! La guerre commerciale avec la Chine prend ainsi une tournure encore plus folle.

Grand prince, le président américain a tenu à préciser : « ce sont des tarifs à prix cassé. On leur fait payer la moitié de ce qu’ils nous imposent. »

Toutefois, Donald Trump n’a pas totalement fermé la porte aux négociations, mais à des conditions strictes : « Renoncez à vos droits de douane, abaissez vos barrières, cessez de manipuler vos monnaies et commencez à acheter des dizaines de milliards de dollars de biens américains ! »

Les hausses des droits de douane
Les hausses des droits de douane
  • Les investisseurs s'inquiètent

L’impact de ces décisions ne s’est pas fait attendre. Prenons l’exemple du secteur automobile : selon les bureaux d’analyse Oddo BHF et Bernstein, ces mesures entraîneront un surcoût de plus de 100 milliards de dollars pour l’ensemble de l’industrie, soit environ 6 700 dollars par véhicule.

Pierre Pincemaille, Secrétaire général de la Gestion chez DNCA Investments, estime que l’instabilité est loin de s’apaiser : « Les premiers mois de ce second mandat semblent dessiner les contours d’une administration plus idéologique que pragmatique. Seul le temps nous dira s’il s’agit d’une simple posture, mais les récentes déclarations du Président ont eu l’effet d’une douche froide. »

Ces propos font écho à une interview accordée par Donald Trump à Fox News : « Je ne regarde même pas le marché, car à long terme, les États-Unis seront extrêmement solides avec ce qui se passe ici », concédant tout de même « une période de transition nécessaire pour ramener la richesse en Amérique ».

Mais croire que les entreprises mondiales, notamment les constructeurs automobiles, pourront relocaliser leur production aux États-Unis en un claquement de doigts relèverait de l’illusion. La rigidité des chaînes logistiques empêche toute adaptation immédiate, et si ces décisions doivent impacter l’économie américaine, leurs effets ne se feront sentir qu’au bout de plusieurs années.

Comme le résume parfaitement l’analyste économique Thomas Veillet : « Bienvenue dans la Trumptonomie, une économie où l’on préfère les bras de fer aux poignées de main. »

  • Hausse des droits de douane : quel impact sur l’économie mondiale ?

Sur le plan macroéconomique, la hausse des droits de douane aura inévitablement des répercussions à court et moyen terme sur l'inflation ainsi que sur les dépenses des consommateurs américains. Confrontées à une envolée des coûts de production, de nombreuses entreprises pourraient être contraintes de revoir à la baisse leur production, affectant ainsi l'emploi et la croissance économique.

L’Organisation de Coopération Économique (OCE) a d’ores et déjà révisé ses prévisions. Elle anticipe désormais une croissance du PIB mondial de 3,1 % en 2025, contre 3,3 % dans ses précédentes estimations publiées en décembre. Ce ralentissement traduit les incertitudes liées aux tensions commerciales grandissantes.

Pour Naeem Aslam, analyste chez Zaye Capital, « ces nouvelles barrières douanières réciproques font craindre une impasse économique prolongée ». Alors que les négociations entre les États-Unis et leurs principaux partenaires commerciaux se poursuivent, l'absence de solution concrète alimente l’inquiétude des investisseurs. « Ils redoutent des perturbations dans la chaîne d'approvisionnement, un ralentissement du commerce mondial et une pression accrue sur les bénéfices des entreprises », ajoute-t-il.

Toutefois, à plus long terme, certains observateurs adoptent une perspective plus optimiste. Philippe Ferreira, économiste chez Kepler Cheuvreux Solutions, estime que « les États-Unis pourraient, in fine, tirer parti de cette politique protectionniste. La hausse des droits de douane incite à relocaliser les investissements et à stimuler la production sur le sol américain, renforçant ainsi l’autonomie industrielle du pays ».

Reste à savoir si cette stratégie protectionniste portera ses fruits ou si elle ne fera qu’accroître les tensions économiques et diplomatiques à l’échelle mondiale.

  • Les signes déjà visibles d’un ralentissement économique

Certaines analyses économiques, notamment celles de la Fed, signalent un fléchissement de l'activité, laissant présager l'imminence d'une récession. Le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, reconnaît lui-même que l'économie américaine pourrait se dégrader à court terme.

Il n'est donc guère surprenant de voir la Fed d'Atlanta revoir une nouvelle fois à la baisse son estimation du PIB pour le premier trimestre 2025, l'évaluant désormais à -3,7 %. En intégrant les données relatives aux importations et exportations, elle anticipe désormais une contraction de -1,4 %, alors qu'il y a tout juste deux mois, elle prévoyait encore une croissance de + 3,8 % sur la même période.

Dans une récente publication, Gregory Daco, économiste chez EY, a lui aussi exprimé ses inquiétudes. Selon lui, la hausse des droits de douane pourrait entraîner une contraction du PIB de 2,7 % en 2025 et de 4,3 % en 2026, accompagnée d'une inflation supérieure de 4,5 points de pourcentage. Les analystes de JPMorgan estiment, quant à eux, que l’économie américaine a 40 % de chances d’entrer en récession.

  • Une perte de confiance des acteurs économiques

Les derniers indicateurs macroéconomiques reflètent en partie cette perte de confiance.

L'indice de confiance des consommateurs, publié par le Conference Board, a chuté de 7,2 points en mars pour s'établir à 92,9. L'indice des anticipations — qui mesure les perspectives à court terme des ménages en matière de revenus, d'affaires et d'emploi — a plongé de 9,6 points pour atteindre 65,2, son niveau le plus bas depuis douze ans, bien en deçà du seuil de 80, généralement associé à l'annonce d'une récession imminente.

Les données de l'ISM Manufacturing PMI corroborent cette tendance. Cet indicateur s'est contracté à 49 en mars, contre 50,3 le mois précédent. Par ailleurs, les chiffres de l'emploi viennent renforcer ces préoccupations : les créations d'emplois non agricoles ont déçu en février avec 151 000 postes créés, alors que les prévisions oscillaient entre 160 000 et 200 000. Cette dynamique s'accompagne d'une hausse du taux de chômage, qui atteint désormais 4,1 %.

Le marché immobilier n'est pas épargné : la confiance des promoteurs continue de se dégrader, passant de 42 à 39 en mars.

Toutefois, une lueur d'espoir subsiste du côté de l'inflation, qui semble marquer une légère accalmie. L'indice CPI affiche une hausse de 2,8 % sur un an en février, contre 3 % en janvier, un chiffre inférieur aux 2,9 % anticipés par les analystes.

Zone Euro : un soutien massif au secteur de la défense

Le Vieux Continent ne saurait échapper aux effets de la politique commerciale agressive menée par Donald Trump. L’OCDE, pour la deuxième fois consécutive, a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour 2025, notamment en Allemagne et en France. Ainsi, l’institution n’anticipe plus qu’une hausse de 0,4 % du PIB allemand cette année, contre 0,7 % auparavant. En France, la croissance attendue s’établit désormais à 0,8 %, soit une révision à la baisse de 0,1 point par rapport aux prévisions de décembre.

Face à ce ralentissement, les institutions européennes ainsi que les États membres déploient d’importants plans de relance afin de stimuler leurs économies et d’enrayer cette dynamique préoccupante.

  • Une économie à bout de souffle ?

La croissance économique dans la zone euro a été réévaluée à la hausse par Eurostat pour l'année 2024, atteignant 0,9 % contre 0,7 % initialement prévu. Pourtant, cette embellie apparente ne saurait occulter les fragilités persistantes du Vieux Continent.

Les incertitudes, qu'elles soient géopolitiques, commerciales ou économiques, continuent de peser lourdement sur la croissance de la zone euro, freinant la reprise tant espérée. Ainsi, la Banque centrale européenne (BCE) a révisé ses prévisions, anticipant une croissance de seulement 0,9 % en 2025 et de 1,2 % en 2026, soit une baisse de 0,2 point de pourcentage par rapport à ses projections précédentes.

Selon les responsables économiques de l’institution : « Les révisions à la baisse pour 2025 et 2026 reflètent la diminution des exportations et la faiblesse persistante des investissements, en partie due à l'incertitude grandissante entourant la politique commerciale ainsi qu'à un climat politique globalement instable. »

Le moral économique s’est d’ailleurs dégradé en mars. L’indice mensuel du sentiment économique des vingt pays partageant l’euro s’est établi à 95,2, en deçà des 97,0 attendus par les analystes. En février, cet indice s'élevait encore à 96,3. Quant à la confiance des consommateurs, elle reste inchangée à -14,5.

  • Une inflation maitrisée 

Une lueur d’espoir émane toutefois du marché de l’emploi. Le taux de chômage dans la zone euro s’est replié à 6,1 % en février, contre 6,2 % en janvier 2025, alors qu’il était attendue stable. Par rapport à février 2024, où il s’élevait à 6,5 %, la tendance à la baisse se confirme. Le PMI manufacturier affiche également une surprise positive, remontant de 47,6 à 48,7, tandis que le secteur des services déçoit avec un indice de 50,4.

L’inflation, mesurée par l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), a progressé de 2,2 % sur un an en mars, conformément aux attentes, contre 2,3 % en février. En excluant les éléments les plus volatils que sont l’alimentation non transformée et l'énergie, l’inflation sous-jacente s’est établie à 2,4 %, en deçà des 2,5 % anticipés, contre 2,6 % le mois précédent.

Malgré quelques signaux encourageants, l'économie européenne demeure sous tension, ballottée entre incertitudes et espoirs mesurés. La vigilance reste donc de mise pour les mois à venir.

  • L’Europe lance la course à l’armement

Le discours prononcé par le vice-président JD Vance lors de la Conférence de Munich sur la sécurité a eu l'effet d'un véritable électrochoc pour les nations européennes. En effet, il y a déclaré que les garanties de sécurité offertes par les États-Unis seraient désormais subordonnées à l'adoption des priorités politiques américaines.

Cette annonce n’a pas laissé les institutions européennes indifférentes. Elles ont réagi promptement. Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, a présenté un ambitieux plan d’investissement de 800 milliards d’euros, visant à « réarmer l’Europe ».

Cependant, il convient de noter que cette somme ne constitue pas une enveloppe budgétaire supplémentaire, ce qui aurait été difficile à envisager étant donné que les 750 milliards du plan « Renew » de 2020 peinent à être utilisés. Il s'agit en réalité d'une réaffectation de dépenses liées au réarmement, retirées du cadre contraignant du pacte de stabilité.

À cela s'ajoute l'initiative européenne ReArm, qui prévoit 150 milliards d’euros sous forme de prêts pour stimuler les investissements dans la défense.

  • L’Allemagne active son plan de relance

Attendu depuis longtemps, l'Allemagne a dégainé son « bazooka » budgétaire et rompt (enfin) avec la doctrine d’austérité budgétaire du pays.

Le plan de Friedrich Merz se décline en trois grandes mesures. D’une part une exemption de l’application du « frein à l’endettement » pour les dépenses de défense. D’autre part, le lancement d’un fonds de 500 milliards d’euros destiné à la modernisation des infrastructures. Parmi cette somme, 100 milliards seront alloués à des projets visant à soutenir la transition climatique.

Enfin, une augmentation des déficits structurels est également prévue pour les Länder.

Si Berlin atteint son objectif de consacrer 3 à 3,5 % de son PIB à la défense, plus de 1 500 milliards d'euros pourraient être investis en à peine dix ans dans ce secteur.

Friedrich Merz a qualifié ce projet de « premier grand pas vers une nouvelle communauté européenne de défense ».

Wilfrid Galand, Directeur Stratégiste chez Montpensier Arbevel, voit dans ce plan de relance un véritable game changer économique : « Entre les dépenses supplémentaires pour le réarmement, l'endettement, l'autorisation accordée aux collectivités locales et le plan d'investissement tant attendu dans les infrastructures, c'est au minimum 15 % du PIB du pays qui devrait être injecté dans l'économie au cours de la prochaine décennie. L'impact additionnel sur la croissance outre-Rhin promet d’être considérable. Selon les premières estimations de Goldman Sachs, et en fonction de la rapidité de l’exécution, cet impact pourrait se situer entre 0,6 % et 1 % par an durant la période 2025-2027. »

Les convictions de Scala Patrimoine sur les marchés financiers

Le début du second mandat de Donald Trump n’a guère été accueilli avec enthousiasme par les investisseurs. Les mesures de rétorsion commerciale mises en œuvre par la nouvelle administration américaine ont jeté un froid saisissant sur les places boursières mondiales. Depuis le début de l’année, l’indice S&P 500 accuse une perte d’environ 17 % (à la date du 7 avril). Les marchés financiers sont en proie au doute, et certains analystes n’hésitent pas à évoquer des séances de véritable « capitulation ». Seul George W. Bush, en 2001, avait connu un début de mandat aussi éprouvant pour les marchés, à un stade similaire du cycle présidentiel.

  • La chute des marchés actions

Le doute s’installe sur les marchés actions, sur fond de craintes d’escalade dans la guerre commerciale

- Un climat économique incertain

En mars, le climat économique s’est sensiblement détérioré aux États-Unis. L’indice avancé du Conference Board a atteint un creux inégalé depuis douze ans, traduisant une chute marquée de la confiance des consommateurs à l’égard des revenus, des entreprises et du marché de l’emploi. Ce pessimisme ambiant a pesé tout au long du mois sur les marchés actions, mais aussi sur le dollar, en recul de 4,2 % face à l’euro. Pour les investisseurs européens, cet affaiblissement a eu un double effet négatif.

En Europe, malgré l’enlisement des négociations en Ukraine, les annonces de soutien budgétaire ont marqué un tournant notable. L’Allemagne a dévoilé un ambitieux plan de relance de 500 milliards d’euros, axé sur l’énergie, les infrastructures et la défense. L’Union européenne a, de son côté, présenté des mesures destinées à renforcer la compétitivité et à relancer le réarmement industriel. Ces annonces ont brièvement porté les marchés européens début mars, avant que l’incertitude grandissante autour de la politique commerciale américaine ne vienne éclipser ces signaux positifs.

À l’approche de l’annonce tarifaire de l’administration Trump, prévue le 2 avril, les tensions ont de nouveau ressurgi, nourries par la perspective de représailles commerciales. L’annonce elle-même, plus agressive qu’attendu, a provoqué une violente correction des marchés les 3, 4 et 7 avril.

- La guerre commerciale est lancée

La Chine a répliqué sans délai, imposant des droits de douane de 34 %. Plusieurs partenaires commerciaux, quant à eux, oscillent entre mesures de rétorsion et appels à la négociation.

Les conséquences économiques restent encore difficiles à cerner, mais deux menaces majeures se dessinent pour la croissance américaine :

  1. Un choc de confiance, via la chute des marchés actions, susceptible d’affaiblir la consommation des ménages les plus exposés.
  2. Une poussée inflationniste, induite par la hausse des prix à l’importation, susceptible d’éroder à la fois le pouvoir d’achat et les marges des entreprises.

Dans ce contexte d’incertitude exacerbée, nous maintenons une position neutre sur les actions. Le rééquilibrage entre titres américains et européens, opéré le mois dernier, conserve toute sa pertinence : en mars, si les deux zones ont souffert, la pression s’est davantage concentrée sur les valeurs américaines, notamment celles du secteur technologique, historiquement survalorisées.

Les mesures tarifaires américaines semblent s’inscrire dans une redéfinition structurelle des relations commerciales mondiales, bien au-delà d’un simple levier de négociation. Ce changement de paradigme soulève de nombreuses questions encore sans réponse :

  • Quel sera l’impact réel sur la croissance mondiale ?
  • Quelle sera la réaction des banques centrales, en particulier celle de la Fed, prise en étau entre inflation importée et ralentissement de l’activité ?
  • Les entreprises parviendront-elles à préserver leurs marges dans ce nouvel environnement ?

- The “flight to quality” is back

Dans ce climat d’incertitude, la prudence reprend ses droits. Le mouvement de « flight to quality » observé récemment illustre une perte de confiance généralisée, notamment à l’égard des titres les plus sensibles au cycle, bien que leurs fondamentaux ne justifient pas toujours une telle défiance. La correction pourrait se poursuivre, ouvrant potentiellement des points d’entrée intéressants une fois les perspectives clarifiées. La saison des résultats, qui s’ouvrira en avril, sera scrutée de près.

Dans les marchés émergents, la situation se tend en Asie, en particulier en Chine, pénalisée par les barrières douanières et sa forte dépendance à la demande mondiale. Un soutien budgétaire massif s’impose désormais pour relancer la consommation intérieure. L’Inde, davantage tournée vers son marché domestique, pourrait mieux tirer son épingle du jeu.

Dans ce contexte mouvant, nous privilégions une posture patiente et diversifiée. L’or, fidèle à son rôle de valeur refuge, affiche une progression remarquable de 20 % depuis le début de l’année. La décorrélation croissante entre les marchés actions et obligataires plaide, par ailleurs, en faveur d’une diversification accrue vers ces derniers.

  • Les marchés financiers obligataires

L’annonce des nouveaux tarifs douaniers a provoqué un vif mouvement de repli vers les actifs dits sans risque, entraînant une détente marquée des taux souverains. Aux États-Unis, le rendement des emprunts à dix ans a cédé près de 40 points de base, revenant à son niveau de septembre 2024. Cette détente s’est propagée à l’ensemble de la courbe des taux, signe d’un repli généralisé des anticipations de croissance et d’inflation.

En Europe, la même dynamique s’est imposée : le Bund allemand a vu son rendement reculer d’environ 30 points de base, et ce malgré les tensions potentielles induites par les plans de financement massifs récemment annoncés.

- Un regain d’appétit pour les titres souverains

Les emprunts d’État confirment leur statut d’actifs refuges dans ce climat incertain. Les tensions commerciales actuelles n’ont, semble-t-il, pas encore été pleinement intégrées dans les valorisations, ce qui laisse, à notre sens, un potentiel de revalorisation supplémentaire pour les taux souverains. Aux États-Unis, les rendements demeurent sensiblement plus attractifs qu’en Europe, mais la trajectoire de la politique monétaire ainsi que le risque de change lié au dollar invitent à la prudence. Si certains facteurs continuent de soutenir la devise américaine, la poursuite des sorties de capitaux en dehors des actifs libellés en dollar pourrait accentuer la pression à la baisse.

Du côté du crédit, les obligations investment grade ont fait preuve d’une certaine résilience en mars. En revanche, les segments les plus sensibles au cycle – tels que les obligations hybrides ou les titres financiers subordonnés – ont davantage souffert, exposant les porteurs à un risque supérieur en cas de défaut, en raison de leur position subalterne dans la hiérarchie de remboursement.

Le segment high yield, en particulier aux États-Unis, a connu un élargissement plus prononcé des spreads, pénalisé par une qualité de crédit globale inférieure à celle observée en Europe. Le mouvement de « flight to quality » s’est également manifesté au sein de l’univers obligataire, renforçant la demande pour les titres les mieux notés et exerçant une pression sur les compartiments les plus risqués.

Dans ce contexte, nous maintenons une vision positive sur les obligations, tout en renforçant notre biais défensif.

- Positionnement stratégique : souverains et crédit européen en tête

Sur le segment souverain, la trajectoire de la Banque centrale européenne apparaît plus lisible que celle de la Réserve fédérale. L’inflation en zone euro demeure relativement contenue, laissant entrevoir de nouvelles baisses de taux dans les mois à venir. Dans une logique de couverture face au risque d’un net ralentissement de l’activité mondiale, nous privilégions les obligations souveraines européennes, susceptibles de bénéficier pleinement d’un assouplissement monétaire. À l’inverse, nous faisons preuve de davantage de prudence à l’égard des Treasuries américains, plus exposés à une politique monétaire incertaine et à un risque de change non négligeable.

En matière de crédit, notre préférence va au segment investment grade européen, dont les fondamentaux solides offrent un portage attractif. Les spreads y apparaissent plus stables à court terme que ceux de leurs équivalents américains, et les maturités intermédiaires sur des émetteurs de qualité nous semblent constituer un point d’entrée pertinent.

Les obligations financières subordonnées, bien qu’ébranlées récemment par le regain d’aversion au risque, conservent un couple rendement/risque intéressant. L’élargissement des spreads reflète davantage le recul des actions bancaires que la dégradation des fondamentaux, lesquels restent globalement solides, soutenus par un cadre réglementaire renforcé.

Nous demeurons toutefois sélectifs sur le segment high yield, que nous limitons à des maturités courtes et à des signatures de premier ordre, dès lors que l’écart de rendement justifie pleinement le risque additionnel.

Enfin, nous restons particulièrement attentifs aux publications économiques à venir. Celles-ci pourraient influer de manière significative sur la perception du risque crédit dans les prochains mois, à mesure que les conséquences de la guerre commerciale se précisent.

  • Les Marchés Financiers dits « Alternatifs » : Une Approche Prudente

Dans le cadre de notre gestion prudente, nous continuons de privilégier les stratégies alternatives long/short actions, particulièrement pertinentes dans des environnements de marché caractérisés par une forte volatilité, une incertitude économique et une dispersion significative des performances sectorielles. Les rotations entre les secteurs sont rapides, et les marchés réagissent vivement aux annonces des autorités politiques, économiques et monétaires.

Ces stratégies se révèlent particulièrement adaptées pour tirer parti de ces conditions. Elles offrent à la fois une protection partielle contre les baisses de marché et un potentiel de surperformance dans un contexte complexe. Le principe du long/short actions permet aux gérants de capitaliser sur les inefficiences du marché en prenant des positions longues sur des actions considérées comme sous-évaluées et des positions courtes sur celles jugées sur-évaluées. Cette flexibilité est cruciale en période de volatilité, car elle permet de réduire la corrélation avec les indices boursiers traditionnels, offrant ainsi une diversification potentielle.

  • Les Produits Structurés : une flexibilité appréciée

Nous maintenons une vision positive sur les produits structurés, qui offrent la possibilité de s'exposer à divers marchés tout en personnalisant le niveau de risque et l'objectif de rendement souhaités. Les périodes de volatilité accrue peuvent générer des opportunités intéressantes sur ces instruments. Ils peuvent également être utilisés comme outils de couverture pour diminuer l'exposition directe aux actions, par exemple.

La correction observée dans certains secteurs de l'économie américaine peut également constituer un point d'entrée pertinent pour des produits structurés adossés à ces valeurs. Ainsi, les produits structurés représentent une alternative intéressante pour les investisseurs souhaitant une exposition aux actions tout en cherchant à atténuer la volatilité inhérente à cette classe d'actifs. Leur flexibilité en fait une solution stratégique pour diversifier et potentiellement optimiser la performance d'un portefeuille dans l'environnement actuel.

  • Les Actifs Non Cotés (Private Assets) : une classe d’actifs incontournable

L'appétit des investisseurs institutionnels pour les actifs non cotés poursuit sa trajectoire ascendante, malgré un environnement économique marqué par des zones d'ombre.

- Capital-Investissement : Une Allocation Stratégique

Cette dynamique, confortée par l'anticipation d'une détente progressive des taux d'intérêt initiée en 2024, oriente également les flux vers des véhicules d'investissement en capital-investissement plus accessibles à une clientèle élargie. Bien que le marché manifeste une certaine prudence, perceptible notamment au regard des incertitudes politiques et économiques actuelles, notre conviction quant au potentiel du private equity demeure solide.

Les stratégies secondaires conservent une attractivité particulière en raison des opportunités de valorisation qu'elles recèlent. Par ailleurs, les fonds de co-investissement demeurent au cœur de nos allocations, combinant une recherche d'optimisation des rendements et une gestion rigoureuse des coûts.

Les stratégies de dette privée, incluant la dette mezzanine et le growth buyout, gagnent en popularité pour accompagner le développement des entreprises en phase de croissance. De plus, le capital-risque, notamment dans les secteurs technologiques et liés à la transition énergétique, suscite un regain d'intérêt, offrant des perspectives de croissance captivantes pour les jeunes entreprises innovantes.

- Allocation Conseillée : Une Approche Diversifiée et de Long Terme

Afin d'exploiter pleinement le potentiel des investissements non cotés tout en maîtrisant les risques inhérents, nous préconisons une stratégie d'allocation diversifiée et orientée sur le long terme. Cette approche se décline comme suit :

  • Stratégies secondaires : privilégiées pour leur stabilité et la robustesse de leurs rendements.
  • Exposition au capital-risque : ciblant des opportunités de rendement élevé dans des secteurs à fort potentiel d'innovation.
  • Investissements en LBO (Leveraged Buyout) : visant à tirer parti de l'effet de levier financier dans des opérations de rachat d'entreprises.
  • Growth equity : permettant de bénéficier du potentiel de croissance d'entreprises matures et prometteuses.
  • Dette mezzanine : considérée comme un outil clé de diversification grâce à ses taux potentiellement attractifs.

Face aux évolutions constantes du paysage économique, cette allocation stratégique vise à conjuguer performance et gestion proactive des risques. Nous restons vigilants quant à l'évolution du marché, tout en cherchant à capitaliser sur les opportunités qu'il présente, en particulier dans les secteurs stratégiques tels que la santé et la transition énergétique.

Nos équipes sont à votre disposition pour échanger sur vos projets d’investissement et évaluer, avec vous, leur intérêt, au regard de l’environnement économique et financier, de la structuration de votre patrimoine et de vos objectifs de vie.

Nos convictions sur les marchés financiers
Nos convictions sur les marchés financiers

L'avocate Migueline Rosset décrypte le choix d'un régime matrimonial par un chef d'entreprise

M. Rosset (avocate) : « Le régime matrimonial de la séparation de biens n'est pas toujours le plus adapté aux entrepreneurs »

Le choix d’un régime matrimonial par un chef d’entreprise requiert une attention particulière. Des outils comme la SCI ou la SARL de famille, bien que présentant des avantages, peuvent à ce titre receler des risques, notamment en cas de divorce ou de succession. Et notamment dans les familles recomposées. Pour nous éclairer sur ces enjeux, nous avons interrogé Migueline Rosset, avocate spécialiste en droit de la famille.

Scala Patrimoine. Quel régime matrimonial choisir pour un chef d'entreprise ?

Migueline Rosset. Il n'existe pas de réponse unique à cette question. Le choix du contrat de mariage est intrinsèquement lié à une pluralité de facteurs spécifiques à chaque situation. Il convient notamment de déterminer si l'entreprise a été constituée antérieurement à la célébration du mariage. De même, il est pertinent d'envisager si l'entrepreneur projette la création de nouvelles entreprises à l'avenir. La situation familiale, notamment la présence d'enfants actuels ou le désir d'en avoir, constitue également un élément déterminant.

Il est crucial de rectifier une idée reçue largement répandue : le régime matrimonial de la séparation de biens n'est pas systématiquement le régime le plus adapté au chef d'entreprise. En réalité, une analyse approfondie de chaque situation particulière s'avère indispensable. Il est impératif de considérer la dimension internationale des patrimoines. Un contrat de mariage conclu en France, tel qu'un régime de séparation de biens, pourrait ne pas être interprété de la même manière à l'étranger, notamment aux États-Unis. Un juge américain pourrait ainsi écarter l'application du contrat tel qu'il avait été initialement envisagé par les époux, et le considérer selon une qualification juridique différente.

Scala Patrimoine. Quelles sont les spécificités pour une famille recomposée ?

Migueline Rosset. Dans le contexte d'une famille recomposée, le chef d'entreprise est naturellement amené à considérer la protection de son conjoint survivant, de ses enfants, ainsi que l’optimisation de la transmission de son patrimoine professionnel. L'ensemble de ces préoccupations peut être abordé stratégiquement à travers le choix du régime matrimonial et la mise en place de dispositions testamentaires adaptées.

Une fois encore, une analyse individualisée de la situation s'avère indispensable. Il est nécessaire de déterminer précisément quelle est la ou les personnes que l'entrepreneur souhaite prioritairement protéger. L'objectif est de concilier la transmission du patrimoine entrepreneurial avec la sécurité du conjoint survivant, des enfants, ou des deux, en tenant compte des particularités de la structure familiale recomposée.

« Les SCI et les SARL de famille peuvent engendrer des difficultés spécifiques, notamment lors d'un divorce ou d'une succession »

Scala Patrimoine. Quels sont les risques associés à la SCI et à la SARL de famille ?

Migueline Rosset. Les Sociétés Civiles Immobilières (SCI) et les Sociétés à Responsabilité Limitée (SARL) de famille peuvent engendrer des difficultés spécifiques, notamment lors d'un divorce ou d'une succession. La question cruciale se pose alors de la gestion du partage ou de la transmission de ces structures. Une complexité particulière émerge en cas de divorce, lorsqu'un désaccord entre les époux rend le règlement des intérêts patrimoniaux délicat.

Cette mésentente peut également survenir au moment de la succession, spécialement dans le contexte de familles recomposées. La présence d'enfants issus de différentes unions au sein de la SCI ou de la SARL de famille peut exacerber les tensions. Des enfants non impliqués dans la gestion de la société peuvent contester l'attribution de droits à d'autres héritiers.

Une difficulté juridique notable réside dans le fait que le juge compétent pour statuer sur un divorce ou une succession n'est pas nécessairement celui qui sera chargé de résoudre les litiges liés au fonctionnement ou à la dissolution de la SCI ou de la SARL de famille. Cette séparation des compétences juridictionnelles constitue un facteur de complexité significatif.

En conséquence, une extrême prudence est recommandée lors du recours à ces outils de gestion patrimoniale. Une analyse approfondie des implications potentielles, notamment en cas d'évolution de la situation familiale, est indispensable. Et ce afin d'anticiper et de prévenir d'éventuels contentieux.

https://www.youtube.com/watch?v=-gJ6NmprOSQ&t=9s

 


Contrat de mariage : securisez votre famille

Chefs d’entreprise : le bon contrat de mariage peut tout changer

Lorsqu’un chef d’entreprise se marie, le choix du régime matrimonial est une décision stratégique aux conséquences majeures. Contrairement aux idées reçues, la séparation de biens n’est pas toujours la solution idéale. Si elle permet de distinguer le patrimoine personnel des biens professionnels, elle n’offre pas systématiquement la meilleure du conjoint en cas de décès, ou dans le cadre d’une préparation à la transmission.

En réalité, chaque régime matrimonial présente des avantages et des limites qu’il convient d’analyser au regard des objectifs du dirigeant : protéger son patrimoine personnel des aléas de l’activité, sécuriser l’avenir de sa famille et assurer la pérennité de l’entreprise.

Surtout, la situation familiale est, par nature, mouvante. Naissance, recomposition familiale ou divorce sont autant de facteurs susceptibles d’imposer une adaptation du régime choisi. Il est donc essentiel d’opter pour un contrat équilibré, capable d’évoluer au fil du temps tout en offrant une protection adaptée aux enjeux patrimoniaux et professionnels du chef d’entreprise.

  1. Les principaux régimes matrimoniaux

Avant ou pendant le mariage, les mariés peuvent opter pour un régime qui déterminera la gestion de leurs biens et leurs responsabilités financières.

  • La communauté réduite aux acquêts

En l'absence de contrat de mariage signé devant un notaire, les époux sont automatiquement soumis au régime légal. Aussi appelé régime de la communauté réduite aux acquêts.

« Les biens acquis avant le mariage, ainsi que ceux reçus pendant l'union par héritage ou donation, constituent des biens propres. Autrement dit, ils n'entrent pas dans la masse commune » précise d'emblée Migueline Rosset, avocate spécialiste en droit de la famille.

Les biens communs englobent, quant à eux, les revenus des époux et les biens acquis ensemble ou séparément durant le mariage. « Ainsi, si l’entreprise est créée par l’un des époux après le mariage, celle-ci appartient à la communauté » abonde l’avocate.

Une particularité mérite toutefois d'être soulignée : les fruits des biens propres, c'est-à-dire les revenus qu'ils génèrent, sont considérés comme des biens communs. Ainsi, si l'un des époux perçoit des loyers provenant d'un bien immobilier lui appartenant en propre, ces revenus seront intégrés à la communauté.

Si cet époux a contracté un emprunt pour acquérir ce bien, le remboursement de cet emprunt, lorsqu'il est effectué à l'aide de fonds communs, fait naître une créance de la communauté envers le patrimoine propre. Cette créance, appelée « récompense », sera évaluée et réglée lors de la liquidation du régime matrimonial, qu'elle intervienne à l'occasion d'un divorce, d'un décès ou d'un changement de régime matrimonial.

« Ce mécanisme vise à assurer un équilibre entre les intérêts des deux conjoints, en évitant qu'un époux ne s'enrichisse au détriment de la communauté par le biais de son patrimoine personnel. » explique Guillaume Lucchini, l’associé fondateur de Scala Patrimoine.

  • La séparation de biens

Dans le cadre du régime de la séparation de biens, chaque conjoint conserve la pleine propriété des biens qu'il acquiert à titre personnel, qu'ils soient antérieurs ou postérieurs à l'union.

Toutefois, les conjoints peuvent, au cours de leur union, choisir d’acquérir ensemble certains biens, tels qu’un logement, un véhicule ou tout autre patrimoine, Indivis ou alors en commun. chaque époux devient propriétaire indivis du bien à hauteur de sa contribution financière.

« Ce régime se révèle ainsi particulièrement protecteur du patrimoine individuel de chaque époux, notamment lorsque l'un d'eux exerce une activité professionnelle susceptible d'engendrer des dettes. En cas de difficultés financières, seul l'époux débiteur voit son patrimoine personnel engagé, préservant ainsi les biens de l'autre conjoint » met en avant Guillaume Lucchini.

Cependant, cette protection trouve rapidement ses limites. Lorsqu'un entrepreneur sollicite un emprunt pour les besoins de son activité, les établissements financiers exigent fréquemment la caution du conjoint.

Comme le souligne l’avocate Migueline Rosset « Cette exigence, loin d'être anodine, altère la philosophie protectrice du régime séparatiste en exposant indirectement le patrimoine de l'époux non concerné par l'activité professionnelle. En pratique, le régime de la séparation de biens n'offre donc pas une étanchéité absolue ; il se distingue même par une certaine porosité lorsque des engagements conjoints sont souscrits. »

Par ailleurs, ce régime peut s’avérer inadapté dans certaines situations, notamment en cas de décès de l’un des époux. En l’absence de dispositions testamentaires précises ou de clauses de partage anticipé. Le patrimoine personnel du conjoint prédécédé entre dans la succession. La succession peut alors devenir conflictuelle du fait du nécessaire partage avec les enfants, notamment s’il y a des enfants d’une précédente union.

  • Le régime de la participation aux acquêts

Le régime de la participation aux acquêts fonctionne, pendant le mariage, de manière similaire à celui de la séparation de biens. Chacun des époux conserve l'administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels. Cependant, au moment de la dissolution du mariage — par divorce ou par décès — il opère un rééquilibrage patrimonial : les gains et l'enrichissement acquis durant l'union sont alors partagés équitablement entre les conjoints.

- Une certaine compléxité

Pour Migueline Rosset, « ce régime peut présenter une petite complexité lors de sa liquidation. La principale difficulté réside dans la détermination précise du patrimoine initial de chaque époux qui est rarement reportée dans le contrat de mariage. Pour calculer la part à partager, on soustrait la valeur du patrimoine d’origine — auquel on ajoute les donations et les biens légués — à celle du patrimoine final. »

Seules les plus-values réalisées au cours de l’union sont susceptibles d’être partagées, tandis que les dettes demeurent la charge exclusive de l’époux qui les a contractées.

Pour cette raison, pour un chef d’entreprise, ce régime peut s’avérer périlleux.

En effet, si le patrimoine final d'un époux est inférieur à son patrimoine originaire, le déficit est supporté entièrement par cet époux. S'il lui est supérieur, l'accroissement représente les acquêts nets et donne lieu à participation.

- Le sort réservé aux entrepreneurs

Cependant si le patrimoine final d'un époux est inférieur à son patrimoine originaire, le déficit est supporté entièrement par cet époux.

Les gains issus de l’activité entrepreneuriale entrent dans l’assiette du partage lors de la liquidation du régime. Ainsi, sauf à vouloir protéger pleinement son conjoint en lui garantissant une part des fruits de la réussite, il peut être préférable pour l’entrepreneur d’opter pour un régime de séparation de biens pure et simple.

Cette solution offre une protection plus stricte de son patrimoine professionnel et évite qu’en cas de divorce, les fruits de son travail ne soient systématiquement partagés.

Il existe cependant désormais la possibilité d’exclure le patrimoine professionnel du patrimoine à prendre en compte.

  • La communauté universelle

Le régime de la communauté universelle est un régime matrimonial dans lequel l'ensemble des biens des époux, qu'ils aient été acquis avant ou pendant le mariage, sont mis en commun. Ce régime englobe, en principe, les biens propres issus d'héritages ou de donations, sauf stipulation contraire prévue par contrat.

« Pour un chef d'entreprise, ce régime présente des risques : l'entreprise est incluse dans la communauté, exposant ainsi le conjoint aux dettes professionnelles » souffle toutefois Guillaume Lucchini.

L'un des principaux attraits de ce régime réside dans la protection patrimoniale qu'il offre au conjoint survivant. Les époux peuvent, en effet, insérer dans leur contrat de mariage une clause d'attribution intégrale. Cette disposition permet, au moment du décès de l'un des conjoints, que l'intégralité du patrimoine commun revienne au survivant, écartant ainsi les héritiers jusqu'au décès du deuxième époux. Cette clause, bien que protectrice, doit faire l'objet d'une réflexion approfondie, notamment pour les familles recomposées où les droits des enfants issus d'une première union pourraient s'en trouver limités.

« C'est un régime qui peut toutefois être adapté aux besoins spécifiques des époux », précise Migueline Rosset. « Ces derniers peuvent, par exemple, prévoir une clause dite "alsacienne". Cette clause permet aux époux, en cas de divorce, de récupérer les biens qu'ils avaient apportés à la communauté, préservant ainsi leur patrimoine personnel initial. »

Une autre modalité consiste à créer une société d'acquêts. Ce dispositif permet de distinguer certains biens du patrimoine commun tout en maintenant une partie des biens en propre. Les époux déterminent librement les biens qu'ils souhaitent inclure dans cette société, les autres demeurant exclus de la communauté. En cas de dissolution du mariage, seuls les biens rattachés à la société d'acquêts sont partagés, offrant ainsi une souplesse supplémentaire et une meilleure protection de certains actifs personnels.

  1. Les enjeux liés à l’internationalisation des patrimoines

L'internationalisation des patrimoines dans le cadre des régimes matrimoniaux est un enjeu juridique majeur. Lorsque les époux ont des liens avec plusieurs pays, la gestion de leurs biens, qu'ils soient immobiliers, financiers ou autres, se complexifie. Les différences de systèmes juridiques, de règles fiscales et d'approches culturelles du mariage entraînent des défis importants pour les couples transnationaux. Pour Guillaume Lucchini, « il est crucial de comprendre comment les régimes matrimoniaux s'appliquent au-delà des frontières, afin d'assurer la sécurité juridique et la protection des droits des individus dans un contexte international. »

Migueline Rosset fait toutefois une distinction entre l’environnement juridique européen et ceux applicables dans le reste du monde : « Dans le cadre de l'Union européenne, les différents régimes matrimoniaux applicables sont désormais mieux compris, notamment dans les pays latins, dont les systèmes juridiques sont, somme toute, assez proches du nôtre. »

Autrefois, un principe fondamental gouvernait les régimes matrimoniaux : le principe de mutabilité. Un concept mis en avant par l’avocate du cabinet MRA Société d’avocats : « Concrètement, cela signifiait que, lorsqu’un couple résidait depuis plus de dix ans dans un autre pays, leur régime matrimonial se modifiait automatiquement pour adopter celui du pays d’accueil, à moins qu’un contrat de mariage n’ait été rédigé. Cependant, cette règle de mutabilité a été abrogée. Bien qu'elle ne soit plus en vigueur, on la rencontre encore dans certains dossiers un peu anciens. »

  1. Exemple d’une cession d’entreprise crée après le mariage

Que se passe-t-il pour un entrepreneur lors de la cession de son actif professionnel ?

Migueline Rosset prend l'exemple d'un chef d'entreprise qui cède les parts de sa société, créée après son mariage, pour un montant d'un million d'euros. Dans ce cas, le seul régime matrimonial permettant à l'entrepreneur de disposer du produit de cette cession en son nom propre est celui de la séparation de biens. En effet, seul ce régime permet de considérer que l'intégralité de la somme appartient à l'entrepreneur, sans devoir la partager avec son conjoint.

Dans tous les autres régimes matrimoniaux, en revanche, le montant perçu doit être divisé en deux parts égales : une pour l’entrepreneur et l’autre pour son conjoint. (sauf à retenir la possibilité d’exclure le patrimoine professionnel du patrimoine dans le régime de la participation aux acquêts).

« Dans le cadre d’un régime communautaire, il convient néanmoins de distinguer deux éléments : d'une part, les parts sociales de la société, et d'autre part, la contrevaleur de ces parts. Ainsi, lors de la liquidation du régime matrimonial, les parts sociales – et la qualité d’associé qui y est attachée - seront attribuées à l'entrepreneur, tandis que la contrevaleur – c’est-à-dire la somme correspondant à la valeur de ces parts – devra être partagée entre les époux, en cas de décès ou de divorce. » tient à préciser Migueline Rosset.

  1. Sur quels éléments reposent le choix du régime matrimonial ?

Le choix d’un régime matrimonial est une décision délicate qui mérite une réflexion approfondie.

  • Les facteurs à prendre en compte

Pour un chef d’entreprise, ce choix revêt une importance particulière, car il peut avoir des conséquences majeures sur la protection du patrimoine familial et la gestion des risques professionnels. Plusieurs facteurs doivent être pris en compte :

- La forme juridique de l’entreprise : SARL, SAS, SCI, entreprise individuelle, etc.

- La situation patrimoniale et familiale : S'agit-il d'un premier ou d'un second mariage ? Y a-t-il des enfants issus d’une précédente union ? Souhaite-t-on protéger son conjoint en cas de difficultés ?

- Les risques financiers liés à l’activité professionnelle : Quel est le degré de responsabilité personnelle de l’entrepreneur ? Existe-t-il des engagements de caution ?

- La protection du conjoint et des enfants : Quel niveau de sécurité financière souhaite-t-on garantir au conjoint en cas de décès ou de divorce ?

  • Le régime de séparation de biens : une protection relative

Le régime de séparation de biens offre l’avantage d’isoler totalement les patrimoines respectifs des époux. Ce régime semble donc particulièrement adapté aux entrepreneurs soucieux de protéger leur patrimoine personnel des risques liés à leur activité professionnelle. Cependant, il ne constitue pas une solution infaillible. En effet, même sous ce régime, les engagements de caution pris au titre de l’activité professionnelle peuvent engager le patrimoine personnel de l’entrepreneur. Ces garanties sont fréquentes dans le cadre d’un prêt bancaire ou d’autres obligations professionnelles.

Par ailleurs, si l’entreprise prospère et que les patrimoines restent strictement séparés, le conjoint non entrepreneur peut se retrouver désavantagé en cas de divorce ou de décès, notamment s’il n’a pas contribué directement à la constitution du patrimoine professionnel.

D’autres régimes matrimoniaux peuvent mieux répondre aux besoins spécifiques d’un chef d’entreprise :

Le régime de la participation aux acquêts ou la société d’acquêts au sein d’un régime de communauté, légale ou universelle.

Précisions en cas d’entreprise créée avant le mariage, dans le cadre d’un régime de communauté (légale ou universelle), une entreprise créée avant le mariage reste un bien propre de l’entrepreneur. Toutefois, les revenus générés par l’exploitation de l’entreprise pendant le mariage, ainsi que les investissements réalisés avec des fonds communs, peuvent être soumis au partage en cas de dissolution du régime.

« Il n’existe pas de régime matrimonial universellement idéal pour un chef d’entreprise. Le choix dépend avant tout des objectifs patrimoniaux, de la situation familiale et de la nature des risques professionnels. » conclut ainsi Guillaume Lucchini.

  1. La famille recomposée : enjeux et stratégies patrimoniales

La famille recomposée, réalité désormais courante, soulève des enjeux patrimoniaux complexes. L’entrepreneur, confronté à cette situation, peut chercher à protéger son conjoint sans léser les enfants issus d’une précédente union et à assurer une transmission harmonieuse de son patrimoine, à l’abri des conflits familiaux. Des mécanismes juridiques existent pour répondre à ces préoccupations et s’adapter aux volontés spécifiques de chacun.

  • Adapter son régime matrimonial

L’une des premières démarches consiste à adapter le régime matrimonial. En fonction des objectifs poursuivis, l’entrepreneur pourrait avoir intérêt, selon les cas, à opter pour le régime de la participation aux acquêts. Ce régime présente l’avantage d’offrir une certaine indépendance pendant la vie commune, tout en permettant un partage équitable des enrichissements réalisés durant le mariage au moment de sa dissolution. Comme nous l’avons évoqué précédemment, un régime communautaire, avec l’utilisation d’une société d’acquêts présente aussi un intérêt.

L’intégration d’une clause de préciput peut également se révéler précieuse. « Elle permet au conjoint survivant de prélever certains biens avant tout partage successoral, évitant ainsi une division immédiate de certains actifs stratégiques ou sentimentaux. » abonde ainsi l’avocate.

  • Prendre soin de la rédaction de son testament

Par ailleurs, une attention particulière doit être portée au testament. Migueline Rosset explique pourquoi la rédaction du testament est essentielle : « cet instrument juridique permet d’organiser la répartition du patrimoine en conciliant les droits du conjoint survivant et ceux des enfants d’un premier et d’un second lit. L’entrepreneur peut ainsi prévoir des dispositions spécifiques afin de favoriser son conjoint tout en respectant la part réservataire due aux enfants ».

En parallèle, dans un souci de transparence et d’apaisement familial, Migueline Rosset recommande de rédiger ce que l’on peut appeler une « lettre testament ». « Bien qu’elle n’ait pas de valeur juridique contraignante, cette lettre permet au testateur d’expliquer les raisons ayant guidé ses choix. Une telle démarche peut favoriser la compréhension entre les héritiers et prévenir les contestations futures. »

  • Une liberté encadrée

Enfin, nous signalerons que les enfants, en tant qu’héritiers réservataires, disposent d’un recours en cas d’atteinte à leur réserve héréditaire. Ils peuvent intenter une action en réduction pour demander la restitution de la part de l’héritage leur revenant de droit. Le juge, saisi de cette demande, veillera alors à rétablir l’équilibre entre la réserve héréditaire et la quotité disponible.

« Il convient de noter que l’action en réduction est encadrée par des délais stricts. Elle doit être exercée dans un délai de cinq ans à compter du décès, ou dans un délai de dix ans si l’atteinte à la réserve n’a été découverte que plus tard, à condition que l’action soit intentée dans les deux ans suivant cette découverte. Ces délais, rigoureux et impératifs, constituent un véritable couperet dont il est essentiel de tenir compte lors de la planification successorale. » prévient ainsi Migueline Rosset.

En conclusion, la gestion patrimoniale au sein d’une famille recomposée exige une approche réfléchie et personnalisée. En combinant les outils juridiques adéquats – adaptation du régime matrimonial, rédaction d’un testament, clause de préciput – et en privilégiant la transparence à travers une lettre testament, il est possible d’assurer la protection du conjoint survivant tout en préservant les droits des enfants, garantissant ainsi une transmission du patrimoine apaisée et équilibrée.

Conclusion

Contrairement aux idées reçues, le régime de la séparation de biens ne constitue pas toujours la solution idéale. Chaque situation patrimoniale, notamment celle d'un chef d'entreprise, présente des particularités qui rendent illusoire l'existence d'un modèle universel. Le choix du régime matrimonial doit ainsi être guidé par des objectifs clairs : protéger le patrimoine personnel, assurer la sécurité financière du conjoint et organiser une transmission équilibrée du patrimoine.

Aucun régime n’est parfait en toutes circonstances, et la situation familiale évolue au fil du temps. Il est donc essentiel d’opter pour un contrat modulable, régulièrement réévalué, afin d’assurer une protection optimale face aux risques professionnels et personnels.

Pour les familles recomposées, la planification successorale revêt une importance capitale. Un aménagement précis du régime matrimonial, couplé à des dispositions testamentaires ou à la souscription de contrats d'assurance-vie, peut garantir un équilibre entre les intérêts du conjoint survivant et ceux des enfants issus de différentes unions.