Le rendez-vous des marchés financiers - Avril 2025
Marchés financiers & économie : les points clés
- Les marchés financiers décrochent violemment. La hausse des droits de douane inquiètent les investisseurs.
- Le 2 avril dernier, Donald Trump a mis ses menaces à exécution en imposant une augmentation des droits de douane sur les produits en provenance de ses principaux partenaires commerciaux. Les taux personnalisés sont toutefois gelés, à l'exception de celui applicable à la Chine.
- L'Allemagne déploie un plan de relance d'envergure, consacrant 500 milliards d'euros à la modernisation de ses infrastructures et au renforcement de son secteur de la défense.
- La Réserve fédérale d'Atlanta a, une nouvelle fois, révisé à la baisse ses prévisions de croissance du PIB américain pour le premier trimestre 2025, désormais estimé à -3,7 %.
- Les signes annonciateurs d’une récession se précisent : les pressions inflationnistes persistent, la Fed dispose de marges de manœuvre limitées, la hausse des droits de douane fragilise les chaînes logistiques et pèse sur la consommation, tandis que les entreprises devront inévitablement répercuter ces coûts sur leurs prix.
Quelles performances sur les marchés financiers ?
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La peur gagne les marchés financiers US
Une grande nervosité plane de nouveau sur les marchés financiers. Le VIX, indice mesurant la volatilité et communément surnommé "indice de la peur", a bondi de près de 30 points en quelques jours, atteignant un pic de 57,30 %.
Les investisseurs s'inquiètent des décisions politiques de Donald Trump, notamment à travers les projets de hausses drastiques des droits de douane. Ces dernières semaines, les grands indices boursiers se sont écroulés. Depuis le 1er janvier, le Nasdaq a chuté de 20 %, tandis que le S&P 500 a reculé de 15 %. Le Dow Jones accuse, quant à lui, une baisse de 12 %.
Pour Philippe Ferreira, Deputy Head of Economics & Cross-Asset Strategy chez Kepler Cheuvreux Solutions : « Le risque majeur pour les marchés est que la stratégie de la nouvelle administration américaine paraisse si chaotique qu’elle engendre une incertitude généralisée, susceptible de provoquer une récession et une défiance à l’égard des actifs américains dans leur ensemble. On l’oublie souvent, mais la crédibilité demeure le principal atout immatériel d’un débiteur. »
Pour l’instant, les entreprises américaines résistent bien. La saison des résultats du quatrième trimestre 2024 s’est révélée solide, avec une progression de 13 % du bénéfice par action ordinaire (BPA) du S&P 500. Pour 2025, les prévisions tablent encore sur une croissance à deux chiffres du BPA, en dépit des incertitudes ambiantes.
Les marchés asiatiques ne sont pas en reste. La Bourse de Tokyo subit une pression importante, avec un Nikkei 225 en recul de 21 % depuis le début d’année. L’Inde résiste mieux, le Nifty 50 enregistrant une baisse de 6,7 %.
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Séances de capitulation sur les marchés financiers européens
L'Europe subit également de plein fouet la nouvelle politique commerciale américaine. Le STOXX Europe 600 cède tout de même 7,2 % Le CAC 40 a perdu 6 % entre le 1er janvier et le 8 avril, tandis que le DAX 30 allemand abandonne, quant à lui, près de 1,5 %. La Bourse italienne, le FTSE MIB, perd 3,7 %.
Les européennes bénéficient pourtant des plans de relance mis en place par l'Union européenne et l'Allemagne, visant à renforcer le secteur européen de la défense. Les entreprises de cette industrie connaissent d’ailleurs une ascension fulgurante, avec une hausse moyenne de 28 % depuis le début de l’année !
En Chine, l’indice Shanghai Composite enregistre une baisse de 5 %, témoignant d’une approche prudente des investisseurs sur les marchés financiers chinois.
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Un nouveau record pour l’Or
Face au climat d’incertitude, exacerbé notamment par le début de mandat de Donald Trump, les investisseurs cherchent à sécuriser leurs avoirs.
Valeur refuge par excellence, l’or suscite donc un engouement croissant, tant auprès des investisseurs privés que de certaines banques centrales désireuses de réduire leur dépendance au dollar. L’once d’or atteint ainsi de nouveaux sommets, s’échangeant désormais autour de 3 160 dollars, soit une envolée de près de 40 % en l’espace d’un an.
Le cours du Baril de Brent fléchissait de 14 % à 64,24 dollars, suite à l'onde de choc provoquée par l'annonce de droits de douane instaurés par les États-Unis plus élevés qu'attendu
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Les taux européens s’envolent
L'Allemagne a mis en œuvre un plan de relance d'envergure, principalement orienté vers le renforcement de ses capacités militaires. Cette initiative a provoqué un véritable séisme sur les marchés obligataires, le pays étant traditionnellement reconnu pour sa gestion rigoureuse des finances publiques.
Dans son sillage, les coûts d’emprunt des États européens ont connu une envolée spectaculaire. En Allemagne, le rendement de l’emprunt d’État à 10 ans a bondi de près de 70 points de base depuis le 2 décembre 2024, passant de 2 % à 2,5 %. La même dynamique s’observe en France, où l’Obligation Assimilable du Trésor (OAT) à 10 ans progresse de 2,9 % à 3,3 % sur la même période.
Cette flambée des taux d’intérêt soulève naturellement des inquiétudes quant à la soutenabilité des finances publiques à moyen terme, notamment en France, où l’équilibre budgétaire demeure un enjeu majeur.
De l’autre côté de l’atlantique, aux États-Unis, les rendements des obligations du Trésor sont restés stables. L’obligation américaine à 10 ans est payée 3,95 %.

Le spectre d’une récession plane au-dessus des États-Unis
La décision de Donald Trump d’augmenter drastiquement les droits de douane ravive les craintes d’une guerre commerciale avec les principaux partenaires des États-Unis. Une situation qui suscite l’inquiétude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Face à ces tensions, l’organisation intergouvernementale a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour les États-Unis. Malgré ce ralentissement, le produit intérieur brut américain devrait tout de même progresser de 2,2 % cette année et de 1,6 % en 2026.
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Le "Liberation Day"
Donald Trump avait donné rendez-vous aux Américains le 2 avril dernier pour célébrer ce qu'il a appelé le "Jour de la Libération" ("Liberation Day"), marqué par l'instauration de nouveaux droits de douane sur les importations. Une stratégie visant à rééquilibrer la balance commerciale du pays tout en finançant les nombreuses réductions d'impôts promises lors de sa campagne électorale.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a tenu parole. Aucun analyste n’anticipait des droits de douane "réciproques" d'une telle ampleur. Sa mesure phare consiste en l’application d’un tarif universel de 10 % sur tous les produits importés aux États-Unis, sans exception, et ce, dès le 5 avril.
En parallèle, un système de surtaxes personnalisées a été mis en place pour frapper plus durement les pays enregistrant les déficits commerciaux les plus élevés avec les États-Unis. Ces taxes « réciproques », oscillant entre 20 % et 49 %.
Mais pour l'instant ces taxes supplémentaires ont été suspendus pour une durée de 90 jours. Les 10% de base restent toutefois bien en place.
Seule exception : la Chine ! Le pays s'est vu imposer un malus très important. Les exportations en direction des USA sont désormais taxées de 125% ! La guerre commerciale avec la Chine prend ainsi une tournure encore plus folle.
Grand prince, le président américain a tenu à préciser : « ce sont des tarifs à prix cassé. On leur fait payer la moitié de ce qu’ils nous imposent. »
Toutefois, Donald Trump n’a pas totalement fermé la porte aux négociations, mais à des conditions strictes : « Renoncez à vos droits de douane, abaissez vos barrières, cessez de manipuler vos monnaies et commencez à acheter des dizaines de milliards de dollars de biens américains ! »

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Les investisseurs s'inquiètent
L’impact de ces décisions ne s’est pas fait attendre. Prenons l’exemple du secteur automobile : selon les bureaux d’analyse Oddo BHF et Bernstein, ces mesures entraîneront un surcoût de plus de 100 milliards de dollars pour l’ensemble de l’industrie, soit environ 6 700 dollars par véhicule.
Pierre Pincemaille, Secrétaire général de la Gestion chez DNCA Investments, estime que l’instabilité est loin de s’apaiser : « Les premiers mois de ce second mandat semblent dessiner les contours d’une administration plus idéologique que pragmatique. Seul le temps nous dira s’il s’agit d’une simple posture, mais les récentes déclarations du Président ont eu l’effet d’une douche froide. »
Ces propos font écho à une interview accordée par Donald Trump à Fox News : « Je ne regarde même pas le marché, car à long terme, les États-Unis seront extrêmement solides avec ce qui se passe ici », concédant tout de même « une période de transition nécessaire pour ramener la richesse en Amérique ».
Mais croire que les entreprises mondiales, notamment les constructeurs automobiles, pourront relocaliser leur production aux États-Unis en un claquement de doigts relèverait de l’illusion. La rigidité des chaînes logistiques empêche toute adaptation immédiate, et si ces décisions doivent impacter l’économie américaine, leurs effets ne se feront sentir qu’au bout de plusieurs années.
Comme le résume parfaitement l’analyste économique Thomas Veillet : « Bienvenue dans la Trumptonomie, une économie où l’on préfère les bras de fer aux poignées de main. »
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Hausse des droits de douane : quel impact sur l’économie mondiale ?
Sur le plan macroéconomique, la hausse des droits de douane aura inévitablement des répercussions à court et moyen terme sur l'inflation ainsi que sur les dépenses des consommateurs américains. Confrontées à une envolée des coûts de production, de nombreuses entreprises pourraient être contraintes de revoir à la baisse leur production, affectant ainsi l'emploi et la croissance économique.
L’Organisation de Coopération Économique (OCE) a d’ores et déjà révisé ses prévisions. Elle anticipe désormais une croissance du PIB mondial de 3,1 % en 2025, contre 3,3 % dans ses précédentes estimations publiées en décembre. Ce ralentissement traduit les incertitudes liées aux tensions commerciales grandissantes.
Pour Naeem Aslam, analyste chez Zaye Capital, « ces nouvelles barrières douanières réciproques font craindre une impasse économique prolongée ». Alors que les négociations entre les États-Unis et leurs principaux partenaires commerciaux se poursuivent, l'absence de solution concrète alimente l’inquiétude des investisseurs. « Ils redoutent des perturbations dans la chaîne d'approvisionnement, un ralentissement du commerce mondial et une pression accrue sur les bénéfices des entreprises », ajoute-t-il.
Toutefois, à plus long terme, certains observateurs adoptent une perspective plus optimiste. Philippe Ferreira, économiste chez Kepler Cheuvreux Solutions, estime que « les États-Unis pourraient, in fine, tirer parti de cette politique protectionniste. La hausse des droits de douane incite à relocaliser les investissements et à stimuler la production sur le sol américain, renforçant ainsi l’autonomie industrielle du pays ».
Reste à savoir si cette stratégie protectionniste portera ses fruits ou si elle ne fera qu’accroître les tensions économiques et diplomatiques à l’échelle mondiale.
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Les signes déjà visibles d’un ralentissement économique
Certaines analyses économiques, notamment celles de la Fed, signalent un fléchissement de l'activité, laissant présager l'imminence d'une récession. Le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, reconnaît lui-même que l'économie américaine pourrait se dégrader à court terme.
Il n'est donc guère surprenant de voir la Fed d'Atlanta revoir une nouvelle fois à la baisse son estimation du PIB pour le premier trimestre 2025, l'évaluant désormais à -3,7 %. En intégrant les données relatives aux importations et exportations, elle anticipe désormais une contraction de -1,4 %, alors qu'il y a tout juste deux mois, elle prévoyait encore une croissance de + 3,8 % sur la même période.
Dans une récente publication, Gregory Daco, économiste chez EY, a lui aussi exprimé ses inquiétudes. Selon lui, la hausse des droits de douane pourrait entraîner une contraction du PIB de 2,7 % en 2025 et de 4,3 % en 2026, accompagnée d'une inflation supérieure de 4,5 points de pourcentage. Les analystes de JPMorgan estiment, quant à eux, que l’économie américaine a 40 % de chances d’entrer en récession.
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Une perte de confiance des acteurs économiques
Les derniers indicateurs macroéconomiques reflètent en partie cette perte de confiance.
L'indice de confiance des consommateurs, publié par le Conference Board, a chuté de 7,2 points en mars pour s'établir à 92,9. L'indice des anticipations — qui mesure les perspectives à court terme des ménages en matière de revenus, d'affaires et d'emploi — a plongé de 9,6 points pour atteindre 65,2, son niveau le plus bas depuis douze ans, bien en deçà du seuil de 80, généralement associé à l'annonce d'une récession imminente.
Les données de l'ISM Manufacturing PMI corroborent cette tendance. Cet indicateur s'est contracté à 49 en mars, contre 50,3 le mois précédent. Par ailleurs, les chiffres de l'emploi viennent renforcer ces préoccupations : les créations d'emplois non agricoles ont déçu en février avec 151 000 postes créés, alors que les prévisions oscillaient entre 160 000 et 200 000. Cette dynamique s'accompagne d'une hausse du taux de chômage, qui atteint désormais 4,1 %.
Le marché immobilier n'est pas épargné : la confiance des promoteurs continue de se dégrader, passant de 42 à 39 en mars.
Toutefois, une lueur d'espoir subsiste du côté de l'inflation, qui semble marquer une légère accalmie. L'indice CPI affiche une hausse de 2,8 % sur un an en février, contre 3 % en janvier, un chiffre inférieur aux 2,9 % anticipés par les analystes.
Zone Euro : un soutien massif au secteur de la défense
Le Vieux Continent ne saurait échapper aux effets de la politique commerciale agressive menée par Donald Trump. L’OCDE, pour la deuxième fois consécutive, a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour 2025, notamment en Allemagne et en France. Ainsi, l’institution n’anticipe plus qu’une hausse de 0,4 % du PIB allemand cette année, contre 0,7 % auparavant. En France, la croissance attendue s’établit désormais à 0,8 %, soit une révision à la baisse de 0,1 point par rapport aux prévisions de décembre.
Face à ce ralentissement, les institutions européennes ainsi que les États membres déploient d’importants plans de relance afin de stimuler leurs économies et d’enrayer cette dynamique préoccupante.
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Une économie à bout de souffle ?
La croissance économique dans la zone euro a été réévaluée à la hausse par Eurostat pour l'année 2024, atteignant 0,9 % contre 0,7 % initialement prévu. Pourtant, cette embellie apparente ne saurait occulter les fragilités persistantes du Vieux Continent.
Les incertitudes, qu'elles soient géopolitiques, commerciales ou économiques, continuent de peser lourdement sur la croissance de la zone euro, freinant la reprise tant espérée. Ainsi, la Banque centrale européenne (BCE) a révisé ses prévisions, anticipant une croissance de seulement 0,9 % en 2025 et de 1,2 % en 2026, soit une baisse de 0,2 point de pourcentage par rapport à ses projections précédentes.
Selon les responsables économiques de l’institution : « Les révisions à la baisse pour 2025 et 2026 reflètent la diminution des exportations et la faiblesse persistante des investissements, en partie due à l'incertitude grandissante entourant la politique commerciale ainsi qu'à un climat politique globalement instable. »
Le moral économique s’est d’ailleurs dégradé en mars. L’indice mensuel du sentiment économique des vingt pays partageant l’euro s’est établi à 95,2, en deçà des 97,0 attendus par les analystes. En février, cet indice s'élevait encore à 96,3. Quant à la confiance des consommateurs, elle reste inchangée à -14,5.
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Une inflation maitrisée
Une lueur d’espoir émane toutefois du marché de l’emploi. Le taux de chômage dans la zone euro s’est replié à 6,1 % en février, contre 6,2 % en janvier 2025, alors qu’il était attendue stable. Par rapport à février 2024, où il s’élevait à 6,5 %, la tendance à la baisse se confirme. Le PMI manufacturier affiche également une surprise positive, remontant de 47,6 à 48,7, tandis que le secteur des services déçoit avec un indice de 50,4.
L’inflation, mesurée par l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), a progressé de 2,2 % sur un an en mars, conformément aux attentes, contre 2,3 % en février. En excluant les éléments les plus volatils que sont l’alimentation non transformée et l'énergie, l’inflation sous-jacente s’est établie à 2,4 %, en deçà des 2,5 % anticipés, contre 2,6 % le mois précédent.
Malgré quelques signaux encourageants, l'économie européenne demeure sous tension, ballottée entre incertitudes et espoirs mesurés. La vigilance reste donc de mise pour les mois à venir.
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L’Europe lance la course à l’armement
Le discours prononcé par le vice-président JD Vance lors de la Conférence de Munich sur la sécurité a eu l'effet d'un véritable électrochoc pour les nations européennes. En effet, il y a déclaré que les garanties de sécurité offertes par les États-Unis seraient désormais subordonnées à l'adoption des priorités politiques américaines.
Cette annonce n’a pas laissé les institutions européennes indifférentes. Elles ont réagi promptement. Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, a présenté un ambitieux plan d’investissement de 800 milliards d’euros, visant à « réarmer l’Europe ».
Cependant, il convient de noter que cette somme ne constitue pas une enveloppe budgétaire supplémentaire, ce qui aurait été difficile à envisager étant donné que les 750 milliards du plan « Renew » de 2020 peinent à être utilisés. Il s'agit en réalité d'une réaffectation de dépenses liées au réarmement, retirées du cadre contraignant du pacte de stabilité.
À cela s'ajoute l'initiative européenne ReArm, qui prévoit 150 milliards d’euros sous forme de prêts pour stimuler les investissements dans la défense.
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L’Allemagne active son plan de relance
Attendu depuis longtemps, l'Allemagne a dégainé son « bazooka » budgétaire et rompt (enfin) avec la doctrine d’austérité budgétaire du pays.
Le plan de Friedrich Merz se décline en trois grandes mesures. D’une part une exemption de l’application du « frein à l’endettement » pour les dépenses de défense. D’autre part, le lancement d’un fonds de 500 milliards d’euros destiné à la modernisation des infrastructures. Parmi cette somme, 100 milliards seront alloués à des projets visant à soutenir la transition climatique.
Enfin, une augmentation des déficits structurels est également prévue pour les Länder.
Si Berlin atteint son objectif de consacrer 3 à 3,5 % de son PIB à la défense, plus de 1 500 milliards d'euros pourraient être investis en à peine dix ans dans ce secteur.
Friedrich Merz a qualifié ce projet de « premier grand pas vers une nouvelle communauté européenne de défense ».
Wilfrid Galand, Directeur Stratégiste chez Montpensier Arbevel, voit dans ce plan de relance un véritable game changer économique : « Entre les dépenses supplémentaires pour le réarmement, l'endettement, l'autorisation accordée aux collectivités locales et le plan d'investissement tant attendu dans les infrastructures, c'est au minimum 15 % du PIB du pays qui devrait être injecté dans l'économie au cours de la prochaine décennie. L'impact additionnel sur la croissance outre-Rhin promet d’être considérable. Selon les premières estimations de Goldman Sachs, et en fonction de la rapidité de l’exécution, cet impact pourrait se situer entre 0,6 % et 1 % par an durant la période 2025-2027. »
Les convictions de Scala Patrimoine sur les marchés financiers
Le début du second mandat de Donald Trump n’a guère été accueilli avec enthousiasme par les investisseurs. Les mesures de rétorsion commerciale mises en œuvre par la nouvelle administration américaine ont jeté un froid saisissant sur les places boursières mondiales. Depuis le début de l’année, l’indice S&P 500 accuse une perte d’environ 17 % (à la date du 7 avril). Les marchés financiers sont en proie au doute, et certains analystes n’hésitent pas à évoquer des séances de véritable « capitulation ». Seul George W. Bush, en 2001, avait connu un début de mandat aussi éprouvant pour les marchés, à un stade similaire du cycle présidentiel.
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La chute des marchés actions
Le doute s’installe sur les marchés actions, sur fond de craintes d’escalade dans la guerre commerciale
- Un climat économique incertain
En mars, le climat économique s’est sensiblement détérioré aux États-Unis. L’indice avancé du Conference Board a atteint un creux inégalé depuis douze ans, traduisant une chute marquée de la confiance des consommateurs à l’égard des revenus, des entreprises et du marché de l’emploi. Ce pessimisme ambiant a pesé tout au long du mois sur les marchés actions, mais aussi sur le dollar, en recul de 4,2 % face à l’euro. Pour les investisseurs européens, cet affaiblissement a eu un double effet négatif.
En Europe, malgré l’enlisement des négociations en Ukraine, les annonces de soutien budgétaire ont marqué un tournant notable. L’Allemagne a dévoilé un ambitieux plan de relance de 500 milliards d’euros, axé sur l’énergie, les infrastructures et la défense. L’Union européenne a, de son côté, présenté des mesures destinées à renforcer la compétitivité et à relancer le réarmement industriel. Ces annonces ont brièvement porté les marchés européens début mars, avant que l’incertitude grandissante autour de la politique commerciale américaine ne vienne éclipser ces signaux positifs.
À l’approche de l’annonce tarifaire de l’administration Trump, prévue le 2 avril, les tensions ont de nouveau ressurgi, nourries par la perspective de représailles commerciales. L’annonce elle-même, plus agressive qu’attendu, a provoqué une violente correction des marchés les 3, 4 et 7 avril.
- La guerre commerciale est lancée
La Chine a répliqué sans délai, imposant des droits de douane de 34 %. Plusieurs partenaires commerciaux, quant à eux, oscillent entre mesures de rétorsion et appels à la négociation.
Les conséquences économiques restent encore difficiles à cerner, mais deux menaces majeures se dessinent pour la croissance américaine :
- Un choc de confiance, via la chute des marchés actions, susceptible d’affaiblir la consommation des ménages les plus exposés.
- Une poussée inflationniste, induite par la hausse des prix à l’importation, susceptible d’éroder à la fois le pouvoir d’achat et les marges des entreprises.
Dans ce contexte d’incertitude exacerbée, nous maintenons une position neutre sur les actions. Le rééquilibrage entre titres américains et européens, opéré le mois dernier, conserve toute sa pertinence : en mars, si les deux zones ont souffert, la pression s’est davantage concentrée sur les valeurs américaines, notamment celles du secteur technologique, historiquement survalorisées.
Les mesures tarifaires américaines semblent s’inscrire dans une redéfinition structurelle des relations commerciales mondiales, bien au-delà d’un simple levier de négociation. Ce changement de paradigme soulève de nombreuses questions encore sans réponse :
- Quel sera l’impact réel sur la croissance mondiale ?
- Quelle sera la réaction des banques centrales, en particulier celle de la Fed, prise en étau entre inflation importée et ralentissement de l’activité ?
- Les entreprises parviendront-elles à préserver leurs marges dans ce nouvel environnement ?
- The “flight to quality” is back
Dans ce climat d’incertitude, la prudence reprend ses droits. Le mouvement de « flight to quality » observé récemment illustre une perte de confiance généralisée, notamment à l’égard des titres les plus sensibles au cycle, bien que leurs fondamentaux ne justifient pas toujours une telle défiance. La correction pourrait se poursuivre, ouvrant potentiellement des points d’entrée intéressants une fois les perspectives clarifiées. La saison des résultats, qui s’ouvrira en avril, sera scrutée de près.
Dans les marchés émergents, la situation se tend en Asie, en particulier en Chine, pénalisée par les barrières douanières et sa forte dépendance à la demande mondiale. Un soutien budgétaire massif s’impose désormais pour relancer la consommation intérieure. L’Inde, davantage tournée vers son marché domestique, pourrait mieux tirer son épingle du jeu.
Dans ce contexte mouvant, nous privilégions une posture patiente et diversifiée. L’or, fidèle à son rôle de valeur refuge, affiche une progression remarquable de 20 % depuis le début de l’année. La décorrélation croissante entre les marchés actions et obligataires plaide, par ailleurs, en faveur d’une diversification accrue vers ces derniers.
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Les marchés financiers obligataires
L’annonce des nouveaux tarifs douaniers a provoqué un vif mouvement de repli vers les actifs dits sans risque, entraînant une détente marquée des taux souverains. Aux États-Unis, le rendement des emprunts à dix ans a cédé près de 40 points de base, revenant à son niveau de septembre 2024. Cette détente s’est propagée à l’ensemble de la courbe des taux, signe d’un repli généralisé des anticipations de croissance et d’inflation.
En Europe, la même dynamique s’est imposée : le Bund allemand a vu son rendement reculer d’environ 30 points de base, et ce malgré les tensions potentielles induites par les plans de financement massifs récemment annoncés.
- Un regain d’appétit pour les titres souverains
Les emprunts d’État confirment leur statut d’actifs refuges dans ce climat incertain. Les tensions commerciales actuelles n’ont, semble-t-il, pas encore été pleinement intégrées dans les valorisations, ce qui laisse, à notre sens, un potentiel de revalorisation supplémentaire pour les taux souverains. Aux États-Unis, les rendements demeurent sensiblement plus attractifs qu’en Europe, mais la trajectoire de la politique monétaire ainsi que le risque de change lié au dollar invitent à la prudence. Si certains facteurs continuent de soutenir la devise américaine, la poursuite des sorties de capitaux en dehors des actifs libellés en dollar pourrait accentuer la pression à la baisse.
Du côté du crédit, les obligations investment grade ont fait preuve d’une certaine résilience en mars. En revanche, les segments les plus sensibles au cycle – tels que les obligations hybrides ou les titres financiers subordonnés – ont davantage souffert, exposant les porteurs à un risque supérieur en cas de défaut, en raison de leur position subalterne dans la hiérarchie de remboursement.
Le segment high yield, en particulier aux États-Unis, a connu un élargissement plus prononcé des spreads, pénalisé par une qualité de crédit globale inférieure à celle observée en Europe. Le mouvement de « flight to quality » s’est également manifesté au sein de l’univers obligataire, renforçant la demande pour les titres les mieux notés et exerçant une pression sur les compartiments les plus risqués.
Dans ce contexte, nous maintenons une vision positive sur les obligations, tout en renforçant notre biais défensif.
- Positionnement stratégique : souverains et crédit européen en tête
Sur le segment souverain, la trajectoire de la Banque centrale européenne apparaît plus lisible que celle de la Réserve fédérale. L’inflation en zone euro demeure relativement contenue, laissant entrevoir de nouvelles baisses de taux dans les mois à venir. Dans une logique de couverture face au risque d’un net ralentissement de l’activité mondiale, nous privilégions les obligations souveraines européennes, susceptibles de bénéficier pleinement d’un assouplissement monétaire. À l’inverse, nous faisons preuve de davantage de prudence à l’égard des Treasuries américains, plus exposés à une politique monétaire incertaine et à un risque de change non négligeable.
En matière de crédit, notre préférence va au segment investment grade européen, dont les fondamentaux solides offrent un portage attractif. Les spreads y apparaissent plus stables à court terme que ceux de leurs équivalents américains, et les maturités intermédiaires sur des émetteurs de qualité nous semblent constituer un point d’entrée pertinent.
Les obligations financières subordonnées, bien qu’ébranlées récemment par le regain d’aversion au risque, conservent un couple rendement/risque intéressant. L’élargissement des spreads reflète davantage le recul des actions bancaires que la dégradation des fondamentaux, lesquels restent globalement solides, soutenus par un cadre réglementaire renforcé.
Nous demeurons toutefois sélectifs sur le segment high yield, que nous limitons à des maturités courtes et à des signatures de premier ordre, dès lors que l’écart de rendement justifie pleinement le risque additionnel.
Enfin, nous restons particulièrement attentifs aux publications économiques à venir. Celles-ci pourraient influer de manière significative sur la perception du risque crédit dans les prochains mois, à mesure que les conséquences de la guerre commerciale se précisent.
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Les Marchés Financiers dits « Alternatifs » : Une Approche Prudente
Dans le cadre de notre gestion prudente, nous continuons de privilégier les stratégies alternatives long/short actions, particulièrement pertinentes dans des environnements de marché caractérisés par une forte volatilité, une incertitude économique et une dispersion significative des performances sectorielles. Les rotations entre les secteurs sont rapides, et les marchés réagissent vivement aux annonces des autorités politiques, économiques et monétaires.
Ces stratégies se révèlent particulièrement adaptées pour tirer parti de ces conditions. Elles offrent à la fois une protection partielle contre les baisses de marché et un potentiel de surperformance dans un contexte complexe. Le principe du long/short actions permet aux gérants de capitaliser sur les inefficiences du marché en prenant des positions longues sur des actions considérées comme sous-évaluées et des positions courtes sur celles jugées sur-évaluées. Cette flexibilité est cruciale en période de volatilité, car elle permet de réduire la corrélation avec les indices boursiers traditionnels, offrant ainsi une diversification potentielle.
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Les Produits Structurés : une flexibilité appréciée
Nous maintenons une vision positive sur les produits structurés, qui offrent la possibilité de s'exposer à divers marchés tout en personnalisant le niveau de risque et l'objectif de rendement souhaités. Les périodes de volatilité accrue peuvent générer des opportunités intéressantes sur ces instruments. Ils peuvent également être utilisés comme outils de couverture pour diminuer l'exposition directe aux actions, par exemple.
La correction observée dans certains secteurs de l'économie américaine peut également constituer un point d'entrée pertinent pour des produits structurés adossés à ces valeurs. Ainsi, les produits structurés représentent une alternative intéressante pour les investisseurs souhaitant une exposition aux actions tout en cherchant à atténuer la volatilité inhérente à cette classe d'actifs. Leur flexibilité en fait une solution stratégique pour diversifier et potentiellement optimiser la performance d'un portefeuille dans l'environnement actuel.
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Les Actifs Non Cotés (Private Assets) : une classe d’actifs incontournable
L'appétit des investisseurs institutionnels pour les actifs non cotés poursuit sa trajectoire ascendante, malgré un environnement économique marqué par des zones d'ombre.
- Capital-Investissement : Une Allocation Stratégique
Cette dynamique, confortée par l'anticipation d'une détente progressive des taux d'intérêt initiée en 2024, oriente également les flux vers des véhicules d'investissement en capital-investissement plus accessibles à une clientèle élargie. Bien que le marché manifeste une certaine prudence, perceptible notamment au regard des incertitudes politiques et économiques actuelles, notre conviction quant au potentiel du private equity demeure solide.
Les stratégies secondaires conservent une attractivité particulière en raison des opportunités de valorisation qu'elles recèlent. Par ailleurs, les fonds de co-investissement demeurent au cœur de nos allocations, combinant une recherche d'optimisation des rendements et une gestion rigoureuse des coûts.
Les stratégies de dette privée, incluant la dette mezzanine et le growth buyout, gagnent en popularité pour accompagner le développement des entreprises en phase de croissance. De plus, le capital-risque, notamment dans les secteurs technologiques et liés à la transition énergétique, suscite un regain d'intérêt, offrant des perspectives de croissance captivantes pour les jeunes entreprises innovantes.
- Allocation Conseillée : Une Approche Diversifiée et de Long Terme
Afin d'exploiter pleinement le potentiel des investissements non cotés tout en maîtrisant les risques inhérents, nous préconisons une stratégie d'allocation diversifiée et orientée sur le long terme. Cette approche se décline comme suit :
- Stratégies secondaires : privilégiées pour leur stabilité et la robustesse de leurs rendements.
- Exposition au capital-risque : ciblant des opportunités de rendement élevé dans des secteurs à fort potentiel d'innovation.
- Investissements en LBO (Leveraged Buyout) : visant à tirer parti de l'effet de levier financier dans des opérations de rachat d'entreprises.
- Growth equity : permettant de bénéficier du potentiel de croissance d'entreprises matures et prometteuses.
- Dette mezzanine : considérée comme un outil clé de diversification grâce à ses taux potentiellement attractifs.
Face aux évolutions constantes du paysage économique, cette allocation stratégique vise à conjuguer performance et gestion proactive des risques. Nous restons vigilants quant à l'évolution du marché, tout en cherchant à capitaliser sur les opportunités qu'il présente, en particulier dans les secteurs stratégiques tels que la santé et la transition énergétique.

Chefs d’entreprise : le bon contrat de mariage peut tout changer
Lorsqu’un chef d’entreprise se marie, le choix du régime matrimonial est une décision stratégique aux conséquences majeures. Contrairement aux idées reçues, la séparation de biens n’est pas toujours la solution idéale. Si elle permet de distinguer le patrimoine personnel des biens professionnels, elle n’offre pas systématiquement la meilleure du conjoint en cas de décès, ou dans le cadre d’une préparation à la transmission.
En réalité, chaque régime matrimonial présente des avantages et des limites qu’il convient d’analyser au regard des objectifs du dirigeant : protéger son patrimoine personnel des aléas de l’activité, sécuriser l’avenir de sa famille et assurer la pérennité de l’entreprise.
Surtout, la situation familiale est, par nature, mouvante. Naissance, recomposition familiale ou divorce sont autant de facteurs susceptibles d’imposer une adaptation du régime choisi. Il est donc essentiel d’opter pour un contrat équilibré, capable d’évoluer au fil du temps tout en offrant une protection adaptée aux enjeux patrimoniaux et professionnels du chef d’entreprise.
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Les principaux régimes matrimoniaux
Avant ou pendant le mariage, les mariés peuvent opter pour un régime qui déterminera la gestion de leurs biens et leurs responsabilités financières.
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La communauté réduite aux acquêts
En l'absence de contrat de mariage signé devant un notaire, les époux sont automatiquement soumis au régime légal. Aussi appelé régime de la communauté réduite aux acquêts.
« Les biens acquis avant le mariage, ainsi que ceux reçus pendant l'union par héritage ou donation, constituent des biens propres. Autrement dit, ils n'entrent pas dans la masse commune » précise d'emblée Migueline Rosset, avocate spécialiste en droit de la famille.
Les biens communs englobent, quant à eux, les revenus des époux et les biens acquis ensemble ou séparément durant le mariage. « Ainsi, si l’entreprise est créée par l’un des époux après le mariage, celle-ci appartient à la communauté » abonde l’avocate.
Une particularité mérite toutefois d'être soulignée : les fruits des biens propres, c'est-à-dire les revenus qu'ils génèrent, sont considérés comme des biens communs. Ainsi, si l'un des époux perçoit des loyers provenant d'un bien immobilier lui appartenant en propre, ces revenus seront intégrés à la communauté.
Si cet époux a contracté un emprunt pour acquérir ce bien, le remboursement de cet emprunt, lorsqu'il est effectué à l'aide de fonds communs, fait naître une créance de la communauté envers le patrimoine propre. Cette créance, appelée « récompense », sera évaluée et réglée lors de la liquidation du régime matrimonial, qu'elle intervienne à l'occasion d'un divorce, d'un décès ou d'un changement de régime matrimonial.
« Ce mécanisme vise à assurer un équilibre entre les intérêts des deux conjoints, en évitant qu'un époux ne s'enrichisse au détriment de la communauté par le biais de son patrimoine personnel. » explique Guillaume Lucchini, l’associé fondateur de Scala Patrimoine.
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La séparation de biens
Dans le cadre du régime de la séparation de biens, chaque conjoint conserve la pleine propriété des biens qu'il acquiert à titre personnel, qu'ils soient antérieurs ou postérieurs à l'union.
Toutefois, les conjoints peuvent, au cours de leur union, choisir d’acquérir ensemble certains biens, tels qu’un logement, un véhicule ou tout autre patrimoine, Indivis ou alors en commun. chaque époux devient propriétaire indivis du bien à hauteur de sa contribution financière.
« Ce régime se révèle ainsi particulièrement protecteur du patrimoine individuel de chaque époux, notamment lorsque l'un d'eux exerce une activité professionnelle susceptible d'engendrer des dettes. En cas de difficultés financières, seul l'époux débiteur voit son patrimoine personnel engagé, préservant ainsi les biens de l'autre conjoint » met en avant Guillaume Lucchini.
Cependant, cette protection trouve rapidement ses limites. Lorsqu'un entrepreneur sollicite un emprunt pour les besoins de son activité, les établissements financiers exigent fréquemment la caution du conjoint.
Comme le souligne l’avocate Migueline Rosset « Cette exigence, loin d'être anodine, altère la philosophie protectrice du régime séparatiste en exposant indirectement le patrimoine de l'époux non concerné par l'activité professionnelle. En pratique, le régime de la séparation de biens n'offre donc pas une étanchéité absolue ; il se distingue même par une certaine porosité lorsque des engagements conjoints sont souscrits. »
Par ailleurs, ce régime peut s’avérer inadapté dans certaines situations, notamment en cas de décès de l’un des époux. En l’absence de dispositions testamentaires précises ou de clauses de partage anticipé. Le patrimoine personnel du conjoint prédécédé entre dans la succession. La succession peut alors devenir conflictuelle du fait du nécessaire partage avec les enfants, notamment s’il y a des enfants d’une précédente union.
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Le régime de la participation aux acquêts
Le régime de la participation aux acquêts fonctionne, pendant le mariage, de manière similaire à celui de la séparation de biens. Chacun des époux conserve l'administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels. Cependant, au moment de la dissolution du mariage — par divorce ou par décès — il opère un rééquilibrage patrimonial : les gains et l'enrichissement acquis durant l'union sont alors partagés équitablement entre les conjoints.
- Une certaine compléxité
Pour Migueline Rosset, « ce régime peut présenter une petite complexité lors de sa liquidation. La principale difficulté réside dans la détermination précise du patrimoine initial de chaque époux qui est rarement reportée dans le contrat de mariage. Pour calculer la part à partager, on soustrait la valeur du patrimoine d’origine — auquel on ajoute les donations et les biens légués — à celle du patrimoine final. »
Seules les plus-values réalisées au cours de l’union sont susceptibles d’être partagées, tandis que les dettes demeurent la charge exclusive de l’époux qui les a contractées.
Pour cette raison, pour un chef d’entreprise, ce régime peut s’avérer périlleux.
En effet, si le patrimoine final d'un époux est inférieur à son patrimoine originaire, le déficit est supporté entièrement par cet époux. S'il lui est supérieur, l'accroissement représente les acquêts nets et donne lieu à participation.
- Le sort réservé aux entrepreneurs
Cependant si le patrimoine final d'un époux est inférieur à son patrimoine originaire, le déficit est supporté entièrement par cet époux.
Les gains issus de l’activité entrepreneuriale entrent dans l’assiette du partage lors de la liquidation du régime. Ainsi, sauf à vouloir protéger pleinement son conjoint en lui garantissant une part des fruits de la réussite, il peut être préférable pour l’entrepreneur d’opter pour un régime de séparation de biens pure et simple.
Cette solution offre une protection plus stricte de son patrimoine professionnel et évite qu’en cas de divorce, les fruits de son travail ne soient systématiquement partagés.
Il existe cependant désormais la possibilité d’exclure le patrimoine professionnel du patrimoine à prendre en compte.
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La communauté universelle
Le régime de la communauté universelle est un régime matrimonial dans lequel l'ensemble des biens des époux, qu'ils aient été acquis avant ou pendant le mariage, sont mis en commun. Ce régime englobe, en principe, les biens propres issus d'héritages ou de donations, sauf stipulation contraire prévue par contrat.
« Pour un chef d'entreprise, ce régime présente des risques : l'entreprise est incluse dans la communauté, exposant ainsi le conjoint aux dettes professionnelles » souffle toutefois Guillaume Lucchini.
L'un des principaux attraits de ce régime réside dans la protection patrimoniale qu'il offre au conjoint survivant. Les époux peuvent, en effet, insérer dans leur contrat de mariage une clause d'attribution intégrale. Cette disposition permet, au moment du décès de l'un des conjoints, que l'intégralité du patrimoine commun revienne au survivant, écartant ainsi les héritiers jusqu'au décès du deuxième époux. Cette clause, bien que protectrice, doit faire l'objet d'une réflexion approfondie, notamment pour les familles recomposées où les droits des enfants issus d'une première union pourraient s'en trouver limités.
« C'est un régime qui peut toutefois être adapté aux besoins spécifiques des époux », précise Migueline Rosset. « Ces derniers peuvent, par exemple, prévoir une clause dite "alsacienne". Cette clause permet aux époux, en cas de divorce, de récupérer les biens qu'ils avaient apportés à la communauté, préservant ainsi leur patrimoine personnel initial. »
Une autre modalité consiste à créer une société d'acquêts. Ce dispositif permet de distinguer certains biens du patrimoine commun tout en maintenant une partie des biens en propre. Les époux déterminent librement les biens qu'ils souhaitent inclure dans cette société, les autres demeurant exclus de la communauté. En cas de dissolution du mariage, seuls les biens rattachés à la société d'acquêts sont partagés, offrant ainsi une souplesse supplémentaire et une meilleure protection de certains actifs personnels.
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Les enjeux liés à l’internationalisation des patrimoines
L'internationalisation des patrimoines dans le cadre des régimes matrimoniaux est un enjeu juridique majeur. Lorsque les époux ont des liens avec plusieurs pays, la gestion de leurs biens, qu'ils soient immobiliers, financiers ou autres, se complexifie. Les différences de systèmes juridiques, de règles fiscales et d'approches culturelles du mariage entraînent des défis importants pour les couples transnationaux. Pour Guillaume Lucchini, « il est crucial de comprendre comment les régimes matrimoniaux s'appliquent au-delà des frontières, afin d'assurer la sécurité juridique et la protection des droits des individus dans un contexte international. »
Migueline Rosset fait toutefois une distinction entre l’environnement juridique européen et ceux applicables dans le reste du monde : « Dans le cadre de l'Union européenne, les différents régimes matrimoniaux applicables sont désormais mieux compris, notamment dans les pays latins, dont les systèmes juridiques sont, somme toute, assez proches du nôtre. »
Autrefois, un principe fondamental gouvernait les régimes matrimoniaux : le principe de mutabilité. Un concept mis en avant par l’avocate du cabinet MRA Société d’avocats : « Concrètement, cela signifiait que, lorsqu’un couple résidait depuis plus de dix ans dans un autre pays, leur régime matrimonial se modifiait automatiquement pour adopter celui du pays d’accueil, à moins qu’un contrat de mariage n’ait été rédigé. Cependant, cette règle de mutabilité a été abrogée. Bien qu'elle ne soit plus en vigueur, on la rencontre encore dans certains dossiers un peu anciens. »
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Exemple d’une cession d’entreprise crée après le mariage
Que se passe-t-il pour un entrepreneur lors de la cession de son actif professionnel ?
Migueline Rosset prend l'exemple d'un chef d'entreprise qui cède les parts de sa société, créée après son mariage, pour un montant d'un million d'euros. Dans ce cas, le seul régime matrimonial permettant à l'entrepreneur de disposer du produit de cette cession en son nom propre est celui de la séparation de biens. En effet, seul ce régime permet de considérer que l'intégralité de la somme appartient à l'entrepreneur, sans devoir la partager avec son conjoint.
Dans tous les autres régimes matrimoniaux, en revanche, le montant perçu doit être divisé en deux parts égales : une pour l’entrepreneur et l’autre pour son conjoint. (sauf à retenir la possibilité d’exclure le patrimoine professionnel du patrimoine dans le régime de la participation aux acquêts).
« Dans le cadre d’un régime communautaire, il convient néanmoins de distinguer deux éléments : d'une part, les parts sociales de la société, et d'autre part, la contrevaleur de ces parts. Ainsi, lors de la liquidation du régime matrimonial, les parts sociales – et la qualité d’associé qui y est attachée - seront attribuées à l'entrepreneur, tandis que la contrevaleur – c’est-à-dire la somme correspondant à la valeur de ces parts – devra être partagée entre les époux, en cas de décès ou de divorce. » tient à préciser Migueline Rosset.
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Sur quels éléments reposent le choix du régime matrimonial ?
Le choix d’un régime matrimonial est une décision délicate qui mérite une réflexion approfondie.
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Les facteurs à prendre en compte
Pour un chef d’entreprise, ce choix revêt une importance particulière, car il peut avoir des conséquences majeures sur la protection du patrimoine familial et la gestion des risques professionnels. Plusieurs facteurs doivent être pris en compte :
- La forme juridique de l’entreprise : SARL, SAS, SCI, entreprise individuelle, etc.
- La situation patrimoniale et familiale : S'agit-il d'un premier ou d'un second mariage ? Y a-t-il des enfants issus d’une précédente union ? Souhaite-t-on protéger son conjoint en cas de difficultés ?
- Les risques financiers liés à l’activité professionnelle : Quel est le degré de responsabilité personnelle de l’entrepreneur ? Existe-t-il des engagements de caution ?
- La protection du conjoint et des enfants : Quel niveau de sécurité financière souhaite-t-on garantir au conjoint en cas de décès ou de divorce ?
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Le régime de séparation de biens : une protection relative
Le régime de séparation de biens offre l’avantage d’isoler totalement les patrimoines respectifs des époux. Ce régime semble donc particulièrement adapté aux entrepreneurs soucieux de protéger leur patrimoine personnel des risques liés à leur activité professionnelle. Cependant, il ne constitue pas une solution infaillible. En effet, même sous ce régime, les engagements de caution pris au titre de l’activité professionnelle peuvent engager le patrimoine personnel de l’entrepreneur. Ces garanties sont fréquentes dans le cadre d’un prêt bancaire ou d’autres obligations professionnelles.
Par ailleurs, si l’entreprise prospère et que les patrimoines restent strictement séparés, le conjoint non entrepreneur peut se retrouver désavantagé en cas de divorce ou de décès, notamment s’il n’a pas contribué directement à la constitution du patrimoine professionnel.
D’autres régimes matrimoniaux peuvent mieux répondre aux besoins spécifiques d’un chef d’entreprise :
Le régime de la participation aux acquêts ou la société d’acquêts au sein d’un régime de communauté, légale ou universelle.
Précisions en cas d’entreprise créée avant le mariage, dans le cadre d’un régime de communauté (légale ou universelle), une entreprise créée avant le mariage reste un bien propre de l’entrepreneur. Toutefois, les revenus générés par l’exploitation de l’entreprise pendant le mariage, ainsi que les investissements réalisés avec des fonds communs, peuvent être soumis au partage en cas de dissolution du régime.
« Il n’existe pas de régime matrimonial universellement idéal pour un chef d’entreprise. Le choix dépend avant tout des objectifs patrimoniaux, de la situation familiale et de la nature des risques professionnels. » conclut ainsi Guillaume Lucchini.
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La famille recomposée : enjeux et stratégies patrimoniales
La famille recomposée, réalité désormais courante, soulève des enjeux patrimoniaux complexes. L’entrepreneur, confronté à cette situation, peut chercher à protéger son conjoint sans léser les enfants issus d’une précédente union et à assurer une transmission harmonieuse de son patrimoine, à l’abri des conflits familiaux. Des mécanismes juridiques existent pour répondre à ces préoccupations et s’adapter aux volontés spécifiques de chacun.
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Adapter son régime matrimonial
L’une des premières démarches consiste à adapter le régime matrimonial. En fonction des objectifs poursuivis, l’entrepreneur pourrait avoir intérêt, selon les cas, à opter pour le régime de la participation aux acquêts. Ce régime présente l’avantage d’offrir une certaine indépendance pendant la vie commune, tout en permettant un partage équitable des enrichissements réalisés durant le mariage au moment de sa dissolution. Comme nous l’avons évoqué précédemment, un régime communautaire, avec l’utilisation d’une société d’acquêts présente aussi un intérêt.
L’intégration d’une clause de préciput peut également se révéler précieuse. « Elle permet au conjoint survivant de prélever certains biens avant tout partage successoral, évitant ainsi une division immédiate de certains actifs stratégiques ou sentimentaux. » abonde ainsi l’avocate.
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Prendre soin de la rédaction de son testament
Par ailleurs, une attention particulière doit être portée au testament. Migueline Rosset explique pourquoi la rédaction du testament est essentielle : « cet instrument juridique permet d’organiser la répartition du patrimoine en conciliant les droits du conjoint survivant et ceux des enfants d’un premier et d’un second lit. L’entrepreneur peut ainsi prévoir des dispositions spécifiques afin de favoriser son conjoint tout en respectant la part réservataire due aux enfants ».
En parallèle, dans un souci de transparence et d’apaisement familial, Migueline Rosset recommande de rédiger ce que l’on peut appeler une « lettre testament ». « Bien qu’elle n’ait pas de valeur juridique contraignante, cette lettre permet au testateur d’expliquer les raisons ayant guidé ses choix. Une telle démarche peut favoriser la compréhension entre les héritiers et prévenir les contestations futures. »
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Une liberté encadrée
Enfin, nous signalerons que les enfants, en tant qu’héritiers réservataires, disposent d’un recours en cas d’atteinte à leur réserve héréditaire. Ils peuvent intenter une action en réduction pour demander la restitution de la part de l’héritage leur revenant de droit. Le juge, saisi de cette demande, veillera alors à rétablir l’équilibre entre la réserve héréditaire et la quotité disponible.
« Il convient de noter que l’action en réduction est encadrée par des délais stricts. Elle doit être exercée dans un délai de cinq ans à compter du décès, ou dans un délai de dix ans si l’atteinte à la réserve n’a été découverte que plus tard, à condition que l’action soit intentée dans les deux ans suivant cette découverte. Ces délais, rigoureux et impératifs, constituent un véritable couperet dont il est essentiel de tenir compte lors de la planification successorale. » prévient ainsi Migueline Rosset.
En conclusion, la gestion patrimoniale au sein d’une famille recomposée exige une approche réfléchie et personnalisée. En combinant les outils juridiques adéquats – adaptation du régime matrimonial, rédaction d’un testament, clause de préciput – et en privilégiant la transparence à travers une lettre testament, il est possible d’assurer la protection du conjoint survivant tout en préservant les droits des enfants, garantissant ainsi une transmission du patrimoine apaisée et équilibrée.
Conclusion
Contrairement aux idées reçues, le régime de la séparation de biens ne constitue pas toujours la solution idéale. Chaque situation patrimoniale, notamment celle d'un chef d'entreprise, présente des particularités qui rendent illusoire l'existence d'un modèle universel. Le choix du régime matrimonial doit ainsi être guidé par des objectifs clairs : protéger le patrimoine personnel, assurer la sécurité financière du conjoint et organiser une transmission équilibrée du patrimoine.
Aucun régime n’est parfait en toutes circonstances, et la situation familiale évolue au fil du temps. Il est donc essentiel d’opter pour un contrat modulable, régulièrement réévalué, afin d’assurer une protection optimale face aux risques professionnels et personnels.
Pour les familles recomposées, la planification successorale revêt une importance capitale. Un aménagement précis du régime matrimonial, couplé à des dispositions testamentaires ou à la souscription de contrats d'assurance-vie, peut garantir un équilibre entre les intérêts du conjoint survivant et ceux des enfants issus de différentes unions.
Capital investissement : une nouvelle dynamique ?
L’association France Invest a récemment dévoilé son baromètre annuel sur l’activité du capital investissement en France, en collaboration avec le cabinet d’audit Grant Thornton. Malgré un climat économique et politique incertain, le secteur du capital investissement amorce un redressement. La concrétisation des ventes par les fonds d’investissement se fait cependant attendre, laissant présager un marché encore partiellement figé.
Une hausse des levées de fonds
Les derniers mois ont été éprouvants pour les investisseurs. En France, la dissolution de l'Assemblée nationale a jeté un froid sur la confiance des acteurs économiques. Parallèlement, les nombreuses tensions géopolitiques et les menaces pesant sur le commerce international — notamment en raison de la politique de Donald Trump et de la hausse drastique des droits de douane — fragilisent l'activité économique mondiale.
Dans ce contexte incertain, le rebond des fonds de capital investissement en France constitue une nouvelle encourageante.
Si l'on exclut les fonds d'infrastructures, l'ensemble des sociétés de gestion opérant en France ont levé près de 25,2 milliards d'euros de capitaux en 2024, enregistrant une hausse de près de 1,5 milliard d'euros par rapport à l'année précédente (23,8 milliards d'euros en 2023).

Un second semestre 2024 plus favorable
Bertrand Rambaud, Président de France Invest, estime que ce rebond est un signal positif pour l’économie française : « On a une des incertitudes en France et à l’international, mais malgré cela notre industrie continue d’attirer les capitaux et investisseurs en priorité dans l’économie française. Et nous le savons bien c’est important pour le financement des grandes transitions économiques et stratégiques notamment pour la souveraineté du pays, et notamment le secteur de la défense »
Cette dynamique s'explique en grande partie par la progression significative des levées de fonds de taille intermédiaire, comprises entre 100 millions et 1 milliard d'euros. Ces dernières affichent une croissance de 36 % en volume et de 40 % en nombre sur un an.
Comme les années précédentes (exception faite de 2022), le second semestre 2024 s'est avéré plus dynamique que le premier, avec 15 milliards d'euros levés contre 10,2 milliards d'euros au premier semestre.
Enfin, les deals primaires - qui témoignent de la santé du secteur du capital investissement - représentent 34 % des investissements, tandis que les opérations secondaires demeurent largement majoritaires, avec une part de 66 %.
Un soutien à la transition énergétique
Les montants investis poursuivent leur progression en 2024, atteignant 26 milliards d'euros contre 22,4 milliards en 2023. Parallèlement, le nombre d'entreprises accompagnées suit cette tendance haussière, passant de 2 581 en 2023 à 2 692 en 2024.
Toutefois, plutôt que de se tourner vers de nouvelles opportunités, les gérants de fonds ont privilégié le soutien aux entreprises déjà présentes dans leur portefeuille. Ainsi, avec deux tiers des investissements consacrés au réinvestissement, l'année 2024 se distingue par un renforcement de l'accompagnement des entreprises dans leur croissance, notamment externe, et par une augmentation des opérations secondaires.

Parmi les différents secteurs d'activité, l'industrie demeure le premier domaine d'investissement, représentant 26 % des montants alloués et 24 % des opérations réalisées. Le secteur du numérique s'impose en seconde position avec 21 % des investissements, suivi par les biens et services de consommation (18 %) et le secteur médical et pharmaceutique (16 %).
En parallèle, les investissements des fonds d’infrastructures connaissent une légère progression, totalisant 10,9 milliards d'euros investis dans 189 projets. Les énergies renouvelables confirment leur prédominance, avec 4,3 milliards d'euros injectés dans 120 projets, illustrant la place grandissante des investissements verts dans les portefeuilles des investisseurs.
Une dynamique qui ne surprend pas Adrien Tourbet, responsable des investissements non cotés chez Scala Patrimoine : « cette évolution traduit une véritable lame de fond. Elle illustre la volonté des investisseurs d’orienter leurs capitaux vers des projets plus durables et de contribuer activement à la transition énergétique, un enjeu désormais majeur tant pour les États que pour les entreprises privées. »
Capital innovation : un rebond durable ?
Les différents segments du private equity présentent des dynamiques bien différentes.
Le « growth » est soutenu par quelques levées de fonds atypiques, mais ne parvient pas à dissimuler un ralentissement général de l'activité.
Le capital transmission affiche, de son côté, une progression significative, avec une hausse de 20 % en montants et de 17 % en nombre d'opérations. En revanche, le capital développement subit, lui aussi, un ralentissement, principalement en raison de la diminution des transactions primaires.
Enfin, les levées de fonds de capital innovation rebondissent par rapport à 2023, et ce, malgré une contraction du nombre de fonds actifs. Ainsi, 2,847 milliards d'euros ont été levés , contre moins de 2,5 milliards en 2023.
Toutefois, le climat demeure incertain pour les start-ups françaises. Jean-David Chamboredon, cofondateur et président d'ISAI, s'est exprimé à ce sujet pour Bpifrance, reconnaissant les difficultés actuelles du secteur. « Les levées de fonds sont devenues particulièrement ardues pour le capital-risque. Les souscripteurs cherchent d'abord à récupérer des liquidités avant d'envisager de nouveaux investissements. Depuis 2022, le nombre d'exits est resté limité, restreignant ainsi les flux de retour vers les souscripteurs et, par conséquent, la capacité des fonds à lever de nouveaux capitaux. »
Dans un environnement économique moins porteur, les investisseurs adoptent donc une posture plus sélective. Ils préfèrent engager leurs capitaux sur des montants plus réduits et concentrer leurs efforts sur des secteurs jugés stratégiques. Il faudra encore patienter avant d'assister à un retour du marché à son rythme de croisière.
Un marché toujours gelé ?
Selon le dernier communiqué de l'association France Invest, « le marché reste en deçà des attentes au regard de la croissance des investissements observée ces dernières années ».
L'élargissement des durées de détention des entreprises dans les portefeuilles des gérants d'actifs a entraîné une réduction du volume des cessions. En 2024, on recense ainsi 1 281 cessions, contre 1 276 en 2023 et 1 416 en 2022.
Nicolas Tixier, Partner et Head of Deal Advisory chez Grant Thornton, reconnait d'ailleurs que « le ralentissement de la vitesse d'exécution des sorties constitue un enjeu majeur en termes de retour aux LPs et de fluidité du cycle d'investissement ».
Toutefois, en intégrant le segment des infrastructures, les cessions ont généré près de 12,8 milliards d'euros pour les fonds en 2024, soit une hausse de 42 % par rapport à 2023. Cette augmentation en valeur, largement soutenue par de grandes opérations, est un signal encourageant. Cependant, la stabilité du nombre d'entreprises cédées traduit une stratégie où les investisseurs préfèrent accompagner la croissance des entreprises en portefeuille plutôt que de céder sous la pression des liquidités.
Après la pluie vient le beau temps ?
Un autre facteur d'incertitude pèse sur le marché : l'allongement des durées de levées de fonds.
Le temps écoulé entre le premier et le dernier closing est aujourd'hui nettement supérieur à celui observé en 2021-2022. En 2024, il fallait en moyenne 20,9 mois pour finaliser une levée de fonds, contre 14,9 mois en 2022. Néanmoins, l'analyse du rythme semestriel laisse entrevoir une légère amélioration, avec une baisse du temps nécessaire : 23,7 mois au second semestre 2023, contre 20,5 mois au second semestre 2024.
Une embellie qui a semble t-il été favorisée par une amélioration des conditions de financement pour les entreprises.
Bertrand Rambaud exprime ainsi l'espoir d'un retour à la normale dans les mois à venir : « L'enjeu pour l'industrie du capital investissement est désormais de maintenir sa dynamique et de confirmer la reprise des opérations de cession amorcée au second semestre. Ce levier est essentiel pour assurer le bon renouvellement du cycle d'investissement et garantir un retour de liquidités plus important pour nos investisseurs ».
Une attractivité renforcée à l’international
Le capital investissement français, incluant les fonds d’infrastructure, confirme son rayonnement sur la scène mondiale. En 2024, cette attractivité ne cesse de croître, comme en témoigne la part significative des capitaux levés à l’étranger, qui représente 56 % du total.
La répartition des fonds levés illustre cette tendance :
- 20 %, soit 7 892 M€, ont été investis par des acteurs internationaux hors d’Europe.
- 36 %, soit 13 850 M€, proviennent d’investisseurs européens.
- 44 %, soit 17 146 M€, ont été apportés par des souscripteurs français.
La place centrale des family offices
Les fonds de fonds demeurent les principaux investisseurs de cette classe d’actifs. En 2024, leur contribution s’élève à 7 milliards d’euros, soutenant ainsi de manière significative les activités des gestionnaires d’actifs.
Juste derrière eux, les entrepreneurs et les grandes fortunes, à travers leurs family offices, confirment leur rôle de second pilier du capital-investissement (hors infrastructure). Avec un engagement total de 4,4 milliards d’euros, ils représentent 17 % des souscriptions, devançant ainsi les compagnies d’assurance et les mutuelles, dont les investissements atteignent 3,31 milliards d’euros.

L’avis de Scala Patrimoine
Les nuages qui planent au-dessus du marché du capital investissement restent nombreux. Pour espérer un redémarrage durable, il faudra patienter jusqu’à une nette accélération des cessions. Toutefois, plusieurs signaux encourageants laissent entrevoir une reprise tant attendue : une dynamique de levée de fonds plus soutenue, le retour des investisseurs corporate et, bien sûr, la baisse des taux d’intérêt…
Ces incertitudes n’atteignent pas nos convictions. Nous demeurons confiants quant au potentiel du private equity sur le long terme, à condition d’adopter une approche diversifiée et de sélectionner les meilleurs fonds.
Dans l’univers du non coté, le choix des gérants s’impose comme un facteur déterminant. Les écarts de performance entre les fonds situés dans le premier et le dernier quartile sont considérables, rendant la sélection d’autant plus cruciale pour optimiser les rendements.
Alice & Bob : 100 millions d'euros pour conquérir l'informatique quantique
Dans l'arène de l'informatique quantique, où s'affrontent les titans tels que Google, Amazon et IBM, une jeune pousse francilienne, Alice & Bob, veut se tailler la part du lion. Son ambition ? Concevoir un ordinateur quantique universel ! Un Graal technologique, dont le marché, en pleine effervescence, pourrait atteindre 65 milliards de dollars d'ici 2030, selon la BPI.

L'essor de la French Tech quantique
L'écosystème français de l'informatique quantique regorge de pépites. En tête de file, Pasqal, qui a levé 100 millions d’euros en 2023 avec le soutien du fonds singapourien Temasek. À ses côtés, d’autres acteurs émergents, tels que Quobly, Quandela, C12 Quantum Electronics et, désormais, Alice & Bob.
Fondée en 2020 par Théau Peronnin et Raphaël Lescanne, docteurs en physique quantique, Alice & Bob s'attaque à un défi colossal : concevoir un ordinateur quantique capable de résoudre en un éclair des problèmes qui exigeraient des millénaires, voire des milliards d'années, aux ordinateurs classiques. Leur vision ? Un ordinateur quantique dix fois moins coûteux à produire et prêt à conquérir le marché avec trois ans d'avance.
S'inspirant de la célèbre expérience de pensée d'Erwin Schrödinger, le « chat de Schrödinger », ils ont conçu une technologie révolutionnaire, basée sur l'utilisation de « qubits de chat », des bits quantiques conçus nativement pour corriger leurs propres erreurs. « Notre objectif est de créer une machine exponentiellement plus puissante », explique Théau Peronnin sur BFM Business. « À chaque qubit quantique ajouté, la puissance de calcul double. Les applications sont infinies, de la conception de nouveaux médicaments à la finance, en passant par l'ingénierie. »
Financement : briser (enfin) le plafond de verre
L'obstacle majeur de l'informatique quantique réside dans l'instabilité des qubits, qui génère des erreurs de calcul. Le défi scientifique est de dompter ces erreurs pour libérer la puissance promise par cette technologie.
« L'informatique quantique consomme bien moins que les supercalculateurs qu'elle ambitionne de remplacer », souligne Théau Peronnin. « Mais ces derniers conservent pour l'instant une légère avance. Toutefois, le jour où le quantique surpassera les technologies actuelles approche à grands pas. »
La France, avec son élite scientifique et mathématique, est idéalement positionnée dans cette course. « Il ne manque que le financement », déplore Théau Peronnin. « Les pouvoirs publics sont mobilisés, mais les investisseurs privés doivent aussi prendre part à l'aventure. La France excelle dans le financement de l'amorçage et la formation des talents, mais nous faisons face à un plafond de verre. Les financements supérieurs à 100 millions d'euros, nécessaires à la croissance, sont encore trop rares. »
Une levée de fonds à neuf chiffres
Après une série A prometteuse de 27 millions d'euros en 2022, Alice & Bob franchit un cap décisif avec une série B de 100 millions d'euros. Ses actionnaires historiques, Elaia Partners, Breega, Supernova Invest et Bpifrance, rempilent, rejoints par de nouveaux acteurs de poids : Future French Champions, la coentreprise entre Bpifrance et le fonds souverain qatari (Qatar Investment Authority), Axa Venture Partners et Bpifrance via son fonds DeepTech 2030.
L'EIC (Conseil européen de l'innovation) et la Région Île-de-France apportent également leur soutien.
« Après avoir établi des records de performance avec nos qubits de chat, nous entrons dans une nouvelle phase : construire un ordinateur quantique capable de produire des résultats concrets », déclare Théau Peronnin. « Nos qubits de chat sont uniques. Ils permettent d'envisager des ordinateurs quantiques évolutifs avec seulement quelques milliers de qubits, là où les approches classiques en nécessiteraient des millions. »
Un ordinateur quantique d'ici 2030 ?
L'objectif est clair : développer un ordinateur quantique universel sans erreur d'ici 2030 et créer une puce révolutionnaire.
« Nous voulons donner aux ingénieurs les outils pour résoudre les grands défis de notre société », affirme Théau Peronnin.
Cette levée de fonds permettra à Alice & Bob de financer un laboratoire de 3 000 m² en région parisienne. Celui-ci sera équipé pour travailler la matière à l'échelle micro et nanométrique. Autre projet, celui de construire un parc de prototypes pour des tests en temps réel.
L'entreprise, basée à Paris et Boston, prévoit de doubler ses effectifs, composés pour moitié de docteurs, pour atteindre 200 personnes d'ici la fin de l'année.
L'espoir est grand : faire de la France un champion de la technologie quantique.
Marc Batty (FEVE) : « 50 % des agriculteurs partiront à la retraite d’ici 10 ans »
Le modèle agricole français est-il en péril ?
43 % des exploitants agricoles ont plus de 55 ans. La moitié des fermes feront l'objet d'une cession dans les dix prochaines années. Pourtant, aujourd’hui, une ferme sur deux seulement trouve preneur.
Pour insuffler un nouvel élan à l’agriculture hexagonale, certains acteurs, tels que FEVE, se mobilisent activement. Leur objectif : soutenir l'installation des agriculteurs en créant des fermes agroécologiques. À ce jour, cette organisation a facilité l'acquisition de 29 fermes à travers la France, permettant à 48 agriculteurs et agricultrices de s’établir. Ce sont ainsi 1 830 hectares qui ont été convertis à l'agroécologie.
Nous revenons sur les projets menés par FEVE, en compagnie de l’un de ses fondateurs, Marc Batty, ingénieur agronome de formation, diplômé de l’École AgroParisTech.
Scala Patrimoine. Pouvez-vous nous présenter Fève en quelques mots ?
Marc Batty. FEVE est une entreprise fondée il y a quatre ans, dans le but d’accompagner la nouvelle génération d’agriculteurs et d’agricultrices désireuse de s’installer en agriculture biologique. Pour soutenir cette noble démarche, nous levons des fonds auprès des citoyens ainsi que des investisseurs institutionnels. À ce jour, 35 millions d'euros ont été collectés, ce qui nous a permis d’acquérir des fermes à vendre et de les transmettre à travers le territoire français, facilitant ainsi l’installation de jeunes agriculteurs en agriculture biologique.
Notre ambition est de contribuer au renouvellement du modèle agricole en encourageant l’installation de jeunes porteurs de projets qui adoptent des pratiques agronomiques et environnementales parmi les plus vertueuses.
Scala Patrimoine. Pourquoi les jeunes générations rencontrent-elles tant de difficultés pour s’installer comme agriculteurs ?
Marc Batty. Le contexte est particulièrement inédit, puisque 50 % des agriculteurs, soit environ 200 000 personnes, sont en train de partir à la retraite, ou le feront dans les dix prochaines années.
Cependant, les jeunes ne s’inscrivent plus dans le schéma traditionnel où ils reprennent la ferme familiale. Aujourd’hui, près de deux tiers d’entre eux s’installent sans être issus du monde agricole. Ce phénomène crée un parcours d’installation semé d’embûches, qui peut durer plusieurs années, entre la formation et la recherche d’un lieu pour s’établir. De plus, ces jeunes sont fréquemment confrontés à des difficultés de financement, notamment pour l’acquisition de la ferme.
C’est face à ce défi que FEVE a décidé d’agir. En effet, imaginez-vous à la place d’un jeune qui se rend dans une banque pour demander un prêt de 400 000, 500 000 ou même 1 million d’euros afin de s’installer sur une ferme. La plupart du temps, cette demande est vouée à l’échec. C’est pourquoi nous avons choisi de financer l’installation de cette nouvelle génération grâce à un mécanisme de location avec option d’achat.
« Nous mettons les fermes en location avec option d'achat, exclusivement à des porteurs de projets engagés »
Scala Patrimoine. Quels sont les critères de sélection des projets portés par les agriculteurs que vous accompagnez ?
Marc Batty. Notre foncière acquiert des fermes dans leur totalité, c’est-à-dire les terres agricoles, qui sont au cœur de notre activité, mais aussi les maisons d'habitation et les bâtiments d’exploitation nécessaires aux cultures ou à l’élevage.
Les fermes que nous achetons, avec l’argent collecté auprès des citoyens et des investisseurs institutionnels, sont de taille intermédiaire, c’est-à-dire entre 30 et 150 ou 200 hectares, loin des petites exploitations de quelques hectares ou des grandes exploitations industrielles.
Nous mettons ces fermes en location avec option d'achat, exclusivement à des porteurs de projets engagés, qui œuvrent pour un modèle agricole plus respectueux du vivant, et notamment pour la transition vers l’agriculture biologique. Ces projets doivent également être porteurs d’une vision forte en matière de pratiques agronomiques et environnementales respectueuses du vivant.
Scala Patrimoine. Comment soutenez-vous la transition agroécologique des fermes ?
Marc Batty. En finançant l’acquisition de fermes et en les mettant à disposition des jeunes porteurs de projets, nous participons activement à la transition agricole.
D’une part, nous empêchons la concentration des terres agricoles. Lorsqu’une ferme n’est pas transmise, elle risque, en effet, de disparaître ou, plus probablement, d’être rachetée par un voisin qui agrandira son exploitation, consolidant ainsi le modèle agro-industriel qui prévaut depuis des décennies.
D’autre part, en soutenant la jeune génération avec une charte agro-écologique ambitieuse, nous orientons les fonds des citoyens et des investisseurs institutionnels vers ceux qui souhaitent bousculer le modèle agricole pour le réorienter vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement.
Scala Patrimoine. Quels sont vos objectifs pour les prochaines années ?
Marc Batty. Depuis sa création, FEVE a collecté 35 millions d’euros et installé 50 agriculteurs et agricultrices sur des fermes agroécologiques. L’objectif pour 2025 est de lever 30 millions d'euros supplémentaires, portant ainsi le montant total à 65 millions d'euros, et de soutenir 30 à 40 nouveaux projets de fermes.
Pour 2027, notre ambition est encore plus grande. Nous visons une collecte de 100 millions d’euros, ce qui nous permettrait de participer à la conversion en agriculture biologique de près de 10 000 hectares. Un chiffre qui n’est autre que l’équivalent de la surface d’une ville comme Paris.
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Le rendez-vous des marchés financiers - Mars 2025
Marchés financiers & économie : les points clés
- Les marchés financiers européens mènent la danse, sous l'impulsion du secteur de la défense.
- Une récession pourrait prochainement toucher les États-Unis, notamment en raison d’une hausse significative des droits de douane sur les importations américaines.
- La BCE abaisse une nouvelle fois ses taux directeurs de 25 points de base. Cette décision attendue ramène le taux de dépôt à 2,50 %.
- L’Allemagne relance son économie en mettant en œuvre un fonds d’infrastructures de 500 milliards d’euros sur dix ans.
Quelles performances sur les marchés financiers ?
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Guerre entre l’Ukraine et la Russie : Donald Trump impose sa loi
Donald Trump affiche sa volonté de mettre un terme à la guerre opposant l’Ukraine à la Russie. Pour ce faire, il a suspendu le soutien financier et matériel jusqu’ici accordé à l’armée ukrainienne.
Fin février, une rencontre tendue s’est tenue dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche entre le président américain, son vice-président et Volodymyr Zelensky. Devant les caméras du monde entier, l’échange a rapidement tourné à l’affrontement.
Alors que le président ukrainien tentait de sensibiliser Donald Trump en déclarant : « Tout le monde a des problèmes, même vous, mais vous avez un bel océan. Vous ne le ressentez pas encore, mais vous le sentirez à l’avenir », le président républicain s’est aussitôt lancé dans une diatribe cinglante, fidèle à son style habituel. S’adressant sans ménagement à son interlocuteur, il répliqua : « Vous n’êtes pas en position de dicter ce que nous allons ressentir. Nous allons nous sentir très bien et très forts. Vous, en revanche, vous êtes laissé enfermer dans une situation désastreuse. Vous n’avez pas les cartes en main. »
Quelques jours plus tard, Donald Trump affirmait, sans ambages, qu’un accord sur l’exploitation des minerais constituait la seule garantie sécuritaire dont l’Ukraine avait besoin face à la Russie. La position américaine demeure donc inchangée : aucune discussion sur une force de maintien de la paix ne sera engagée avant la signature d’un accord entre Moscou et Kiev.
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Bitcoin : la fin des Trump Trades ?
Les investisseurs se détourneraient-ils déjà des valeurs prisées par le président américain ? Parmi elles, les cryptoactifs semblent particulièrement affectés.
Le Bitcoin, souvent qualifié de reine des cryptomonnaies, a ainsi chuté de plus de 25 % depuis son record post-électoral. Ce plongeon s’explique notamment par le piratage massif de la plateforme d’échange Bybit, victime d’un vol de 1,46 milliard de dollars orchestré par le groupe de hackers nord-coréen Lazarus, ainsi que par des inquiétudes économiques grandissantes. Face à ces incertitudes, les investisseurs prennent leurs distances avec les cryptoactifs. Le Bitcoin évolue désormais autour de 74 000 €, bien loin de son sommet de 101 976 €. Témoignant de cette fébrilité, l’indice Crypto Fear and Greed s’effondre à 10/100 (signalant une peur extrême), contre 55/100 une semaine auparavant.
C’est dans ce climat d’instabilité que Donald Trump, lui-même investisseur en cryptomonnaies, a choisi d’annoncer la création d’une Réserve Stratégique Crypto, incluant Bitcoin, Ethereum, Solana, XRP et Cardano. Une initiative inscrite dans une logique résolument "America First", qui précède un sommet sur les cryptomonnaies à la Maison-Blanche, destiné à renforcer les liens entre le gouvernement et le secteur privé.
Aussitôt après cette déclaration, l’écosystème crypto a connu un sursaut spectaculaire, gagnant 300 milliards de dollars en capitalisation !
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Marchés financiers actions : l’Europe retrouve des couleurs
Les valeurs de la tech américaine, et notamment les « Sept Magnifiques », traversent une période plus difficile. Sur les trente derniers jours, le Nasdaq 100 accuse un repli de plus de 6 %. Dans le même temps, Nvidia, la coqueluche des marchés financiers, abandonne près de 15 %.
Selon les calculs de Bloomberg, les « Sept Magnifiques » affichent néanmoins un ratio cours/bénéfice toujours élevé de 32,9, soit environ 40 % de plus que la moyenne des autres actions à grande capitalisation.
À l’inverse, les places boursières européennes se montrent particulièrement dynamiques.
Le DAX 30 s’adjuge ainsi une progression de 6 % sur un mois glissant. Le CAC 40, quant à lui, gagne 2 % sur la même période et atteint un nouveau record historique à 8 216 points, porté par l’essor des entreprises du secteur de la défense.
Cette envolée intervient alors que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a dévoilé un plan d’investissement de 800 milliards d'euros destiné à renforcer la défense européenne et à soutenir l'Ukraine, tandis que l’administration Trump a brutalement suspendu l’aide militaire américaine à Kiev. Dans ce contexte, les valeurs de l’armement s’envolent : l’action Thales bondit de 53 % en un mois, suivie de Dassault Aviation (+ 36 %) et de Rheinmetall (+ 61 %).
Comme le souligne avec son mordant habituel le spécialiste des marchés financiers, Thomas Veillet, : « L’armement européen vit sa meilleure vie ! »
En Asie, la tendance est contrastée : l’indice Shanghai Composite progresse de 2 %, tandis qu’au Japon, le Nikkei 225 recule de 5 %.

Les États-Unis : une prophétie autoréalisatrice ?
En économie, les prophéties peuvent, elles aussi, se révéler autoréalisatrices. Lors de la campagne présidentielle, Donald Trump n’a eu de cesse d’affirmer que l’économie américaine était en péril, bien que nul indicateur macroéconomique majeur — qu’il s’agisse de l’emploi, de la consommation ou de l’investissement — ne vînt étayer cette thèse. Or, par ses mesures drastiques en matière de politique commerciale et son recours accru aux barrières douanières, « The Donald » pourrait bien fragiliser l’économie de la première puissance mondiale.
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Le spectre d’une « Trumpcession » ?
Le spectre d’une récession aux États-Unis, conséquence des politiques économiques de Donald Trump, semble se préciser. Le modèle GDPNow de la Fed d’Atlanta, réputé pour sa fiabilité, vient d’être fortement révisé à la baisse. La prévision de croissance pour le premier trimestre s’effondre, passant de +4,0 % à -2,8 %. Une dégringolade vertigineuse, que les analystes attribuent à un déficit commercial record et à une industrie manufacturière en déclin.
- Des signes avant-coureurs
Ces inquiétudes trouvent un écho chez Wilfrid Galand, directeur stratégiste de Montpensier Finance : « Plusieurs signaux d’alerte se sont allumés ces dernières semaines. Les publications des différentes Fed régionales témoignent d’une détérioration du climat des affaires. Ainsi, l’indice manufacturier de la Fed de Dallas, publié le 24 février, chute brutalement à - 8,3, contre + 14,1 en janvier. Celui de la Fed de Philadelphie, bien que toujours positif à +18,1, a perdu plus de 26 points en un mois. »
Puis, tel un inventaire à la Prévert, il énumère les nuages noirs s’amoncelant au-dessus de l’économie américaine : « Les premiers signes de ralentissement de l’activité, la montée des inquiétudes des ménages et des entreprises dans les derniers indicateurs, les craintes liées à l’augmentation généralisée des coûts sous l’effet des hausses de taxes douanières initiées par la nouvelle administration américaine, ainsi que les ripostes commerciales des partenaires des États-Unis, sont autant de facteurs rendant l’avenir particulièrement incertain. »
La récente baisse de la confiance des consommateurs constitue d’ailleurs un signal d’alarme à ne pas négliger. L’indice de confiance du Conference Board s’établit à 98,3 en février, contre 105,3 en janvier (révisé de 104,1), alors qu’il était attendu à 102,7. Il s’agit de la plus forte contraction mensuelle depuis août 2021. Les ménages, anticipant une nette dégradation du marché de l’emploi, réduisent d’ores et déjà leurs dépenses, en recul de -0,5 % en volume en janvier.
Autre mauvaise nouvelle, les derniers chiffres de créations d’emploi sont en deçà des attentes. 141 000 nouveaux emplois étaient anticipés. Le chiffre est sorti à seulement 77 000.
- La peur de l'inflation
Les PME ne sont guère plus optimistes : l’indice NFIB chutant de 105,1 à 102,8. Une lueur d’espoir demeure néanmoins : la production industrielle a surpris à la hausse, progressant de +0,5 % sur un mois, tandis que la croissance s’accélère dans le secteur des services. L'indice ISM est, en effet, ressorti à 53,5 le mois dernier contre 52,8 en janvier, alors que les économistes l'attendaient autour de 53.
Mais pour Eric Vanraes, de la Banque Eric Sturdza, c’est ailleurs que réside la véritable menace : « Ce qui est le plus préoccupant, ce n’est pas tant l’état actuel du marché de l’emploi que la raison profonde qui pousse les consommateurs à restreindre leurs achats et à envisager de les réduire davantage. Ce n’est pas une simple prudence, mais la peur palpable d’un retour de l’inflation, alimentée par les Trumponomics, dont l’emblème demeure la politique protectionniste des droits de douane. »
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Droits de douane : l’arme fatale
L'une des principales promesses de campagne de Donald Trump était sans équivoque : l’instauration de droits de douane réciproques. Autrement dit, le président souhaitait imposer aux produits étrangers entrant sur le sol américain les mêmes taxes que celles appliquées aux exportations américaines vers ces pays.
- Art of the deal
Dès le début de son mandat, Donald Trump a mis ses menaces à exécution. Le nouvel occupant de la Maison-Blanche a relevé les droits de douane sur les importations en provenance des partenaires économiques des États-Unis.
La première mesure emblématique fut l’augmentation des taxes à 25 % sur l’acier et l’aluminium importés aux États-Unis, sans distinction d’origine. Même des pays naguère exemptés, comme le Canada et le Mexique, ont été concernés par cette décision.
Dans les coulisses de négociations intenses, Donald Trump a néanmoins suspendu l’essentiel des droits de douane qu’il avait annoncés à l’encontre du Mexique et du Canada, au moins jusqu’au 2 avril.
Pierre-Alexis Dumont, directeur des investissements chez Sycomore AM, souligne d’ailleurs : « L’objectif de l’administration Trump n’est pas tant d’imposer des taxes massives et généralisées que de négocier, au cas par cas, avec ses partenaires commerciaux sur des dossiers variés : les questions migratoires avec le Mexique, ou encore la technologie et la défense avec la Chine. Les annonces de barrières douanières servent ainsi de levier pour obtenir des accords avantageux pour les intérêts américains. »
- L’Europe et la Chine dans le viseur
Les négociations avec Pékin pourraient également s’intensifier dans les semaines à venir, la Chine représentant le plus important déficit commercial des États-Unis. Début mars, le président américain avait signé décret portant à 20 % les droits de douane supplémentaires sur l'ensemble des produits chinois entrant aux Etats-Unis.
Autre cible privilégiée : l’Union européenne, qui pèse pour 18,6 % des importations américaines. Donald Trump avait ainsi annoncé une hausse de 25 % des droits de douane sur les importations européennes, sans toutefois les avoir encore mis en œuvre.
La Commission européenne n’a pas tardé à réagir, affirmant qu’elle répondrait « fermement et immédiatement » à toute nouvelle hausse des droits de douane. Il faut dire que Donald Trump n’a jamais caché son hostilité envers Bruxelles, qu’il accuse d’avoir été « conçue pour emmerder les États-Unis ». Un message au moins aussi tranchant que sa politique commerciale.

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La prudence de la FED
L’inflation américaine marque un ralentissement. Selon le ministère du Commerce des États-Unis, elle s’est établie à 2,5 % sur un an en janvier, contre 2,6 % le mois précédent, après plusieurs accélérations consécutives. L’indice Core PCE, particulièrement scruté par la Réserve fédérale, a été publié en parfaite conformité avec les attentes, reculant de 2,9 % à 2,6 %.
Cela suffira-t-il à convaincre la banque centrale américaine de poursuivre la baisse de ses taux d’intérêt ? Rien n’est moins sûr.
La menace croissante de nouveaux droits de douane, brandie par l’administration Trump, pourrait raviver les tensions inflationnistes. Une récente enquête de la Fed révèle en effet que de nombreuses entreprises prévoient d’augmenter leurs prix en réaction à ces mesures protectionnistes. « Les acteurs du secteur industriel, qu’il s’agisse de la pétrochimie ou des fournitures de bureau, ont exprimé leurs inquiétudes face aux bouleversements à venir en matière de politique commerciale », souligne la banque centrale.
Donald Trump, de son côté, a reconnu qu’il pourrait y avoir « quelques perturbations, mais nous sommes prêts à les accepter. Ce ne sera pas grand-chose ».
Raphael Bostic, président de la Réserve fédérale d'Atlanta, a donc annoncé que la Fed pourrait devoir maintenir sa politique actuelle encore quelque temps : « il faudra peut-être patienter jusqu’à l’été avant d’envisager une nouvelle baisse des taux. »
Zone euro : une économie de guerre ?
Le spectre de la stagflation, redouté par les dirigeants européens, pourrait bien se matérialiser. Cette année, la Zone Euro risque ainsi de conjuguer une inflation élevée et une croissance anémique. La société de gestion Schroders anticipe pour 2025 une croissance limitée à 1,1 % et une inflation globale de 2,4 %.
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Des indicateurs économiques en berne
Les indicateurs économiques de la Zone Euro n'affichent pas de signes encourageants. Certes, la confiance des investisseurs mesurée par l'indice Sentix a rebondi davantage qu'attendu en février, passant de -17,7 à -12,7. Toutefois, ce regain demeure fragile. Même constat pour l'indice de confiance des consommateurs, qui s'est établi à -13,6 en février, conformément aux prévisions.
Par ailleurs, la production industrielle a reculé plus qu'escompté en décembre, enregistrant une baisse de 1,1 % en rythme mensuel.
La Banque centrale européenne est encore plus pessimiste que les équipes Schroders pour la croissance de la zone euro, en anticipant un tout petit de + 0,9 %.
Au cours des prochaines semaines, une attention particulière devra également être portée aux négociations commerciales entre les pays européens et les États-Unis. Donald Trump a laissé entendre que les droits de douane pourraient être relevés de 25 %. Heureusement, l'histoire récente avec le Mexique et le Canada l'a montré : le pire n'est jamais certain.
Selon des estimations du cabinet Oxford Economics, de telles augmentations tarifaires pénaliseraient particulièrement le Danemark et l'Irlande, très exposés au secteur pharmaceutique, ainsi que l'Allemagne et la Slovaquie, fortement dépendantes de l'industrie automobile
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La BCE à la manœuvre
En zone euro, l’inflation devrait ressortir à 2,2% en février sous l’effet de la baisse des prix de l’électricité en France.
La Banque centrale européenne (BCE) a donc profité de l’occasion pour annoncer une nouvelle réduction de 25 points de base de ses taux directeurs, une décision attendue qui ramène le taux de dépôt à 2,50 %. Il s’agit du sixième assouplissement depuis juin 2024, un rythme inédit depuis les années 2010.
Aux yeux de Christine Lagarde, cette mesure vise à stimuler une économie européenne moribonde et à stabiliser l’inflation autour de 2 % à moyen terme.
Dans son communiqué, la BCE se félicite du fait que « le processus de désinflation est en bonne voie ». Toutefois, l’institution reconnaît que les prix de l’énergie continuent de peser lourdement sur l’indice des prix. Plus encore, elle se trouve contrainte de composer avec une situation économique et géopolitique qui évolue de manière radicale d’un jour à l’autre. Christine Lagarde, la présidente de la BCE, n’a d’ailleurs pas dissimulé que les membres de l’institution naviguaient actuellement à vue lorsqu’il s’agissait de dessiner la politique monétaire du continent.
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Des investissements massifs dans le secteur de l’armement
En l’espace de quelques jours, les dirigeants européens ont radicalement modifié leur discours. La volonté des États-Unis de se retirer du bourbier ukrainien, tout en conservant le contrôle sur les minerais stratégiques, pousse l’Europe à renforcer considérablement ses investissements dans le secteur de la défense.
- Le plan de relance allemand
Le discours d’Emmanuel Macron illustre cette atmosphère générale : « Notre génération ne touchera plus les dividendes de la paix. Il ne tient qu’à nous que nos enfants récoltent demain les fruits de nos engagements. »
Dans ce contexte morose, c’est l’Allemagne qui a marqué les esprits. Forte de ses finances publiques gérées d’une main de maitre, les conservateurs allemands (CDU), arrivés en tête aux dernières élections, se sont alliés avec les sociaux-démocrates (SPD) pour créer un fonds d’infrastructures de 500 milliards d’euros sur dix ans et réformer le frein à l’endettement, afin de permettre une hausse significative des dépenses militaires. L’accord stipule ainsi que les États fédéraux pourront enregistrer des déficits allant jusqu’à 0,35 % du PIB, une possibilité qui était impensable jusque-là. Les dépenses militaires pourraient ainsi atteindre, selon les prévisions, au moins 100 milliards d’euros par an, soit le double de leur niveau actuel.
- Un impact sur les taux
À cela s’ajoute la proposition de la Commission européenne de suspendre les règles de stabilité budgétaire, afin d’allouer 150 milliards d’euros au secteur de la défense. Vous comprendrez alors que les vannes sont désormais grand ouvertes.
Wilfried Galand voit en ses annonces un véritable game changer pour l’économie européenne : « Plombée par l’Allemagne et la France, l’économie européenne peine à décoller et stagne à des niveaux proches de la récession, malgré le dynamisme de l’Espagne. C’est bien la déflation qui menaçait, avec des prix à la production en Allemagne en baisse continue, mais l’annonce de vastes programmes européens de souveraineté change profondément la donne. »
Ces annonces ont toutefois entraîné une forte remontée des taux longs en Europe : le rendement des obligations à 10 ans de l’Allemagne a grimpé de 35 points de base, atteignant 2,83 %, son équivalent français a grimpé dans les mêmes proportions pour atteint 3,54 %.
Le casse-tête économique chinois
Xi Jinping s’apprête à intensifier la politique de relance économique du pays, révélant en filigrane des difficultés plus profondes que ne le suggèrent les chiffres officiels du Parti communiste chinois.
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Les exportations : un moteur économique menacé
C'est une bien mauvaise nouvelle pour le gouvernement chinois : les exportations connaissent un net ralentissement. Selon les données publiées ce vendredi par les douanes chinoises, elles n'ont progressé que de 2,3 % en janvier et février par rapport à la même période l'an passé. Un chiffre bien en deçà des attentes, qui tablaient sur une hausse de 5,9 %, et très loin de la progression de 10,7 % enregistrée en décembre.
Ce ralentissement s'inscrit dans un contexte de tensions croissantes avec Washington. Donald Trump s'est lancé dans une véritable "guerre commerciale" contre Pékin, imposant une augmentation de 20 % des droits de douane sur les produits chinois importés aux États-Unis. En représailles, les autorités chinoises prévoient d'appliquer des taxes allant jusqu'à 15 % sur une série de produits agricoles américains, notamment le soja, le porc et le blé.
Ces turbulences pourraient porter un coup sévère aux exportations chinoises, qui ont longtemps été l'un des moteurs de la croissance du pays, alors que la consommation des ménages peine à se redresser et que le secteur immobilier traverse une crise profonde.
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Le gouvernement desserre la bride
Le Parti communiste chinois tient actuellement à Pékin sa plus grande réunion politique annuelle, connue sous le nom des "Deux Sessions". À cette occasion, le gouvernement a affiché des ambitions économiques qui paraissent, pour certains observateurs, relever davantage du vœu pieux que d'une réelle projection. L'objectif officiel d'une croissance du PIB "d'environ 5 %" pour cette année semble difficilement atteignable, les analystes internationaux anticipant plutôt un taux proche de 4 % en 2025.
Pourtant, Xi Jinping s'est donné les moyens de croire en cet objectif. Il a ainsi validé une augmentation des dépenses publiques en portant l'objectif de déficit public de 3 % à 4 %. Ce sont ainsi 155 milliards d'euros de dépenses supplémentaires qui seront engagées, financées par un recours accru aux emprunts d'État, qui atteindront 233 milliards d'euros au total.
Ces mesures visent à soutenir la consommation et à « stimuler autant que possible la demande intérieure ».
Mel Siew, gérant de portefeuille chez Muzinich & Co, souligne l'importance de ce changement de cap de l'exécutif chinois : « Pour la première fois en 14 ans, l'orientation de la politique monétaire de la Chine est devenue 'modérément souple', en rupture avec l'approche 'prudente' de 2017-2018. C'est un signal fort indiquant que les autorités privilégient désormais la croissance, ce qui devrait logiquement renforcer la capacité du pays à atténuer l'impact négatif des droits de douane. »
Reste à voir si ces efforts suffiront à inverser la tendance.
Les convictions de Scala Patrimoine sur les marchés financiers
Février 2025 marque un tournant décisif dans l'évaluation de la politique économique américaine, mettant un terme à une période de complaisance envers les effets supposément bénéfiques de la stratégie menée sous Trump. Aux États-Unis, les indicateurs avancés traduisent un net affaiblissement des perspectives économiques : la confiance des ménages et des entreprises s'érode, les intentions d'investissement fléchissent, et l'activité dans les services ralentit, révélant une inquiétude grandissante quant à la trajectoire économique du pays.
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Les marchés financiers actions américains reculent
Dans ce contexte incertain, la Fed se voit contrainte d'adopter une posture prudente face aux risques inflationnistes, en partie exacerbés par une politique tarifaire agressive. Toutefois, des doutes subsistent quant à la mise en œuvre effective de ces mesures. S'agit-il d'un véritable levier de régulation ou simplement d'un outil de négociation dont l'impact sur la croissance resterait limité ? En effet, si le ralentissement économique se confirmait, il pourrait, dans une certaine mesure, atténuer la hausse des prix engendrée par l'augmentation des droits de douane sur les importations.
Sur le plan microéconomique, les petites et moyennes entreprises, qui avaient bénéficié du "Trump trade" en fin d'année, sont particulièrement affectées par l'incertitude qui pèse sur l'économie mondiale. La rotation sectorielle s'intensifie, les investisseurs délaissant les segments les plus risqués au profit de valeurs plus défensives. Quant au secteur technologique, il continue d'ajuster ses valorisations, fragilisé par des résultats mitigés et des interrogations croissantes sur la politique monétaire future, accentuées par une concurrence féroce en provenance de Chine. Ces incertitudes, conjuguées aux effets directs des droits de douane sur les marges, se traduisent par une baisse marquée des actions américaines en ce début d'année. La Fed d'Atlanta anticipe déjà un premier trimestre de croissance négative aux États-Unis, notamment en raison de la détérioration de la balance commerciale, alors même que la plupart des hausses de tarifs annoncées n'ont pas encore été appliquées.
- Un rebond des marchés financiers européens
À l'opposé, les marchés européens affichent une résilience inattendue, enregistrant une progression de plus de 3 % en dépit de fondamentaux encore fragiles. L'optimisme des investisseurs est porté par l'espoir d'un cessez-le-feu en Ukraine et par des discussions croissantes autour d'un plan budgétaire renforcé pour la défense, illustrant un réajustement stratégique en Europe face au désengagement de Trump dans ce domaine. Ce regain de confiance profite notamment au secteur bancaire et aux valeurs de la défense européenne, malgré des divergences persistantes entre les dynamiques économiques de part et d'autre de l'Atlantique.
Dans le même temps, la Chine poursuit sur une trajectoire positive, portée par son secteur technologique et par des perspectives de réformes réglementaires favorisant un climat d'affaires plus souple. Toutefois, cette dynamique reste concentrée sur les entreprises tournées vers l'exportation. De son côté, le Japon peine à retrouver son souffle, affecté par l'appréciation du yen qui pèse sur ses marchés sensibles aux variations de change.
Face à ces évolutions, nous avons rééquilibré notre exposition entre actifs européens et américains. Si les fondamentaux aux États-Unis demeurent solides, les incertitudes qui pèsent sur l'économie ne permettent pas d'assurer la poursuite de cette robustesse observée ces dernières années. La consommation et l'investissement pourraient subir des pressions significatives, sans que l'ampleur de cette dégradation ne soit encore pleinement mesurable.
- Une forte demande sur le secteur de la défense
En Europe, les investisseurs espèrent une amélioration des perspectives économiques, bien que les écarts de valorisation entre les marchés européens et américains se soient quelque peu réduits en ce début d'année. La valorisation moyenne des entreprises européennes a ainsi légèrement dépassé sa moyenne historique des dix dernières années, atteignant 14,4 fois les bénéfices, bien que la décote reste marquée, notamment dans le secteur financier. Les banques européennes, en particulier, offrent des perspectives rassurantes, affichant une décote de plus de 40 % par rapport à leurs homologues américaines.
Par ailleurs, si le secteur de la défense présente un point d'entrée moins attractif après des performances record de plus de 9 % en février, il demeure un investissement stratégique de long terme. L'annonce surprise du "bazooka allemand" et le soutien massif de l'Europe, avec plus de 800 milliards d'euros consacrés à la relance des investissements, devraient favoriser un réagencement profond des priorités économiques sur le continent.
- Des opportunités sur les marchés financiers chinois et indiens ?
Les récentes annonces du gouvernement chinois témoignent d'une volonté affirmée de stimuler la consommation domestique, avec pour objectif d'atteindre une croissance de 5 % en 2025. Dans un contexte de prudence persistante de la part des investisseurs étrangers, cette relance apparaît comme un facteur clé de l'évolution économique chinoise, bien que son ampleur demeure incertaine.
Malgré de solides performances en fin d'année, les valorisations du marché chinois restent parmi les plus attractives au sein des grandes économies, offrant ainsi des opportunités intéressantes en cas de concrétisation de la relance.
Sur un autre front, le marché indien affiche également un potentiel de redressement. La correction d'environ 20 % de l'indice au cours des cinq derniers mois a créé un contexte d'investissement plus favorable, soutenu par une reprise de l'investissement public et des perspectives macroéconomiques rassurantes.
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Les marchés financiers obligataires
En février, les principaux segments du marché obligataire ont affiché des performances positives. La baisse des rendements américains s'est propagée à l'ensemble des classes d'actifs, les bons du Trésor américain se distinguant avec un rendement de 2,2 %.
- Des marchés bien orientés
La faiblesse du dollar a soutenu la dette des marchés émergents, qui a généré un rendement de 1,6 %. Ces gains ont confirmé le rôle des obligations mondiales comme instrument de diversification face aux pertes subies par les actions américaines, dans un climat d'incertitude quant aux perspectives économiques des États-Unis.
Par ailleurs, la robustesse des fondamentaux des entreprises a permis aux spreads sur le crédit investment grade de demeurer contenus, contribuant ainsi à une progression de 1,6 % des marchés mondiaux du crédit sur le mois. En revanche, le segment du haut rendement américain a légèrement souffert d'un élargissement des spreads, limitant sa performance à 0,6 %. En Europe, l'optimisme suscité par les espoirs de cessez-le-feu en Ukraine a tempéré la baisse des rendements souverains. Ainsi, les obligations d'État ont enregistré un rendement de 0,7 %, tandis que les spreads sont restés relativement stables.
Le début du mois de mars a toutefois marqué un tournant avec une nette remontée des taux européens, qui ont grimpé d'environ 40 points de base, sans pour autant provoquer un élargissement des spreads français. Cette volatilité a été alimentée par l'annonce d'un plan d'investissement européen d'une ampleur inattendue, impliquant une augmentation significative du financement par endettement. Dans ce contexte, la réaction de la Banque centrale européenne sera déterminante : les coûts de financement actuels en Europe paraissent difficilement soutenables à long terme.
Après deux baisses de taux en début d'année, la BCE semble marquer une pause, maintenant son taux de dépôt autour de 2,50 %. La hausse marquée des taux en mars, bien qu'elle pèse sur la valorisation des obligations, pourrait offrir un point d'entrée intéressant pour les investisseurs orientés vers le crédit, notamment dans un environnement où le soutien institutionnel pourrait favoriser une normalisation progressive des conditions de financement.
- Une position prudente des investisseurs
Suite à la flambée des taux des obligations souveraines européennes, la prudence est de mise sur ce segment. Des clarifications sur le financement des vastes projets d'investissement européens seront nécessaires pour appréhender pleinement les enjeux à venir. Aux États-Unis, l'incertitude entourant la croissance et l'inflation devrait continuer à nourrir une volatilité persistante des taux souverains. De plus, l'impact des politiques économiques sur la résilience des entreprises américaines nous incite à la prudence. Le retournement de l'eurodollar observé lors de la première semaine de mars souligne, par ailleurs, l'importance d'intégrer le risque de change dans les stratégies d'investissement en obligations américaines non couvertes, une exposition qui pourrait s'avérer coûteuse.
Nous maintenons notre préférence pour le portage sur le crédit européen, dont les rendements réels se sont nettement améliorés avec la hausse des taux d'intérêt. Le crédit investment grade (IG) prévaut sur les obligations souveraines, offrant un rendement plus attractif, avec des spreads, bien que resserrés, supérieurs à leur moyenne historique.
- Le segment de qualité privilégié
Face à la faiblesse de l'activité économique en Europe, nous privilégions l'IG plutôt que le high yield (HY), même si ce dernier peut jouer un rôle de diversification et optimiser le rendement attendu. Nous mettons l'accent sur les entreprises aux bilans solides, capables d'inspirer confiance aux investisseurs. Cette approche nous conduit à favoriser des maturités courtes (inférieures à deux ans) et les émetteurs les mieux notés. L'absence de perspective de récession en 2025 soutient ce segment, bien que sa sensibilité à une éventuelle détérioration économique en Europe reste élevée.
Par ailleurs, les obligations financières ont continué de se distinguer, comme en 2024, en offrant des rendements supérieurs à l'ensemble du segment IG. La dette subordonnée des grandes banques investment grade apparaît particulièrement attrayante : bien qu'une prime de risque subsiste en raison de la hiérarchie des remboursements, le risque est bien maîtrisé grâce à la solidité des émetteurs, renforcée par le durcissement progressif des réglementations bancaires.
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Les marchés financiers Alternatifs
Dans le cadre de notre approche de gestion prudente, nous continuons de privilégier les stratégies alternatives long/short actions, particulièrement adaptées aux marchés financiers volatils et incertains, où la dispersion est marquée. Les rotations sectorielles s’opèrent à un rythme effréné, tandis que les indices réagissent avec acuité aux annonces des instances politiques, économiques et monétaires.
Dans un tel contexte, ces stratégies se révèlent précieuses, offrant à la fois une protection contre les replis des marchés financiers et un potentiel de surperformance dans des conditions complexes. En exploitant les inefficiences des marchés financiers, elles permettent aux gérants d’adopter des positions longues sur les actions sous-évaluées et des positions courtes sur celles jugées excessivement valorisées. Cette souplesse s'avère essentielle en période de forte volatilité, assurant une précieuse décorrélation vis-à-vis des indices traditionnels.
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Les Produits structurés
Nous demeurons confiants quant au potentiel des produits structurés, qui offrent une opportunité d’exposition à divers marchés financiers tout en permettant d’ajuster finement le niveau de risque et le rendement cible. La brusque envolée des taux d’intérêt au cours de la première semaine de mars a renforcé l’attrait de certains produits, en particulier ceux adossés aux taux européens. Par ailleurs, la correction observée dans certains secteurs de l’économie américaine pourrait représenter un point d’entrée intéressant pour des structures liées à ces valeurs.
Une fois encore, les produits structurés s’imposent comme une alternative pertinente pour les investisseurs désireux d’accéder au marché actions tout en atténuant la volatilité inhérente à cette classe d’actifs. Leur souplesse en fait une solution stratégique, à la fois pour diversifier et optimiser un portefeuille dans le contexte actuel.
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Les Actifs non cotés (Private Assets)
L’intérêt des investisseurs institutionnels pour les actifs non cotés ne cesse de croître, malgré un contexte économique marqué par de nombreuses incertitudes. Cette dynamique, portée par la baisse progressive des taux d’intérêt en 2024, favorise également un afflux de capitaux vers des fonds plus accessibles au grand public. Bien que le marché témoigne d’une certaine prudence, notamment face aux incertitudes politiques et économiques, nous demeurons confiants quant au potentiel du private equity.
Les stratégies secondaires se révèlent particulièrement attractives, offrant d’intéressantes perspectives de valorisation. Parallèlement, les fonds de co-investissement occupent une place centrale dans nos priorités, conjuguant optimisation des rendements et contrôle des coûts.
Les stratégies de dette privée, à l’image de la dette mezzanine et du growth buyout, suscitent un intérêt croissant en accompagnant les entreprises en phase de développement. Par ailleurs, le capital-risque connaît un nouvel essor, notamment dans les secteurs technologiques et ceux liés à la transition énergétique, ouvrant ainsi des horizons prometteurs pour les startups les plus innovantes.
- Allocation conseillée
Pour exploiter pleinement le potentiel des investissements non cotés tout en limitant les risques, nous préconisons une stratégie diversifiée et résolument orientée sur le long terme.
Cette approche se décline ainsi :
- Des stratégies secondaires, choisies pour leur stabilité et la robustesse de leurs rendements.
- Une exposition au capital-risque, dans le but de saisir des opportunités à haut rendement au sein de secteurs innovants.
- Des investissements dans le LBO (Leveraged Buyout), afin de tirer parti de l'effet de levier.
- Le growth equity, qui offre l’opportunité de participer à la croissance d’entreprises matures et prometteuses.
- La dette mezzanine, un instrument clé de diversification, grâce à ses rendements attractifs.
Face aux mutations constantes de l’environnement économique, cette allocation vise à allier performance et gestion proactive des risques. Nous demeurons particulièrement vigilants à l’évolution du marché, tout en saisissant les opportunités qu’il présente, notamment dans des secteurs stratégiques tels que la santé et la transition énergétique.

Faut-il investir sur la dette privée en 2025 ?
Depuis la crise financière de 2007, la dette privée est devenue une classe d’actifs incontournable. Profitant de la réticence des banques traditionnelles à octroyer des crédits aux entreprises, notamment sur le segment du mid-market, en raison des contraintes réglementaires strictes imposées par Bâle III, elle s'est affirmée comme une alternative robuste et séduisante.
L'ascension fulgurante de ce marché est incontestable. En l'espace d'une décennie, les encours de la dette privée ont été multipliés par trois, avec un marché aujourd'hui évalué à 1 500 milliards de dollars. Selon les prévisions, l'année 2024 marquera la cinquième année consécutive où les engagements des investisseurs institutionnels dépasseront les 200 milliards de dollars pour la dette privée, consolidant ainsi sa position prééminente dans le paysage financier mondial.
En outre, les projections de Preqin laissent entrevoir un cap symbolique : celui des 2 600 milliards de dollars d'ici 2029.
Mais pourquoi cet engouement croissant pour la dette privée ? Quelles sont les opportunités qu'elle offre et les risques qu'elle comporte ? Si la promesse de rendements supérieurs aux actifs traditionnels attire, la complexité de ce marché et les risques inhérents, tels que le manque de liquidité et la concentration sectorielle, ne doivent pas être sous-estimés.
Plongez dans les coulisses de cette classe d’actifs.
La définition de la dette privée
La dette privée constitue un levier de financement privilégié pour les entreprises en quête de capitaux. Plutôt que de solliciter un prêt bancaire ou d’émettre des obligations sur les marchés financiers, certaines sociétés optent pour un emprunt direct auprès d’investisseurs institutionnels – tels que les compagnies d’assurance ou les fonds de pension – ainsi qu’auprès d’investisseurs privés.
Par extension, la dette privée s’impose également comme une classe d’actifs particulièrement pertinente. Elle offre aux investisseurs une diversification appréciable, tout en leur permettant de bénéficier de rendements attractifs, souvent supérieurs à ceux des instruments financiers traditionnels.
Les différents segments de la dette privée
L’essor de la dette privée a favorisé l’émergence de diverses typologies de financement, chacune se distinguant par des caractéristiques spécifiques. Celles-ci varient en fonction du niveau de risque, des garanties associées et de la durée du financement, offrant ainsi un large éventail d’options adaptées aux besoins des emprunteurs et des investisseurs.
De manière générale, la dette privée englobe plusieurs catégories, allant de la dette senior, qui bénéficie du plus haut degré de protection grâce à des garanties solides, jusqu’aux dettes subordonnées. Ces dernières, bien que plus risquées en raison de leur rang inférieur en cas de défaut, offrent en contrepartie une rémunération plus attractive aux investisseurs.
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La dette senior
La dette senior s'apparente aux emprunts bancaires classiques. Elle bénéficie de garanties spécifiques qui la placent au premier rang des créances à rembourser en cas de difficulté financière de l’emprunteur. Sa priorité de remboursement en fait une dette relativement sécurisée, ce qui se traduit par un coût d’emprunt plus modéré.
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L’unitranche
Forme hybride de financement, la dette unitranche est spécifiquement conçue pour les opérations de Leverage Buy-Out (LBO). Elle se substitue à la fois à la dette senior et à la dette subordonnée, simplifiant ainsi la structure du financement. Remboursable in fine, elle est généralement souscrite par des fonds d’investissement spécialisés et affiche un coût intermédiaire entre celui de la dette senior et celui de la dette mezzanine. Son attractivité réside dans la flexibilité qu’elle offre aux emprunteurs, tout en présentant un rendement plus élevé pour les prêteurs.
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La dette mezannine
La dette mezzanine constitue une forme de dette subordonnée, son remboursement intervenant après celui de la dette senior. Son positionnement intermédiaire entre la dette classique et les fonds propres en fait un instrument de financement prisé dans le cadre de montages financiers sophistiqués. En raison du risque accru qu’elle comporte, elle offre un rendement supérieur et peut, dans certains cas, inclure une rémunération complémentaire sous forme d’intéressement au capital de l’entreprise financée (sous forme de bons de souscription d’actions, par exemple).
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Les autres dettes subordonnées
Les dettes subordonnées regroupent l’ensemble des créances dont le remboursement est conditionné au règlement préalable de la dette senior. Hormis la dette mezzanine, elles comprennent divers instruments financiers assortis de sûretés de second rang. Leur niveau de risque plus élevé, dû à leur rang de remboursement inférieur, se traduit par une rémunération plus attractive pour les prêteurs. Les fonds les utilisent pour compléter les financements existants ou pour accroître l’effet de levier d’une opération.
Les motivations des entreprises et des investisseurs
La dette privée offre de multiples avantages, tant pour les entreprises que pour les investisseurs. En effet, elle constitue une source de financement alternative, permettant aux entreprises de diversifier leurs sources de capitaux et de se prémunir contre la volatilité des marchés financiers publics. Pour les investisseurs, elle représente une opportunité d'obtenir des rendements attractifs, souvent supérieurs à ceux des obligations cotées.
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Pour les entreprises
Bien que nettement plus onéreuse que la dette bancaire traditionnelle, la dette privée continue de susciter l’adhésion des entreprises, en particulier celles évoluant dans l’univers du private equity. Ce mode de financement, prisé des acteurs les plus avertis, présente des avantages indéniables qui expliquent son succès croissant.
En effet, il se distingue avant tout par sa rapidité de mise en place et sa capacité à être entièrement personnalisée, que ce soit en termes de conditions, de montants ou de durées. Cette flexibilité permet aux entreprises de répondre avec agilité à leurs besoins spécifiques, qu’il s’agisse de financer une croissance organique, de réaliser une acquisition stratégique, de mener à bien une opération de transmission ou encore de refinancer une dette existante dans des conditions plus favorables.
Les investisseurs privés, ou fonds d'investissement, misent notamment sur leur capacité à proposer des structures financières souples et sur mesure. Ces dernières permettent une adaptation fine aux exigences des entreprises, là où les institutions bancaires, soumises à des régulations prudentielles strictes, peinent à offrir une telle flexibilité.
Et comme le souligne un acteur familier de cette classe d’actifs : « les atouts de la dette privée sont d’autant plus marquée en période de turbulences économiques, où les entreprises ont besoin de solutions rapides et adaptées pour naviguer dans un environnement incertain ».
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Pour les particuliers
Dans un contexte de baisse des taux et de spreads moins attrayants, les grands investisseurs cherchent à apporter de leur diversification à leur patrimoine, et notamment leur poche obligataire. La dette privée propose, en effet, une très faible corrélation avec les marchés cotés traditionnels, en raison de la nature personnalisée des transactions.
- Un soutien à l’économie réelle
Les fonds de dette privée offrent un accès privilégié à l’économie réelle, permettant ainsi aux investisseurs de participer activement au financement des petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Par leur engagement financier, ces investisseurs ne se contentent pas seulement de chercher un rendement, mais contribuent également à dynamiser la croissance économique et à soutenir la création d’emplois.
« Les entreprises qui bénéficient de ce type de financement sont souvent issues de secteurs jugés résilients et peu sensibles aux fluctuations économiques, comme les logiciels, la santé, l’éducation ou encore les services financiers. » précise d’ailleurs Franck Sabbah, responsable du développement des activités de gestion d’actifs en Europe continentale au sein de la banque Berenberg, sur B smart TV.
Ces domaines, souvent porteurs d’innovation, sont au cœur des transformations sociétales. En investissant dans ces secteurs, les fonds de dette privée soutiennent ainsi des acteurs essentiels à la modernisation de l’économie.

- Une « prime d’illiquidité »
Le plus souvent, la somme prêtée est remboursée in fine, c’est-à-dire à l’échéance du terme défini, généralement compris entre cinq et dix ans. Selon Franck Sabbah, la dette privée se distingue par une liquidité moindre : « ces fonds présentent des périodes d’investissement et de "lock-up" qui s’étendent de sept à dix ans, obligeant ainsi les investisseurs à adopter une vision à long terme. En contrepartie, ces derniers bénéficient d’une prime d’illiquidité, comparativement aux obligations d’entreprises cotées, ce qui se traduit par des rendements plus élevés. En Europe, les rendements sont généralement évalués au taux de l’Euribor, auquel s’ajoutent entre trois et six points pour la portion la plus défensive du portefeuille, et jusqu’à douze points pour la partie la plus offensive. »
Les fonds de dette privée, par nature, sont des fonds distributifs. Cela signifie que les intérêts générés sont régulièrement distribués aux investisseurs, sur une base mensuelle, trimestrielle ou annuelle, selon les modalités définies au préalable. Le montant des intérêts dépend directement des risques associés à l’entreprise emprunteuse et de la qualité de la garantie fournie. Cette régularité dans les paiements génère ainsi un rendement stable, un facteur particulièrement apprécié des investisseurs à la recherche de sécurité et de rentabilité.

- Une protection contre l’inflation
Une autre caractéristique non négligeable de ces investissements est leur capacité à offrir une protection contre l’inflation. Comme le souligne Emilie Buttiaux, directrice générale d’Archinvest, « les prêts en dette privée sont souvent à taux variable, ce qui constitue un avantage indéniable face à l’inflation et aux hausses des taux d’intérêt, contrairement aux obligations à taux fixe. » Cette flexibilité des taux permet aux investisseurs de se prémunir contre l'érosion du pouvoir d'achat, offrant ainsi une couverture supplémentaire dans un environnement économique incertain.
Ainsi, bien que la dette privée présente un certain degré de complexité et d’engagement à long terme, elle offre des avantages indiscutables, tant en termes de rendement que de sécurité contre les fluctuations économiques.
Une dynamique positive pour la dette privée
Dans un environnement économique et géopolitique en constante évolution, marqué par des bouleversements multiples, l’activité des fonds de dette privée a connu un ralentissement logique en 2023, après deux années exceptionnelles en 2021 et 2022.
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L’heure du rebond
Une étude récemment publiée par PitchBook montre un marché de la dette privée en voie de normalisation. « Depuis le pic de 2021 à 86 milliards d'euros, les levées de fonds de crédit en Europe sont revenues à leur niveau pré-Covid : environ 50 milliards d'euros ont été mobilisés l’an dernier, un montant stable par rapport à 2023, et comparable à celui des années 2019-2020. »
Le durcissement des conditions de financement, combiné à une incertitude économique persistante, a logiquement conduit à un allongement des délais de réalisation des opérations et à une diminution du nombre de transactions concrétisées, notamment dans le secteur large cap, plus sensible aux fluctuations du marché.
Cependant, les observateurs notent une reprise de l’activité au second semestre 2023. Les levées de fonds et les investissements demeurent ainsi historiquement élevés, un signe d’une résilience certaine du secteur. La dette privée, en particulier, a tiré profit des récentes dislocations des marchés actions et obligataires, consolidant sa position en tant que source privilégiée de financement dans un contexte d’incertitude.
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Une classe d’actifs résiliente, mais pas sans risque
Franck Sabbah met en lumière les vertus de la dette privée face aux turbulences des marchés financiers, soulignant l’exceptionnelle résilience de cette classe d’actifs. « L’année 2022 a été marquée par un véritable krach des marchés obligataires cotés. En revanche, la dette privée, en tant que classe d’actifs illiquide et valorisée à une fréquence différente, a su offrir une stabilité relative aux investisseurs, écartant les phénomènes de panique généralement observés sur les marchés plus liquides. »
- La dette privée, plébiscitée en période d'incertitude
Grâce à ses caractéristiques intrinsèques, la dette privée a démontré sa capacité à maintenir l’équilibre dans des périodes d’instabilité économique marquées par des crises financières mondiales, des hausses de taux d’intérêt et des tensions géopolitiques croissantes.
Un point de vue partagé par Hamza Filali, Managing Director, Dette Privée Européenne chez MSIM Morgan Stanley, qui précise : « La dette privée répond particulièrement bien aux défis du contexte économique et géopolitique actuel, notamment face au conflit commercial entre la Chine et les États-Unis. Grâce à des taux d’intérêt variables, elle peut mieux amortir les chocs de volatilité et affiche une variation plus stable à travers les cycles économiques. »
- Une inquiétude sur les entreprises européennes ?
Cependant, de nombreux gestionnaires de fonds mettent en garde contre les risques inhérents à la dette privée. Bien que, jusqu’à présent, ces risques aient été relativement maîtrisés, l’augmentation des taux de défaut pourrait se précipiter dans un contexte économique de plus en plus morose, en particulier dans la zone euro. En outre, les agences de notation pourraient être amenées à ajuster leurs prévisions. Une telle évolution pourrait surprendre les investisseurs, qui se verraient alors confrontés à des ajustements brusques dans leurs portefeuilles.
Emilie Buttiaux, directrice générale d'Archinvest, note tout de meme que les investisseurs bénéficient d'une meilleure protection que l'equity. « En effet, en tant que créanciers, ils occupent une position prioritaire dans la structure de capital d'une entreprise. Cela leur garantit un remboursement prioritaire par rapport aux actionnaires en cas de défaut ou de liquidation. »
Un potentiel intact pour 2025 ?
Sur l'ensemble des marchés du Private Market, les niveaux de Dry Powder (la "poudre sèche"), qui désignent l'ensemble des fonds engagés mais non encore appelés par les sociétés de gestion, n'ont jamais atteint de tels sommets.
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Des capitaux à investir
Les GPs (General Partners) se trouvent aujourd'hui à la tête d'un véritable trésor de guerre non investi, qu'ils devront, à un moment ou à un autre, déployer.
« Si les taux d'intérêt diminuent et si les banques centrales parviennent à orchestrer un atterrissage en douceur de l'économie, avec une inflation qui se stabilise, conjuguée à l'absence de tout autre choc macroéconomique, alors la situation sur le segment du Private Market devrait se normaliser », anticipe un analyste.
Kevin Egan, gérant de portefeuille principal et co-responsable du crédit chez Invesco, présente ses perspectives sur cette classe d'actifs et se montre confiant pour les entreprises : « Pour 2025, nous prévoyons une nouvelle année où les rendements des prêts dépasseront la moyenne, grâce à un environnement de risque favorable, alimenté par une inflation et des taux d'intérêt plus faibles. La baisse des taux a pour effet de renforcer les fondamentaux des émetteurs de prêts, à mesure que les charges d'intérêt diminuent, ce qui atténue le risque de défaut et de perte de crédit. »
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Des vents favorables ?
Un optimisme que partage Ron Kantowitz, directeur de la gestion dette privée chez Invesco, qui apporte un éclairage complémentaire : « Nous demeurons optimistes quant à l'avenir des prêts directs en 2025, en raison des vents favorables attendus, tant sur le plan macroéconomique que du déploiement des capitaux. »
« La récente baisse des taux rend certes le marché plus compétitif face aux acteurs bancaires, mais cela ne modifie en rien les équilibres fondamentaux, ni la montée en puissance du financement privé », ajoute Mike Dennis, Partner et Co-Head of European Credit chez Ares Management Corporation, dans les colonnes du journal Les Echos : « Plus que l'évolution des taux, ce qui soutient la croissance de notre marché, c'est la régulation croissante des banques, notamment les règles de Bâle. Et ces contraintes, loin de disparaître, vont perdurer. »
Dans cette perspective, le dirigeant d'Ares Management anticipe une reprise mondiale de la demande pour ce type de financement. L'environnement des fusions et acquisitions (M&A) dans le segment des entreprises de taille intermédiaire (mid-market) semble particulièrement propice et devrait confirmer le rebond amorcé à la fin de l'année dernière.
Les levées de fonds moteurs
L'attrait croissant des investisseurs pour la dette privée s'est concrétisé par des levées de fonds d'une ampleur sans précédent.
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La plus grande levée de fonds de l'histoire en Europe
Le gestionnaire d'actifs Ares Management a ainsi réalisé la plus importante levée de fonds de l'histoire du crédit privé en Europe, collectant la somme colossale de 17 milliards d'euros pour financer des entreprises sur le Vieux Continent.
Cette levée de fonds arrive seulement quatre mois après celle orchestrée par la société britannique ICG, qui avait, de son côté, réuni 15,2 milliards d'euros pour son véhicule dédié à la dette privée. Ces deux événements témoignent de l'essor rapide du marché de la dette privée, qui devient un pilier incontournable des stratégies d'investissement à l'échelle mondiale.
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La France, 1er marché européen
En France, les sociétés de gestion n'ont pas tardé à emboîter le pas. Selon les données du Private Debt Deal Tracker de Deloitte, le marché français demeure particulièrement dynamique, permettant à la France de s'imposer, en 2023 (voir schéma ci-dessous), comme le premier pays européen en nombre d'opérations, devançant ainsi le Royaume-Uni. Ainsi, 170 opérations ont été comptabilisées en France, contre 158 outre-Manche, soulignant l'engouement pour les solutions de financement privées dans l’hexagone.
Au cours des 12 derniers mois, plusieurs acteurs majeurs ont contribué à cette dynamique. La Caisse d'Épargne, par exemple, a lancé un fonds de dette privée de 535 millions d'euros, dédié au financement du développement des entreprises de taille intermédiaire (ETI) en région. De son côté, CAPZA a annoncé avec succès la levée de son fonds CAPZA 6 Private Debt, doté d'une capacité d'investissement de 2,5 milliards d'euros, ciblant principalement des entreprises en croissance ou en transformation.
En outre, des acteurs comme Andera Partners ou Alcentra continuent d'afficher une dynamique solide, renforçant l'attractivité de la dette privée en France. Ces sociétés, grâce à leur expertise et à leurs fonds bien structurés, participent activement à l’expansion de ce marché, qui ne cesse de se diversifier et de se sophistiquer.
Comment bien sélectionner les gérants de dette privée ?
Dans l’univers du non coté, et plus particulièrement en matière de dette privée, le choix des gérants revêt une importance capitale. En effet, les écarts de performance entre les fonds classés dans le premier et le dernier quartile sont considérables, rendant la sélection d’autant plus déterminante.
Nous vous recommandons ainsi d’opter pour une société de gestion ayant fait preuve de solidité à travers les cycles économiques et bénéficiant du soutien d’investisseurs institutionnels de renom sur plusieurs millésimes. Il est également essentiel d’évaluer la capacité des gérants à générer de la performance aussi bien en période de forte croissance qu’en temps de récession.
Le principal risque lié à la dette privée est celui du défaut de paiement, autrement dit, la possibilité que l’emprunteur ne soit pas en mesure d’honorer ses engagements. Il convient donc de privilégier des équipes de gestion stables, affichant des performances régulières et capables de limiter le taux de défaut des entreprises en portefeuille. Une approche rigoureuse, incluant la prise de garanties adaptées, permettra par ailleurs d’optimiser le recouvrement des investissements dans les meilleures conditions.
Prenez le temps d’analyser en détail leur historique de performance. Et n’hésitez pas à challenger leur méthodologie de sélection des entreprises.
Enfin, portez une attention particulière au système de rémunération et à l’alignement des intérêts entre la société de gestion et ses investisseurs. Une répartition équilibrée du carried interest entre les équipes est également un gage d’engagement et de motivation à long terme.
Podcast « Passion Patrimoine » : les confidences de Guillaume Lucchini
Dans le cadre de son podcast « Passion Patrimoine », la journaliste Carine Dany part à la rencontre des grandes figures de la gestion de patrimoine et de la gestion d'actifs. Elle explore avec eux non seulement leur parcours professionnel, mais aussi des aspects plus intimes : leurs motivations, leurs ambitions et la passion qui les anime.
Cette semaine, c'est Guillaume Lucchini, associé fondateur de Scala Patrimoine, qui s'est prêté au jeu de l'interview.
Family officer : un métier de passion
Dans la première partie de l'entretien, Carine Dany s'attache à comprendre les ressorts de la motivation de Guillaume Lucchini. Celui-ci met en lumière la richesse infinie de son métier et l'effervescence intellectuelle qui nourrit son quotidien. « En tant que chef d'entreprise, mes journées sont souvent comparables à des montagnes russes. Mais c'est précisément ce qui rend cette aventure exaltante : bâtir une activité, tisser des relations durables, donner du sens au temps qui passe. Ce qui m'anime avant tout, c'est la capacité à fédérer des talents autour d'un projet, à construire ensemble, à nous challenger mutuellement. Aujourd'hui, je n'ai pas l'impression de travailler : c'est la passion qui me guide. » explique-t-il.
Issu du monde juridique, Guillaume Lucchini souligne également qu'il fut parmi les premiers à aborder son métier sous un prisme juridique et fiscal. « À mes débuts, dans les grands groupes de gestion de patrimoine, la majorité des professionnels que je croisais venaient du domaine de la finance. »
Dans cet épisode, le fondateur du multi-family office revient également sur les transformations du secteur et sa manière d'aborder ses missions. « Pour moi, le produit n'est que la conséquence d'une stratégie patrimoniale bien pensée. Or, un besoin s'est fait sentir face à la déception de certains clients quant à leur relation avec leur banque, où l'accompagnement des familles dans leurs projets patrimoniaux s'est peu à peu effrité. » En cause : un modèle financier préférant la commercialisation des produits maison à une approche en architecture ouverte. « Cette vision centrée sur le produit restreignait les perspectives et limitait la personnalisation des solutions proposées. » souffle-t-il.
L'indépendance du conseil en gestion de patrimoine au cœur de sa démarche
En fondant Scala Patrimoine, Guillaume Lucchini a souhaité insuffler une nouvelle dynamique au conseil en gestion de patrimoine, avec une ambition forte : garantir une indépendance totale, tant sur le plan réglementaire et financier que capitalistique. « Cette volonté d'apporter une réelle valeur ajoutée à nos clients a guidé chaque étape de notre développement. Depuis la création, chaque euro gagné fait l'objet d'un réinvestissement dans le cabinet. Je ne prétends pas détenir une vérité absolue, mais je suis convaincu que pour accompagner efficacement nos clients, il est primordial de leur offrir une expertise solide et diversifiée, directement intégrée à notre structure. » explique-t-il. Avant d'ajouter : « Nous avons aussi bâti notre modèle autour d'une transparence absolue, en refusant le système des rétrocessions qui prévaut encore sur le marché. »
Au micro de Carine Dany, il rappelle qu'intervenir en amont dans la gestion patrimoniale permet une réflexion sereine et approfondie sur des enjeux complexes, qu'ils soient juridiques, fiscaux ou liés à la transmission. Ce métier exige une expertise pointue dans de nombreux domaines : ingénierie patrimoniale, financement, immobilier, gestion financière... Une approche qu'il résume ainsi : « Il est essentiel de définir des objectifs clairs. Gérer un patrimoine ne consiste pas seulement à rechercher un rendement, mais aussi à préserver une valeur refuge. Tout ne doit pas être exposé aux risques : notre rôle est d'assurer une diversification prudente tout en répondant aux besoins patrimoniaux et familiaux. »
En guise de conclusion, il insiste sur l'importance d'entretenir une relation d'honnêteté absolue avec ses clients. « Lorsqu'il s'agit de dire les choses, même les plus difficiles, nous n'hésitons jamais. Une relation de confiance ne peut exister qu'à travers le respect et la transparence réciproques. »
Cliquez ici pour écouter le podcast
Le rendez-vous des marchés financiers - Février 2025
Marchés financiers & économie : les points clés
- L’arrivée de l’application chinoise DeepSeek, propulsée en tête des téléchargements sur l’Apple Store, a provoqué un véritable séisme sur les marchés financiers. Ce succès fulgurant pourrait remettre en cause la suprématie des géants américains sur le marché de l’intelligence artificielle.
- Surnommé le « tariff man », Donald Trump a engagé un bras de fer avec ses partenaires commerciaux, amorçant une hausse des droits de douane sur les produits importés.
- L’économie européenne montre des signes alarmants de ralentissement. Au quatrième trimestre 2024, le PIB n’a progressé que de 0,1 % par rapport au trimestre précédent.
Quelles performances sur les marchés financiers ?
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DeepSeek : un défi pour l’hégémonie américaine dans l’IA ?
L’arrivée de DeepSeek en tête des applications les plus téléchargées sur l’Apple Store a fait l’effet d’une bombe sur les marchés financiers. Cette entreprise chinoise spécialisée dans l’intelligence artificielle vient de dévoiler son modèle R1, un robot conversationnel gratuit et open source, qui semble déjà rivaliser avec ChatGPT, développé par OpenAI.
Ce qui frappe les observateurs, c’est l’efficacité avec laquelle DeepSeek AI a atteint ce niveau de performance. Selon des officiels chinois, l’entreprise aurait réussi cet exploit avec un budget de seulement 5,58 millions de dollars, un montant dérisoire comparé aux milliards dépensés par les géants américains.
De plus, les semi-conducteurs utilisés pour développer DeepSeek sont des solutions bien moins coûteuses que celles proposées par NVIDIA, dominant actuellement le marché.
Face à cette avancée, les entreprises américaines risquent de rencontrer des difficultés pour justifier leurs lourdes projections budgétaires. Elles pourraient être contraintes de revoir leurs stratégies, ce qui aurait des répercussions sur toute la chaîne de valeur. Cette disruption exerce déjà une pression significative sur les acteurs les plus exposés à l’intelligence artificielle et aux semi-conducteurs.
Les conséquences ne se sont pas fait attendre : 1.000 milliards de dollars de capitalisation boursière ont été effacé en quelques heures dans la tech. Les actions de NVIDIA et ASML ont respectivement chuté de 17 % et 7 %, illustrant la panique qui a gagné les marchés pendant quelques heures, avant de se reprendre en partie.
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Les marchés européens démarrent 2025 sur les chapeaux de roues
Une fois n’est pas coutume, c’est l’Europe qui est à la fête en ce début d’année. En Allemagne, le DAX 30 s’envole de plus de 10 % depuis le 1ᵉʳ janvier. De son côté, le CAC 40 progresse de plus de 8 % et franchit le seuil symbolique des 8 000 points.
En Chine, l’indice Shanghai Composite affiche une hausse de 2,5 %, tandis que le Hang Seng Tech Index, qui regroupe les 30 plus grandes sociétés technologiques cotées à Hong Kong, bondit de plus de 25 % depuis le 13 janvier, porté par l’enthousiasme suscité par les solutions de « DeepSeek ».
De l’autre côté de la mer de Chine orientale, au Japon, le Nikkei 225 marque le pas : l’indice recule de 1 % depuis le début de l’année 2025. En Inde, le Nifty 50 enregistre également une baisse de 3 %.
Malgré les soubresauts provoqués par l’essor de DeepSeek sur le marché de l’intelligence artificielle, les indices boursiers américains poursuivent leur ascension. Le S&P 500 s’adjuge plus de 3 % depuis janvier, à l’instar du Nasdaq 100.
Avec un ratio cours/bénéfices de 23,6 sur le S&P 500, le marché affiche un niveau élevé, mais encore éloigné de ses sommets historiques. En 2021, ce même ratio atteignait 37,26 !
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Une hausse des cours de l’Or et du pétrole
Les craintes d’une nouvelle guerre commerciale initiée par les États-Unis propulsent l’or vers de nouveaux sommets historiques. L’once d’or s’échange désormais à 2 878 dollars, en hausse de 9,85 % depuis le 1ᵉʳ janvier.
Porté par la montée des tensions entre le Hamas et Israël, ainsi que par les effets des sanctions américaines contre l’Iran et la Russie, le pétrole s’inscrit également en hausse. Le baril de Brent de la mer du Nord, pour livraison en février, a gagné 2 %, atteignant 76 dollars.
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L’appétit pour le Bitcoin se confirme
L’engouement pour le bitcoin ne faiblit pas. Après les déclarations élogieuses de Donald Trump, c’est au tour du gouverneur de la banque centrale de la République tchèque, Aleš Michl, d’afficher son intérêt pour la cryptomonnaie. Ce dernier envisage purement et simplement d’ajouter le bitcoin aux réserves de devises étrangères du pays, une première en Europe !
Ce projet pourrait concerner jusqu’à 5 % de l’allocation, soit environ 7 milliards d’euros. Pour autant, le prix du bitcoin reste en deçà du seuil symbolique des 100 000 €, s’établissant actuellement à 92 230 €.

États-Unis : Donald Trump lance les hostilités
Affichant une confiance certaine dans l’économie américaine, le Fonds monétaire international (FMI) a relevé sa projection de croissance pour 2025 de 0,5 point de pourcentage, la portant à 2,7 %.
L’institution justifie cette révision par une hausse de la productivité, particulièrement dynamique aux États-Unis, notamment dans le secteur technologique, ainsi que par un climat des affaires plus favorable et des marchés des capitaux plus développés.
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Le plein emploi
Les statistiques publiées aux États-Unis confirment la bonne santé de l’économie américaine. L’ISM des services a progressé plus que prévu en décembre, passant de 52,1 à 54,1. Parallèlement, les dépenses des ménages ont enregistré leur plus forte hausse en près de deux ans, avec une augmentation de 0,7 % sur un mois.
L’indice NFIB, qui mesure la confiance des PME, a également rebondi au-delà des attentes en décembre, passant de 101,7 à 105,1, tout comme la confiance des promoteurs immobiliers en janvier, qui s’est améliorée de 46 à 47.
La production industrielle suit la même tendance haussière : en décembre, elle a progressé de 0,9 % en rythme mensuel, dépassant largement les prévisions de +0,3 %.
Autre signal positif, le marché du travail reste dynamique. En moyenne, 166 000 emplois ont été créés chaque mois aux États-Unis en 2024, un chiffre inférieur aux 186 000 attendus, mais qui témoigne d’une solide résilience. Le taux de chômage, quant à lui, s’est établi à 4 % en janvier, contre 4,1 % en décembre.
Toutefois, la croissance du PIB au quatrième trimestre 2024 a déçu les analystes : elle s’est limitée à 2,3 %, contre 2,7 % attendus, un ralentissement principalement attribué à une baisse des investissements.
Autre point d’attention : la hausse des dépôts de bilan. Ceux-ci ont bondi de 33,5 %, atteignant 22 762 sur les 12 mois se terminant au 30 septembre 2024.
Enfin, la balance commerciale américaine continue de se détériorer. En novembre, le déficit s’est creusé à -78 milliards de dollars, après -74 milliards en octobre, prolongeant la tendance baissière amorcée à la mi-2023. Une évolution qui pourrait avoir des répercussions sur la politique internationale de Donald Trump.
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Une guerre commerciale à venir ?
Voici le chiffre qui fait frémir les équipes de Donald Trump : le déficit commercial américain a explosé en 2024, atteignant 918 milliards de dollars, soit une hausse de 133 milliards par rapport à l’année précédente. Cela représente 3,1 % du PIB.
Fidèle à sa réputation, « The Donald » n’entend pas laisser la situation se détériorer. Il endosse son costume de « tariff man », conformément à sa promesse d’augmenter drastiquement les droits de douane.
Première cible : la Chine
Un droit de douane supplémentaire de 10 % est désormais appliqué sur toutes les importations chinoises, portant le taux moyen à 23,4 %.
La Chine réplique aussitôt, imposant des taxes de 10 % à 15 % sur 20 milliards de dollars d’exportations américaines. Ces mesures ciblent principalement : les minéraux et combustibles stratégiques, les machines agricoles et certains modèles automobiles.
En parallèle, le président américain a signé deux décrets instituant des droits de douane de 25 % sur l’acier et l’aluminium, applicables à compter du 12 mars, tous pays confondus, « sans exception ni exemption ».
Le Mexique et le Canada sous pression
Le Mexique et le Canada sont également dans le viseur. Ils disposent d’un délai jusqu’au 4 mars pour parvenir à un accord avec l’administration Trump sur la sécurité frontalière, faute de quoi des tarifs de 25 % seront imposés sur tous leurs produits exportés vers les États-Unis. Les produits pétroliers sont exemptés, Donald Trump souhaitant préserver les intérêts des consommateurs américains.
L’Europe n’est pas épargnée : Donald Trump brandit la menace de nouveaux droits de douane, bien que ceux-ci ne soient pas encore mis à exécution. Dans une surenchère provocatrice, il évoque même la possibilité... d’annexer le Groenland, territoire sous souveraineté danoise.
La réaction ne se fait pas attendre : Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, promet une riposte « particulièrement ferme », tout en maintenant la porte des négociations ouverte : « Il est également important de maintenir le bon équilibre, afin d’éviter une guerre commerciale, qui n’est dans l’intérêt de personne. »
Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, se montre plus alarmiste, déclarant qu'une guerre commerciale avec les États-Unis est désormais « très probable ».
Les tensions tarifaires alimentent les craintes d’inflation généralisée, aux États-Unis comme dans le reste du monde. Face à cette perspective, la FED décide de mettre en pause sa politique de baisse des taux, refroidissant ainsi les espoirs d’un assouplissement monétaire rapide.
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La FED adopte une position attentiste
Les pressions inflationnistes restent vives. Les derniers chiffres de l’indice des prix à la consommation (CPI) montrent une nouvelle hausse. En janvier, l’inflation s’est établie à 3 % sur un an, contre 2,9 % le mois précédent. Pour mémoire, le CPI était déjà passé de 2,7 % à 2,9 % en décembre.
Jerome Powell sur la défensive
Cette tendance est confirmée par le Département du Travail, dont l’indice CORE CPI — qui exclut les éléments volatils tels que l’alimentation et l’énergie — s’élève à 3,2 %, légèrement en dessous des 3,3 % anticipés par les analystes.
Ces données amènent Jerome Powell, président de la Réserve fédérale américaine (Fed), à freiner sa politique d’assouplissement monétaire. Lors de sa dernière intervention publique, il a réaffirmé la résilience de l’économie américaine : « L’économie américaine est, dans l’ensemble, forte. »
Il a souligné que la politique monétaire actuelle reste adaptée aux incertitudes économiques : « La politique monétaire actuelle est bien calibrée pour faire face aux risques et incertitudes auxquels l'économie est confrontée. De nouvelles baisses de taux ne pourront intervenir qu’en cas de recul plus marqué de l’inflation et d’une dégradation de la santé du marché de l’emploi. »
Un œil attentif sur la politique de Donald Trump
Jerome Powell a également indiqué qu’il suivrait de près l’évolution des projets politiques de Donald Trump : « Nous attendons de voir quelles politiques seront effectivement mises en place. Nous ne sommes pas pressés. »
Rappelant que l’inflation globale s’élevait encore à 2,9 % en décembre, au-dessus de l’objectif de 2 % fixé par la Fed, il a toutefois précisé que l’inflation « cœur », indicateur privilégié de la banque centrale, se rapprochait davantage de cette cible.
À ce jour, les marchés n’anticipent qu’une réduction modeste d’un quart de point du taux directeur, prévue pour le mois de juin. Pour rappel, entre septembre et décembre, la Fed avait déjà abaissé son taux directeur, le faisant passer de 5,5 % à 4,5 %.
Le spectre d’une récession en Europe ?
La BCE table sur une croissance de 1,1 % pour la zone euro cette année, avec une progression à 1,4 % en 2026. Plus réservée, le FMI projette une hausse limitée à 1 %, soulignant des écarts marqués entre les principales économies : Allemagne : 0,3 %, France : 0,8 % et Espagne : 2,3 %. Ces prévisions reflètent une reprise inégale au sein de la zone euro, avec une Espagne en tête et une Allemagne à la traîne.
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Ralentissement de l’économie européenne
L’économie européenne ralentit dangereusement, en raison des difficultés rencontrées par l’Allemagne et la France, ses deux principaux moteurs, pénalisées par l’instabilité politique et des défis structurels.
Selon les données transmises par Eurostat, au cours du quatrième trimestre 2024, le PIB a augmenté de seulement 0,1 % dans l'UE, par rapport au trimestre précédent. Au cours du troisième trimestre 2024, le PIB avait progressé de 0,4 %. Les déceptions les plus marquantes sont venues d’Irlande (-1,3 %), d’Allemagne (-0,2 %) et de France (-0,1 %).
Faut-il craindre une récession pour l’Union européenne au cours des prochains mois ? Les dernières statistiques économiques sèment le doute.
En décembre 2024, la production industrielle a diminué de 0,8 % dans l'UE, par rapport à novembre 2024. De même, le volume des ventes du commerce de détail a reculé de 0,3 %.
Les chiffres de l’emploi sont également mal orientés. En décembre 2024, le taux de chômage s’établissait à 6,3 %, en hausse par rapport aux 6,2 % enregistrés en novembre.
Heureusement, l’indice PMI Flash composite HCOB de l’activité globale dans la zone euro se redresse en janvier à 50,2 (contre 49,6 en décembre), atteignant son plus haut niveau depuis cinq mois.
Notons aussi, et c’est une bonne nouvelle, que la France a enfin validé son budget 2025, après plusieurs semaines d’atermoiements
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De nouvelles baisses de taux à venir
Malgré une tendance nettement déflationniste, les prix ont légèrement augmenté en ce début d'année. Le taux d'inflation annuel de la zone euro est estimé à 2,5 % en janvier 2025, contre 2,4 % en décembre 2024.
Pour Philip Lane, gouverneur de la Banque centrale d'Irlande, l’objectif de 2 % reste à portée de main, mais uniquement si l’inflation dans le secteur des services, actuellement à 4 %, poursuit sa décrue.
Ces soubresauts n'ont toutefois pas entravé la Banque centrale européenne dans sa politique de réduction des taux. En janvier, l'institution dirigée par Christine Lagarde a de nouveau abaissé ses taux de 0,25 point de base, marquant ainsi la cinquième réduction depuis juin. Son principal taux, qui était encore de 4 % en juin dernier, s'élève aujourd'hui à 2,75 %.
Cette politique monétaire résolument proactive devrait se poursuivre au cours des prochains mois. Les fragilités des économies européennes contraignent les banquiers centraux à assouplir leur politique monétaire, d’autant plus qu’une guerre commerciale avec les États-Unis semble se profiler.
La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a d’ailleurs laissé la porte grande ouverte à de nouvelles baisses dans l'année à venir : « Le processus de désinflation est en bonne voie, avec une hausse des prix maîtrisée qui devrait converger vers 2 % dans le courant de l’année. »
Les anticipations prévoient ainsi deux ou trois nouvelles baisses d’ici à la fin de l’année.
Chine : une croissance inférieure à 5 %
La trajectoire de la croissance chinoise est sur une pente descendante. Bien que le produit intérieur brut (PIB) chinois ait enregistré une augmentation de 4,9 % en 2024, un chiffre proche de l'objectif gouvernemental de 5 % de croissance annuelle, cette performance est en grande partie attribuable aux mesures de relance mises en place par le gouvernement pour atténuer les difficultés héritées de la crise du Covid-19.
L’économie chinoise a également bénéficié de la vigueur de ses exportations, qui ont encore atteint des sommets l’année dernière. Selon des médias officiels, le montant des exportations a franchi, pour la première fois, la barre des 3 300 milliards d’euros, marquant une augmentation de 7,1 % par rapport à l’année précédente.
D'après les économistes internationaux, un nouveau ralentissement de l’économie chinoise est cependant prévu pour 2025, avec une croissance anticipée de seulement 4,4 %. Ce déclin serait la conséquence directe du contrecoup de la guerre commerciale menée par les États-Unis.
Fort heureusement, les premiers indices d’une reprise du marché immobilier chinois se font sentir. Les prix des nouveaux logements dans les grandes villes, telles que Pékin et Shanghai, ont enregistré en janvier une hausse annuelle de respectivement 1,2 % et 10,7 %, pour la première fois depuis dix-huit mois. Le volume des transactions a également progressé de 56 % par rapport à l’année précédente. Enfin, les acquisitions de terrains par les promoteurs immobiliers chinois ont connu une hausse de plus de 40 % en glissement annuel au mois de janvier.
Les convictions de Scala Patrimoine sur les marchés financiers
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Les marchés actions : Perspectives et défis
Les perspectives de croissance pour 2025 demeurent robustes aux États-Unis, où les attentes de progression des bénéfices soutiennent fermement Wall Street. Depuis l’annonce de la victoire de Donald Trump, la réaction du marché est globalement positive pour les valeurs américaines, propulsées par l’anticipation d’une politique résolument pro-business.
Les défis à venir
À court terme, les mesures proposées par l’administration Trump devraient stimuler la croissance, notamment par le soutien à l’emploi et à l’investissement domestique. C’est cette dynamique qui nourrit actuellement l’optimisme des marchés en ce début d’année. Cependant, cet élan pourrait rapidement se heurter à des tensions inflationnistes. Consciente du risque, la Réserve fédérale a déjà suspendu sa politique de baisse des taux. Si l’inflation venait à redémarrer, la banque centrale pourrait se voir contrainte d’adopter une posture plus restrictive que prévu initialement.
De son côté, l’Europe peine à retrouver un élan de croissance, en raison de la faiblesse persistante de ses deux principales économies. Toutefois, plusieurs facteurs pourraient contribuer à stabiliser la situation dans les mois à venir. La Banque centrale européenne a entamé un cycle de réduction des taux, avec trois nouvelles baisses prévues pour 2025, tandis que l’inflation sous-jacente semble se stabiliser. Par ailleurs, l’Allemagne pourrait opérer un tournant budgétaire après les élections législatives, offrant ainsi davantage de flexibilité pour soutenir certains secteurs industriels stratégiques.
Le défi majeur demeure cependant celui de l’intelligence artificielle. L’administration Trump a prévu un investissement de 500 milliards de dollars pour le développement de cette technologie, en réponse, entre autres, à la percée spectaculaire de DeepSeek, qui a ravivé l’optimisme des investisseurs quant à la compétitivité des entreprises chinoises dans le domaine. De son côté, l’Europe manifeste également sa volonté d’accélérer le développement de l’innovation. Le véritable enjeu pour l’Europe résidera dans sa capacité à traduire ces ambitions en actions concrètes, afin de combler son retard technologique et productif face aux États-Unis.
Les actions européennes retrouvent des couleurs
En janvier, les actions européennes ont surperformé leurs homologues américaines (7,02 % contre 2,76 %, respectivement). La décote historique des actions européennes par rapport aux valeurs américaines, qui dépasse les 40 %, a incité les investisseurs à revenir massivement sur les valeurs européennes en ce début d’année.
Cependant, ce déséquilibre reflète également un écart économique qui ne cesse de se creuser. Les perspectives économiques divergentes et la solidité des résultats des entreprises américaines nous conduisent à privilégier cette zone, malgré des valorisations élevées dans certains secteurs. Bien que nous considérions la récente sous-performance du secteur technologique comme un point d’entrée potentiellement intéressant, les mesures pro-business et favorables à la croissance pourraient avantager d’autres segments, en particulier les petites et moyennes capitalisations, davantage exposées au marché domestique.
En revanche, l’Europe continue de se voir freinée par des enjeux politiques locaux et géopolitiques, ce qui incite à une certaine prudence sur la zone euro, malgré l’assouplissement monétaire attendu et des valorisations attractives.
Enfin, la nouvelle coalition en Allemagne est particulièrement attendue pour son potentiel à relancer les investissements dans le pays. Les entreprises européennes exportatrices bénéficient d’un euro affaibli, ce qui renforce leur compétitivité. De plus, nombre d’entre elles ont déjà adapté leur stratégie en augmentant leur présence aux États-Unis et en localisant une partie de leur production sur place.
Certaines opportunités sont présentes dans des segments spécifiques, nécessitant une sélection rigoureuse des titres. Sur les marchés émergents, nous privilégions l’Asie du Sud-Est, qui devrait continuer d’attirer les flux d’investissements et profiter d’un éventuel renforcement des échanges avec la Chine.
Une prudence vis-à-vis des marchés financiers chinois
En revanche, nous demeurons prudents vis-à-vis de la Chine. Bien que les indices actions chinois aient surperformé l’indice des marchés émergents depuis le début de l’année, cette performance a été largement alimentée par l’essor spectaculaire du secteur technologique, en particulier après l’annonce de DeepSeek, un modèle d’intelligence artificielle avancé.
Toutefois, les bonnes nouvelles sur le plan macroéconomique se font attendre, et la crise immobilière persiste. Par ailleurs, les tensions commerciales, notamment celles liées à l’administration Trump, représentent un risque supplémentaire. La Chine pourrait d’ailleurs chercher à diversifier encore davantage ses exportations, en renforçant ses liens avec ses partenaires asiatiques.
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Les marchés financiers obligataires : des perspectives toujours favorables
La hausse des taux observée en début d’année s’est atténuée : les rendements des obligations d’État (zone euro et États-Unis) ont reculé de 20 à 30 points de base au cours des trois dernières semaines, permettant à cette classe d’actifs de générer des performances légèrement positives. Le spread français a diminué d’environ 14 points de base, marquant un début d’allègement de la pression sur les actifs hexagonaux.
Marchés obligataires : avantage au crédit corporate
Nous maintenons notre optimisme pour cette classe d’actifs, convaincus que l’année 2025 lui sera propice, portée par la baisse attendue des taux en Europe, qui allégerait le coût de financement des entreprises. Notre préférence se porte sur le crédit corporate, offrant des rendements supérieurs au souverain, soutenus par la solidité persistante des bilans d’entreprises, notamment en Europe.
Les obligations américaines affichent un rendement réel plus élevé qu’en Europe. La repentification de la courbe a été plus marquée aux États-Unis, renforçant l’attrait des maturités longues. Toutefois, la Fed ayant marqué une pause dans la baisse de ses taux directeurs, l’orientation de la politique monétaire demeure incertaine, exposant les obligations américaines à une volatilité accrue.
Les placements monétaires conservent un attrait supérieur à la dette souveraine européenne. Bien que cette solution soit perçue comme un support d’attente face à la baisse annoncée des taux directeurs de la BCE. La faiblesse des rendements des obligations souveraines européennes, y compris sur les maturités longues, renforce l’intérêt pour les placements monétaires.
Les taux de défaut : un marqueur à suivre de près
Les taux de défaut devraient demeurer inférieurs à leur moyenne historique, portés par des fondamentaux solides et la résilience des bilans d’entreprise. La robustesse des bénéfices et l’évolution du contexte économique en Europe restent déterminantes. Bien que les rendements du crédit aient reculé en 2024 (de 70 à 150 points de base selon la notation), le portage devrait conserver son attrait en 2025, avec des rendements réels toujours positifs.
En Europe, nous privilégions le crédit investment grade (IG) aux obligations souveraines, celles-ci offrant un rendement plus attrayant et des spreads qui, bien que resserrés, surpassent encore leur moyenne historique. Aux États-Unis, à l’inverse, les spreads IG s’approchent de leurs plus bas niveaux historiques. Face aux menaces pesant sur l’économie européenne, nous favorisons également l’IG au détriment du haut rendement.
Le high Yield (HY) conserve néanmoins une valeur de diversification et d’optimisation du rendement attendu. L’accent est mis sur les entreprises aux bilans solides, gages de confiance pour les investisseurs. Dans cette optique, nous privilégions les maturités courtes (moins de deux ans) et les émetteurs mieux notés. Bien que l’absence de perspective de récession en 2025 soutienne ce segment, sa sensibilité à une éventuelle détérioration économique en Europe reste élevée.
Les obligations financières se sont imposées parmi les segments les plus performants en 2024, continuant d’offrir des rendements supérieurs au reste de l’IG. En particulier, la dette subordonnée des grandes banques investment grade apparaît séduisante. Si une prime de risque persiste, liée à la hiérarchie des remboursements, celle-ci demeure maîtrisée grâce à la solidité des émetteurs, renforcée par l’endurcissement continu des réglementations bancaires.
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Les marchés financiers alternatifs
Dans le cadre de nos approches de gestion prudente, nous continuons à privilégier les stratégies alternatives long/short actions, en particulier sur des marchés volatils, incertains et marqués par une forte dispersion. Les rotations sectorielles s'opèrent à un rythme soutenu, et les marchés réagissent vivement aux annonces émanant des instances politiques, économiques et monétaires, ainsi qu'aux publications des résultats d'entreprises. Ces stratégies se révèlent particulièrement judicieuses pour tirer parti de ces environnements, offrant à la fois une protection contre les baisses et un potentiel de surperformance dans des conditions de marché complexes.
Les stratégies long/short actions permettent aux gérants de saisir les inefficiences du marché en prenant des positions longues sur des actions sous-évaluées et des positions courtes sur des actions surévaluées. Cette flexibilité s'avère essentielle dans des contextes volatils, car elle procure une décorrélation vis-à-vis des indices traditionnels.
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Les produits structurés
Nous demeurons confiants quant aux produits structurés, qui offrent la possibilité d'accéder à divers marchés tout en ajustant le niveau de risque et le rendement cible selon les attentes de l'investisseur. Après avoir atteint un sommet, la hausse des taux d'intérêt a marqué une pause, les rendements des obligations d'État, tant en zone euro qu'aux États-Unis, ayant reculé de 20 à 30 points de base.
Cependant, les niveaux absolus demeurent attractifs, en particulier pour les produits adossés à des sous-jacents obligataires, qui permettent de saisir des opportunités de rendement souvent plus séduisantes que celles offertes par une exposition directe aux marchés obligataires. De surcroît, ces produits structurés ouvrent de nouvelles perspectives sur les marchés actions, grâce à des structures parfois plus sophistiquées.
Ils représentent ainsi une alternative précieuse pour les investisseurs désireux de s'exposer aux actions tout en réduisant la volatilité propre à cette classe d'actifs. Cette flexibilité fait d'eux une solution stratégique pour diversifier et optimiser un portefeuille dans le contexte économique actuel.
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Le capital investissement et la dette privée
L’intérêt croissant des investisseurs institutionnels pour les actifs non cotés persiste, malgré un contexte économique incertain. Cette dynamique, renforcée par la diminution progressive des taux d’intérêt en 2024, oriente également les flux de capitaux vers des fonds de plus en plus accessibles au grand public. Bien que le marché affiche des signes d’attentisme, en raison des incertitudes politiques et économiques qui l’assaillent, nous demeurons convaincus du potentiel du private equity.
Les stratégies secondaires continuent de captiver l'attention, offrant des perspectives de valorisation particulièrement prometteuses. Par ailleurs, les fonds de co-investissement restent au cœur de nos priorités, en alliant optimisation des rendements et maîtrise des coûts.
De surcroît, le capital-risque, notamment dans les secteurs technologiques et liés à la transition énergétique, connaît un renouveau significatif, ouvrant des horizons fascinants pour les startups innovantes.
Enfin, les stratégies de dette privée, telles que la dette mezzanine et le growth buyout, gagnent en popularité, soutenant les entreprises en pleine phase de croissance.
Allocation conseillée
Pour exploiter pleinement le potentiel des investissements non cotés tout en maîtrisant les risques, nous préconisons une stratégie à la fois diversifiée et axée sur le long terme. Cette approche englobe plusieurs piliers essentiels :
- Des stratégies secondaires, réputées pour leur stabilité et leurs rendements constants, offrant ainsi une assise solide.
- Une exposition au capital-risque, afin de saisir des opportunités à haut rendement dans des secteurs novateurs et porteurs.
- Des investissements en LBO (Leveraged Buyout), permettant de tirer parti de l'effet de levier et d'accroître la rentabilité.
- Le growth equity, qui offre l'opportunité de participer à la croissance d'entreprises matures, tout en bénéficiant de leur potentiel d'expansion.
- La dette mezzanine, avec ses taux attractifs, s'imposant comme un instrument clé de diversification dans cette allocation.
Dans un environnement économique en constante évolution, cette répartition vise à conjuguer performance et gestion proactive des risques. Nous restons vigilants face aux fluctuations du marché, tout en saisissant les opportunités qu'il offre, en particulier dans des secteurs stratégiques tels que la santé et la transition énergétique.

Investir sur des SCPI : analyse des risques et des opportunités
Les déboires des plus grandes SCPI, à commencer par celles de Praemia REIM (anciennement Primonial), Primovie et Primopierre, font les gros titres des médias patrimoniaux. Une trentaine des acteurs les plus influents du marché ont ainsi annoncé une dépréciation significative de la valeur de leurs parts, rattrapés par la montée des taux d’intérêt et le retournement du marché immobilier.
Cette préoccupation est partagée par l’Autorité des marchés financiers qui, dans un récent rapport, a rappelé que, à l’instar du secteur immobilier, le capital des investisseurs n’est en aucun cas garanti : « La valeur de l’immobilier peut baisser, et les niveaux de rendement ne sont aucunement assurés. »
Mais avait-on pleinement mesuré les risques inhérents aux placements immobiliers, et en particulier à ceux des SCPI ?
Le succès retentissant de ces véhicules entre 2015 et 2020 a pu altérer la perception du risque. À l’époque, la presse économique était dithyrambique. Le journal Les Échos vantait notamment la diversification avantageuse de ces placements, tandis que Le Figaro mettait en lumière leurs rendements attractifs.
Aujourd’hui, les SCPI sont généralement classées au niveau 3 sur 7 sur l’échelle des risques, une notation suggérant un risque modéré, entre faible et moyen.
Un classement qui semble pourtant bien éloigné de la réalité d’un marché immobilier en pleine mutation. Plus que jamais, l’immobilier se trouve à la croisée des chemins.
Les SCPI ont-elles, pour autant, perdu tout intérêt patrimonial ? Nous ne le pensons pas. Certes, le contexte économique actuel invite à la prudence, mais ces véhicules d’investissement conservent des atouts indéniables. Sur le long terme, leur présence au sein d’un portefeuille diversifié peut se révéler judicieuse, à condition d’opérer une sélection rigoureuse et d’en évaluer avec précision les risques inhérents.

La fin de la tempête pour l’immobilier ?
La crise du Covid-19, suivie du choc inflationniste de 2022, a durement éprouvé le secteur de l’immobilier. Pourtant, le pire semble désormais derrière nous. La baisse des taux, orchestrée par les banques centrales, redonne un peu d’oxygène aux acteurs du marché.
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Des secousses conjoncturelles et structurelles
Le marché immobilier a subi de plein fouet la flambée de l’inflation et la remontée brutale des taux directeurs imposée par les banques centrales. Les conditions de financement des investisseurs se sont rapidement détériorées, entraînant un net ralentissement des transactions en immobilier d’entreprise. Nombreux sont les vendeurs qui, dans l’attente d’une correction des prix, ont préféré temporiser.
Dans ce contexte, la prime de risque offerte par l’immobilier s’est révélée bien moins attractive face aux actifs financiers comme les placements monétaires ou les obligations, dont les rendements ont grimpé en flèche.
Comme si le choc des taux ne suffisait pas, d’autres mutations profondes sont venues secouer le secteur. Béatrice Guedj, Directrice de la Recherche et de l’Innovation chez Swiss Life Asset Managers France, souligne : « À cette pression financière s’ajoutent des transformations structurelles – démographiques, sociétales, technologiques et environnementales – qui bouleversent l’ensemble des classes d’actifs immobiliers, en particulier le bureau et le résidentiel. »
Un état des lieux confirmé par Vincent Lamotte, directeur général délégué en charge des finances et de la stratégie des fonds chez Perial AM : « Certains actifs tertiaires deviennent obsolètes avec l’émergence de nouveaux bureaux conformes aux dernières normes énergétiques, le développement du télétravail et l’essor de l’intelligence artificielle. »
Heureusement, une éclaircie semble se dessiner à l’horizon. Avec la décrue progressive des taux, le marché immobilier entrevoit enfin le bout du tunnel.
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Une baisse salutaire des taux d’intérêt
Le revirement de la politique monétaire des banques centrales commence enfin à porter ses fruits. En zone euro, le taux d’inflation annuel est retombé à 2,5 %, après avoir dépassé les 8 % en 2022. L’objectif des 2 %, fixé par les banquiers centraux, semble désormais à portée de main. Et au vu des difficultés économiques que traversent les grandes économies européennes, tout laisse à penser que la baisse des taux devrait se poursuivre en 2025.
États et banques centrales ont un besoin impérieux de soutenir l’économie européenne, d’autant plus que l’Allemagne, l’un de ses principaux moteurs, s’est contractée en 2024 pour la deuxième année consécutive, tandis que l’activité en France affiche de préoccupants signes de faiblesse.
Ce mouvement constituerait, bien évidemment, une excellente nouvelle pour le marché immobilier, et plus particulièrement pour les SCPI. Le recul des taux d’intérêt pourrait en effet redonner de l’élan aux investisseurs, favorisant ainsi un redémarrage du marché et, à terme, une remontée des prix immobiliers dans les mois à venir.
Malgré ces éclaircies, Christophe Inizan de la société de gestion immobilière La Française, appelle à la prudence et met en garde contre tout excès d’optimisme : « Certes, l’élément tant attendu, à savoir la baisse des taux, est enfin là, mais il reste encore insuffisant. La reprise n’est pas encore au rendez-vous, notamment dans l’immobilier de bureau. Il faudra des actions plus marquées de la part de la BCE pour voir un véritable retournement de tendance. »
Un ajustement des valorisations
La baisse des valorisations d’une partie des SCPI reflète les difficultés du marché de l’immobilier tertiaire, en particulier celui des bureaux.
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Un marché des bureaux en pleine mutation
Comme mentionné précédemment, ce marché connaît une profonde transformation sous l’effet de plusieurs facteurs. L’essor du télétravail a réduit la demande d’espaces, tandis qu’une offre bien trop abondante sur les marchés périphériques et un contexte économique plus difficile pour les entreprises accentuent cette mutation.
La périphérie n'a plus la côte
Selon Béatrice Guedj, « les trajectoires varient fortement selon les localisations. L’hypersélectivité est le maître mot de la période. Les valeurs des marchés de référence, pour des actifs bien situés, bien connectés, conformes aux normes environnementales et adaptés à de multiples usages, se maintiennent, voire se renforcent. »
À La Défense, par exemple, 22 % des surfaces de bureaux sont actuellement vacantes. Trouver un locataire pour ces immenses tours devient un véritable défi. Cette tendance affecte également les prix des immeubles de bureaux en première couronne parisienne. On assiste ainsi à une polarisation extrême du quartier central des affaires, où les taux de vacance sont inférieurs à 5 %. Sur ces axes stratégiques, la demande locative demeure soutenue et ne rencontre aucune difficulté. Les loyers des biens prime atteignent d’ailleurs des niveaux records, avoisinant 1 200 €/m² par an hors charges !
Les petites surfaces privilégiées ?
« Nous sommes à un moment où la segmentation du marché des bureaux est particulièrement marquée. Les actifs de petite taille verront leur valorisation se stabiliser, tandis que les biens plus vastes, moins bien situés et dont l’obsolescence s’accélère face aux critères ESG, nécessiteront une transformation plus profonde. D’ailleurs, ces actifs ont déjà commencé à quitter les fonds, cédés par les gestionnaires. » estime d’ailleurs Vincent Lamotte.
Dans les années à venir, le marché du bureau devra inévitablement se réinventer.
Un constat partagé par Stéphanie Galiègue, Directrice générale déléguée en charge de la Recherche et des Études à l’IEIF, qui souligne : « Le ralentissement de la croissance de l’emploi tertiaire, l’optimisation des surfaces immobilières liées à l’adoption du télétravail, ainsi que les potentiels impacts de l’intelligence artificielle sur les métiers et les modes de travail de demain transforment en profondeur l’équation de création de valeur des investisseurs en bureaux. »
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Une trentaine de SCPI concentrent les difficultés
Entre 2023 et 2024, près de trente SCPI ont vu leur valorisation chuter, principalement celles spécialisées dans le secteur des bureaux. Une trentaine de SCPI sur plus de 200, cela reste relativement limité. Le problème, c’est que les véhicules les plus durement touchés sont aussi parmi les plus importants en termes de capitalisation et souvent les plus connus du grand public.
Les SCPI ont surtout été victimes de leur propre succès. Face à une collecte massive, elles ont dû investir des sommes colossales, ce qui les a naturellement conduites à acquérir en priorité des actifs de bureaux de grande taille. Malheureusement, la pandémie a bouleversé la donne.
Christophe Inizan revient sur cette rupture : « Les bureaux constituaient historiquement la classe d’actifs privilégiée des investisseurs. Le marché était profond, mature et facilement accessible. Or, depuis quelques trimestres, il traverse une crise majeure. En parallèle, nous observons l’essor d’autres segments, comme la santé, l’hôtellerie ou le résidentiel. Autrefois, les bureaux représentaient 80 % des investissements, pour des volumes atteignant 40 milliards d’euros. Aujourd’hui, ces volumes ont chuté à 12 milliards d’euros. L’exposition des investisseurs aux bureaux se réduit donc considérablement. »
Le marché de l’immobilier tertiaire devra ainsi s’adapter à cette nouvelle réalité et explorer de nouvelles dynamiques pour retrouver un équilibre durable.
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Des valorisations toujours en baisse en 2024
En 2023, le prix moyen des parts (pondéré par la capitalisation) avait chuté de 4,9 % à la suite d'annonces de baisses concernant 29 % des SCPI, selon l'Association Française des Sociétés de Placement Immobilier (Aspim).
Des baisses qui touchent une minorité de SCPI
L’année 2024 semble suivre une trajectoire similaire. Globalement, le prix moyen des parts, pondéré par la capitalisation, a reculé de 3,76 % au cours des neuf premiers mois de l’année.
Cependant, toutes les SCPI ne sont pas affectées de la même manière. Seuls 23 % des véhicules du marché ont vu leur prix de souscription diminuer, tandis que 68 % l'ont maintenu inchangé. Fait notable, 9 % des SCPI ont même réhaussé leur prix.
Sans surprise, ce sont les SCPI investies dans l’immobilier de bureau qui enregistrent les baisses les plus marquées (-6,3 %), suivies par celles à prédominance santé et éducation (-4,1 %). Les autres typologies restent relativement stables, avec de légères corrections comme la logistique et locaux d’activité (-0,1 %).
Ce sont principalement des SCPI issues de grands groupes bancaires, créées dans les années 1980-1990, qui ont massivement investi à l’époque dans l’immobilier de bureau parisien et francilien. Elles sont aujourd’hui les plus touchées. De plus, les SCPI doivent désormais ajuster le prix de leurs parts tous les six mois, et non plus annuellement, dans une fourchette de plus ou moins 10 % par rapport à la valeur estimée de leur patrimoine par les experts. Ce nouveau cadre réglementaire induit naturellement une plus grande volatilité du marché.
Une collecte mal maitrisée
Au cœur de cette tempête figure notamment Praemia (ex-Primonial), qui a annoncé en janvier 2025 une nouvelle baisse des prix de part pour quatre de ses SCPI : Primopierre (-8,7 %), Primovie (-11,3 %), Patrimmo Commerce (-9,1 %) et Patrimmo Croissance Impact (-7,7 %). Dans le détail, la SCPI phare du groupe, Primopierre, avec ses 2,2 milliards d'euros de capitalisation, subit la correction la plus sévère. En quatre dévaluations successives depuis septembre 2023, son prix de part a chuté de 44,7 %.
Malgré un patrimoine immobilier de grande qualité, la société de gestion paie aujourd’hui les conséquences d’une collecte effrénée ces dernières années et d'un endettement très élevé pour certaines de ses SCPI. Ces mêmes véhicules sont aussi ceux qui enregistrent le plus grand nombre de parts en attente de retrait.
Or, dans un marché atone, où les acheteurs se font rares, les sociétés de gestion concernées risquent d’être contraintes de céder en urgence certains actifs de qualité.
Pour Jérôme Grumler, directeur général délégué de Sofidy : « le rapport de force entre acheteurs et vendeurs s’est totalement inversé. Les acquéreurs ont désormais la main et sont en position de force. Mais on peut regretter qu’ils restent encore peu nombreux. Les sociétés de gestion qui tireront leur épingle du jeu dans les années à venir seront celles qui présentent un faible niveau d'endettement et disposent de liquidités. »
D'autant que les conditions de financement commencent à s’améliorer pour les acheteurs, portées par la baisse des taux.
Un marché qui se recentre sur les SCPI diversifiées
Malgré les difficultés rencontrées par les plus grandes SCPI, la collecte nette demeure positive, principalement concentrée sur les véhicules d’investissement les plus récents.
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Une collecte en baisse, mais toujours positive
Au troisième trimestre 2024, les SCPI ont enregistré une collecte nette de 807 millions d’euros, marquant une baisse de 11 % par rapport au trimestre précédent (907 millions d’euros). Depuis le début de l’année, la collecte nette atteint 2,5 milliards d’euros, soit un recul de 49 % par rapport à la même période en 2023.
Comme le souligne l’Aspim dans sa dernière analyse de marché, la tendance reste fragile : « Le volume d’ordres de rachat a fortement diminué d’un trimestre à l’autre, passant de 412 millions d’euros au deuxième trimestre à 264 millions d’euros au troisième trimestre 2024. »
Au 30 septembre 2024, la valeur des parts en attente demeure stable à 2,6 milliards d’euros, soit 2,9 % de la capitalisation du marché. Toutefois, la situation varie considérablement selon les acteurs : sur un total de 215 SCPI, 93 SCPI, gérées par 18 sociétés de gestion, affichent des parts en attente de rachat, tandis que 122 SCPI, administrées par 44 sociétés de gestion, n’en présentent aucune.
Ce sont essentiellement les SCPI sans parts en attente qui captent la majeure partie de la collecte brute : 1,07 milliard d’euros, soit 86 % des souscriptions du troisième trimestre 2024.
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Les SCPI diversifiées en tête
Le marché de la pierre-papier s’organise désormais en deux catégories : d’un côté, les jeunes SCPI ou celles les plus solides, qui ont su tirer parti de la baisse des prix immobiliers pour saisir de nouvelles opportunités d’investissement ; de l’autre, celles qui ont massivement collecté lorsque le marché était au sommet et qui peinent aujourd’hui à s’adapter.
Un marché à deux vitesses
Ce constat est partagé par Raphaël Bouhnik, directeur conformité et ESG chez Iroko : « Nous avons aujourd’hui un marché des SCPI à deux vitesses. D’un côté, les gestionnaires historiques, qui ont beaucoup collecté entre 2012 et 2022 à des prix élevés, rencontrent aujourd’hui de grosses difficultés de liquidité. Alors que de l’autre côté, les SCPI les plus récentes, qui ont en moyenne moins de cinq ans, sont plus dynamiques. Elles ont collecté au moment où les taux étaient élevés et ont donc de bons rendements aujourd’hui. »
Longtemps plébiscitées par les investisseurs, les SCPI à dominante "bureaux" sont désormais délaissées, ne rassemblant plus que 13 % des montants investis.
Deux tiers de la collecte vers les SCPI diversifiées
Ce sont les SCPI diversifiées qui dominent désormais le paysage, attirant à elles seules 69 % de la collecte brute du troisième trimestre. Elles devancent les SCPI à thématique "santé et éducation" (7 %), "logistique et locaux d’activité" (6 %), et "commerces" (3 %). Les SCPI "résidentiel" et "hôtels, tourisme, loisirs" représentent quant à elles respectivement 2 % et 1 % des souscriptions.
Christophe Inizan résume ainsi en quelques mots les difficultés structurelles du secteur : « Maîtriser la taille des véhicules a constitué un défi majeur en raison de la collecte exceptionnelle des dernières années. Cela a engendré un effet dilutif sur la performance et contraint les sociétés de gestion à acquérir des biens de plus en plus imposants. Or, ce sont précisément ces biens qui se sont avérés moins en phase avec les besoins des entreprises dans un contexte post-Covid ».
Un taux de distribution toujours attractif
Les SCPI sont, avant tout, des solutions de rendement. Elles offrent aux investisseurs l'opportunité d'accéder à des revenus réguliers en investissant dans des biens immobiliers. Sur ce point, ces véhicules d'investissement accomplissent leur mission avec efficacité.
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Des revenus annuels supérieurs à 4 %
La grande majorité des SCPI, même celles ayant traversé des périodes plus difficiles, ont su démontrer la remarquable résilience du secteur, affichant des taux de distribution stables : 4,52 % en 2023, après 4,53 % en 2022 et 4,45 % en 2021.
Les acomptes de distribution pour les trois premiers trimestres de 2024 laissent présager des niveaux similaires à ceux de l'année passée. Selon l'Aspim, « 35 % des SCPI du marché ont distribué, sur les trois premiers trimestres de 2024, le même montant que l'année précédente, 38 % ont augmenté l'acompte, tandis que 27 % l'ont diminué. » Rapporté au prix de référence au 1er janvier 2024, le taux de distribution moyen des SCPI, toutes catégories confondues, s'établit à 3,44 % sur les trois premiers trimestres de 2024, marquant ainsi une légère hausse par rapport à 2023 (3,25 %). Les taux de distribution varient, selon les SCPI, de 2,11 % à 8,82 %.

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La bonne dynamique des jeunes SCPI
Cependant, un bémol s'impose en ce qui concerne les SCPI les plus récentes. Il serait hasardeux de comparer les taux de rendement de nouvelles SCPI, qui n'ont jusqu'à présent collecté que quelques millions d'euros, à ceux de SCPI plus anciennes, dont les encours atteignent plusieurs centaines de millions d'euros.
Il est, en effet, fréquent que des SCPI en phase de lancement versent des dividendes initiaux particulièrement élevés, grâce à l'effet relutif d'un patrimoine en plein développement, dont les premiers loyers sont répartis sur un nombre encore limité de parts, du fait du délai de jouissance.
Les performances des plus jeunes SCPI ne sont pas nécessairement représentatives de leur rentabilité future. À long terme, leur rendement peut se normaliser en fonction de l’évolution de leur patrimoine et des contraintes du marché immobilier. Les SCPI récentes ont souvent une stratégie plus opportuniste et peuvent cibler des actifs avec un potentiel de valorisation rapide. Les SCPI plus anciennes, elles, privilégient la pérennité et la stabilité des revenus à travers une diversification plus large. Comparer leurs rendements sans prendre en compte ces différences pourrait donc conduire à une évaluation biaisée.
Vincent Lamotte insiste sur l'importance d'adopter une vision à long terme lorsqu'il s'agit d'investir dans l'immobilier. « Il est naturel que les véhicules d’investissement immobilier traversent des cycles, à l’image des actifs qu’ils détiennent. Tous les cycles ne leur sont pas favorables, mais sur le long terme, l’impact négatif d’une phase défavorable tend à s’estomper. Aujourd’hui, le marché est trop focalisé sur une vision court-termiste de l’investissement. Or, on n’achète pas une SCPI pour le court terme. »
Quelles perspectives pour 2025 ?
Les sociétés de gestion immobilière seraient-elles en train d’apercevoir la lumière au bout du tunnel ?
L’année 2025 pourrait marquer l’atterrissage tant attendu. Les marchés anticipent un "soft landing" porté par la baisse des taux directeurs. Autre bonne nouvelle, les revenus devraient se maintenir à un niveau intéressant à court et moyen terme, une opinion partagée par Jérôme Grumler, directeur général délégué de Sofidy : « Les rendements immobiliers devraient demeurer relativement stables dans les mois à venir. »
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Une situation économique qui interroge
Toutefois, la situation économique en Europe devra être surveillée de près, car une recrudescence des défaillances d’entreprises pourrait impacter significativement le secteur.
Si Jérôme Grumler estime que « le bas de cycle devrait perdurer encore un peu », il prévoit qu’en 2025, « il y aura matière à déployer des investissements dans des conditions très intéressantes ». Convaincu du potentiel du marché, il affirme même que « le moment est opportun pour investir ».
Les acteurs disposant de liquidités semblent effectivement profiter d’opportunités attractives. Nombre des acquisitions réalisées l’an passé ont été conclues à des taux de rendement immédiats supérieurs à ceux des années précédentes.
Christophe Inizan le confirme : « Les opportunités d’acquisition se concrétisent avec une décote importante sur de beaux actifs ».
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Des opportunités à saisir ?
Malgré les difficultés du marché, ce contexte favorable a permis le lancement de 14 nouvelles SCPI en 2024, portées par des tendances sociétales majeures telles que le développement du télétravail et l’impératif écologique. Ces SCPI se réinventent en ciblant des actifs adaptés à ces mutations : des immeubles mixtes situés en périphérie urbaine et des bâtiments à haute efficacité énergétique. Cette transformation s’accompagne d’une attractivité renouvelée, offrant des rendements potentiellement prometteurs.
Concernant le secteur du commerce, la disparition ou les difficultés de nombreuses enseignes d’habillement pèsent sur le taux d’occupation. Toutefois, l’indexation des loyers sur l’inflation pourrait compenser ces pertes en augmentant les revenus des SCPI détenant des emplacements premium, lesquels trouvent rapidement preneur.
L’avenir du marché immobilier semble donc s’orienter vers une phase de stabilisation et de renouveau, où les acteurs bien positionnés pourront tirer parti des nouvelles dynamiques en présence.
SCPI : une stratégie patrimoniale de long terme
Si le contexte récent a bousculé un grand nombre de SCPI, ce placement n’a en rien perdu ses atouts, bien au contraire. Les stratégies patrimoniales de long terme demeurent plus que jamais pertinentes.
Les SCPI constituent une solution d’investissement particulièrement attractive pour ceux qui souhaitent se constituer des revenus réguliers. La durée de détention recommandée est d’au moins dix ans. Ce placement s’adresse donc à ceux et celles qui cherchent à se procurer des compléments de revenus, notamment en vue de la retraite.
Notre approche repose sur une vision patrimoniale, favorisant soit l'effet de levier du crédit, soit le démembrement de propriété. Cette stratégie nous donne actuellement raison. Car cela permet aujourd’hui aux investisseurs d’atténuer l’impact de la baisse de valorisation de certains actifs.
En finançant l’acquisition par emprunt, l’investisseur bénéficie d’un double avantage : il se constitue un patrimoine à moindre effort – car le remboursement est assuré en partie par le versement de revenus distribués par la SCPI - tout en déduisant les intérêts d’emprunt des revenus fonciers perçus. Cette stratégie s’est révélée particulièrement intéressante durant la période de taux historiquement bas que nous avons connue entre 2014 et 2022.
L’achat en nue-propriété permet, quant à elle, de bénéficier d’une décote significative. L’investisseur renonçant temporairement aux loyers, qui reviennent intégralement à l’usufruitier. Toutefois, à l’issue de la période de démembrement, il récupère automatiquement la pleine propriété des parts et commence alors à percevoir l’ensemble des dividendes.
Conclusion
L’immobilier ne réagit pas avec la même rapidité que les marchés actions cotés. Lors de la crise du Covid, puis à l’annonce des premiers vaccins, les marchés financiers avaient retrouvé leur niveau d’avant-crise en à peine quelques semaines. Il en va tout autrement pour l’immobilier. Ce secteur évolue sur un temps long, contraint par des délais incompressibles inhérents aux transactions. Ainsi, le marché immobilier accuse systématiquement plusieurs mois de décalage avant de refléter pleinement les bouleversements économiques qui l’affectent.
Au cours des prochains mois, le marché des SCPI évoluera donc naturellement à deux vitesses. D’un côté, les acteurs disposant d’une forte capacité d’investissement, aptes à saisir les opportunités offertes par le marché. De l’autre, les SCPI ayant subi une forte décollecte ces derniers mois, qui mettront davantage de temps à retrouver leur équilibre.
Malgré ces disparités, les rendements attractifs de ce placement, la mutualisation des actifs et son potentiel de valorisation sur le très long terme demeurent autant d’arguments en faveur des SCPI.
Pour les investisseurs avertis, elles restent une option à considérer avec attention. En veillant, comme l’ont toujours préconisé les équipes de Scala Patrimoine, à diversifier ses positions entre plusieurs sociétés de gestion et stratégies d’investissement lorsque cela est possible. Cette approche permet de mutualiser les risques et d’atténuer l’impact d’une éventuelle baisse des valorisations, comme cela a pu être observé ces derniers mois.